Entretien avec Nic Maeder et Leo Leoni de Gotthard le mardi 25 février à Paris.

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Metalchroniques. Firebirth a été enregistré il y a environ deux ans ans. Vous sortez assez vite un nouveau disque, Bang. Avant d’en parler, peut-on faire un bilan de Firebirth et de son écho ?

Nic Maeder. Firebirth est un disque qu’on a dû faire assez rapidement. On a tout fait en un an : écrire, le disque, le produire et puis la tournée. La réception a été incroyable et on a été très content du soutien, notamment des fans, tout à incroyable. Ça fait trois ans que je suis dans le groupe. Cette fois on avait un peu plus de temps et on se connaissait un peu mieux musicalement. On a écrit des chansons plus par rapport à ma voix.

MC. Je me souviens d’interviews données à l’époque par Leo qui disait que changer de chanteurs était toujours compliqué et qu’il y avait toujours des fans qui refusaient de suivre un groupe après un tel changement. J’ai toutefois l’impression que toutefois, dans le cas de Gotthard, tout le monde a suivi.Il n’y a pas de clivages entre les fans qui refusent le changement et ceux qui accèdent l’arrivée de Nic.

Leo Leoni. Je pense que tu as raison. C’est toujours un type de situation compliquée. Il y a très peu de groupes qui ont réussi à ne pas perdre de fans dans un tel contexte. Toutefois, lorsque un groupe connaît une telle tragédie comme c’est notre cas, les fans se clivent. Ça été le cas aussi d’AC/DC d’ailleurs, après la mort de Bon Scott. Et encore, quarante après l’intégration de Brian Johnson, il y a des gens qui disent « oui, mais… ».

Nous, on a vraiement l’impression que quasiment tous les fans sont restés. L’accueil pour Nic et pour le nouveau Gotthard a été un excellent. La première date en Amérique du Sud, où nous n’avions jamais joué, il y avait 2 000 fans pour nous. Une excellente surprise ! 

NM. Je pense aussi que les fans ont très bien compris que le groupe n’essayait de pas de remplacer Steve. C’est plutôt un nouveau chapitre. Une nouvelle époque.

MC. Ce ne serait pas aussi lié au fait que vous n’avez pas choisi une « copie » de Steve Lee comme chanteur ? Vous avez plutôt choisi quelqu’un avec une vraie personnalité.

LL. On ne peut pas trouver de nouveau Steve Lee. Il était unique. Chercher une copie aurait été une erreur. Et puis nous avons trouvé quelqu’un qui nous a donné des émotions très fortes. Et si le chanteur nous transmet des émotions, ça sera la même chose pour le public. C'est ce que nous nous sommes dit lorsque nous avons choisi Nic Maeder.

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MC. Cette fois, qu’est-ce qui a changé pour Bang par rapport à la situation de Firebirth ?

NM. Le processus de composition n’a pas changé. Depuis que je suis dans le groupe, on a toujours écrit de la même manière. Ce qui a été un peu différent pour ce disque, c’est qu’on se connaissait mieux et on a pu écrire pour ces chansons beaucoup plus par rapport à ma voix. Et puis on s’est permis quelques expérimentation, des choses qu’on n’aurait pas essayé sur Firebirth. Chanter très bas.

LL. Après deux années de travail, du live, il y a des choses qu’on a découvertes, notamment le fait de chanter plus bas, ce qu’on ne faisait pas auparavant.

MC. Parmi les nouveautés que j’ai observées, il y a le choix du single : vous avez avec « Feel What I Feel », un morceau beaucoup plus axé radio, que sur Firebirth où c'était « Starlight ». C’est votre choix ou celui du label ?

NM. Non, c’est le choix du groupe. Nous avons un bon système de démocratie.

LL. On est en Suisse !

NM. C’est le morceau qui revenait le plus souvent parmi nous. C’est en effet une grosse décision pour le single. C’est celui qui représentait le mieux l’album. Les couplets y sont chantés assez bas.

LL. Quelle version as-tu écouté ? Il y a une version radio et une version album. Le mix est franchement différent. Le mix radio est un peu plus accessible.

MC. Au niveau aussi des nouveautés, on remarque aussi la présence, plus que jamais, de l’orgue hammond sur le disque. C’était déjà en partie le cas, mais c’est beaucoup plus prononcé que d’habitude.

LL. Ça c’est vrai. Il y a avait des claviers et des cordes avant, mais il y a plus de claviers. Je trouve que ça donne de nouvelles couleurs et que ça capte l’attention. On a fait un essai pour le premier morceau, puis pour le deuxième et ça a bien marché et on a continué. Pourquoi ne pas utiliser de nouvelles couleurs quand c’est possible ? Sur scène, il y a dans tous les cas un claviériste avec nous. Pourquoi ne pas l’utiliser un peu plus dans la production, alors ?

L’orgue hammond est un instrument bien défini qui vient du blues et du rock. C’est un instrument historique, comme nous !

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MC. Il n’a jamais été question qu’il y ait un claviériste à temps plein dans le groupe ?

LL. Des fois les claviéristes ne sont pas disponibles au bon moment. Il y en a plusieurs que l’on utilise. Il faudrait peut-être leur demander leur avis d’ailleurs !

