Yes – Heaven & Earth
Posted by BaptisteJuil 10
On sait que le rock rime peu avec l'âge et la vieillesse : un bon rockeur est jeune et fougueux. Et il a le bon goût de mourir vite pour ne pas souffrir des affres du temps. Or, il s'avère qu'après de très nombreuses péripéties – dont une des plus loufoques fut sans doute la période des deux Yes jusqu'à Union (1991) –, Yes est toujours en activité et qu'il s'agit du dernier géant du progressif qui tourne et enregistre régulièrement des disques. Alors que Genesis est en stand by et que le dernier avatar de King Crimson est plus que jamais un projet de Robert Fripp, les cinq musiciens de Yes sont là. Étant donné que le groupe a dépassé la quarantaine et ses musiciens la soixantaine, il serait facile de tomber à bras raccourcis sur les vétérans du rock progressif et de le railler copieusement. Toutefois, ça ne sera pas la démarche adoptée ici pour parler d'un disque auquel je ne croyais pas : Heaven And Earth. La mansuétude est donc de mise.
Un nouveau chanteur à l'aise
Mettons-nous d'accord d'emblée : oui, Heaven & Earth est a des années lumières de Fragile et Close To The Edge. Oui, l'inspiration n'est plus ce qu'elle était et les moments de bravoures sont rarissimes sur ce nouvel opus. Oui, le nouveau chanteur Jon Davidson n'est qu'un clone compétent de Jon Anderson. Oui, il n'y a aucune adace présente. Oui, Heaven And Earth est moins bon que son prédécesseur, le surprenant de par sa qualité Fly From Here. Mais le disque du retour de l'inattendu Geoff Downes avait un atout pour emporter la conviction : l'exhumation d'un long morceau très réussi, datant de plus de trente ans. Cette fois les membres de Yes ont dû composer entièrement cinquante-deux minutes de musique. Et le résultat n'est pas si mal.
De manière paradoxale, ce résultat tient surtout à la prestation de Jon Davidson. Cette prestation est très bonne. Si on admet son mimétisme avec Jon Anderson qui s'étend même jusqu'aux paroles mystico-philosophiques, on peut apprécier ses mélodies vocales et ses parties chantées qui tombent toujours très juste. « The Game », la très jolie ballade « To Ascend », ou « It Was All We Knew » sont des morceaux totalement portés par le chant de Davidson qui n'ennuie jamais. Le bonhomme est crédité sur quasiment tous les titres, ce qui démontre une créativité réelle.
Dur constat
Sur Heaven & Earth, la durée plutôt longue des morceaux est surtout due à la lenteur des tempos : pas de folie à l'horizon donc. De telle sorte, qu'en fait la musique sonne plutôt comme de la pop un chouïa ambitieuse que comme celle d'un groupe qui a produit jadis des choses aussi monumentales que Relayer (1974). On ne peut que le déplorer et j'en suis un peu triste personnellement. Mais il faut reconnaître que le groupe ne peut, sans doute, viser autre chose à ce jour, sans se planter complètement. Dur et réaliste constat, mais relevons aussi que la musique du groupe s'écoute agréablement et qu'il n'en a pas sur le fond à rougir.
Baptiste (6/10)
Frontiers / 2014
Tracklist (52:00) : 1. Believe Again 2. The Game 3. Step Beyond 4. To Ascend 5. In A World Of Our Own 6. Light Of The Ages 7. It Was All We Knew 8. Subway Walls
One comment
Commentaire by 58marillion92 on 05/08/2014 at 10:19
Les changements de personnel sont presque devenus une marque déposée chez Yes ; le groupe ne réussissant que très rarement à maintenir un line-up stable plus de deux albums consécutifs. Aussi, après le convaincant (à défaut d’être brillant) « Fly from here », Yes revient avec un nouveau chanteur (exit Benoît David) et un 21e album, « Heaven & earth ». Si l’œuvre précédente laissait entrevoir, ça et là, une certaine filiation avec « Drama », en revanche, ce qui frappe d’emblée avec cet album, co-composé majoritairement par Jon Davison (nouveau clone andersonien), c’est le peu de similitudes avec le grand Yes ou bien le Yes west. Formé de titres pop et très légèrement vêtus d’enluminures progressives, l’album s’écoute certes sans déplaisir (« Believe », « In a world of our own »), mais pas de quoi s’extasier non plus, l’ambition attendue ayant cédé la place à une écriture simplifiée, voire simpliste (« The game »). Rassurez-vous, on est tout de même loin du naufrage « Open your eyes », album criard et surproduit. Non, « Heaven & earth » place l’auditeur dans une aimable torpeur ponctuée de polis bâillements (« To ascend »). Seul Howe, à travers quelques jolis soli (mais hélas trop courts) parvient à tirer son épingle du jeu, et de façon plus manifeste sur le dernier morceau « Subway walls », où le groupe retrouve enfin la cohérence qui lui faisait tant défaut jusqu’alors.
S’il ne sera pas une pièce maîtresse dans la longue discographie du groupe, l’album n’est pas si désagréable, lorgnant vers une pop progressive à la manière d’un Asia, avec lequel la consanguinité se fait de plus en plus ressentir…
10/20