Exile Parade – Entretien avec Chris Owen
Interviewer un groupe de petits jeunes, ça n'est pas aussi facile qu'on pourrait le croire: il y a encore peu de données sur eux, donc peu de choses sur lesquelles rebondir. Quand en plus vous perdez votre liste de questions (oublié d'enregistrer le fichier!) et que vous vous en apercevez une heure avant de partir… c'est rude pour les nerfs. Quand en plus du en plus vous passez un examen important le lendemain, d'où un certain stress, ça n'aide pas la présence d'esprit pendant l'entretien! En tout cas, et malgré une journée plutôt longue, le guitariste est tout à fait ouvert et souriant: dévoiler son premier bébé (/album) au monde, c'est toujours très particulier!
MetalChroniques: Peux-tu présenter le groupe en quelques mots?
Chris Owen: Nous sommes Exile Parade, du nord-ouest de l'Angleterre, nous venons de sortir notre premier album Hit The Zoo avec 11 titres orientés sur les guitares, un chant puissant, des paroles intéressantes… j'espère que tout le monde sera d'accord avec ça!
M.: Et les membres du groupe, comment le groupe s'est monté etc.?
C. O.: Ca a commencé il y a 6 ou 7 ans, j'ai rencontré l'autre guitariste Phil [Hennessey] parce que nous jouions régulièrement au football ensemble. Nous avons fini par discuter ensemble, puis jouer ensemble, faire des boeufs, tout se passait bien! Nous étions trois à l'époque, avec Dave [Hennessey, bassiste et frère du précédent]. Nous avons essayé de prendre quelqu'un à la batterie, mais il n'était pas très bon. Enfin, il faisait ce qu'il pouvait: il avait un travail de nuit, et il arrivait qu'on ne le voie pas pendant trois, quatre semaines, jusqu'à ce qu'il y ait un concert. Et ça, ça n'est pas bon dans un groupe! Pendant ce temps nous avons trouvé notre chanteur, Lomax. Je l'avais vu chanter en jouant de la guitare acoustique, et je lui ai proposé de rejoindre notre groupe et il a fait quelques répétitions avec nous. Et enfin nous avons recruté notre nouveau batteur [Gary Mutch], après avoir passé des annonces dans des magazines: il en a vu une, nous a rejoints, les répétitions avec lui se sont très bien passées. Et voilà, nous sommes cinq; évidemment nous avons nos hauts et nos bas mais jusque là tout va bien, nous ne nous détestons pas encore! (rires)
M.: Autre question traditionnelle: quelles sont vos influences musicales?
C. O.: Je me suis intéressé à la musique dans le milieu ou la fin des années 90, c'est là que j'ai commencé à jouer de la guitare. J'écoutais mes « dieux », comme Oasis, ou les Beatles avec le double rouge et le double bleu [compilations, 1962-1966 pour la rouge, 1967-1970 pour la bleue], j'écoutais surtout les anciens titres, plus pop, comme « I Saw Her Standing There » ou « She Loves You ». J'étais aussi un grand fan de Led Zeppelin, je me souviens que j'écoutais Led Zeppelin IV, avec évidemment « Stairway To Heaven » mais aussi le dernier titre « When The Levee Breaks », avec la batterie… Ce sont mes plus grosses influences, après il y a aussi des groupes comme Nirvana ou le Velvet Underground. En ce moment j'adore un groupe qui s'appelle The Kills, ce que fait Jamie Hince [guitariste du dit groupe] à la guitare, les sons qu'il en tire. Nous sommes tous allés voir un de leurs concerts à Manchester il y a quelques mois, c'était géant. Voilà, j'en suis là en ce moment, il n'y a pas vraiment beaucoup de groupes récents que j'apprécie.
