Archive for août, 2013

Watain – The Wild Hunt

379207Après un Lawless Darkness de qualité supérieure, les Suédois de Watain étaient attendus au tournant. « Fatalement », me direz-vous, tout groupe qui parvient à repousser ses limites sur chaque sortie s’expose inévitablement à une pression supplémentaire, celle des fans qui en veulent toujours plus. En trois ans, le groupe a travaillé dur pour nous proposer un digne successeur à son dernier effort et le résultat est pour le moins… surprenant.

Watain, qui vient de changer de label, aurait pu opter pour la solution de facilité et sortir un album dans la lignée de son prédécesseur – et encore, peut-on parler de solution de facilité quand on voit à quel point Lawless Darkness était détaillé ? Il semble cependant bien que Watain ne soit pas un groupe comme les autres. The Wild Hunt marque ainsi une rupture – certes partielle, mais tout de même – avec les efforts précédents du groupe, mais le groupe a-t-il su digérer ces nouvelles influences pour les intégrer à son style propre ?

J’avoue être assez mitigé. Quand Watain reste enfermé dans ses gimmicks Black Metal, il reste assurément un des groupes les plus efficaces dans le genre. Le timbre d’Erik colle parfaitement à la musique, leur Black teinté d’une touche de groove, voire même d’une étincelle punk, fait mouche à chaque écoute… à ce niveau, la bande à Erik ne déçoit pas. Quand il s’en écarte, par contre, le résultat n’est pas toujours aussi efficace. Le propos devient alors plus poussif, moins captivant, presque ennuyeux. C’est bien beau de vouloir révolutionner son style, encore faut-il en être capable… Ici, à l’exception notable de « They Rode On » (le morceau en rupture totale avec le passé de Watain, l’ajout improbable du chant clair, l’ambiance presque mélancolique, le morceau où le groupe frise le génie pendant près de neuf minutes), Watain me fait l’effet d’un groupe en pleine mue, un peu comme la cigale qui vient de se défaire de son ancienne peau et est là, encore vulnérable, avant que sa carapace durcisse à nouveau.

Sans être foncièrement mauvais, The Wild Hunt suscite pas mal d’interrogations et de déception, tout en dévoilant un potentiel certain. Watain semble en pleine transition, et il y a fort à parier que cet album, d’ici quelques années, constituera un tournant dans la carrière du groupe, une étape transitoire entre un Black brut et quelque chose de plus grand, de plus ambitieux. Une déception, certes, mais c’est peut-être justement maintenant que j’attends Watain de pied ferme, car la suite s’annonce certainement bien plus passionnante que ce Wild Hunt en demi-teinte.

Mister Patate (6/10)

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Century Media Records / 2013
Tracklist (62:49) 1. Night Vision 2. De Profundis 3. Black Flames March 4. All That May Bleed 5. The Child Must Die 6. They Rode On 7. Sleepless Evil 8. The Wild Hunt 9. Outlaw 10. Ignem Veni Mittere 11. Holocaust Dawn    

Peste Noire – Peste Noire

Peste Noire artworkRetiré dans la France profonde, loin de l’a-civilisation, Famine continue de vivre de chasse à la pizza surgelée, de bières et de ses productions. Dans le trou noir du terroir il se livre à une résistance acharnée, tambour, trompette et vielle à roue. Zouzou son chat chasse le mulot tandis que le maître chasse le mulâtre; et avec eux hurle Satan.

Grâce à ce background alléchant, la création d'un nouvel album s'annonçait sous les meilleurs auspices. Mort de Faim le mal nommé, tête pensante de la Peste Noire, a vu les choses en grand. Belle édition bleu et or pour les nANTIs, ou simple pock-it – qui n'est pas sans rappeler Joy Division, pour les, hum… les autres.
L'écrin au format digibook est de toute beauté, malgré de nombreux problèmes avec les légions de l'Est chargées de la confection. Ca devient une habitude, on retrouve Valnoir pour ce qui est du graphisme. Il livre ici un travail finement cisaillé et plein de cohérence.

