Archive for septembre, 2012

Wormfood – Decade(nt)

Wormfood est une sorte de Monsieur Loyal de la (F)rance en fin de course dans le grand cirque de la vie. Le paysage musical français, lui n'est qu'une petite fête foraine triste. Seules quelques attractions méritent le détour ; le reste est un babil immonde pour petits débiles. Alors quand dans une tente à l'atmosphère poisseuse, on offre du spectacle depuis onze années, moi je fonce. À l'intérieur un Monsieur Loyal en redingote exhibe un fœtus difforme dans un bocal de formol. Le premier rejeton du groupe, « Eponym ». La légende prétendait qu'il existait, mais il demeurait introuvable. C'est alors que Monsieur Loyal ouvre le pot et en sort le petit être qui comme par miracle reprend vie. L'instant d'après, on est projeté dans une chute en avant. Se retrouvent alors réunis pour le meilleur et pour le pire, le cabinet de curiosité, la maison close et la fumerie d'opium. Souffrez, je vous guide.

L'intro d'Eponym c’est le nougat miraculeux ! Une madeleine de Proust personnelle. En effet les samples qui agrémentent « Carpathian Carousel » proviennent de « Roller Coaster Tycoon », un jeu vidéo que j'ai usé étant gosse. Mais le voyage dans le temps ne fait que commencer.  Eponym nous ramène en 2003, bien avant que Wormfood ne change de direction. Voire même bien avant que Wormfood ne trouve véritablement son style. Pour moi qui ai découvert le groupe avec son second album « France », c'est une véritable malle ancienne qui renferme milles trésors. Ainsi «Human Circus»  ou « The Dead Bury the Dead » nous livrent le secret de certains élément réutilisés plus tard dans France. Mais la malle ne contient pas que des trésors. Elle déborde de choses sordides. Les guitares frappent d'un son brut de décoffrage, la batterie est hystérique comme un Klaus Kinski dans ses grandes heures de fureur. Au milieu de cette déferlante « Grandpa’s Remission » permet de respirer un peu – mais uniquement sous un respirateur artificiel et pas pour longtemps. La folie reprend de plus belle. On finit totalement sourd, et «Acouphène» achève ce qui restait de sain chez moi. Certains diront qu'un manque de maturité est palpable. Divagations de petites filles surpassées ? Non pas totalement, mais Wormfood est comme le vin. La bonification est venue avec le temps.
Et comme Décade(nt) est une rétrospective, il nous donne l'occasion de le vérifier immédiatement. En plus de la réédition d'Eponym, un live enregistré au Blast Fest 2005 et deux reprises viennent parachever l'ensemble. On a bien avancé sur la route maudite: 2005, France vient tout juste de paraître, la setlist du concert se compose donc intégralement de nouveaux morceaux. C'est la grande symphonie en schizophrénie majeure. La décadence ne triomphe qu'en pleine gangrène.
On retrouve « TEGBM », « le Miroir de chair », « le vieux pédophile ». Je ne reviens pas sur ces morceaux, cet album est un monument, un colosse qui danse la gigue. Alors chhhhht, profite mon grand, profite. Ce n'est pas tous les jours qu'un groupe de taille restreinte peut se permettre de sortir un enregistrement live.

Puis cerise sur le gâteau, ou au fond du verre de Martini, comme vous préférez arrivent les reprises.
« Femme Chrétienne » tout d'abord. Une cover de « Christian Woman ». La boucle est bouclée: Emmanuel « El Worm » Lévy nous propose sur cd sa vision d'une chanson de Type O Negative, une influence majeure. On se sent tout de suite plus proche de Posthume, dernier album en date. L'ambiance y est à la fois pesante et aérienne; on navigue dans une tension permanente. Emmanuel montre tout son talent au chant. La mémoire de Peter Steele est honorée d'une manière admirable.
Pour clôturer Décade(nt), quoi de mieux que « La Décadanse » de Gainsbourg ? Le registre est différent, mais l'ambiance toujours prenante. Encore une fois, le groupe prouve qu'il est capable d'évoluer dans des registres extrêmement variés.
Que dire pour conclure, sinon que: la décadence, c’est maintenant. Tout comme le diable, elle vous susurre à l’oreille: je suis le progrès ; je suis la modernité ; je suis la séduction. Comment résister ? Achetez ce disque, en riant. Fête pour l’Esprit ! Bonne chère ! Table joyeuse ! Verve pétille ! La crise ? Vous n’y pensez pas, morfondu ! Mousse champagne ! Et facéties !

