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Menace Ruine – Alight in Ashes

Une fois n'est pas coutume, je vais commencer ma chronique par une anecdote.

Dimanche 17 Juin 2012 : Hellfest. Scène : la Valley.

Un véritable déluge de pluie et de décibels s'abat sur le festival. Le sol boueux tremble. Le public est massé sous la tente. En fait, c'est une foule compacte qui subit les agressions de Sunn 0))). Un viol auditif pour certains, qui préfèrent malgré tout se faire ramoner les conduits plutôt que d'être trempés. À quelques centimètres de moi, une espèce de colosse chevelu est en transe. Le mec n'écoute pas la « musique », il semble la vivre. Il brandit les bras en l'air. Genre l'envol du phénix. Je le regarde, fasciné et amusé, et me dit que putain, s'il arrive à ça sans LSD, c'est un sacré connard. Quelqu'un, devant lui, semble au contraire subir les assauts de la distorsion et, excédé, lâche un « Putain, mais c'est de la merde ». Contrarié par l'injustice de cette remarque, le colosse sort de sa transe et décroche une formidable droite au pékin. Le pauvre type recule d'un bon mètre, sonné, avant de disparaître dans le foule ; l'ayatollah en veste à patch, lui, reprend sa communion. Sans doute pensait-il que son action pleine de gloire lui ouvrirait les portes du Walhalla.

Mec, ta communication transcendantale avec Odin, je la baise. En 2010 j'ai fait convulser une meuf lors d'un rapport anal en écoutant In Vulva Infernum de Menace Ruine.

Car oui, Menace Ruine c'est un peu comme du Sunn 0))), mais où il se passe quelque chose. Le duo québécois formé en 2006 joue un black bruitiste et totalement dissonant. Expérimentations folles et occultisme médiéval avec des claviers ; une sorte de fin du monde. Le groupe nous offre cette année une nouvelle production : Alight in Ashes. L'album est particulièrement bien nommé. Le concept s'articule autours de la Salamandre, un animal qui selon la légende vit dans le feu. Et meurt une fois en même temps que celui-ci. Il y a quelque chose de cyclique chez Menace Ruine. La vie, la mort, la résurrection, et tout ça en musique. Quelque chose de religieux pour ceux qui trouvent que la Bible manque de dessins.

Quand l'album se lance, on est pris dans une lente agonie, angoissante, sordide. Le duo donne  toujours dans le même registre : une musique drone black, avec des touches de folk. Pour autant, cette cacophonie est parfaitement orchestrée. Le chaos s'ordonne par petites touches. L'ensemble se met en branle, les éléments se joignent dans une folle danse macabre. Le tout rythmé par Geneviève, la vocaliste. Le chant est clair, posé, mélodique en plein.

La Salamandre a aussi un symbolique en Alchimie. Ça tombe bien, Alight in Ashes est un parfait exemple en la matière. Le son est brut, agressif ; pourtant, il se transforme en or. On saisit les notes au vol, dans cette matière en fusion. Parler d'une chanson en particulier est difficile tant l'ensemble forme un canevas. En mettre une en avant c'est la sortir de son contexte. Comme dans une recette, l'équilibre est fragile. Les morceaux sont longs, ce qui renforce encore la difficulté de l'exercice. Mais à aucun moment l'ennui ne guette. Grisé par l'expérience le temps s'écoule, lentement. Certains trouveront ça difficile d'accès. Qu'ils prennent de la drogue. Non, je rigole, c'est mal.

Le groupe réussit, comme Necro Deathmort, Murmuüre et d'autres, à allier sonorités électroniques et distorsions apocalyptiques, et cela de façon totalement homogène. Même écrasé sous les guitares, chaque élément trouve sa place. Les percussion marquent la cadence, lentes, lourdes. On prend un plaisir à se laisser envahir par tout le spectre musical. Une mélancolie astrale. Aurore boréale. Le groupe évolue dans les étoiles. « Cup of Oblivion » en est un bon exemple. C'est la dernière piste de l'album, elle clôt parfaitement l'expérience et illustre assez bien ce petit traité d'alchimie.

Ymishima (07/10)

 

http://menaceruine.tumblr.com/

Profound Lore / 2012

Tracklist (60:00) : 1. Set Water To Flames 2. Salamandra 3. Burnt Offerings 4. Arsenikon (Faded In Discord) 5. Disease Of Fear 6. Cup Of Oblivion

Shining – Redefining Darkness

Avant même que je n'attaque la chronique de l'album on m'avait dit d'un ton prophétique : « Non mais tu sais, de toute façon quoique tu dises, personne ne va être d'accord ». Le problème c'est que sur ce coup, je ne suis même pas d'accord avec moi même. Enfin, pas d'accord avec mon double maléfique. Celui qui squatte ma tête et se manifeste dès que je baisse la garde. Avant d'en dire plus, un petit tour d'horizon s'impose.

