Wormfood est une sorte de Monsieur Loyal de la (F)rance en fin de course dans le grand cirque de la vie. Le paysage musical français, lui n'est qu'une petite fête foraine triste. Seules quelques attractions méritent le détour ; le reste est un babil immonde pour petits débiles. Alors quand dans une tente à l'atmosphère poisseuse, on offre du spectacle depuis onze années, moi je fonce. À l'intérieur un Monsieur Loyal en redingote exhibe un fœtus difforme dans un bocal de formol. Le premier rejeton du groupe, « Eponym ». La légende prétendait qu'il existait, mais il demeurait introuvable. C'est alors que Monsieur Loyal ouvre le pot et en sort le petit être qui comme par miracle reprend vie. L'instant d'après, on est projeté dans une chute en avant. Se retrouvent alors réunis pour le meilleur et pour le pire, le cabinet de curiosité, la maison close et la fumerie d'opium. Souffrez, je vous guide.

L'intro d'Eponym c’est le nougat miraculeux ! Une madeleine de Proust personnelle. En effet les samples qui agrémentent « Carpathian Carousel » proviennent de « Roller Coaster Tycoon », un jeu vidéo que j'ai usé étant gosse. Mais le voyage dans le temps ne fait que commencer.  Eponym nous ramène en 2003, bien avant que Wormfood ne change de direction. Voire même bien avant que Wormfood ne trouve véritablement son style. Pour moi qui ai découvert le groupe avec son second album « France », c'est une véritable malle ancienne qui renferme milles trésors. Ainsi «Human Circus»  ou « The Dead Bury the Dead » nous livrent le secret de certains élément réutilisés plus tard dans France. Mais la malle ne contient pas que des trésors. Elle déborde de choses sordides. Les guitares frappent d'un son brut de décoffrage, la batterie est hystérique comme un Klaus Kinski dans ses grandes heures de fureur. Au milieu de cette déferlante « Grandpa’s Remission » permet de respirer un peu – mais uniquement sous un respirateur artificiel et pas pour longtemps. La folie reprend de plus belle. On finit totalement sourd, et «Acouphène» achève ce qui restait de sain chez moi. Certains diront qu'un manque de maturité est palpable. Divagations de petites filles surpassées ? Non pas totalement, mais Wormfood est comme le vin. La bonification est venue avec le temps.
Et comme Décade(nt) est une rétrospective, il nous donne l'occasion de le vérifier immédiatement. En plus de la réédition d'Eponym, un live enregistré au Blast Fest 2005 et deux reprises viennent parachever l'ensemble. On a bien avancé sur la route maudite: 2005, France vient tout juste de paraître, la setlist du concert se compose donc intégralement de nouveaux morceaux. C'est la grande symphonie en schizophrénie majeure. La décadence ne triomphe qu'en pleine gangrène.
On retrouve « TEGBM », « le Miroir de chair », « le vieux pédophile ». Je ne reviens pas sur ces morceaux, cet album est un monument, un colosse qui danse la gigue. Alors chhhhht, profite mon grand, profite. Ce n'est pas tous les jours qu'un groupe de taille restreinte peut se permettre de sortir un enregistrement live.

Puis cerise sur le gâteau, ou au fond du verre de Martini, comme vous préférez arrivent les reprises.
« Femme Chrétienne » tout d'abord. Une cover de « Christian Woman ». La boucle est bouclée: Emmanuel « El Worm » Lévy nous propose sur cd sa vision d'une chanson de Type O Negative, une influence majeure. On se sent tout de suite plus proche de Posthume, dernier album en date. L'ambiance y est à la fois pesante et aérienne; on navigue dans une tension permanente. Emmanuel montre tout son talent au chant. La mémoire de Peter Steele est honorée d'une manière admirable.
Pour clôturer Décade(nt), quoi de mieux que « La Décadanse » de Gainsbourg ? Le registre est différent, mais l'ambiance toujours prenante. Encore une fois, le groupe prouve qu'il est capable d'évoluer dans des registres extrêmement variés.
Que dire pour conclure, sinon que: la décadence, c’est maintenant. Tout comme le diable, elle vous susurre à l’oreille: je suis le progrès ; je suis la modernité ; je suis la séduction. Comment résister ? Achetez ce disque, en riant. Fête pour l’Esprit ! Bonne chère ! Table joyeuse ! Verve pétille ! La crise ? Vous n’y pensez pas, morfondu ! Mousse champagne ! Et facéties !

Ymishima (08/10)

http://www.wormfood.fr/

http://www.myspace.com/wormfood

Apathia Records / 2012

Tracklist (1:20:00) : 1. Carpathian Carousel 2. Human Circus 3. Abortion Exit 4. Grandpa's Remission 5.  The Night of the Elderly 6.  Hunger Anger 7.  Schlachthaus 8.  Licking the Bones 9.  The Dead Bury The Dead 10.  Acouphène 11.  Intro 12 .Bum Fight 13.  TEGBM 14.  Miroir de Chair 15.  Comptine 16.  Vieux Pédophile 17.  Femme Chrétienne (Christian Woman – Type O Negative cover) 18.  La Décadanse (Serge Gainsbourg cover)