Steve Hogarth & Richard Barbieri, Paris – 20/01/2012
Posted by OshyryaFév 19
01. Quel est votre état d’esprit à quelques semaines de la sortie de Not The Weapon But The Hand ?
RB : Nous sommes heureux et excités. Il est normal de ressentir cela dans une certaine mesure à la sortie d’un nouvel album. C’est génial car nous voulions travailler ensemble depuis longtemps et c’est agréable de penser que cela va enfin être disponible pour tous.
SH : Oui, nous sommes très heureux du résultat, la façon dont le disque sonne. En tout cas de mon point de vue, nous avons enregistré l’album que j’espérais faire quand le projet est né et que nous avons commencé à en discuter. C’est très proche de ce que nous avions alors à l’esprit.
02. Revenons à l’origine du projet. Comment vous êtes-vous rencontrés et Richard quelle idée aviez-vous à l’esprit en contactant Steve ?
RB : J’aimais déjà beaucoup sa voix et ses paroles depuis bien longtemps et j’avais cette idée dans la tête. Le problème venait surtout de nos emplois du temps respectifs, nous sommes tous les deux très occupés avec nos groupes (NDLR : MARILLION & PORCUPINE TREE). Donc j’ai commencé à composer en ayant Steve à l’esprit, sans m’imposer de barrière ou de limite, en laissant mon esprit vagabonder, de façon presque inconsciente. Ces petits morceaux se sont progressivement développés, devenant alors petit à petit des compositions à part entière. J’ai alors envoyé ces ébauches, sous forme de fichiers mp3, l’une après l’autre à Steve et je l’ai laissé faire.
SH : Oui, je recevais des mp3 régulièrement, sur une période de 18 mois environ et je les écoutais dans mon quotidien, en conduisant ma voiture par exemple et je réfléchissais à ce que je pouvais en faire. J’ai finalement pu bénéficier d’un mois au calme sans autres activités en août 2011 et j’ai commencé à chanter sur ces chansons, à écrire, à ressortir des textes que j’avais rédigé précédemment pour les adapter à cette musique. La musique elle-même m’a parfois inspirée… Tout a pris corps finalement très vite une fois le processus enclenché. Et je suis très heureux du résultat. J’ai parfois essayé des choses assez radicales avec beaucoup de voix, beaucoup d’affectif mais il semble que cela fonctionne.
03. Comment la magie a-t-elle opérée entre vous ? Comment se sont mélangés vos univers respectifs ?
RB : Evidemment nous pensions, avant de commencer, que le mélange de nos deux univers serait bon. Nous étions confiant quant au résultat car nous aimons chacun ce que fait l’autre mais il reste toujours la peur que l’autre n’apprécie pas ce qui est proposé où que cela ne sonne pas juste. Mais heureusement nous n’avons pas eu à faire face à ce problème. Mais après réflexion le fait que j’envoie des mp3 à Steve, des fichiers définitifs à peut-être joué un rôle. Les fichiers ne pouvaient pas être édités et modifiés et cela évitait la tentation pur l’un de défaire le travail de l’autre. Et cela a marché.
SH : Je n’aurais pas voulu que cela se déroule d’une autre façon. Je ne voulais pas interférer avec ton art, je voulais travailler avec lui. J’ai fait très attention à ne pas franchir la ligne. Et si j’avais voulu modifier ton travail, j’aurais sans doute eu des difficultés à le comprendre. Ta façon de construire ta musique est tes arrangements me dépasse, honnêtement. Et j’aurais ainsi pu retirer un élément crucial sans même m’en rendre compte.
04. Avez-vous beaucoup discuté, échangé pendant la réalisation de cet album ?
SH : Non ce fut très naturel, mes paroles et sa musique et bam ! Tout était en place naturellement. Je chantais sur les instrumentaux, changeait la place des mots, la structure des phrases pour s’adapter à la chanson et à son rythme. L'utilisation d'une sourdine me permettait de souligner un mot en particulier sur les démos. Lors du mixage final nous avons essayé de conserver ces silences parfois très durs pour conserver l’identité de la chanson et de l’album en général.
05. J’ai fait de mon mieux mais sans succès. Que représente la pochette de l’album ?
SH : Tant mieux si vous ne reconnaissez pas de quoi il s’agit.
