Après le pavé dans la mare qu’était Kill’em All, Metallica – histoire de montrer que ce n’était pas un one-shot – revient 18 mois plus tard avec ce qui reste souvent considéré comme leur meilleur album, en lutte avec Master Of Puppets, et plus largement comme un des meilleurs albums de thrash.
C’est un fait que les fans du genre attendaient le groupe au tournant : après avoir fait volé en éclats le metal des années 80’, Metallica (ainsi que tous leurs amis thrasheux) devait prouver que ce n’était pas un hasard, que le metal était bien en train d’évoluer vers plus de radicalité.
Avec « Fight Fire With Fire » pour ouvrir cette merveille d’album qu’est « Ride The Lightning », le groupe semble vouloir noyer le poisson en mettant en intro de la guitare acoustique, mais ce n’est que pour mieux faire débouler, avec toute la délicatesse des Panzer Division de Rommel, un des meilleurs riff jamais composés (a mon humble avis) par Metallica. « Fight Fire With Fire » porte à merveille son petit nom (« Combattre le feu par le feu ») et ravage tout sur son passage. C’est aussi l’un des morceaux les plus rapides jamais écrit par le groupe. Il est littéralement sublimé par les musiciens qui, déjà d’un bon niveau sur Kill’em All, se sont transformés en véritable maestros. James chante (enfin !), il a déjà atteint la précision chirurgicale qu’on lui reconnaîtra plus tard à la guitare, Lars s’est quelque peu émancipé d’un jeu certes puissant, mais académique – pour ne pas dire stéréotypé, Kirk – qui a pris quelques cours avec Satriani – maïtrise maintenant parfaitement ses soli. Et que dire de Cliff Burton ? Même s’il est a mon goût un peu trop discret dans le mix final de l’album (très puissant, et bien plus professionnel que pour « Kill’em All »), on ne peut douter que c’est certainement le meilleur musicien du groupe. Vu la qualité de ses acolytes, c’est dire le niveau.
Chef d'œuvre
Le groupe va se dépasser encore pour offrir un « Ride The Lightning » d’une énergie qui, après des centaines si pas des milliers d’écoutes, me donnent encore aujourd’hui la chaire de poule. Typiquement « Metallica », le morceau – à l’image du reste de l’album- se complexifie au niveau de la structure. Marque de fabrique du groupe, « Ride the Lightning » flirte avec la musique progressive (pour sa structure) tout en restant très Thrash Metal dans son approche aggressive. En 6 min 38, tout le meilleur du Heavy Metal – et de Metallica – y passe. Commençant pas une basse en slap tapé (assez rare chez Burton pour être signalé) accompagné par la lourdeur (au sens positif du terme) d’Ulrich, tandis que crient les guitares, déboule un riff plus lent mais plus lourd encore que « Fight Fire With Fire ». Quelques couplet-pont-refrain-pont-couplets plus loin, le morceau mute encore pour complètement changer de rythme avant de casser complément pour encore ralentir et voir Kirk amener l'un de ses soli les mieux réussi. Mélodique, précis, puissant, technique, entêtant, les mots manquent pour décrire l’évolution sur quelques mois du jeune guitariste. La rythmique n’est pas en reste, et quand on pense le solo se terminer, il repart de plus belle quand tout le groupe accélère a tout allure pour faire passer « Ride The Lightning » d’un morceau lent mais lourd à un foutu TGV sur fond de blast et de double pédales…Frisson garanti sur fond de « I don’t want to die » clamé par un James Hetfield au sommet de son art. Bien sur, le groupe n’oubliera pas d’encore casser le rythme pour reprendre le riff du début, histoire de bien montré qu’ils ne sont plus la pour écrire de simples morceaux « couplet-refrain-couplet ».
Déferlement de notes
Après un tel déferlement de notes, c’est au bord de la mort que vous entendez l’arrivée de « For Whom The Bell Tolls » (bon, d’accord, le truc sur la mort, c’était facile). Des cloches et une intro à la basse, basse gavée de distorsion et de pédale wha-wha bien entendu, à l’image de Cliff (allez voir les vidéos sur Internet, c’est incroyable). Sur fond d’un riff tranchant à la guitare, la basse de Burton entame, seule d’abord, le riff très Heavy du morceau, avant d’être rejoint par toute la bande. S’il ne constitue pas un morceau Thrash (ce qui est d’ailleurs une première dans les compos du groupe, dans l’ordre des albums), il n’en est pas moins un morceau d’une efficacité diabolique, au riff tranchant comme un couteau, alourdi une fois de plus par le jeu d’Ulrich, qui n’oublie jamais de mettre tout son poids dans ses baguettes quand il s’agit de martyriser les peaux de sa batterie. Le morceau, à la différence d’un « Ride The Lightning » est plutôt très simple, mais très direct. Les paroles sont claires, clamée par un James qui à ajouté la corde « excellent chanteur » à son arc déjà bien fourni (j’ai déjà cité et re-cité son jeu de guitare, n’oublions pas non plus que c’est un compositeur hors pair, un parolier d’exception –mais pas toujours-, et une véritable machine à riff (dixit Robert « Bob » Trujillo, bien des années plus tard, durant l'enregistrement de Death Magnetic).