Ymishima (08/10)

http://www.wormfood.fr/

http://www.myspace.com/wormfood

Apathia Records / 2012

Tracklist (1:20:00) : 1. Carpathian Carousel 2. Human Circus 3. Abortion Exit 4. Grandpa's Remission 5.  The Night of the Elderly 6.  Hunger Anger 7.  Schlachthaus 8.  Licking the Bones 9.  The Dead Bury The Dead 10.  Acouphène 11.  Intro 12 .Bum Fight 13.  TEGBM 14.  Miroir de Chair 15.  Comptine 16.  Vieux Pédophile 17.  Femme Chrétienne (Christian Woman – Type O Negative cover) 18.  La Décadanse (Serge Gainsbourg cover)

 

Eclipse – Bleed And Scream

Eclipse est en activité par intermittence, quand son chanteur, guitariste et leader Erik Martenson est au repos, entre des exercices de composition ou d'interprétation pour différents projets et groupes de Frontiers tels  First Signal ou W.E.T. Quatre ans après un plutôt convaincant Are You Ready To Rock, Eclipse est de retour avec ce tonitruant Bleed And Scream qui porte fort bien son nom. Peut-être que le fait de composer des morceaux assez calibrés Hard FM a créé un besoin chez Erik Martenson car à l'écoute du bolide « Wake Me Up », on a franchement l'impression que le groupe  a passé une ou deux vitesses. Les influences mélodiques sont ici beaucoup moins présentes, le groupe prenant une tournant nettemment plus heavy à grand renfort de double grosse caisse, de guitares nerveuses et de mélodies vocales très enlevées, et ce notamment grace à une production très puissante et très dynamique rare pour un groupe n'ayant pas non plus d'énormes moyens.

Maid Eclipse n'est pas devenu un groupe de heavy classique comme en témoignent le très beau refrain du single « Bleed And Scream » ou la belle ballade « Bitter Taste ».  Le sommet de l'album dans ce registre est sans doute « SOS » et ses lignes vocales irrésistibles qui indiquent les énormes progrès faits par Martenson. Un Martenson totalement bluffant, à l'image du soliste Magnus Henrikson, très à l'aise dans un registre alliant vélocité technique et feeling fougueux, un peu à la John Sykes. Dans ce contexte, les claviers de Johan Berlin sont un peu au second plan sans qu'on en ressente le moindre regret. 

Cette fusion entre hard mélodique et heavy contemporain serait presque parfaite si l'album ne contenait quelques titres légèrement en deçà de la qualité globale (« Falling Down » ou « About To Break »). On y sent un Martenson parfois un peu paresseux sur ses mélodies vocales, se réfugiant un peu derrière sa technique. Mais les perles (« Unspoken Heroes » ou « Battlegrounds » en plus des titres cités plus hauts) sont assez nombreuses pour que tant d'excellence trouve un auditoire tout à fait mérité. 

Baptiste (7,5/10)

 

Frontiers / 2012

Tracklist : 1. Wake Up 2. Bleed And Scream 3. Ain’t Dead Yet 04. Battlegrounds 05. Bitter Taste 06. Falling Down 07. S.O.S. 08. Take Back The Fear 09. Unspoken Heroes 10. About To Break 11. After The End Of The World

Djerv – Djerv

Les jours où la dèche de benzodiazépine est trop forte, je me pose des questions existentielles. Tu sais les trucs du genre « quel CD j'écouterais si je roulais en Mustang cabriolet sur Sunset Boulevard ». Ce CD, je l'ai trouvé. Et étonnamment il vient de Norvège. Peut être pour l'effet tornade glacée que ça ferait à côté du Pacifique.