RB : C’est à toi de décider ce que cela représente. Cette image vient d’un photographe italien avec qui nous avons travaillé, Luigi Colasanti. C’est une de nos amis et presque un troisième membre du groupe dans un certain sens. Nous avons beaucoup de respect pour son art. Il a un grand talent pour magnifier l’objet le plus banal.
SH : en faire une photo que tu pourrais ensuite exposer dans une galerie d’art.
RB : oui, comme une peinture. Il a eu l’album presque terminé en main ainsi que le titre. Cela l’a inspiré et comme toujours il est revenu avec des propositions.
SH : Il nous a envoyé des dizaines de photos et nous avons choisi.
RB : Il travaille selon ses émotions, selon les réactions provoquées en lui par la musique.
06. Pensez-vous que ces projets solo bénéficient aussi, d’une façon ou d’une autre, au niveau artistique, à vos groupes respectifs MARILLION & PORCUPINE TREE ?
RB : Oui je pense que c’est positif pour nos groupes de pouvoir ainsi aller à l’extérieur et faire quelque chose de différent. Nous pouvons nous exprimer d’une autre façon. Nous pouvons ainsi revenir vers nos groupes avec un esprit frais. Et nous le faisons tous, les autres membres de nos groupes poursuivent d’autres aventures également de leur côté. Cette démarche est très saine. Cela apporte un plus à nos groupes.
SH: il serait intéressant d’étudier l’atmosphère au sein de nos groupes quand nous nous retrouvons après ces aventures personnelles pour travailler à nouveau tous ensemble, de voir l’impact que cela a pu avoir sur les sentiments et l’état d’esprit des uns et des autres. Chacun a pu vaquer à ses occupations
07. Même Mark Kelly !
SH: Oui même Mark Kelly qui n’avait jamais souhaité s’investir en dehors du groupe. RB : J’en parlais justement, il y a quelques semaines de cela, avec Steven (NDLR : Wilson) qui travaillait sur son projet solo. L’intérêt d’un groupe c’est le travail en commun, les équilibres qui se créent naturellement sinon cela ne sert à rien. Mais c’est une idée qu’il avait du mal à intégrer avant de d’assouvir ses besoins personnels de créativité.
08. Donc ces projets solos ne sont pas une nécessité pour contrebalancer la frustration générée par le processus de création collectif ?
SH : Bien évidemment, il s’agit là de la raison principale qui pousse les membres d’un groupe à créer des projets parallèles. Mais dans notre cas, je n’ai jamais considérer ce projet comme étant un album solo, simplement une opportunité rare de collaborer avec un musicien talentueux. Pas d’idée égoïste ici, juste l’envie de faire partie d’un projet que je savais être potentiellement exceptionnel.
09. Richard, il semble que votre destin soit de collaborer avec des artistes prénommés Steve. Comment l’expliquer vous ?
RB : Oui, bien qu’il y ait d’autres artistes dans ma vie musicale, cette coïncidence est bizarre.
SH : Nous devrions collaborer ensemble et faire un album titré « les 3 Steve ». Mais il y aurait du sang sur les murs (rires).
10. Avez-vous déjà dû faire face au syndrome de la page blanche ?
SH : Oui mais je suis très chanceux avec MARILLION car quand j’ai dû faire face à ce problème, j’ai pu prendre du temps, me reposer et retrouver progressivement l’état d’esprit adéquat sans avoir à forcer quoi que ce soit. J’ai le souvenir qu’une fois, et c’est la seule je crois, où j’ai vraiment dû me forcer pour une chanson, « I will walk on the water ». Cela fait longtemps. EMI est venu nous voir et nous ont dit qu’ils voulaient que nous enregistrions deux chansons pour un best of je crois. Nous sommes donc rentrés en studio avec Chris Kimsey et avons mis en boite « Sympathy », une reprise que nous voulions faire de toute façon et « I will walk on the water ». Il fallait vraiment écrire dans l’urgence et nous n’avons vraiment pas apprécié. Depuis ce temps nous avons essayé de ne jamais nous retrouver à nouveau dans cette situation. Je ne réponds pas bien à la pression, à ce moment-là je me ferme et c’est fini, la compétition ne m’intéresse pas.