Avec Redefining Darkness, Shining passe à une autre étape. La numérotation des albums est abandonnée, la pochette marque radicalement une rupture, simple, épurée. Et pourtant dès que le disque commence, on est replongé dans les premiers opus du groupe. Une batterie qui martèle le crâne sur un bord de trottoir, un riff agressif, un chant brutal. C'est hostile, c'est sombre, avec toutefois des passages où le chant clair introduit une atmosphère plus mélancolique, plus posée.  Une synthèse entre le Shining d'avant et celui de maintenant, ou un gros doigt d'honneur de Kvarforth aux fans ayatollahs qui se se bornent à refuser toute bousculade dans leurs habitudes. À vous de voir. Mais comment cela va-t-il tourner ? « The Ghastly Silence » apporte peut être un début de réponse. C'est l'un des rares points sur lequel mon double et moi-même sommes d'accord, c'est l'une des meilleures chansons de l'album. Avis totalement subjectif que vous ne partagerez pas. Une atmosphère vraiment particulière se dégage de cette chanson, qui allie parfaitement les moments durs et vifs avec des parties beaucoup plus aériennes et désarmantes. Un chant clair placé à merveille : « The ghastly silence spoke to me, cannot see, cannot cry and cannot smile…  ». Comme une petite voix dans un coin de ta tête. Cette chanson est pour nous le parfait exemple de la schizophrénie de l'album. Redefining Darkness est en permanence poussé par deux pulsions. L'une vers la lumière, l'autres vers la pénombre. La première est un désir de monter vers l'infini. L'autre une animalité, une joie de descendre. Et ce flux est juste ingérable. C'est comme si on essayait de saisir une bulle de savon, à peine capturée, déjà éclatée. La construction de l'album me pose un véritable problème. Parce qu'elle dérange. Parce qu'elle remplit peut être trop bien son rôle. Redefining Darkness est vraiment difficile d'accès. Les contrastes violents tranchent au cutter des sillons dans la peau. La diversité de l'album est une des clés. Mais paradoxalement, tout semble plus maîtrisé qu'avant. C'est le point sur lequel mon double et moi somme en désaccord. Moi je suis perdu. Lui se marre, regard en coin, sourire aux lèvres, et jubile.

Il ne s'agit pas de souligner la noirceur de l'album en forçant le trait sur les passages doux, mélodiques, non c'est plus pernicieux. On ne sait pas vraiment à quoi s'en tenir. Bienvenu dans un esprit torturé. Heureusement, « De Stora Gra » fait office d'interlude, au piano, lors des premières écoutes j'étais sceptique quant à l'utilité d'un tel morceau. Mais en fait, dès que la corde est passée autour du cou, c'est salutaire.

« For The God Below » conclut l'album magistralement, probablement le second morceau qui nous parle le plus. Le chant est encore une fois totalement maîtrisé, comme sur tout l'album, entre accès de rage et folie douce. Le tout servi par une composition vraiment très travaillée.
Niklas joue à merveille sur les ambiances ; que l'on approuve ou pas, c'est objectivement indéniable. Certes, c'était déjà le cas par le passé, mais j'ai l'impression d'être face à quelque chose de nouveau. Et c'est peut être ça aussi qui me surprend, je ne m'attendais pas à ressortir le rasoir. Les contours de la pénombre ont été retravaillés, mais le malaise est toujours permanent.

Comme je le disais sur cette chronique on était deux. Moi et Moi. Je suis tiraillé ; l'album me semble vraiment déroutant, alors que c'est peut-être ce qui fait toute sa substance. Il n'y a pas vraiment de clichés qui donnent envie de se flinguer, là tout de suite, tout est plus vicieux. Mon double me dit  que c'est le meilleur album depuis V – Halmstad, moi je ne sais pas. Vous n'allez pas être d'accord de toute façon. Ce qui est certain, c'est qu'une fois qu'on rentre dans le labyrinthe, en trouver la sortie est une galère. À moins de tailler les haies à la tronçonneuse en déclarant que « c'est de la merde », ce que certains ne manqueront pas de faire, je pense. Il n'y a pas de blanc ou de noir, on est dans une subtile nuance de gris. Alors pour la note, on fait comment nous hein ? En fait, l'album est objectivement suffisamment bon pour prétendre à un 8. Selon celui qui s'exprime dans ma tête, la différence est de plus ou moins un point. On est face à un putain  d'album, c'est le principal.