NM. Il ne faut surtout pas leur demander ! (rires) Plus sérieusement, le format du groupe est ainsi. Le groupe a été quatre puis cinq et c’est la formation stable.

LL. On ne cache pas nos claviéristes et d’ailleurs je crois que sur Domino Effect, il y a une photo de Nicolò (Fragile).

MC. Qui compose les parties de clavier ? Tu joues du clavier Nic, il me semble ?

NM. Je joue un peu de piano mais pas pour enregistrer, c’est surtout pour composer.

LL. L’orgue hammond c’est un vrai instrument. On ne peut pas simplement transposer des parties piano vers l’orgue hammond comme ça. On ne s’improvise pas chef de cuisine ! Ce sont des deux instruments différents et nous avons besoin de quelqu’un de très compétent pour matérialiser nos idées. Nicolò est un très bon joueur d’hammond et c’est un atout pour les parties. On verra qui jouera live cette fois avec nous les claviers.

On peut en dire d’ailleurs de même pour les arrangements de corde qui apparaissent notamment sur un morceau « Thank You ».

MC. Sur ce titre, c’est la première fois que vous atteignez un format qui dépasse les dix minutes…

LL. C’est un morceau qui s’est agrandi avec le temps lorsqu’on l’enregistrait. C’est un morceau très important : il s’agissait de remercier ma mère. Elle était malade à cette époque et j’ai pu lui dire que nous faisions ce morceau pour la remercier, elle et toutes les mères du monde. On ne prend peut-être pas assez de temps pour rendre tout l’amour qu’on a reçu. Avec ce long morceau chacun peut se faire un petit film, dans sa tête.

MC. Souvent quand on évoque un sujet aussi sensible, on choisit un morceau très simple avec uniquement un clavier ou une guitare et une durée courte. Là, ce n’est pas le cas…

LL. Il s’agissait d’évoquer une vie que l’on passe ensemble : on vit, on grandit avec une personne. La longue durée s’imposait. Il s’agissait d’avoir le panorama d’une vie avec différents moments avec beaucoup d’émotion. Et beaucoup de variété comme dans la vie !

NM. Au début, il n’y avait pas grand chose. Comme tu le dis : une guitare acoustique et une voix. Un très truc très doux. Ça c’est développé aussi du fait du développement des problèmes de santé de la maman de Leo.

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MC. Il y a aussi un autre morceau où un sujet grave est évoqué, c’est « Spread Your Wings ».

NM. C’est une chanson qui parle d’une situation où quelqu’un est à l’époque et où on sait qu’il n’y a pas d’issue… Il faut alors savoir le laisser partir. Souvent, on ne veut pas laisser partir. C’est pas une chanson négative toutefois.

LL. Il s’agit de donner la force de comprendre et d’accepter que la vie continue. On ne sait pas ce qui se passe de l’autre côté… Peut-être y a-t-il autre chose ? Qu’on garde la même forme ?

NM. Ce morceau à la base est un blues, surtout dans les couplets. Il y a donc ce côté mélancolique donc.

LL. C’est le refrain qui crie plus et ça correspond aussi à l’espoir que le calvaire se finisse…On espère qu’à un moment, cela va se finir. Cela correspond très bien au blues qui est aussi une musique d’espoir.

MC. Pour ce disque, au niveau de la coproduction et du mixage, vous avez fait appel à Ronald Prent et Charlie Bauerfeind soit deux techniciens qui ont un profil assez différents : un profil « classic rock » pour le premier et un profil de producteur de métal moderner (Helloween, Saxon), pour le second. Comment avez-vous eu l’idée d’associer ses personnes ?

NM. On avait une liste de plusieurs personnes dont ces deux personnes pour faire la co-production avec Leo. On a essayé avec les deux, et notamment des versions démo (« Spread Your Wings » avec Charlie car on n’avait jamais travaillé avec lui). On connaissait mieux Ronald avec lequel on avait déjà travaillé. Ronald Prent ne pouvait faire produire l’album dans les dates qui étaient les nôtres. Mais il a mixé quand même. Ce qui était bien c’est d’avoir cette combinaison d’une personne plus rock ‘n’ roll et l’autre, Charlie, plus métal et très fort pour tout ce qui est basse-batterie.

LL. Il s’agissait d’avoir un son digne de 2014. Et Ronald est un des meilleurs techniciens du son au monde. Il est issu de la vieille école ce qui était important.

MC. Une des autres nouveautés, c’est l’existence d’un duo au niveau du chant, sur « May Be »…

LL. C’est la deuxième fois : il y a eu un duo avec Montserrat Caballé. Mais ce n’était pas sur album mais sur un single !

NM. Ce n’était pas du tout prévu. On prend toujours du monde pour faire les chœurs. Un ami à nous nous a conseillé une amie à lui qui était américaine et qui avait une super voix et qui vivait à Lugano.

LL. On voulait une voix pour les backing vocals assez angélique et ce type d’émotion.

NM. Quand on est arrivé à « Maybe », elle faisait juste des harmonies, un chœur mais elle s’est trompée et a chanté un peu plus loin et on a entendu sa voix dans un autre contexte qu’on a trouvé très cool. Pourquoi ne pas essayer un truc alors que sa voix se mariait bien avec la mienne ? On a aimé et on a gardé. Et ça amène quelque chose de plus au morceau et une couleur de plus à l’album.

Entretien avec Baptiste