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03062010_-_AAFCCIl y a parfois des albums qui sont difficiles à décrire, et par conséquent, difficiles à chroniquer. Lost en fait partie, assurément. Et pourtant, il ne s’agit là que du premier album d’un groupe crée en 2008, mais de toute évidence, ce groupe est composé de musiciens expérimentés, cela ne fait aucun doute. Musiciens qui tiennent d’ailleurs à garder secret leurs différents groupes respectifs –car An Autumn For Crippled Children n’est pas leur seul projet- pour que l’auditeur concentre son attention sur AASCC et sur rien d’autre les concernant.

Ce qui rend ce premier album si difficile à décrire avec des mots, n’est pas tant son registre –quoique…- que ce qu’il dégage et surtout, la façon dont les compos ont été conçues pour atteindre leur but. Concernant le registre, le groupe se place au carrefour de plusieurs styles, parmi lesquels une base Black Metal dépressive évidente, ayant de fortes propensions à tutoyer du Doom/Death tout en gardant une dimension fort progressive et à la limite de l’expérimental sur certains passages…bref, assez compliqué vous disais-je, à juste titre…

Pour tenter de faire court, je dirais que la force de Lost réside dans le fait que cet album est construit sur les émotions, un vivier d’émotions, qui s’emparent de l’auditeur dès les premières minutes. Il est question ici de désespoir, de haine, mais aussi et surtout de mélancolie. Mais attention ! La mise en musique de ces émotions est certes de nos jours une sorte de routine dans le milieu du Black Metal, j’en conviens. Avec AAFCC, ce n’est pas le cas. Le groupe sort déjà des sentiers battus dès son premier album, et ça, c’est très fort. Pas une seule fois Lost ne tombe dans l’écueil du larmoyant, du plaintif ou du dépressif qui plombe et qui donne envie d’apprendre les nœuds coulants au plus vite, non, pas une seule fois. L’album en son entier est à considérer comme l’objectivation d’un état d’esprit, d’une vision du monde découlant simplement sur un constat…we’re all crippled children…

L’atmosphère est pesante, presque étouffante dans les moments les plus « rageurs ». Lost suinte effectivement une mélancolie maladive, un spleen extrême, glauque et presque morbide, mais comme détaché de la réalité, perçu comme un constat dont les conséquences ont été tirées sous formes de morceaux de musique. Et le paradoxe dans tout cela, c’est que malgré tout, il ressort de ces neuf compos une beauté certaine, un quelque chose qui vous enserre et vous transporte, vous emporte dans un tourbillon d’émotions épais de plusieurs couches faites de guitares massives et denses, de clavier discret, de piano, et d’un chant dont on ne saurait trop dire si c’est la haine, le désespoir ou le besoin cathartique de faire ressortir tout ça en même temps qui en est à l’origine. Il n’est pas question d’abattement, comme c’est le cas avec certains albums qui vous plombent sévèrement le moral, au contraire Lost semble donner envie de combattre, d’aller au-delà, de se révolter. Lost EST la révolte intérieure qui nous anime tous à un moment ou un autre, il me semble.

Imaginez Xasthur -pour certaines ambiances et pour le registre vocal vif et arraché- ayant rencontré le Forgotten Tomb de la première période –pour l‘aspect dépression et mélancolie-, et ajoutez à cela une légère dose de Post Rock –pour le traitement des guitares, le côté aérien-. Passez tout cela au filtre d’un Doom/Death old school avec bonne dose de Black des années 90, et peut être serez vous en mesure d’imaginer ce que donne Lost…à peu près du moins.

Voilà un premier album assez impressionnant, monolithique, dense, touffu, mais également aérien par certains aspects (Cf. « Gaping Void of Silence »), un premier album qui ne souffre d’aucun défaut (surtout pas la production qui est tout simplement parfaite pour ce style !) et qui est à lui seul une expérience, si tant est qu’on fasse l’effort de l’écouter attentivement.

Un groupe à suivre de très près !

Sheol (08.5/10)

myspace.com/crippledchildren2009

A Sad Sadness Song – ATMF –  Murmur Promotion / 2010

Tracklist (50:24) : 1. To Set Sail to The Ends of The Earth  2. Tragedy Bleeds All Over The Lost  3. A Dire Faith  4. In Moonlight Blood Is Back  5. Ghost Light  6. An Autumn For Crippled Children  7. I Beg Thee Not to Spare Me  8. Gaping Void of Silence  9. Never Shall Be Again

 