Ymishima (8/10)

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Spinefarm Records / 2012

Tracklist (41:01) 1. Du, Mitt Konstverk 2. The Ghastly Silence 3. Han Som Hatar Människan 4. Hail Darkness Hail 5. Det Stora Grå 6. For the God Below

 

The CNK – Révisionnisme

Après un long moment d'absence The CNK relance la machine à merde. À peine la teneur du projet dévoilée on pouvait déjà entendre les Ouin, ouin, ouin. Et vas y que « oh un album de reprise c'est naze », « mais moi je voulais de nouveaux morceaux ». Formidable. D'autant plus que cela avait été annoncé de longue date… Mais bon que voulez vous… Heureusement le groupe est rodé. Souvenez vous en 2002 déjà « C'est nul, on dirait de la techno ». Forcément au moment de dévoiler le nom et la couverture de l'album on pouvait s'attendre à rigoler. CNK s'est spécialisé dans le bon goût et surtout dans le mauvais. Le pari est putain de réussi. Il n'est pas nécessaire d'en dire plus, ça va peut être encore couiner, mais le rock 'n' roll et la France hein… Bon, les pisses froid, votre moment de gloire est passé. Vous n'allez pas aimer. Pour les autres, parlons musique.

Suite à l'expérience un brin traumatisante de l'Hymne à la joie, (oui… quand on se retrouve avec  des tonnes de pistes à mixer sur une seule chanson il y a de quoi devenir fou…) le groupe voulait renouer avec quelque chose de plus « simple ». Alors en bon branleur qu'ils sont, ils ont eu l'idée de faire des reprises. Ouais ça paraît facile comme ça. Mais l'exercice est vraiment compliqué. Surtout quand on voit la diversité des groupes choisis. Imagine une partouze géante avec Slayer, Leonard Cohen, Emperor, Rammstein, Beastie Boys… et beaucoup de drogue. Cela reflète totalement les influences de CNK. Seulement, faire sonner tout ce petit monde ensemble c'est un peu la conspiration de la poudre et le mur de flammes. Ça ne veut rien dire, mais ça a l'air cool.
Pour rendre l'exercice encore plus périlleux un certain nombre de guests se joignent à l'album. Snowy Shaw est le plus représenté, mais il y a aussi Swann de Blackrain, et Pills de Prime Sinister. On aime ou pas mais la démarche est intégrale, pas de demi-mesure.

Tous les éléments sont réunis pour que le révisionnisme soit de qualité. Et il est vrai que l'histoire qu'on nous présente est séduisante. La différence entre les morceaux orignaux et les reprises est digne de l'histoire racontée dans 1984 (Orwell). Mais il ne s'agit pas non plus d'une totale réécriture. Le groupe parvient à s'approprier les chansons sans les dénaturer. Elles demeurent reconnaissables  et respectent l'esprit qui les anime. Les émotions sont là, passées sous le filtre CNK.

« Sabotage » par exemple est un putain de morceau Hip Hop qui casse des bouches. La touche «  martiale  » apporte un gros coté badass. Un morceau à écouter à fond, vitres ouvertes, bouteille de bourbon sur le siège passager d'une Chevrolet. Où encore « Everybody Knows » à faire hurler dans le désert sur un couché de soleil. L'œil rivé sur l'horizon, en écrasant une larme. Car « everybody knows that the dice are loaded  ». J'y peux rien cette chanson me foutait déjà des frissons dans la bouche de Cohen. Il y a aussi des morceaux plus classiques tel que « Blood Is Thicker Than Water », probablement la reprise la plus proche de la chanson originale et pourtant pas la moins efficace. Pour ceux qui la trouve trop conventionnelle, une version alternative est présente sur le CD, vraiment plus typée erase and rewrite.

Il y en a pour tous les goûts, c'est l'avantage d'avoir une palette large en termes de genres. Cela ne se fait pas au détriment de la cohérence, aucune chanson ne semble être là «  par hasard  ». Même si certains pourront trouver l'écoute du disque d'une traite assez déroutante.

Du coté de la production, rien n'est à jeter. Que ça soit le gros compresseur pour jouer à Milan Fras aux boucles électro tout est maîtrisé, un son vraiment large.

Bon, le ministère de l'Amour me fait signe qu'il est temps de conclure. Tout va bien dans le meilleur des mondes, vous pouvez dormir tranquillement, CNK veille. L'album sera offert à tous les couples se mariant dans l'année de sa sortie. Non je déconne.
Compréhension, Déconstruction, Reconstruction. Voilà ce qu'il faut retenir. The CNK a utilisé des morceaux qu'ils connaissaient par cœur, qu'ils se sont appropriées, qu'ils ont refaçonnés. Un petit traité d'alchimie, une petite leçon. Certains groupes devraient prendre des notes.

Ymishima (7,5/10)

 

www.thecnk.org

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Autoproduction / 2012

Tracklist (50:03) 1.Gadd Ist Godd (Gary Glitter medley) 2.Sabotage (Beastie Boys) 3.You Could Be Mine (GNFR) 4. Everybody Knows (Leonard Cohen) 5. Blood Is Thicker Than Water (Impaled Nazarene) 6. Seasons In The Abyss (Slayer) 7. Too fast For Love (Mötley Crüe) 8. Weisses Fleisch (Rammstein) 9. Where The Wild Roses Grow (Nick Cave & The Bad Seeds) 10. I Am The Black Wizards (Emperor) 11. Blood Is Thicker Than Snow (Impaled Nazarene – alternate version).