M.: Oui, vous avez l'air d'écouter beaucoup de musique, quite à ce qu'elle date un peu…
C. O.: Oui, et puis nous avons tous des phases, n'est-ce pas? En dehors des Kills j'aime beaucoup U2, mais j'écouterai surtout Joshua Tree en ce moment. C'est pareil avec tout, au bout d'un moment on se lasse, et ça faisait une éternité que je ne l'avais plus écouté à cause de ça. Et puis je l'ai ressorti récemment et… je me suis souvenu qu'il est très, très, très bon, pas étonnant que je l'ai autant écouté à l'époque! C'est comme quand on regarde une série, vous la regardez sans arrêt, ou du moins moi je le fais, et au final je finis par la détester… enfin on ne la déteste pas forcément, c'est juste que vous ne voulez plus la regarder parce que vous connaissez chaque réplique! Et puis vous y retournez 6 mois ou un an après, et vous faites: « nan, elle est vraiment bien. » (rires)
M.: On peut lire un peu partout que vous adorez Oasis, donc travailler avec Owen Morris [producteur des dits Oasis] a dû être comme un rêve devenu réalité, mais surtout, qu'est-ce qu'il a apporté à votre musique?
C. O.: Eh bien… il est juste fou! Et un des meilleurs producteurs au monde. Il était venu à un de nos concerts dans notre région, il nous a pris à part après, on a bu quelques verres ensemble et il nous a dit qu'il voulait nous enregistrer! Après quelques mois, le temps de récolter un peu d'argent, nous sommes entrés dans les Real World Studios à Box, les studios de Peter Gabriel. C'est un endroit absolument fantastique, avec un studio d'enregistrement immense que nous voulions utiliser. Parce qu'au début on va dans des petits studios, pour faire des démos, mais ils ne sont pas assez grands pour que la batterie et les guitares jouent ensemble: nous voulions vraiment pouvoir jouer comme un groupe, pouvoir « rebondir ». Nous avons fini par y aller, c'était génial, et quand nous avions fini d'enregistrer nous pécoutions Led Zeppelin ou les Beatles, par exemple je me souviens que nous avons écouté « Yellow Submarine » énormément de fois, très fort! C'est un très bon souvenir. Evidemment il nous arrivait de mal jouer, mais il savait nous motiver. Par exemple il lui arrivait de me dire: « ah ouais, tu me rappelles George Harrison et Jimmy Page! » (rires) Evidemment derrière ma tête je me disais: « Je sais que tu mens! Je sais que tu mens! Mais… tu dis quelque chose de bien! » Je me sentais bien grâce à ça.
M.: Et on dirait qu'enregistrer cet album vous a pris beaucoup plus de temps que prévu?
C. O.: Eh bien, quand nous sommes allés aux Real World Studios nous avons enregistré une demi-douzaine de chansons, et on avait de plutôt bons retours dessus. Et puis le temps est passé, et nous avons réalisé que certaines des chansons que nous avions enregistrées n'étaient pas assez bonnes. Alors nous en avons écrites d'autres, et elles sont encore pires (rires). Nous les avons envoyées à Owen et il nous a répondu: « non, je n'enregistre pas ça. » Au bout de 18 mois ou 2 ans, nous avions enfin 5 ou 6 autres chansons et nous sommes allés aux Monnow Valley Studios dans le Pays de Galles. Encore une fois, ce fut une expérience très intense, nous avons enregistré tous nos nouveaux titres, je crois qu'il y en avait 7 ou 8. Et quand nous allions partir après tout ce long travail, nous étions tous dans un état un peu second à cause du manque de sommeil, et ils nous ont annoncé que ça coûtait tant. Nous leur avons répondu que notre management devait s'en occuper, mais ils n'avaient rien reçu, notre ancien management d'ailleurs, et en fait il refusait de payer pour nous. Or nous ne pouvions pas quitter le studio avec les masters sans payer la location, on nous avait envoyés là sans argent alors que c'était des studios à plusieurs milliers de livres par jour, nous voulions les meilleurs studios au monde.
Il nous a fallu peut-être 2 ans pour payer cette somme et récupérer ces titres, revenir au monde réel économiser notre propre argent et retourner avec un certain Marco Migliari, il a déjà travaillé avec Kelly Jones des Stereophonics par exemple. Et il avait travaillé comme ingénieur son sur nos premiers enregistrement, si bien qu'il nous connaissait, il connaissait notre son. Nous avons fait les 4 dernières chansons à ce moment-là. Mais même là l'album n'a pas été fini en une semaine, il nous a fallu encore 4 ou 5 semaines. Mais voilà, nous avons dû tout financer nous-même au final, c'est pour ça que ça a pris 3 ou 4 ans. En fait avant de revenir au monde réel avec Marco, nous allions pas dans des studios moins chers, et quand on en sortait le son restait « léger » [ou « cheap » en anglais, littéralement « moins cher », souvent synonyme de « pas très bonne qualité »]. Je me souviens de quelqu'un qui me disait: « vous avez un son qui coûte! », parce que ça fait comme un grand mur de son, et il faut un grand studio d'enregistrement pour faire ça, vous ne pouvez pas le faire dans un petit studio. Mais nous sommes retournés vers Marco pour qu'il mixe ça, parce qu'il nous connaît, et au final on a l'impression que ça a été enregistré en deux semaines.