Imagine le truc. Du Black 'n Roll. Ray Ban Aviator sur le nez, Rangers aux pieds, t-shirt d'un groupe qui te tient à cœur, un slim troué. Accoudé à la portière de ta belle. Façon Drive, mais en plus badass. Un petit côté Mad Max, si tu veux.

Je lance le disque et mets le contact au son de « Madman ». Et là, justement, la voix de Agnete Kjølsrud te hurle à la gueule un énorme « MAAAAADMAAAAN ». Tu fais chauffer les pneus, un burn pas possible pendant que le combo guitare/ batterie assomme tout sur son passage. Limite à couvrir le son du moteur. Et tu pars, d'un coup : le refrain commence. Cheveux au vent. « Never-ending madness », comme il est dit dans les paroles. Tout l'album a des passages cultes, à hurler à tue-tête. Genre sur « Headstone », complètement défoncé dans ma Mustang, je vois des zombies partout devant moi. Pour comprendre, regardez juste le clip et hurlez avec moi « I'm coming for your headstone, bringing a crew or doing it alone. Coming for your headstone… ». On ne peut pas résister à cette envie de crier, de chanter, tellement la prestation d'Agnete est parfaite. Débordante de charisme et de dynamisme, elle boxe dans des registres très variés, bien loin du black de cave qu'on connaît ; il n'est pas rare de l'entendre avec des accents carrément pop. Mais Norvège oblige, les influences blacks sont quand même présentes. Un peu de double ici et là, l'ambiance qui va bien – le tout servie par une production vraiment bandante. Et avec beaucoup de surprises. Presque trop en fait. On navigue tellement en eaux troubles entre toutes les influences du groupe, que parfois on se dit que trop de métissage nuit à la cohérence de l'ensemble. Un peu comme ces gimmicks et ces structures trop classiques. Mais pour un premier album, ce n'est pas si grave ; au contraire, j'ai toujours tendance à croire que la simplicité et l'efficacité vont de paire. Quand je tape du poing c'est que c'est bon, quand je tape du pied c'est que c'est excellent. Catchy ? Oui, clairement.

Pour revenir rapidement sur la production, elle est signée Daniel Bergstrand. Autant je ne blaire pas Meshuggah, autant putain ici le travail me plaît davantage. Le mixage est quant à lui signé Matt Hyde. Des gens qui ont travaillés avec du Lourd. Je précise juste, si jamais tu es un peu limité. Je continue ma chevauchée sauvage, le Pacifique commence à pointer le bout de son nez. « Immortal » se fait alors entendre, avec ses riffs dévastateurs. On approche de la fin, d'ailleurs la nuit tombe.

J'agite toujours autant la tête qu'au début, et je chante toujours aussi fort et aussi mal. « Win or die, eye for an eye, I'll burn your soul tonight, you won't see me faceless ». L'album m'a retourné pendant prêt de 40 minutes vraiment intenses. Définitivement, c'est ce disque là qui m'accompagnera quand, dos au mur, j'irai claquer ma thune aux US à terroriser les gens dans ma Mustang, un shotgun bien en poigne. Mais pour apprécier, vraiment, nul besoin d'avoir des envies aussi joyeuses. Le registre du groupe est accessible à un large public. Il faut être ouvert d'esprit, aimer le rock 'n roll. Et qu'on m'épargne les remarques sur les chanteuses metal : je suis fan de Plasmatics.

Ymishima (08/10)

 

http://www.djervmusic.com/

http://www.myspace.com/djervmusic

Indie Recordings / 2011

Tracklist (37:02) : 1. Madman 2. The Bowling Pin 3. Headstone 4. Gruesome Twosome 5. Only I Exist 6. Ladder To The Moon 7. Abmuse 8. Blind The Heat 9. Immortal