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philipanselmo-wpowerEh oui, comme beaucoup d’entre nous, je n’ai pas pu échapper à cette nouvelle qui a secoué le monde du Metal sans la moindre note, ni le moindre décès. Vous l’aurez compris, nous allons parler de notre ami Phil Anselmo, un frontman de génie, toujours fourré dans les bons coups musicaux, mais aussi pas avare en déclarations sulfureuses et en controverses en tout genre. Cette fois, nous avons droit à, selon l’intéressé, une « inside joke mal comprise », un salut nazi et un bon vieux White Power lancé à la face du public lors du Dimebash.

Avant toute chose, et pour donner un peu de contexte, je suis un grand fan de Phil Anselmo, et sans une succession de concours de circonstances allant d’une maladie à la naissance de ma fille en passant par un apéro mémorable dont je n’ai plus le moindre souvenir au Hellfest 2010 si ce n’est que j’ai bu du pastis et mangé du chou-fleur cru pendant l’averse qui nous a arrosés de midi à 18 heures, j’aurais déjà pu m’extasier une bonne chiée de fois devant cet artiste hors normes. Ce gars est un génie sur le plan musical, tout ce qu’il a fait me colle un barreau indécent dans le slip et rien que de penser au riff d’entrée de « Five Minutes Alone », mon cœur s’emballe et une petite goutte de joie liquide perle sur mon gland.

Mais putain, cette énième provoc’ à la con nous rappelle aussi qu’avant d’être un artiste génial, Phil Anselmo est surtout un humain, avec toutes ses qualités et surtout ses défauts : redneck, bas du front, avec cette petite touche racisto-sexiste qui n’est peut-être pas réellement pensée (j’ai mes doutes, mais je laisse le bénéfice du doute), mais qui dérange quand même. C’est facile de déballer les plus grosses conneries au monde pour ensuite se rétracter, s’excuser et tout coller sur « l’humour », ou dire « mais vous avez pas tout le contexte, vous pouvez pas comprendre, White Power, c’est parce qu’on buvait du vin blanc, LOL ». Beh ouais, Philou, à chaque White Russian que je me suis enfilé au Summer Breeze, je faisais un petit salut nazi avec une faucille en main, et quand je pète dans ma voiture, je demande à tous mes passagers si personne n’est juif. C’est tellement fun. Je suis un joyeux drille et, avec un peu de contexte, tout le monde rirait de mes blagues douteuses…

Je ne vais pas pour autant boycotter l’artiste. Comme il le dit, il faut avoir le cuir un peu plus épais pour ne pas prendre tout au pied de la lettre et s’offusquer de la moindre déclaration… Mais il semble oublier qu’il y a une limite ténue entre l’humour (même noir) et le mauvais goût pur et simple, et qu’en tant que personnage public lors d’une performance en public, il était évident que quelqu’un filmerait ça, le posterait sur le web et déclencherait une énième polémique. J’aurais tellement préféré qu’il fasse parler de lui avec un nouveau projet musical qu’avec une blague même pas drôle…

Mais ce qui me gêne le plus, c’est ce raz-de-marée de personnes qui prennent la défense de Phil, qui banalisent ces propos (même s’ils n’étaient pas pensés et, je le répète, j’accorde le bénéfice du doute), une marée humaine face à quelques-uns qui ouvrent leur gueule pour dénoncer cette banalisation du racisme, cet « humour » qui n’en est pas et une écrasante majorité de gens qui ferment leur gueule. Je suis moins dérangé par l’auteur du geste que par cette foule silencieuse qui ne lève pas le doigt et s’en fout royalement…

 

Dans notre univers, il y avait quelques repères, immuables, des choses qui ne changeaient pas. Comme la position de la main de Lemmy Kilmister sur le manche de sa basse depuis 20 ans, disait cette bonne vieille blague pourrie qui me faisait sourire à chaque fois. Mais aujourd'hui, même avec toute la bonne volonté du monde, le sourire se fige quelque peu. Parce qu'avec le décès de Lemmy, c'est un de ces repères qui vient de disparaître.

Et pourtant, je n'ai pas été tendre avec lui depuis bien longtemps déjà. Entre albums qui n'apportaient plus rien (si ce n'est les petits coups de canif à la légende) et concerts de plus en plus laborieux, Motörhead agonisait à petit feu, suspendu au fil devenu bien fragile de la santé de son frontman. Mon dernier souvenir de Motörhead en live était le Fortarock 2013, avec un Lemmy usé jusqu'à la corde. "On achève bien les chevaux", avais-je dit alors à un pote présent à Nimègue.

