IRON MASK (interview de Dushan Petrossi – guitares, décembre 2013)
Posted by OshyryaDéc 22
01. Pour ceux qui ne te connaitrais pas malgré une déjà belle carrière, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?
Salut à tous vos lecteurs, moi c’est Dushan Petrossi et je suis guitariste et compositeur. J’ai débuté ma carrière avec MAGIC KINGDOM un groupe comme IRON MASK dans le style mélodique pour lequel je compose aussi les chansons. Avec IRON MASK, nous avons débuté en 2002 avec cinq albums jusqu’à présent dans un style métal mélodique, progressif, symphonique, prends l’adjectif que tu veux. Il est difficile pour moi de décrire ma musique, d’y mettre des étiquettes. Quand je compose, cela sort de moi naturellement. Ensuite les gens se font leur avis.
Tout a débuté à l’âge de cinq ou six ans. Mon grand frère, j’ai trois frères, plus âgé avec une guitare acoustique et une fois je l’ai prise en main et j’ai aimé. Il m’a montré quelques accords et je suis tombé amoureux de cet instrument. Et à partir de ce moment-là, je n’ai plus lâché la guitare. J’ai pu en avoir une moi-même, mon frère avait déjà quitté la maison, j’étais content et alors j’ai pas arrêté. Puis j’ai eu ma première guitare électrique, à sept, huit ou neuf ans je ne sais plus, et j’écoutais tous les groupes phares des années 80 : IRON MAIDEN, Gary Moore, tous ces artistes qui m’ont influencé. Donc j’écoutais et j’essayais encore et encore de reproduire ce que j’écoutais. C’était des heures chaque jour, parfois je n’allais pas à l’école. Ma mère partait bosser et quand elle revenait j’étais resté jouer à la maison en fait. Cela faisait de longues journées mais quand tu as la passion c’est du plaisir aussi. Je ne voyais pas le temps passer. Cela a été parfois dur au niveau des études mais je suis allé jusqu’à l’équivalent du baccalauréat en Belgique.
J’ai essayé de continuer des études mais la musique prenait trop de temps. J’ai alors fait un choix, la musique est un éternel apprentissage, même maintenant. Il était alors important pour moi de monter un groupe. A l’époque personne ne me connaissait, je ne pouvais pas envisager une carrière juste sur mon nom. Maintenant ce serait possible après huit albums, mais démarrer sans expérience c’est dur. Donc j’ai fait MAGIC KINGDOM puis étant bloqué avec ce label, j’ai fait IRON MASK. Je ne m’en plaint pas à posteriori, maintenant j’ai deux bébé et chacun a fait sa vie et connait une belle carrière. J’ai fait quelques titres instrumentaux mais ce n’est pas ce que je préfère. J’apprécie de composer pour le chant. Je commence par ça d’ailleurs quand je compose.
02. Comment te sens-tu quelques semaines après la sortie de Fifth Son of Winterdoom ?
Et bien à la fois heureux de libérer dans la nature le fruit de ton travail et stressé de voir comment ce disque va être perçu par les fans et le public en général. Tu espères surtout ne pas faire moins bien que les albums précédents et cela trotte dans sa tête jusqu’à la parution. Alors tu vois les premières critiques et tu es rassuré. Tout le monde n’aime pas, certains me catalogue trop vite en disant que je ne fais que du Malmsteen mais c’est pas vrai. Ma musique est très vaste, avec diverses influences. Pour certains, dès que tu apportes des touches néo-classiques, tu fais du Malmsteen…
03. Autant Black As Death était sombre et agressif, autant cet album commence de façon presque joyeuse. Etait-ce une évolution consciente ?
Oui tu as raison, tu ne trouveras pas des titres comme « Black As Death » sur ce nouvel album. Mais des passages thrash ou agressifs j’en ai aussi. Cela dépend de mon inspiration, j’essaye toujours de proposer un disque varié. Il faut aussi des titres plus légers, commerciaux peut-être. Les gens peuvent percevoir les albums différemment mais moi j’essaye toujours de faire un mix entre ces différentes influences. La première chanson d’un disque donne une couleur. A la fin, quand tout est enregistré, tu décides de l’ordre des chansons et donc je me casse la tête. J’ai voulu faire un peu différemment cette fois en ne commençant pas forcément par un truc speed. L’idée c’est de surprendre, de ne pas trop se répéter. Quand tu commences l’album avec un titre comme « Back into Mystery » c’est quasiment un titre de VAN HALEN époque David Lee Roth ou ce dernier qui joue avec Steve Vaï côté mélodie puis ensuite cela vire côté Gary Moore, tu vois. J’avais Gary Moore en tête en composant.