M.: Il est certain que vous sonnez comme un « groupe de rock anglais indépendant », mais vous aimez aussi expérimenter ici et là?
C. O.: Oui, mais c'est juste un processus naturel, en fait nous jouons sur l'album comme nous le ferions en concert, il n'y a rien de particulièrement réfléchi. Evidemment il y a quelques retouches pour corriger les erreurs, mais ça s'arrête là! Mais les idées se développent naturellement, il suffit d'acheter un instrument bizarre, essayer d'en jouer, un son bizarre en sort, puis un accord, ensuite vous essayez de mettre de la batterie à des endroits différents… Par exemple avec Marco on a travaillé beaucoup de détails, en rajoutant des cymbales au hasard, en jouant avec des pédales d'effets, des choses comme ça. On arrivait en lui disant: « oh Marco, j'ai trouvé un nouveau truc, est-ce qu'on peut l'essayer comme ça? », il le branchait, et c'était parti. Mais ça reste naturel, c'est juste jouer de la musique au final, même si ça peut nous donner ce côté un peu plus expérimental. Et ça sera certainement comme ça jusqu'à ce qu'on finisse par faire un album entièrement acoustique ou ce genre! (rires)
M.: Peut-être un jour?
C. O.: Oui, parmi les 17 000 qui existent déjà! (rires)
M.: Pourtant, même si chaque chanson a son petit côté expérimental à elle, sur la dernière chanson, « Shadows », c'est vraiment très, très, très expérimental: Pensez-vous qu'à l'avenir vous resterez sur quelque chose d'assez léger comme ça, ou allez-vous plutôt aller dans la direction du « toujours plus », comme sur « Shadows »?
C. O.: Je ne sais pas vraiment. Pour être honnête, ça ne sera peut-être pas aussi extrême que sur « Shadows », mais quand même l'aspect principal de notre musique et de la musique en général, à mon sens en tout cas, c'est la mélodie. Il faut une mélodie dans une chanson, dans la voix, dans les guitares, dans l'accompagnement sur le refrain, toutes ces choses. Mais oui, ça peut devenir un peu plus expérimental que ce qu'il y a déjà sur l'album, pour évoquer des scènes, des choses comme ça. Mais il y aura toujours des chansons sans tous ces mélanges, nous ne cherchons pas à créer comme une révolution avec chaque chanson, ça n'est pas pour nous. Pas encore en tout cas, mais qui sait?
M.: Malgré tout, vous l'avez fait pour une chanson!
C. O.: Oui, oui, ça suffit sans doute! (rires)
M.: Même si ça n'est que votre premier album, vous avez déjà sorti beaucoup de vidéos je crois?
C. O.: Oui, c'est quelque chose qui nous a toujours intéressé, faire des vidéos. Nous venons de finir « Movie Maker », avec celui qui avait déjà fait « Hello Blue », et c'est quelqu'un chose qu'on aime bien faire. C'est une autre forme d'art après tout, et nous sommes tous des gens créatifs.
M.: Ce qui est surprenant en fait, c'est que ça donne l'impression que vous vous intéressez d'abord aux vidéos, et l'album ou la sortie studio vient en second. Comme si la vidéo était plus importante que l'album?
C. O.: Ma foi, je suppose qu'avec tout ce qui s'est passé avec la sortie de l'album nous avons surtout cherché un moyen pour imprimer notre nom dans l'esprit des gens. Surtout que de nos jours, les gens regardent beaucoup plus de vidéos, il n'y a plus tant de gens que ça qui s'assoient pour écouter un album. C'est pour ça que le visuel est important, je pense que c'est pour ça que nous nous sommes impliqués là-dedans.
