Et le son de Gallows ralentit encore. Depuis son premier EP, Demo, sorti en 2005, c’est à croire que le quatuor issu de Watford n’a de cesse que de baisser le rythme. Issu de la scène hardcore, le groupe mené par Laurent Barnard nous régale, avec ce Desolation Sounds, d’un mélange très britannique de métal et de hardcore lourd, noir, tout de mid tempo dévastateur. Exit la reprise de Starring at the Rudeboys avec la présence de l’étoile noire du grime (version dure et britonne du hip hop) Lethal Bizzle. Les guitares sont plus structurées, rentre dedans, comme si la violence des premiers exploits avait laissé la place à une brutalité plus méthodique.
Le combo a, semble-t-il, revisité sa discothèque pour comprendre que la lourdeur est bien l’apanage du métal britannique et ce, depuis – au bas mot – Black Sabbath. Sans pour autant flirter avec le doom, le groupe structure les 10 titres de ce quatrième album sur la base d’une batterie qui n’a rien à envier à un marteau pilon. Elle structure chaque titre, lui ouvrant de possibles accélérations ou lui imposant la rigueur mécanique d’un défilé funéraire. Il faut les relents hardcore que constituent les chœurs virils pour aérer un tant soit peu cette noirceur assumée. Le départ de Steph Carter, l’autre guitariste, en 2013, après celui de son chanteur de frère, Franck, en 2011, n’est sûrement pas étranger à ce qu’il faut bien considérer comme un virage musical. Il n’y a pourtant pas de rupture franche d’un album à l’autre, mais une évolution marquée, régulière, qui ne s’arrête pas. Et c’est tant mieux.
Elle permet à Gallows de nous délivrer un opus cohérent de bout en bout, structuré autour de trois titres phares, qui sont autant d’arrêtes : Chains, Bonfire Season et Swan Song. O certes ! L’auditeur est en droit de penser que le thème de la fin, de la « désolation », omniprésent dans les titres (Cease to exist, Mystic Death, Death Valley Blue, Swan Song…), ne trahit pas la joie de vivre. Nul ne le contesterait. Mais, la musique qui porte ces textes est tout sauf complaisante. Elle progresse, tel un bulldozer, nous contraignant de cesser là toute activité qui viendrait brouiller l’écoute. Et, finalement, que demande-t-on à un morceau de musique si ce n’est cela : nous tirer par la manche pour nous entraîner dans un autre univers, aussi noir et plombé qu’un ciel anglais soit-il ?
Parce que, pour être Anglais, Gallows le sont jusqu’aux os. Watford, leur berceau, fut un grand centre industriel, les usines d’aviation Rolls-Royce en étaient voisines. De ce passé glorieux, il reste Iveco, de l’emploi tertiaire et la désespérance pour les générations actuelles issues de la classe ouvrière, sans parler de celles à venir. La ville fut au cœur de cette Grey Britain, saluée par Gallows dans un album éponyme en 2009 à l’occasion de leur passage écourté sur une major. Cet épisode a eu pour effet de renforcer la rage du groupe, sans que la dite ne se nourrisse de rancune. Comme si la désolation industrielle faisait naître des sons absolument essentiels pour celles et ceux qui ont encore quelque chose dans le ventre. C’est là, à ce point précis, que Gallows nous attrape par les tripes avec ce Desolation Sounds aussi vital qu’une dark ale un soir de pluie. Et ce n’est pas la moindre des contradictions de cet album que de délaisser l’environnement social au profit d’une quête plus spirituelle, tout en nous empêchant de penser à autre chose qu’aux murs des usines vides. This is England, dudes.
Nathanaël Uhl (9/10)
Facebook officiel : www.facebook.com/gallows
Site officiel : www.gallows.co.uk
Venn Records (2015)
Tracklisting : 1. Mystic Death (3:47) 2. Desolation Sounds (2:22) 3. Leviathan Rot (3:20) 4. Chains (4:18) 5. Bonfire Season (3:30) 6. Leather Crown (4:22) 7. 93/93 (2:26) 8. Death Valley Blue (3:22) 9. Cease to Exist (4:20) 10. Swan Song (3:48)