Black Sun Aeon – Routa

27052010_-_BLA-Rou_0510Ce n’est pas un simple album que nous propose Tuomas Saukkonen pour son retour avec son projet personnel Black Sun Aeon formé en 2008, seulement un an et quelque après l’excellent Darkness walks beside me…non, un simple album aurait été bien trop simple pour ce stakhanoviste finlandais, multi instrumentiste impliqué dans divers groupes ou projets (notamment dans Before the dawn, très bon groupe de Death mélodique), qui décide donc pour épancher sa créativité et son inspiration, de nous gratifier d’un double album, basé sur un concept, pas très original certes, mais dont les musiciens tirent une inspiration sans limite : l’hiver, ici décliné sous deux formes différentes donnant lieu à deux albums différents. Pour résumer grossièrement, le premier disque Talviaamu (« Matin d’hiver ») tire son inspiration des matinées hivernales, alors que le second Talviyö (« Nuit d’hiver ») s’attarde sur les longues nuits d’hiver. 

Talviaamu

Ce premier des deux disques nous propose un Doom/Death somme toute classique, dans la droite lignée d’un Darkness walks beside me : mélodique, avec des rythmiques lentes en général –mais pas trop-, du growl guttural mais léger en même temps, du clavier omniprésent pour envelopper le tout et un chant clair magnifique et riche en émotions signé Mikko Heikillä de Sinamore, venu prêter main forte à Saukkonen qui par ailleurs fait absolument tout lui-même, hormis quelques menus détails (quelques guest viennent poser des lignes de chant, ou écrire les paroles de certains morceaux). 

"Talviaamu" manque certes par certains aspects de surprise, mais la qualité est tout de même au rendez vous, et Saukkonen prouve une fois de plus qu’il est un grand compositeur. Malgré quelques petits coups de mou (Cf. l’éponyme « Routa ») l’accroche est rapide car les morceaux sont efficaces et ont le mérite de retransmettre avec justesse les émotions inhérentes au sujet qui les a inspiré; l’auditeur se retrouve transporté en un lieu mental ou l’hiver est roi, et ou c’est le froid et la blancheur immaculée d’une neige tenace qui prédominent. Les lignes de chant clair de Mikko Heikillä jouent un grand rôle dans la qualité des compositions de ce premier disque, et les tirent à coup sûr vers le haut, en apportant ce quelque chose de cristallin et de fragile qu’évoquent les paysages enneigés avant que l’homme ne les salisse de ses pas : un ensemble qui dégage des sentiments proches de la tristesse et de la mélancolie. Routa vaut déjà le détour ne serait-ce que par cette première facette de l’hiver déclinée par Saukonnen. Passons maintenant au second disque…

Talviyö

Cette autre facette est étonnante en bien des points : le visage de Black Sun Aeon change du tout au tout, et Saukkonen nous a bien eu, sans que l’on s’y attende ! Les compos de cette seconde partie se concentrant sur la face obscure de l’hiver, le chant clair à quasiment disparu pour laisser place à des lignes de chant Dark, assurées par Saukonnen lui-même, proches d’un Black mélodique, alors le style en lui même a changé. D’un Doom/Death classique comme décrit plus haut, nous passons à un style plus rageur, qui s’en éloigne pour aller vers le Dark, et qui frôle même parfois le Black mélodique, avec des rythmiques plus soutenus, des vocaux plus agressifs, des riffs plus rapides, pour un ensemble bien plus sombre et plus direct, bref, plus rentre dedans, notamment au niveau du traitement du son, qui est moins raffiné et moins propre, en accord dirais-je avec le thème qui est ici la nuit hivernale, qui va donc de pair avec des émotions plus violentes et une aura plus ténébreuse. Sans pour autant être parfait, ce second disque est aussi agréable que le premier et se laisse écouter avec grand plaisir.
Portant son intérêt sur un thème devenu somme toute banal dans le milieu du Metal, Black Sun Aeon s’en tire tout de même très bien, et justifie avec brio la nécessité et l’intérêt de sortir deux albums au lieu d’un, tant les deux facettes de l’hiver explorées ici le sont d’une manière différente. De plus, le groupe évite intelligemment l’indigestion en nous proposant une durée agréable pour chaque disque. L’auditeur pourra donc écouter les deux à la suite sans ressentir la moindre lassitude.

Routa est donc un double album bicéphale intéressant, consistant et bien mené de bout en bout, nous proposant deux versants bien différents d’un même thème, sans pour autant perdre en qualité : preuve, une fois de plus, s’il en fallait, que Tuomas Saukonnen à un sacré talent !