RB : Je ne crois pas m’être retrouvé dans cette situation pour être honnête. Il est vrai que désormais nous pouvons prendre notre temps pour faire les choses et les arranger à notre manière. Mais effectivement parfois tu es en studio et tu dois fournir du matériel. Mais la plupart du temps j’improvise en studio donc cela ne change pas grand-chose. Il y a de la pression avec la présence des autres et du producteur. Chaque fois c’est une page blanche mais chaque fois j’ai pu proposer quelque chose. Je ne suis pas et ne pourrais pas être un musicien de session. Ce n’est pas ce que je suis. Pour cet album, je n’envoyais du matériel à Steve uniquement quand la page était pleine.
11. A l’écoute de l’album j’ai été frappé par sa dimension visuelle. L’auditeur ferme les yeux et se laisse emporter. Partagez-vous ce sentiment et cela était-il conscient de votre part ?
RB : L’auditeur doit trouver ses propres images et ses propres explications à l’écoute de ces compositions. Par exemple où cela vous-a-t-il mené ?
12. Vers d’étranges paysages…
RB: Exactement, d’étranges paysages. Vous avez choisi la toute première chose qui m’a inspiré pour la composition. Dans mon cas c’était l’Islande, j’imaginais ce drôle de terrain, car parfois être là-bas c’est comme être sur une autre planète avec des formes et des couleurs visibles nulle part ailleurs. C’est peu pour construire une chanson mais j’avais ce sentiment d’immensité, d’ouverture entre terre et ciel.
13. Quelle chanson avez-vous composé en premier ?
Il s’agit de « Red Kite » le titre d’ouverture. Ensuite de l’ai mise de côté et j’ai recommencé à composer l’esprit libre et ouvert en essayant un autre style…
SH : C’est également le premier titre pour lequel j’ai pu rassembler paroles et mélodie. Après l’avoir terminé, j’ai voulu la faire écouter à mes enfants qui ont été soufflés. Je ne savais pas à quoi m’attendre, le résultat était-il bon ? Ils ont adoré et cela m’a donné la confiance pour lui renvoyer le titre avec ma contribution. Mes enfants ont aimé, qu’en penses-tu ? Ayant pu apposer ma patte à cette première chanson, le reste du processus a été beaucoup plus simple, relax.
14. C’est assez étonnant car l’atmosphère général de l’album n’est pas très relax ni joyeuse. Le dernier titre (« Not the Weapon But The Hand ») donne une coloration assez sombre à l’ensemble. Votre dernière phrase est « the world is a safer place without your beautiful face».
SH: C’est en réalité la reprise d’une phrase de la chanson « Your Beautiful Face » qui parle d’une femme magnifique que j’ai connu il y a bien longtemps. Elle était très belle et elle se savait très belle et utilisait sa beauté comme une arme. Cela servait son ambition. Et l’année dernière, je suis tombé sur sa fille qui, 25 ans plus tard, est identique à sa mère mais avec une nature plus douce, moins calculatrice. C’est pour cela que je dis que ce n’est l’arme qui blesse et qui tue mais la main qui en fait usage. Sa mère a vieilli et son pouvoir a disparu avec sa beauté.
RB : Il m’a semblé intéressant d’avoir la chanson titre à la fin, comme un court énoncé justifiant le titre. Une petite touche à la fin à la place d’une composition ambitieuse et épique.
15. Les préventes sur vos sites sont très bonnes. Les 1000 premiers exemplaires dédicacés ont trouvé preneur. Quelles sont vos attentes ?
SH : Nous devrons signer ces albums la semaine prochaine, beaucoup de boulot en perspectives… (rires)
RB : Nous l’avons vraiment fait pour nous et nous n’avons aucune idée du potentiel commercial de l’album. Je ne sais pas. Nous voulions faire un geste pour les fans hardcore qui voulaient l’album un peu en avance. Nous espérons rentrer dans nos frais mais pour le reste, ce n’est pas une question d’argent mais espérons que le plus de gens possible auront l’opportunité d’écouter ce disque.
SH : C’est pourquoi nous avons décidé de laisser travailler l’album par un label. En ne le vendant qu’à travers nos sites web, nous aurions fait plus d’argent mais cela aurait limité sa diffusion qu’aux fans hardcore qui connaissent déjà et apprécient notre travail. Il sera dans les bacs des magasins et les gens pourront le découvrir.
