A l’origine supposé s’appeler « Fuck Them All », Kill’em All s’il est le premier album de Metallica, n’est pas la première réalisation du groupe, comme expliqué dans notre dossier.
Mustaine tout juste évincé pour un tas de raisons sur lesquels il est inutile de (re)venir polémiquer, laisse place au formidable Kirk Hammet et le nouveau line-up en profite donc pour enfanter « the » album, celui qui tue, celui qui renverra chez leurs mamans Judas Priest, Motorhead, Saxon et autre Venom, la fine fleur metallique de l’époque. En une poignée de notes, la vie des metalleux de l’époque (alors encore appelés « hardos ») va basculer. Celle de la musique avec.
S’il est difficile aujourd’hui (2010) de se rendre compte de l’impact d’un tel album, il y a deux solutions pour y remédier : premièrement, écouter ce qui se faisait à l’époque puis passer Kill’em All. Faites le test avec un album de Saxon ou de Motorhead, écoutez les en entier, puis passez cette merveille qu’est Kill’em All.
Qu’a donc cet album de si neuf ? Rien de moins que tout !
C’est pas une claque qu’on prend, c’est un baobab propulsé à la vitesse d’un TGV poursuivi comme l’enfer par Hetfield, déjà guitariste énorme, soutenu par une basse on ne peut plus solide, une batterie d’une puissance rarement égalée a cette époque, et de soli de guitares joués a une vitesse inouïe.
Deuxièmement, il « suffit » de lire les comptes rendus des gens de l’époque, pas un metalleux en 1983 n’avait entendu pareil déferlement musical, à l’exception des musiciens et des fans de ce qu’on appellera plus tard la « Thrash Bay Area ». Car il faut dès ici casser un mythe : « Kill’em All » est sans doute le premier « vrai » album Thrash de l’histoire, mais il ne l’a pas inventé pour autant, car à l’époque Exodus (d’où à d’ailleurs été « emprunté » Kirk), Slayer… tournaient déjà dans les club californiens. Mais c’est par une suite de concours de circonstances, et surtout d’un volonté sans faille de ces musiciens, que Metallica a su en premier s’imposer à la face, d’abord des metalleux, ensuite du monde. Qu’a donc cet album de si neuf ? Rien de moins que tout ! Vitesse, puissance, chants, solos de guitares ET de basse (!), batterie lourde… La liste pourrait encore continuer en matière de superlatif.
L’artwork est on ne peut plus explicatif sur ce qui vous attends : vous allez le prendre en pleine gueule, et ça va faire mal ! Si ça peux faire ricaner les p’tits jeunots aujourd’hui, aux oreilles dépucelées par le death ou le metalcore, tout ces groupes ne seraient rien aujourd’hui si en 1983 une bande d’adolescents boutonneux n’avaient eu envie de jouer vite et de crier a la place de chanter…
Cette bande, que tout le monde connaît aujourd’hui sous le nom de Metallica, s’est imposée avec cet album comme le fer de lance de cette nouvelle génération de métal « made in 80’s », non seulement grâce a un album sorti avant tout le monde, mais aussi grâce a un maîtrise technique que peu avaient à l’époque, et qu’encore moins auront avec l’évolution du groupe dans les années qui suivront.
Les pièces du dossier, titre après titre
L’album s’ouvre sur « Hit the Light », pour certains, ce n’était pas une nouveauté, puisqu’il été déjà sorti sur la compilation désormais mythique « Metal Massacre », ainsi que sur la démo « No Life Til Leather » mais ici, le son est meilleur, car réenregistré pour l’album. Classique encore jouée aujourd’hui et qui a systématiquement ouvert tous les shows du groupe pendant des années.
Intro fade-in, le riff du morceau ouvre un grand cri « WAW » d’Hetfield avant que tout le reste de la bande ouvre en grand les manettes. A cet instant, les mecs qui découvraient ça en 1983 ne devaient pas en croire leurs oreilles. Le refrain est taillé sur mesure pour être hurlé par la foule en concert, a peine terminé, il se fait suivre par un pont sous forme de mini solis d’Hammet, le couplet reprend, re-break, cassure de rythmique « hit the light, hit the light, hit the light », le jeune Hetfield hurle a plein poumon sa voix rauque, break batterie, ça repart… 2 minutes plus tard, re-break (encore !), ça se calme…on fait quelques emprunt d’accords à Queen (hé ouais !), et, dans ce qui deviendra typiquement du Metallica, la chanson repart de plus belle, sublimée encore par un solo du tout jeune Kirk, histoire de finir le morceau… Ouf. Ces structures, déjà élaborées, sans déjà avoir la complexité que l'on verra venir plus tard, deviendront avec le temps la marque de fabrique d’un groupe flirtant sans cesse avec le rock progressif, surtout avec l’influence grandissante de Cliff Burton (qui fera exploser son talent sur «Master of Puppet » quelques années plus tard, juste avant son décès tragique).