04. Que peux-tu nous dire des sessions d'enregistrement de Fifth Son of Winterdoom ?
La fois précédente nous avions été en Allemagne pour enregistrer les batteries. Cette fois nous avons choisi le sud de l’Italie. Nous y avons passé une semaine, dans la famille de l’ingénieur du son là-bas. Il m’a contacté via mon site en me disant qu’il était un grand fan d’IRON MASK et m’a donc proposé d’y aller. Si je n’aimais pas on ne faisait rien et si tout allait bien j’allais bossé avec lui. Une petite semaine en Italie tu ne dis pas non. Nous avons fait le pari et c’était vraiment chouette. C’était encore meilleur par rapport à ce que j’attendais. Un studio très pro, très grand, avec de super plafonds, beaucoup de bois pour refléter le son, nous avions tout ce dont nous avions besoin pour faire du bon boulot. Donc la batterie en une semaine là-bas, puis de retour à Bruxelles, j’ai fait le reste.
Les rythmiques étaient déjà en boite. J’ai fait mes solos, en même temps le claviériste a ajouté ses parties. Puis j’ai attaqué les orchestrations puis j’ai enregistré les voix pour le chanteur, en démo. J’enregistre comme ça il sait ce qu’il doit chanter. Il fait de son côté et il m’envoie dès qu’il a fini un titre. Alors on discute et je lui demande des modifications. Avec Internet maintenant c’est facile. Ensuite il faut tout mixer. J’ai commencé à composer en janvier et en août le disque était bouclé. Tout c’est donc fait assez rapidement.
Quand nous enregistrons, les structures, les squelettes des morceaux sont figés. Je programme mes batteries pour que le batteur puisse les apprendre. Il ne peut pas les modifier et donc j’ai uns structure claire. Ensuite je me laisse des libertés au niveau des solos par exemple. J’essaye et si cela ne me plait pas je recommence… Il m’arrive de rajouter ensuite des thèmes mélodiques pour donner un contrepoint à la mélodie principale ou j’inverse entre mélodies principales et secondaires… A part la structure, beaucoup de choses peuvent changer. Je peux même parfois modifier la mélodie vocale mais c’est très rare, une ou deux fois maximum.
05. Dans le métal power/néo-classique le principal défi est de trouver l’équilibre entre technique et mélodie. Quelle est ta démarche ?
Cela dépend vraiment des chansons. Il faut trouver ce bon équilibre. Parfois tu as simplement besoin d’une guitare qui mène la mélodie et c’est tout. Parfois tu n’as pas de rythmiques derrière. Pour le premier morceau, tu vois, il a le solo mais rien d’autres en arrière-plan. Il faut aussi penser au live où tu n’as pas forcément de guitariste rythmique avec toi. En studio tu peux en mettre autant que tu veux, c’est facile mais il faut garder à l’esprit la scène. J’aime les harmonisations ou les contre-mélodies mais cela devient vite compliquée et à un moment il faut savoir s’arrêter. Rien qu’au mix cela devient un vrai challenge.
A force de lire les chroniques et les comparaisons avec Malmsteen, j’essaye de changer mon fusil d’épaule et de ne pas construite les chansons uniquement autour de la guitare. Techniquement aussi, je tente des choses. J’essaye de mettre moins de solo techniques même si avec des chansons comme « Like a Lion in a Cage » c’est naturel, cela coule de source. Ok c’est des gammes néoclassiques mais tout le reste, le refrain, le couplet se rapproche plus d’un RAINBOW que d’un Malmsteen. Lui-même n’a pas tout inventé et les gens ont tendance à l’oublier.
06. Quelle évolution de ton point de vue entre Black as Death et Fifth Son of Winterdoom ?
Je pense que ce nouvel album est plus progressif dans l’esprit avec des chansons plus longues en général. Et c’est la première fois que je compose avec la basse et tu peux l’entendre si tu fais bien attention. Par exemple sur « The Picture of Dorian Grey », la mélodie est venue à la basse et ensuite j’ai brodé autour de ça. Je voulais changer pour cette fois et ne pas toujours composer pour la guitare. J’ai fait un test et il a été concluant. Cela donne je trouve un petit style différent, un peu IRON MAIDEN peut-être, en tout cas une touche un petit peu différente. Il faut continuer à expérimenter car ce style de musique est limité, il faut suivre certaines règles. J’essaye toujours d’emmener certains éléments que les autres groupes évoluant dans ce style n’ont pas : des parties thrash, des blast-beats pour ne pas faire er refaire la même chose que dans le passé tout en conservant un certain niveau de qualité.