Sheol (07.5/10)

www.myspace.com/aeonoftheblacksun

Cyclone Empire / 2010

Tracklist (79min) : Disc 1: Talviaamu 1. Core of winter 2. Frozen 3. Sorrowsong 4. Routa 5. Wreath of ice 6. Dead sun aeon 7. Cold Disc 2 : Talviyö 1. Funeral of world 2. River 3. Frozen kingdom 4. Wanderer 5. The beast 6. Silence 7. Apocalyptic reveries

Black Funeral – Vukolak

BlFuVKK042010Voilà maintenant près de vingt ans que Black Funeral reste fidèle à son Raw Black underground, « trve » jusqu’à la moelle. Vukolak ne va pas changer la donne, et ne déroge pas à la règle en remettant sur le tapis les même caractéristiques que d’habitude, à savoir une prod arrachée, très cradingue, une batterie limite, des guitares qui grésillent, pas propres, qui sonnent un peu comme si l’enregistreur était à court de batterie, et une voix hurlée qui fait froid dans le dos : un rendu « harsh », très brut de décoffrage, qui risque de faire vomir ceux qui sont amoureux des grosses prod bien clean et aseptisées… une prod qui est proche d’un album enregistré à l’arrache en conditions live.

Mais, ces caractéristiques sont prévisibles si l’on connait un minimum le groupe, et elles sont l’un des fondements majeurs de son style, l’auditeur qui s’aventure dans une écoute de Black Funeral doit donc considérer cela dès le départ, et avant même l’écoute dirais-je, comme un principe inébranlable à la base style du groupe, comme trait de caractère inhérent à sa personnalité. L’auditeur devra donc accepter cela sans discuter, ou passer son chemin, car fulminer sur une prod dégueu quand on parle de Black Funeral est à peu près aussi constructif que de pisser dans un violon.

Ces postulats étant posés et acceptés, il faut ensuite s’immerger dans l’œuvre…ou pas. En ce qui me concerne mes remarques au sujet de Waters of weeping sont encore valables : j’ai toujours du mal à entrer directement dans un album de Black Funeral, il me faut quelques écoutes, puis le « charme » opère sans que je sache vraiment pourquoi. D’ailleurs j’avoue que parler de « charme » est un paradoxe en soi, mais bon, certains grand ont bien fait leur succès en parlant du ciel qui était bleu comme une orange…
Au menu de cet album, je ne mettrais en relief aucun morceau en particulier, parce que je perçois –comme toujours avec ce groupe- Vukolak comme un ensemble homogène qui se veut attirant par ce qu’il dégage, et non parce qu’il contient des tubes. Tout comme Xasthur ou encore Leviathan, Black Funeral fait son succès avant toute chose par sa personnalité, ses caractéristiques – largement discutées plus haut-. Il est question d’ambiance à mon sens. On aime ou on déteste, point. Je conçois donc que le premier venu ne comprenne absolument pas ma note, mais ça m’en touche une sans faire bouger l’autre, comme dirait l’autre, car il est avant tout question de subjectivité ici –hé oui, plus qu’avec d’autres groupes ou d’autres styles, car si j’avais fait une chro objective, se basant donc naturellement sur les mouvances actuelles, je me serais contenté de dire que Vukolak est une bouse infâme enfermée dans une époque désuète voire révolue. Mais ce n’est pas le cas.- C’est pourquoi, à mon sens, celui qui aime Black Funeral, l’aimera coute que coute aussi longtemps qu’il ne changera pas de personnalité et de ligne de conduite, quel que soit l’album en question. 

Cela dit, bien que l’intro kitschissime –on dirait du Munruthel dans sa période « Dark ambiant philosophico mystique à deux balles » ne soit à pas à l’avantage de l’album, ce dernier n’est pas dénué de plages instrus et de samples intéressants renforçant la noirceur et le côté glacial des compos, (Cf. « Sanctum Wamphyri », «Wolfskin Essence» ), pour finir sur une outro qui fait oublier son antithèse foireuse. Aussi étrange que cela puisse paraitre au néophyte, ces petits détails rendent l’album parfaitement digeste et aéré. 

Vukolak , tout comme Waters of weeping, Ordog ou Az-I-Dahak, se place donc dans un ensemble, qui, à défaut d’être consensuel, est étrangement attirant. De la rage, de la noirceur, de la saleté, du dégout, de la misanthropie du minimalisme et du mysticisme, voilà ce que dégage Vukolak. Vous qui, malgré tout, vous aventurez dans ces eaux sombres et pestilentielles, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas à quoi vous attendre

Le principe d’ « attraction-répulsion », vous connaissez ?…

Sheol (07.5/10)

myspace.com/blackfuneral

Behemoth productions / 2010

Tracklist (41:52) : 1.Intro – Into the Ballinok Mountains II 2.Under the Black Caul 3.Undead Hunger 4.Impaled Fields 5.Shades Gather Among the Blood 6.Sanctum Wamphyri 7.Vukolak 8.Wolfskin Essence 9.The Moonlight Glittered Upon the Snow 10.Ars Upir Sabati 11.Ripping Through the Aura 12.Outro – Mors Omnipotens