M.: En parlant de visuel… qu'est-ce que c'est que cette photo bizarroïde sur la pochette de l'album? Qu'est-ce qu'elle est censée représentée?
[Bon, ça fait partie des questions posées de manière plus sèche que prévu, à la base c’était plus dans l’esprit: « les groupes anglais ont un sens esthétique assez particulier, il n’y a qu’à voir Coldplay, on les repère facilement grâce à ça d’ailleurs… vous avez voulu revendiquer votre côté britannique sur cette couverture si particulière? » Ce qui n’est pas forcément mieux d’ailleurs… mais la fatigue, le stress, et les machins-bidules!]
C. O.: L'explication évidente serait de dire que c'est un lien avec le titre de l'album, Hit The Zoo, à combattre un animal sauvage. Mais ça n'est pas une simple image faite pour marquer les gens. Quand on sort un album, surtout quand c'est votre premier album et que personne ne connaît votre nom, il faut bondir hors de la masse, et si on avait pu se l'offrir ça serait en 3D pour vraiment vous sauter au visage. Mais oui, c'est aussi une traduction littérale de « Hit The Zoo », même si on peut aussi voir les choses différemment. C'est ça qui est intéressant avec la musique après tout, ou avec n'importe quel art, et même si je ne sais pas dans quelle mesure nous pratiquons « de l'art »: quelqu'un peut crier au génie et dire que c'est fantastique, alors que son voisin aura tendance à ne pas être d'accord! (rires)
M.: En parcourant diverses interviews, vous paraissez très fiers de votre musique [d’ailleurs sa modestie affichée lors de cette interview m’a surprise? Ou sinon les rédacteurs aiment sélectionner les passages où ils se vantent!], n'avez-vous pas peur que les gens perçoivent ça de manière négative?
C. O.: Il est nécessaire d'avoir confiance dans ce que vous faites? Parce que si ça n'est pas le cas, qui d'autre va y croire? Ca n'est pas non plus parce que c'est notre musique que nous la soutenons autant, honnêtement si un autre groupe la faisait nous serions les premiers à dire que c'est génial. Mais heureusement pour nous, nous la faisons! Nous adorons faire ça, ça nous prend beaucoup de temps et d'argent. Mais si quelqu'un veut dire que ça ne vaut rien [censure powered], fais-toi plaisir… ou permets-moi de t'en mettre une? (rires) Mais sérieusement, c'est juste une histoire d'opinions, ayez juste la gentillesse de rester loin de nous! (rires)
M.: Est-ce que c'est moi ou est-ce qu'une note [un do ce me semble] est très légèrement grave sur « Astronauts »? Est-ce volontaire [de la part du groupe]? [Il est absolument certain que cette note est un tout petit poil grave, même si tout à fait juste; il s’agit surtout de savoir si c’est un choix du violoncelliste ou du groupe.]
C. O.: Eh bien, comme je l'ai déjà dit, il peut y avoir quelques erreurs, et comme ça passait bien on les a gardées.
M.: Je ne suis pas sure que ça soit une erreur pour être honnête!
C. O.: Non mais même, ce genre de petites choses arrivent, sinon il n'y aurait plus que de la pop manufacturée à l'ordinateur, avec un timing parfait à chaque fois etc. Il n'y avait rien de particulièrement délibéré avec ça, c'est des humains faisant de la musique, pas des ordinateurs. Mais je la réécouterai, je vérifierai!
M.: Non mais ça amplifie le côté mélancolique de la chanson, peut-être que c'est juste le violoncelliste qui l'a fait volontairement! Parce que c'est toujours la même note et la même manière de la jouer.
C. O.: On ne sait jamais!
M.: Quelque chose que tu souhaites dire mais je n'ai pas demandé, ou un dernier mot pour nos lecteurs?
C. O.: Puisque vous lisez ces lignes, jetez une oreille à l'album, et si vous l'aimez venez nous voir quand nous passerons dans le coin? C'est tout. Et si vous n'aimez pas, restez en dehors de notre chemin! (rires)
– Propos receuillis par Polochon le 28 février 2012.
Chronique de Hit The Zoo d'Exile Parade.-