07. Quel est ton processus de création ?
Je m’installe dans mon studio, je prends ma guitare et je joue jusqu’à ce que je percute et que je produise quelque chose qui me plait. Quand je démarre un album, j’ai toujours déjà les titres des chansons et cela me sert d’inspiration, je laisse mon esprit vagabondé autour de ces thèmes. J’adapte la musique selon les titres et pas l’inverse. Pour « Black As Death », j’avais juste le titre mais je savais que cela allait sonner plus thrash, plus lourd, plus power. Ces titres sont rédigés par mes soins par ce qu’ils me plaisent, qu’ils sonnent bien où ils font référence à une histoire que je veux abordé comme celle de Gengis Khan. J’ai bien abordé des thèmes historiques, c’est assez large.
08. Que peux-tu nous dire de la pochette, comment et pourquoi travailler avec Genzoman ?
Je leur dit ce que je veux voir sur la pochette, avec le détail précis. Ils n’ont pas la musique mais le titre de l’album et le descriptif de ce qui doit apparaître. Par un mail je décris tous les éléments visuels. Lors de son premier essai Genzoman m’avait dessiné le bébé dans la gueule du loup. Je lui ai répondu : « non, non il faut me deux loups, un bébé au centre et notre mascotte derrière sans un ambiance d’hiver, de la neige. ». Même chose pour Black As Death, il a dessiné à partir de mon idée. On échange et cela avance progressivement. La pochette ici a pris environ six mois soit le temps de création et d’enregistrement du disque. Il travaille lentement, très perfectionniste et minutieux. Et moi pareil. Je suis rentré en contact via Phil Giordana (FAIRYLAND) avec qui j’avais travaillé. J’aime pas trop le style manga et je lui demande de s’éloigner de ce style-là. Il a fait aussi le booklet et nous faisons actuellement des nouveaux t-shirts.
09. Vous aviez tourné un clip pour « Black As Death ». Est-ce un exercice que tu apprécies ?
C’est amusant mais là pour le clip « God Punishes, I Kill » nous avons tourné en Ukraine. Il faisait froid, nous n’avions pas de loge ou même de quoi nous assoir. Donc debout à -15 ou -20 degrés c’est loin d’être facile. On avait juste un chauffage d’appoint mais ce n’était pas assez pour ce hangar immense. Je te dis pas pour le chanteur qui débarque de Los Angeles où il fait quarante degrés… Il était mort le mec. Expérience intéressante mais douloureuse pour seize ou dix-sept heures. Pour ce nouvel album, le clip de « Rock Religion » est déjà en ligne et ce fut plus simple, enregistré dans une salle de concerts, avec un beau montage. C’est plutôt le groupe en live, et nous l'avons mis en boite en juillet lors de notre petite tournée.
10. N’es-tu pas fatigué des références à Malmsteen quand on parle de ton travail ?
Je ne me plains pas de cette comparaison, il y a quand même bien pire. Mais dire que je ne fais que du Malmsteen, c’est faux, c’est vraiment de pas avoir écouté mes disques et celui-là comme les autres. C’est cela que je n’apprécie pas. Il faut être sourd ou de mauvaise foi pour écrire cela. C’est comme si tu dis que Malmsteen c’est que du Ritchie Blackmore. Ok il a beaucoup pompé mais il ne l’a jamais caché. Moi non plus que je n’ai jamais caché mes influences. Pour te dire la seule fois où j’ai pu le voir il n’a pas voulu me parler. Je m’en fous, il a sa vie et moi la mienne mais dans ma jeunesse il m’a beaucoup influencé. J’ai pu utiliser certains artistes comme lui c’est qu’ils étaient bons et disponibles. Pour un chanteur, je cherche un mec de ce niveau en France ou en Belgique mais je n'y arrive pas. Des Marks Boals ne se trouvent pas si facilement.