« Fade to Black » est un chef d’œuvre. Que ça soit dit. Dès la sortie de l’album à la chaise électrique, le groupe s’est directement fait critiquer par ses premiers fans pour s’être sois disant vendu. Déjà, oui. Déjà en 1984, déjà sur son second album, Metallica est au cœur d’une controverse. Morceau trop calme (sic) pour certains, « Fade To Black » est a mon avis avant tout une véritable balade de musique metal. Le groupe ne tombe jamais dans la mièvrerie et prouve surtout qu’il est devenu déjà (aussi) mature. Ecouter consécutivement « Hit The Light » juste avant, par exemple, est révélateur du bond en avant immense fait par le groupe. Le chant de James dont j’ai déjà parlé plus haut est vraiment excellent, Kirk aussi, seul Lars montre peut-être ses premières limites en continuant son jeu, certes puissant et carré, mais tellement convenu et manquant de finesse pour un morceau plus calme. Si le batteur se montre à la hauteur sur les morceaux puissants, ce n’est pas pour briller sur ceux demandant un peu plus de subtilité dans le jeu…
« Trapped under Ice » est sans doute un petit bijou oublié. Peu joué par le groupe en live, peu connu des metalleux en dehors des fans, il est pourtant puissant et renoue sur cet album avec le thrash. Judicieusement placé, il ouvre la seconde face de l’album à l’époque des vynils, afin de relancer la machine a headbander après un morceau plus calme. S’il n’atteint pas la complexité du morceau « Ride The Lightning », si sa qualité d’ailleurs, il n’en reste pas moins un morceau vraiment efficace et je ne m’explique pas vraiment son désintérêt, tant du groupe que des fans.
Le morceau suivant « Escape » fait aussi partie de mes préférés. Prenant quelque peu ses distances avec le thrash, plus dans le refrain et le chant que dans le riff chirurgical du couplet, il simplifie aussi sa structure au simple couplet-refrain, en ajoutant juste un pont après le second refrain. Le refrain est un classique du genre, facile à retenir et très beau à la fois.
Arrive ensuite l’un des morceaux cultes de Metallica. Sans doute l’un de ses plus grands morceau, et pourtant pas l’un des plus connu hors des fans, j’ai nommé « Creeping Death » ! C’est un véritable hymne au thrash, puissant, rapide, le riff est carrément culte, les 4 musiciens se déchaînent et atteignent sans doute avec « The Call of Ktulu » leur meilleur niveau sur l’album. Le morceau se structure de manière plus complexe que ceux le précédent juste et joue dans la cours des « Ride The Lighning ». Qui n’a jamais chanté le « Die By My Hand » du grand pont au milieu du morceau, toujours très attendu du public qui aurait la chance d’être sur une date où « Creeping Death » fait partie de la setlist ? Qui n’a jamais « chanté » le riff terminant le morceau en live ? C’est typiquement sur ce genre de compositions que Ulrich montre tout son savoir faire, on à beau le décrier aujourd’hui, on ne peut nier son efficacité sur « Creeping Death ». Tirées des dix plaies d’Egypte, le thème et les paroles annoncent aussi tout doucement l’arrivée du grand parolier que sera James Hetfield. Paroles dont ont aura pas droit, au grand bonheur de tous, sur le dernier morceau de l’album, « Call Of Ktulu ».
Quel meilleur moyen que de finir un album que sur un instrumental qui déchire tout ? Quel putain de morceau ! Quelle bombe ! Je ne sais pas dans quel mesure « The Call of Ktulu » m’a fait aimé Metallica (que j’ai perso redécouvert avec S&M, et oui… faut avouer qu’avec tout l’orchestre derrière, ce morceau se sublimissime) ou m’a donné l’envie de devenir moi aussi musicien, mais ça a du vraiment faire pencher la balance.
Commençant par de simples arpèges (comme souvent chez Metallica), c’est à presque 9 minutes de folie, de changements de rythmes, de riff, d’intensités, d’ambiances et le tout sans parole que nous invite les Four Horseman. « The Call … », c’est beau à en pleurer, qu’on aime Lovecraft ou pas, qu’on aime le Heavy Metal ou pas, qu’on aime Metallica ou pas, ce morceau est un bijou, rien de moins, dans l’histoire de la musique.
Même Ulrich qui est limite à la ramasse sur « Fade To Black » se dépasse et place des tas de subtilités dans son jeu, entre contre temps, roulements, cymbales, son jeu aux pieds est excellent, à croire qu’il s’est mis au jazz juste pour ce morceau. Le roi dans ce titre, c’est tout de même encore une fois Cliff Burton qui n’a de cesse de placer des montées harmoniques, des notes aigues aiguisées par sa wha-wha, des slides, des tas de fill-in tous mieux trouvés les uns que les autres, le tout bien sur en faisant son job de bassiste et en asseyant une rythmique du tonnerre de Dieu, bref, la toute grande classe !
Sur Ride The lightning, tout est supérieur : la composition, les musiciens, le chant… Il faut le dire et le redire, car peu de groupe ont réussi en l’espace d’un an dans l’histoire de la musique à autant se sublimer. L’histoire montrera aussi malheureusement que le groupe fera l’extrême inverse plus tard, mais c’est pour une autre chronique… C’est aussi pour cette raison qu’il faut dire et re-dire qu’avec ce superbe album, annonçant le meilleur encore, Metallica a mené la barque du metal pendant des années, et à juste titre. Se focaliser sur St Anger ou Re-load, voir l’affaire « Napster » pour descendre Metallica en flèche est d’une bêtise sans nom, voir un mensonge intellectuel éhonté. S’il a été capable du pire, Metallica à aussi été capable du meilleur. A cette époque, il n’y avait déjà plus de place pour les autres, et si on ne parlait pas encore du « Big Four », il était clair que les maîtres en matière de thrash étaient bien Lars, James, Cliff et Kirk.
Poney (culte)
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Megaforce – Elektra Records / 1984
01.Fight Fire With Fire, 02.Ride the Lightning, 03.For Whom the Bell Tolls, 04.Fade to Black, 05.Trapped Under Ice, 06.Escape, 07.Creeping Death, 08.The Call of Ktulu