Après l'excellent Ordure à L'Etat Pur qui (par)achevait la destruction de la lourde humanité, Peste Noire est une synthèse. Il se présente donc comme un condensé des précédentes réalisations du KPN. En presque 13 ans de carrière, beaucoup de pistes ont été exploitées, excavées à la sueur du front (national). Des années dorées de perpétuel renouvellement du métal noir. Pas de babillage – les partouzes de vanité, on les laisse à la capitale. Distiller tout ce temps dans un cocktail nécessairement molotov est un pari osé. Trop peut être. Ici la Peste donne dans un certain jaspinage: une fois n'est pas coutume, l'étonnement est tué par une outrance pas totalement maîtrisée. Le souci du maintien et du sublime est écorné par un accès de rage vindicative assez brouillon. C'est la tournée du tisonnier. Notre génie est usé.

L'introduction de l'album est un pot-pourri de discours issus des heures les plus sombres de notre histoire™. L'intervention de Clémenti est légèrement censurée, mais l'ambiance est posée: dissonance et swing de rigueur. Sur ce point aucun doute, le groupe est plus en verve que jamais. Ça fait une décennie que ça dure, certain vont trouver le moyen d'être choqués. Qu'ils soient heureux, c'est une sorte de virginité renouvelable.
Puis la croisade commence vraiment avec "Démonarque". Le roi Anarque rassemble ses troupes. Ses riffs appuyés par l'accordéon et la vielle sonnent plus punk que jamais. L'occasion aussi de retrouver un production aux couleurs plus locales. Tout les aspects de l'enregistrement et du mixage ont été réalisés en interne, pour un résultat final très satisfaisant. Ce bal populaire est aussi l'occasion de remarquer le recours à des gimmick peu heureux. Répétitifs et mal assurés, ces petits riens font office de liposuccion pour un roi lion. Le talent de Famine semble avoir été absorbé, quelque part, entre facilité et abus systématiques. L'album est véritablement dégressif, il commence en fanfare et s’essouffle après "Niquez vos villes". Les interventions d'Audrey, par exemple, tournent à la routine tant elles sont nombreuses. Elles ont le mérites de rester en tête, mais clairement gagneraient à être plus rares.

Mais tout n'est pas si noir, pardon, si sombre. "La bêche et l'épée contre l'usurier" en est le parfait exemple. Sa construction hystérique ponctuée de passages plus lyriques est une réussite. Elle rassemble tout ce qui fait la grandeur de Peste Noire sous une bannière de soufre. Les riffs corrosifs portent la marquent de fabrique du KPN qui officie maintenant à la Chaise-Diabl…Dieu. Famine a dorénavant un style reconnaissable entre mille. Il exploite une grande variété de genres. Son jeu plein d'amplitude est admirablement servi par Ardra Os (de Sühnopfer) à la batterie. Il livre des blast monstrueux qui remplissent parfaitement leur office, même si le son est un peu trop étouffé, à cause sans doute d'un enregistrement réalisé avec de simples micros d'ambiance. L'expansion de la rage se poursuit sur "Niquez vos villes" – l'hymne périurbain entre Punk et Hip Hop sale, digne d'un Diapsiterroir mal léché. Crème du BM au fin fond des sous-bois. C'est un savoir-défaire artisanal qui se caractérise par les premiers passages rappés de MC Fafa. La justesse n'est pas toujours aux rendez-vous, mais comme disait Céline, "il est saoul le mec, alors ça n'a aucune importance, il la fait comme il peut voilà l'histoire". L'objectif est de faire chier, toujours plus et c'est réussi. Le wagon à glaviot déborde littéralement.

On retrouve une certaine horizontalité avec la suite de l'album. Frère Famine pousse des cris diaboliques, il se voit persécuté par un carnaval de monstres… Il déconnait à pleine bourre quoi. Jusqu'à ce que "La Blonde" fasse irruption. Là il monte carrément sur son grand déconnogogue, arbalète à la main à lyriser sur la bière. Le résultat a le mérite de ne ressembler en rien à lie musicale qu'est Korpiklaani. Un petit coté Oi! se fait même sentir, mais Audrey, définitivement, tu n'es pas encore prête pour la pop. Une fois le delirium tremens achevé, on s'en retourne à la poésie médiévale. Une dernière fois. "Moins trente degrés celsius" clôt cette danse macabre. Un fin presque anecdotique comparée à La Condi Hu, mais qui n'est pas sans charme.