11. La stabilité du line-up semble être compliquée pour le groupe. Que se passe-t-il ?
Souvent nous sommes dessus par les gens et les promesses qu’ils ont pu te faire un jour. Les mecs te disent qu’ils seront là et dispo pour les lives comme l’un de nos précédents batteurs il a juste enregistrer le disque et ensuite nous ne l’avons plus jamais revu. Mais Vassili Moltchanov notre bassiste je joue avec lui depuis plus de quinze ans et je n’ai jamais changé. Il est aussi dans MAGIC KINGDOM. Il est à Bruxelles avec moi et nous nous attendons comme des frères. Ramy Ali à la batterie c’est le deuxième disque avec nous. Il joue aussi dans FREEDOM CALL. Si je l’appelle demain il est là. Je veux garder ce genre de personnes, pas ceux qui promettent du vent. Après je passe pour un manque instable mais c’est pas vrai je dois aussi composer avec le professionnalisme ou son absence des autres. Goetz "Valhalla Jr." Mohr notre précédent chanteur n’a pas pu chanter pendant très longtemps à cause d’une chirurgie dans le coup… Les gens ne le savent pas ! Tu dépends beaucoup des autres pour un groupe.
12. Côté business, comment cela s’est-il passer pour signer avec AFM Rec pour ces deux derniers disques par rapport à Lion Music ?
Le changement était évident, c’est vraiment un autre monde. Tu peux voir la différence dans les interviews, les chroniques, tu as beaucoup plus d’impact pour ton travail. Je n’ai rien à dire contre Lion, ils font un bon boulot. C’était bien au début mais tu ne peux pas rester éternellement avec le label, il faut grandir et évoluer. Dans certains pays, nos cds n’étaient pas disponibles. Donc tu te casses le cul et derrière ça rame. Les fans des débuts sont vraiment des fans dévoués et die-hard car c’était bien difficile de trouver nos albums. Lion Music a repressé certains vieux albums, cela fonctionne et donc c’est pour cela qu’AFM te signe. J’ai investi et j’ai pris des risques pour grandir. La production de Dennis Ward coûte cher mais nous venions de signer avec AFM donc le risque était calculé.
13. Des nouvelles de MAGIC KINGDOM ?
C’est bien d’actualité car je travaille en ce moment même sur le nouvel album et la première chanson. Cette fois-ci je présenterai huit ou neuf chansons plus de titre de trente minutes ultra-orchestré. J’espère proposer un bon album de speed symphonique.
14. L’objectif n’est-il pas d’alterner entre MAGIC KINGDOM et IRON MASK ?
Peut-être qu’IRON MASK a pris un peu le lead car Ramy Ali, le batteur, est arrivé et que nous jouons donc avec IRON MASK plus souvent. Le line-up est stable et donc nous en profitons. A part la chanteur, la base du groupe est là avec Vassili et Rami. MAGIC KINGDOM va faire un album mais certainement pas trop de live.
15. Comment vois-tu la scène métal depuis la Belgique ?
Ah ah ah c’est de plus en plus dur, mais pour les jeunes qui démarrent. Les labels ne veulent plus signer de jeunes groupes qui débutent. Nous avons la chance d’avoir de la bouteille donc on y arrive. L’autre galère c’est de trouver des concerts ou de décrocher des tournées. Il y a tellement de groupes qui frappent à la même porte. Difficile de savoir combien de fans nous pourrions attirer lors d’une tournée en France par exemple. Faire des clubs c’est dur avec les frais générés par la tournée. Mon chanteur vient de Los Angeles, il y a donc l’avion… C’est la crise et la France c’est chaud. On veut jouer mais pas dans n’importe quelle condition.
Et enfin "Le Quizz De Metal Chroniques Quizz" pour terminer cette interview
: 1. Quelle est ta chanson préférée (tous artistes, époques…) ?
Ce n’est pas très modeste mais je prends « Rebel Kid » d’IRON MASK sur Black As Death. Je peux l’écouter sans arrêt. Pour une fois cela parle de moi.
2. Premier album acheté?
Un IRON MAIDEN ou un CRIMSON GLORY… Ou un Gary Moore alors oui c’est ça, Run for Cover !
3. Dernier album acheté ?
J’achète plus trop d’album… mais je ne télécharge pas non plus hein (rires) ! Je dirai Paradise Lost de SYMPHONY X mais cela date.
Tous nos remerciements à Roger WESSIER (Replica Promotion)
Chronique de l'album ici
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