Archive for novembre, 2012

La réédition deluxe en deux CDs d'On Stage de Rainbow est l'occasion de se repencher sur un live  légendaire. « Légendaire » car on peut assurément le classer à côté du Made In Japan de Deep Purple, de Tokyo Tapes de Scorpions ou de Live Evil de Black Sabbath. Cette comparaison prestigieuse n'est pas fortuite : les trois premiers disques de Rainbow étaient du calibre des productions des groupes cités plus hauts. Le premier album éponyme (1975), Rising (1976) puis Long Live Rock 'n' Roll (1978) sont assurément des chef d'œuvres, correspondant à une période extrêmement créative pour Ritchie Blackmore. Tâchons d'expliquer cela.

Blackmore, qui s'ennuyait avec Deep Purple Mark III, fut transcendé par le recrutement en 1975 de Ronnie James Dio qu'il avait remarqué dans le groupe Elf ouvrant pour le Pourpre Profond. Et il faut reconnaître que la voix de Dio s'avéra aller à merveille à la musique emphatique et néo-classique du guitariste à la stratocaster. Il restait à régler le problème des autres musiciens. Car en « emprutant » Dio à Elf, Blackmore avait aussi pris dans sa musarde trois des autres musiciens du groupe. Blackmore les limogea prestement après avoir enregistré le Ritchie's Blackmore Rainbow, pour mieux choisir des musiciens plus intéressants. Il put ainsi s'entourer d'un line up de rêve pour enregistrer Rising, le magnum opus de Rainbow : sur ce disque on retrouve évidemment Dio et Blackmore mais aussi Cozy Powell à la batterie, Tony Carey aux claviers et Jimmy Bain. Tous les ingrédients étaient réunis pour franchir un seuil dans la prouesse technnique et la complexité. On pouvait en attendre autant en live.

Un groupe et un genre à leur sommet

Cet enregistrement tiré de la tournée de Rising tombait donc à point nommé en 1977. Il captait sans doute le groupe à son meilleur, lorsque son hard rock baroque et classieux atteignait son sommet. Il y a sur ce On Stage une démesure qui s'accorde totalement avec le propos musical et l'état d'esprit du temps (nous sommes encore à l'époque ou les grands groupes des seventies ne sont pas considérés comme des dinosaures par les jeunes chiens fous du punk). Voyez donc : On Stage fait plus d'une heure et prit donc à l'époque la forme d'un double vinyle. Il valait mieux car les chansons s'étirent ici extrêmement longtemps, la majorité des titres dépassant largement les dix minutes. Seule la chanson d'ouverture, composée durant la tournée pour dynamiser les concerts, « Kill The King », opte pour un format plus ramassé. Très brillante, bien qu'à l'interprétation encore un peu « en rôdage » ici, on retrouvera cette chanson sur Long Live Rock 'n' Roll

Cette durée très généreuse des morceaux est l'occasion d'un medley, puisque l'interprétation de « Man On The Silver Moutain » contient un passage blues (dont quelques notes de « Lazy ») et un extrait de « Starstruck ». Mais elle est surtout la conséquence de longs développement instrumentaux, à l'image de la longue montée en puissance d'un majestueux « Mistreated » repris de Deep Puprle, sur laquelle on ne sait s'il faut plus se pâmer sur la prestation de Blackmore que sur celle de Dio. Malgré le chant assez différent de celui de Coverdale qui intérprétait l'originale, cette version, plus lyrique que bluesy, est une très grande réussite. Seule peut-être la version de « Catch The Rainbow » lui est ici supérieure. Ce titre lent, issu du premier disque, Ritchie Blackmore's Rainbow, prend toute son envergure en live, touchant au sublime, tant sur l'introduction à la guitare que sur les nombreuses interventions d'un Blackmore extrêmement inspiré.

Pour apprécier, On Stage, il ne faut pas regimber devant les longues digressions, les improvisations débridées voire un certain narcissisme des musiciens. Si on est friand de la chose, on ne peut que s'incliner. Et l'on déplorera que le solo de batterie de Colin Powell soit totalement passé à trappe ici, victime du principal problème d'On Stage : le découpage des morceaux.