Ymishima (6,5/10)

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La Mesnie Herlequin/2013

Tracklist (46:06) 1. Le retour de la peste 2. Démonarque 3. La bêche et l'épée contre l'usurier 4. Niquez vos villes 5. Le clebs noir de Pontgibaud 6. Ode 7. La Blonde 8. Moins trente degrés celsius

 

Kvelertak – Meir

kvelertak-meirLe premier album de Kvelertak avait été chaleureusement accueilli. Les critiques se sont emballés et en pensaient beaucoup de bien. Ils ont eu l'occasion de montrer dans moult chroniques qu'ils ne savaient pas utiliser le mot "éponyme" et se sont répandu en partouze de vanité. Pour le second CD c'est un peu la même chose. Enfin, sans le problème avec "éponyme" parce que celui là s'appelle Meir. Flot de louange par ci, petit cris de félicité par là, les bonnes chroniques se succèdent pour ce nouvel opus. Et je ne comprends pas. Oh, non pas que je le trouve mauvais. Il est juste aussi palpitant qu'un missionnaire, dans le noir, à 19h. Franchement, ils auraient eu tort de s’en priver, puisque les gens marchent. D'ailleurs je pense faire pareil. Copier/coller mes anciennes chroniques pour en faire de nouvelles… C'est soit ça, soit je délocalise en Chine. Pour produire à la chaîne.
On reprend donc le même mélange de Punk Hardcore avec un peu de Stoner pour un résultat terriblement Rock n' Roll… Un peu partout on reconnaît que ce n'est pas très original, que ça ne révolutionne plus rien. Mais qu'importe, on aime bien.

À l'écoute on joue au jeu des sept différences. Ça tombe bien, c'est encore l'été, si vous avez du temps à perdre sur la plage… Globalement la pression monte plus lentement. L'album tente d'exploiter un côté mélodique, pour ensuite mieux exploser en vol. On trouve peut-être plus de guitare acoustique; "Snilepisk" est un bon exemple de ces petits ajustements. Mais du début à la fin on subit les gimmicks du combo norvégien. Il en use encore et encore, les mêmes structures, le même schéma. Jusqu'à la lie. Il manque peut être quelques riffs black qui faisait un peu le charme du premier, mais qui va s'en soucier. C'est juste bien gras. Gras comme la hype de Woodkid qui vous pond à peu de choses près le même clip deux fois d'affilée, et vous en redemandez. Parce que c'est trop bien. Gras comme le Brian Warner dépressif qui n'en a plus rien à foutre. Celui qui pose ses "fuck" sans conviction sur des riffs période Spooky Kids. Étonnamment dans ce cas vous vous indignez et clamez que "puisque c'est comme le précédent c'est de la merde". Parce que vous avez une soi-disante intégrité à défendre, ou que vous n'aimez pas ce qu'il représente. Enfin, on s'en branle je ne fais que noter l'indignation à géométrie variable. Pour moi le problème est le même. Si je ne suis pas un fan du groupe ou du genre, je trouve ça chiant.

Je vais parler un peu objectivement, parce que certain s’imaginent encore que c'est mon job (et que je crains la vindicte populaire). L'album n'est pas mauvais: il est entraînant. Bourré d'accélérations rentre-dedans. Il va même jusqu'à essayer de faire tenir cette idée sur des morceaux de près de 10 minutes comme "Tordenbrak". Pour être honnête, c'est le changement le plus facilement remarquable. Pour ceux qui n'ont pas compris: l'efficacité n'est pas vraiment le problème. Ce qui est gênant, c'est que la discographie du groupe est un palindrome. Vous pouvez la prendre dans les deux sens, ça donne la même chose.
Au niveau de la production on trouve encore Kurt Ballou qui lui aussi fait à peu de chose près la même chose. Oui, ça fait deux fois "chose". Vous voyez comme c'est moche, les répétitions, hein? Vous comprenez le problème, là? Et c'est sans surprise que la cover est signée J.D. Baizley. Pour un résultat très différent de… non je déconne.
Finalement si le premier album vous a plu et que vous êtes fan, vous pouvez foncer. Si ce n'est pas le cas, vous pouvez passer votre chemin. En ce qui me concerne, je m'en trempe le nem dans un verre à pieds. Mais par pitié, ne venez pas crier que c'est l'album de l'année.

Ymishima (Copier, coller/10)

Site internet

Roadrunner/2013

Tracklist (49:11) : 01. Åpenbaring 02. Spring Fra Livet 03. Trepan 04. Bruane Brenn 05. Evig Vandrar 06. Snilepisk 07. Månelyst 08. Nekrokosmos 09. Undertro 10. Tordenbrak 11. Kvelertak