Certes, je n'ai pas découvert Motörhead aussi tôt que certains de mes confrères. Je n'ai "que" 34 ans, un petit merdeux, en somme, qui n'était encore qu'une vague idée dans les couilles de son père quand Dieu crachait Ace Of Spades à la gueule du monde. J'ai donc raté l'âge d'or de ce groupe, et tous leurs albums sortis à partir de la date à laquelle je me suis intéressé à Motörhead sont anecdotiques face aux premiers opus. Et pourtant je connais Ace Of Spades (l'album entier, pas juste le titre éponyme) quasiment par coeur. Et malgré toutes les blagues et tout ce que j'ai pu dire de négatif sur Lemmy ces dernières années, je ressens un pincement au coeur. Peut-être même encore plus qu'au décès de Dio. Sacré coming out pour le fan de Black, de Death et de Grind que je suis. 

Lemmy ne jouait pas du Rock. Il incarnait le Rock comme très peu de personnes peuvent le faire. Avec lui, c'est une page qui se tourne. Avec lui, c'est une partie du Rock qui est morte. 

Für mich wird er unsterblich sein. Ein Mythos für die Ewigkeit. (c) Onkel Tom

Je dois parfois me torturer pendant des heures pour pondre 10 malheureuses lignes sur un nouvel album. Souvent parce que ledit album est quelconque, certes, voire médiocre. Ici, avec ce premier single de Lindemann, le projet de Till Lindemann (Rammstein) et Peter Tägtgren (Pain, Hypocrisy), j’ai l’impression que je pourrais écrire une page sur tout ce qui ne va pas avec ce morceau.

Par où commencer ?

Tout d’abord par le volet purement musical, confié à Peter Tägtgren, un musicien au talent indéniable, qui a su s’avérer convaincant dans trois genres différents (parce que beaucoup oublient que Peter a aussi joué dans « son » groupe de Black Metal, The Abyss, et que ce projet vaut le détour). Mis à part peut-être Catch 22 (et encore, je ne fais pas vraiment partie des détracteurs), Hypocrisy frôle le carton plein, et on peut en dire autant au sujet de Pain. Sur le papier, on pouvait donc s’attendre à quelque chose de solide. Hélas, « Praise Abort » est loin d’être aussi passionnant. Le refrain est loin d’être mémorable, le propos manque de punch (on est loin du rouleau compresseur teuton)… Sur ce plan, Lindemann peine à décoller, et si le premier titre choisi pour promouvoir l'album est si faible, on est en droit de s’inquiéter.

Cependant, Lindemann (le projet) est aussi le naufrage de Lindemann (le songwriter). Avec Rammstein, Till a fait des merveilles en matière de textes. Certes, d’aucuns me rappelleront « Te Quiero Puta » et « Pussy » dont le niveau était très proche de la ceinture, et je ne peux pas leur donner tort, mais le reste de la discographie de Rammstein comporte son lot de textes travaillés, recherchés, comme la relecture du conte Erlkönig sur le morceau « Dalai Lama » que l’on retrouve sur Reise, Reise. Même « Mein Teil » évitait l’écueil de la provoc stupide en jouant avec les mots (le double sens de « Er hat mich zum Fressen gerne » n’aura pas échappé à ceux qui maîtrisent la langue de Goethe). Et si Till est un si bon songwriter, c’est parce qu’il manie sa langue maternelle avec brio. Ici, le passage à l’anglais a sensiblement réduit son efficacité. Chanter en allemand ? Ce n’était vraisemblablement pas une option, le parallèle avec Rammstein aurait été encore plus facile à faire. « Praise Abort » verse dans la provoc facile, habilement emballée avec de gros moyens dans un clip qui ne laissera pas indifférent. Mais en grattant un peu, on ne peut pas ignorer la faiblesse de ce morceau sur le plan textuel aussi. Et pour ne rien arranger, l’accent de Till est loin d’être convaincant. Il parle anglais comme quelqu’un qui dirait « Ach, si mes ancêtres avaient été plus efficaces en 40, tout le monde parlerait allemand et je n’aurais pas dû apprendre cette langue de Yankees » (1)

« Praise Abort » est donc censé nous teaser, nous emballer jusqu’à la sortie de l’album programmée d’ici peu. Personnellement, ce titre suscite chez moi bien plus d’interrogations que d’attentes. Si tout l’album est du même tonneau, on pourra en conclure que 1. Till et Peter ont fait ce qu’ils voulaient, sans se soucier des modes, des tendances et des attentes et 2. cela risque de faire bien des déçus.  Mon impatience s’est muée en inquiétude. J’ai l’impression que je suis sur le point d’assister au premier faux-pas de deux géants qui, au final, ne seraient donc que deux colosses aux pieds d’argile.


(1) Vous ne rêvez pas, c’est un point Godwin parfaitement assumé, et je me déçois presque de l’avoir sorti si tard dans ce texte.