« The Four Horsemen » suit d’emblée en calmant peut-être un peu le jeu. Certains préféreront la version plus musclée que nous laissera Megadeth à travers « The Mecanix » (Mustaine étant en grande partie compositeur du morceau, il partira avec lors de son éviction forcée). Sans doute Cliff Burton posant sur ce morceau une ligne de basse démente de groove, d’ingéniosité, de technique (quartes, quintes, arpèges, progressions-ce démarrage a 3min45 est magique, harmoniques, … tout y passe) permet à mon sens de dire que la version de Metallica, si moins puissante et moins rageante que celle de Megadeth, reste un cran au dessus. Hetfield, qui « change » de voix sur chaque album (chose que je n’arrive toujours pas à expliquer, au delà de l’âge et de la technique, quelqu’un ne connaissant absolument pas le groupe jurerais à l’écoute des différents albums qu’ils y a au moins 3 chanteurs), est toujours aussi agressif. La reprise de violence juste avant 3 min permet d’entendre a grand cris de « Death, Delivrance for you, For sure, There is nothing you can do » toute la hargne, pour ne pas dire la haine, du groupe envers Mustaine, puisque c’est bien de la guerre Metallica-Megadeth dont il s’agit dans ces paroles.
Après moults changements d’accords, de tempos, de breaks, le groupe met un point d’honneur à terminer le morceau dans un rythme martial au bout de … 7 minutes ! Autre marque de fabrique du groupe, avec les cassures et les structures : la longueur des morceaux.
Avec « Motorbreath », Metallica écris l’un de ses titres les plus rapides. A grand coup de roulements en intro, puis de sorte de pré-blast accompagnés aux cymbales (le jeu très typique de Lars), Cliff et James envoient un gros riff hyper véloces, tandis qu’une fois de plus, Hammet ponctue le tout de soli rapides comme le vent. En « seulement » 3min08, c’est l’un des morceaux les plus hargneux mais aussi l’un des plus court de l’album, voir de l’histoire de Metallica.
« Jump in the Fire » n’est pas/plus du Thrash à proprement parler, c’est plus du Heavy « classique » à la sauce Metallica, avec surtout, un refrain imparable en live « So come on, Jump in the Fire ». Si Metallica va se construire assez vite une réputation de bête de scène, c’est en partie grâce a ces morceaux dont les refrains simples (mais pas simplistes) restaient en tête et permettaient a tout à chacun, anglophone ou non, de chanter (hurler ?) d’un bout a l’autre du concert.
Le temps de remettre ses cordes vocales de ces émotions que débarque un véritable ovni, à ma connaissance encore jamais égalé dans le metal, j’ai nommé « Anesthesia (Pulling Teeth) ». Héroïque morceau de basse, dont seule la batterie entre à la moitié, devenu mythique, la plupart (tous ?) des bassistes ayant un quelconque attrait pour le métal s’y sont cassé la tête, a défaut des doigts. Gorgé de distorsion, de wha-wha, de technique, le morceau impose non seulement le respect, mais aussi une marque de fabrique pour le bassiste, en plus du groupe, et fait partie intégrante de l’identité de l’album. « Kill’em All ? Ah oui, l’album avec le long solo de basse… ».
Le premier single que Metallica va sortir de son histoire, est « Whisplash » est un pur produit Thrash, ni plus, ni moins. Hetfield fait l’étalage de son talent de guitariste, tout comme Hammet (bien que sur cet album, celui-ci, pour citer les membres du groupe repris dans la biographie de Joel McIver « faisait plus preuve d’enthousiasme que de réelle maîtrise », mais a mon goût, il signe sur « Whisplash l’un de ces meilleurs soli, avec celui qui commence « No Remorse »).
« Phantom Lord » puis surtout « No Remorse », qui d’ailleurs flirte avec la vitesse atteinte sur « Whisplash » justement (sur la fin du morceau), se font fait images d’Epinal de la hargne atteinte sur l’album. Le solo de Kirk en intro de « No Remorse » est peut-être « bourré de fausses notes » pour citer l’un de mes amis guitaristes, il n’en est pas moins d’une férocité défiant tout concurrence pour l’époque, et que dire du chant d’Hetfield…La batterie de Lars, à défaut d’être un modèle de technique (quoi que, il se défend bien à plusieurs moments), reste d’une puissance de frappe qui fera sa principale caractéristique avec le temps et marquera du fer rouge la puissance que distille tout au long de l’écoute l’album « Kill’em All ».
Pour finir en beauté, Metallica nous envoie « Seek And Destroy », le morceau sans doute le plus joué par le groupe (y a-t-il seulement un concert ou les Met’s ne l’on pas interpreté ?), avec un refrain ultra connu par 98% du public en concert (j’offre les pourcents restant a ceux venus assister à une bête de foire, ça arrive, ou peut-être aux quelques kids venant fraîchement de découvrir « le monstre »). Ensuite, « Metal Militia », écrit par Mustaine également, achève tout le monde dans un grand bordel faisant passer Metallica et ses fans pour une armée en marche prête à tout faire peter sur son passage.
Avec un album pareil, Metallica n’était pas venu pour amuser la galerie, mais pour mettre un grand coup de pied dans le monde du Heavy Metal, et ça sera chose fait.
Il y a un avant et un après Kill’em All, pour citer Fisher de Celtic Frost (repris dans Que justice soit faite ! de Joel McIver, page 198) : « […] ils faisaient une musique unique, et Kill’em All a représenté une véritable innovation. Avec cet album, ils ont changé les règles du jour au lendemain ».
Que la messe soit dite, et que le métal extrême fasse sa grande entrée, Amen.
Poney (culte)
Megaforce / 1983
Tracklist : 01. Hit The Lights, 02. The Four Horsemen, 03. Motorbreath, 04. Jump In The Fire, 05. Anesthesia, 06. Whiplash, 07. Phantom Lord, 08. No Remorse, 09. Seek & Destroy, 10. Metal Militia