Un enregistrement à la découpe

En effet, pour faire tenir des chansons très longues sur quatre faces ne dépassant pas les vingt minutes, le producteur Martin Birch a dû élaguer. Et pas qu'un peu. Lourdement. Le solo de batterie de Powell inclus sur « Still I'm Sad » a donc été éliminé. Mais ce n'est pas le plus grave car le jeu de Powell transporte de toute façon tout le disque par sa vigueur, sa précision et sa technique. Il est déjà plus embêtant de constater que certains morceaux sont ici des « collages », certes très bien faits (on ne le perçoit pas à l'écoute), mais des collages quand même. Birch a donc pioché dans différents concerts pour créer les versions live de « Kill The King », « Sixteenth Century Sleeves » etc. 

Pire, il a mis de côté quelques titres phares de la tournée, de telle sorte que le clou est enfoncé en terme d'artificialité. Deux titres clés de Rising : les légendaires « Stargazer » « A Light In The Black » sont tout bonnement absents ici. De telle sorte que le premier album est totalement surreprésenté et que Rising n'apparaît que par l'intermédiaire d'un bout de « Starstruck ». On pouvait espérer que la réédition et la remasterisation par Universal de ce live permettent de réparer cette injustice. Il n'en est rien et la setlist originelle est reproduite à l'identique. Pour écouter une version live de « Stargazer » on pourra se reporter au Live in Düsseldorf 1976, issu des dates européennes de la tournée. Quant à une version live de « A Light In The Black », il faudra s'orienter vers les pirates. 

Même si les titres issus du premier album sont prodigieusement interprétés à l'image la version chantée de « Still I'm Sad » – alors que l'originale était instrumentale –, il reste une certaine frustration pour les fans. Ils se jetteront toutefois sur le deuxième CD proposé en complément du concert officiel. Ce deuxième CD reproduit un concert à Osaka donc quelques bouts se retrouvent d'ailleurs sur le premier CD. C'est dire que le son et l'interprétation sont du même niveau. Un petit bonus a été intégré : « Do You Close Your Eyes », joué de manière un peu brouillonne, mais dont personne ne se plaindra tant tout ce qui est extrait de Rising est mémorable. 

Cette réédition d'On Stage était l'occasion de transfomer un grand live en disque parfait. Ce n'est donc pas le cas ici, même s'il faut rappeler, encore et toujours, qu'On Stage est indispensable dans toute discothèque rock un tant soit peu informée. Voilà encore de quoi cultiver la nostalgie d'une époque, tiens…

Baptiste (10/10 malgré les défauts cités)

 

Universal / 2012

CD 1 (album original) : 

Tracklist (64:00) : 1. Over The Rainbow / Kill The King (5:33) 2. Man On The Silver Moutain (Medley avec Blues et Starstruck) (11:13) 3. Catch The Rainbow (15:35) 4. Mistreated (13:06) 5. Sixteenth Century Greensleeves (7:35) 6. Still I'm Sad (11:00)

CD 2 (live à Osaka, 9 décembre 1976) : 

Tracklist (71:42) : 1. Over The Rainbow / Kill The King (5:56) 2. Mistreated (12:14) 3. Sixteenth Century Greensleeves (8:23) 4. Catch The Rainbow (18:16) 5. Man On The Silver Moutain (Medley avec Blues et Starstruck) (16:22) 6. Do You Close Your Eyes (10:33) 