16. Avez-vous le projet de jouer cet album sur scène ? Et envisagez-vous déjà une suite ?
RB : C’est trop tôt pour le dire. Nous retravaillerons forcément ensemble d’une façon ou d’une autre
SH : J’espère que cela arrivera mais pas immédiatement, laissons vivre celui-là d’abord. On verra dans quelques années.
RB : Nous aimerions pouvoir proposer cette musique sur scène mais il faudra d’abord trouver le temps et la bonne façon de le faire. Ce n’est pas si simple de jouer ces compositions live. Nous avons assez de matériel avec de disque et nos albums solo respectifs mais les chansons ont de nombreuses dimensions qu'il sera difficile de rendre sur scène. Comment rendre compte des couches d’orchestrations et des lignes de chant…
SH : Il faudrait être une trentaine sur scène et je ne crois pas que nous pourrons le financer à moins de trouver un sponsor généreux.
RB : Nous trouverons des solutions.
17. Quand vous avez commencé à jouer avec JAPAN ou THE EUROPEANS, espériez-vous sortir encore des albums et tourner dans le monde 30 ans plus tard ?
RB : Oui cela fait partie de nos rêves. D’abord on rêve de faire un concert puis on voit des affiches de son groupe dans la rue sur Piccadilly par exemple. Puis tu joues au Marquee et c’est fantastique. Les WHO ont joué là-bas, les STONES également. Des années plus tard tu foules les planches de l’Hammersmith Odeon et ainsi de suite… C’est incroyable.
SH : Oui et cela m’étonne encore de constater que je suis encore là à faire ce métier. Quand tu as 17 ou 22 ans et que tu montes un groupe, tu n’imagines même pas avoir 55 ans, tu penses être mort avant d’atteindre 55 ans. En tout cas c’est ce que je pensais.
RB : Ah je te croyais plus jeune que moi (rires)
SH : (rires) mais j'ai pris ce chiffre au hasard ! Quand j’ai commencé, le concept d’être dans la cinquantaine me paraissait être du domaine de l’impossible. J’aurai été terrifié de penser encore dormir dans une couchette de bus à mon âge. C’est fascinant de pouvoir encore vivre cela.
RB : Tout le sel de la vie vient de ces petits pas. Par exemple nous nous sommes produits à l’Albert Hall une très grande salle à Londres. Je n’ai jamais cru cela possible.
SH : Je suis très jaloux
RB : Ou le Radio City à New York, l’équivalent aux Etats-Unis avec une grande histoire. C’est dingue !
Et enfin "Le Quizz De Metal Chroniques" pour terminer cette interview:
01. Quelle est votre chanson préférée (tous artistes, époques,…) ?
RB : «God Only Knows» (THE BEACH BOYS)
SH : «Imagine» (JOHN LENNON)
02. Premier album acheté ?
RB : le premier album de ROXY MUSIC mais je ne suis pas sûr mais c’est trop beau pour être vrai
SH : A Hard Day's Night (THE BEATLES)
03. Dernier album acheté ?
RB : 50 Words for Snow de KATE BUSH
SH : Greatest Hits de ROBERT PALMER
04. Quel son ou bruit aimez-vous ?
RB : le petit jingle avant les annonces à l’aéroport Charles de Gaulle. Je ne sais pas si cela a changé. Et je l’ai utilisé pour un titre de JAPAN en le recréant. Il s’agit du titre «The Tenant» sur Obscure Alternatives. Cela m’obsédait.
SH : la pluie sur le toit.
05. Quel son ou bruit détestez-vous?
RB : Un réveil, la mélodie me déprime toujours.
SH : Mon garçon de 3 ans en train de pleurer.
06. Si le paradis existe, qu’aimeriez-vous entendre Dieu vous dire à votre arrivée ?
RB : Je ne crois ni en Dieu ni au Paradis mais si j’avais tort il pourrait me dire « tu n’y croyais pas et pourtant tu es là »
SH : « Tout va bien, tout le monde est là, tes parents t’attendent juste à côté d’ici »
Merci à Roger pour son aide.
Chronique de l'album ici
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