Jimi Jamison – Never Too Late

La vitalité de la carrière solo de Jimi Jamison est inversement proportionnelle à celle de son groupe Survivor. Alors que ce dernier a le plus grand mal à accoucher d'un successeur au médiocre Reach, Jamison enchaîne les disques solos, soit avec Bobby Kimball, soit tout seul. Enfin « tout seul » est ici surtout une expression car ce Never Too Late est largement le fruit d'un travail de composition avec l'excellent guitariste/chanteur Erik Mårtensson (Eclipse, WET et autres), un habitué des productions de Frontiers. De facto, malgré la voix toujours aussi personnelle et classieuse de Jamison (une voix qui devient d'ailleurs légèrement plus éraillée avec le temps ce qui lui sied bien), la musique est très calibrée. L'AOR proposée ressemble fortement à ce que put enregistrer Survivor du temps de sa splendeur, dans les années 80, à l'époque des brillants Eye Of The Tiger ou Vital Signs. Tout est très soigné, très bien enregistré, et sans grosse faiblesse. C'est dire que les afficionados du groupe pourront totalement adhérer aux onze élégantes compositions de Jamison/Mårtensson. 

On remarquer tout particulièrement quelques brulôts de haute tenue : « Never Too Late » et son refrain mélodieux, l'énorme « I Can't Turn Back » qui aurait fait chavirer la bande FM à une autre époque, le catchy « Not Tonight » et son refrain énorme, et le plutôt hard rock « Street Survivor ». Le reste des morceaux n'est pas mauvais, loin de là, mais moins mémorable. Ces chansons tiennent surtout grâce à la voix très poignante de Jamison (comment ne pas frisonner sur « The Great Unknown » et surtout sur la ballade « The Air I Breathe » ?). Personnellement, je l'apprécie particulièrement, bien que je conçoive que son lyrisme puisse agacer. 

Ce Never Too Late est au final très représentatif qu'une bonne partie de la production de Frontiers : professionnalisme, qualité d'exécution, savoir-faire à la composition sont ses points forts. Il s'agit d'apporter à l'amateur de rock mélodique ce qu'il attend. En rien de le froisser. On peut déplorer cette frilosité, mais à soixante ans passés, il serait incongru que Jamison s'oriente vers le metalcore ou vers le drone metal. N'est-ce pas ? 

Baptiste (7/10)

 

Frontiers / 2012

Tracklist (49:49) : 01. Everybody's Got A Broken Heart 02. The Great Unknown 03. Never Too Late 04. I Can't Turn Back 05. Street Survivor 06. The Air I Breathe 07. Not Tonight 08. Calling The Game 09. Bullet In The Gun 10. Heaven Call Your Name 11. Walk On (Wildest Dreams)

Soyons direct. Benji Webbe, chanteur de Skindred, n'a jamais eu la reconnaissance de ses pairs. Actif depuis 1993 avec Dub War, il n'a jamais cessé de proposer une musique riche mêlant metal et origines métissées. Même si, depuis, ses propos et sa musique se sont énormément simplifiés, son efficacité n'a jamais été oubliée. Principalement connu pour sa reprise explosive de « Electric Avenue » et son premier album Babylon, Skindred a toujours livré une fusion 2.0 entraînante. Union Black, cinquième offrande, ne déroge pas à la règle.

Il sort ici en réédition avec plusieurs titres supplémentaires. Melting-pot assumé, Union Black contentera les amateurs. L'ensemble donne dans la fusion à tous les étages, certes, mais l'originalité est absente. Le quartet britannique se repose sur ses lauriers ; il mixe inlassablement jungle, dubstep, ragga et metal. Le talent et la passion ont beau rester présents, pour l'innovation, on peut repasser.

Proposée avec des bonus que nous n'avons pas eu l'honneur d'écouter, cette réédition est donc l'occasion de redécouvrir cet opus. Union Black rehausse le niveau, donne un bon aperçu du groupe, contrairement aux médiocres Roots Rock Riot et Shark Bites & Dog Fights. Pour le meilleur, mieux vaut encore se pencher sur Babylon.

Nico (6/10)

Site Officiel: http://www.skindred.net/

Listenable / 2012

1. Union Black 2. Warning 3. Cut Dem 4. Doom Riff 5. Living a Lie 6. Guntalk 7. Own You 8. Make Your Mark 9. Get it Now 10. Bad Man Ah Bad Man 11. Death to All Spies 12. Game Over