01. Quel est votre état d’esprit deux mois avant la sortie de Meliora, quels sentiments dominent sur ce disque avec le recul ?
A Nameless Ghoul : Un plaisir mêlé d’un certain soulagement car nous avons finalement vécu assez longtemps avec ces chansons et il est sain qu’elles sortent enfin vers le public. Ce fut cinq mois d’un intense travail d’enregistrement et d’arrangements pour leur donner cet état définitif. Mais je vis avec certaines d’entre elles depuis beaucoup plus longtemps, un an et demi peut-être. Et pendant toute cette phase de création, un cercle très restreint de gens connaissait ces chansons: le groupe, les producteurs, quelques amis proches dans la confidence…
Et donc tu perds aussi une certaine distance avec ta propre musique. Au début on te dit que cela sonne « génial » mais avec le temps, tout le monde fini par ne plus trouver de nouveaux superlatifs. Et puis quand tu as fini de donner naissance à cet album, tu ne veux plus jamais avoir à écouter ces chansons. Quand finalement arrivent les premiers retours, très positifs dans notre cas, tu peux commencer alors à réévaluer les qualités de cet album et presque tomber à nouveau amoureux de ces chansons. A travers le public, elles reprennent du sens, pas simplement un plaisir égoïste mais un plaisir partagé. Nous parlons depuis quelques semaines avec beaucoup de gens extérieurs au groupe, comme vous, qui chacun ont une opinion sur le disque. Tu te dis que finalement ces cinq mois ont une grosse importance et ont pu accoucher de quelque chose de bien. Cela valait la peine de tout ce travail.
Mais ça, c’est le scénario positif, si les gens aiment ton travail. Sinon c’est encore plus dur. Quand les gens aiment ou détestent ton album, tu y a mis la même dose d’énergie, de créativité et de sueur. C’est ainsi que je comprends pourquoi certains artistes en arrivent à détester certains de leurs albums. Car si tu y as mis tout ton cœur mais les gens n’aiment pas, tu en arrives à ce dire que tous ces efforts étaient vains.
02. Quand sort un nouvel album, nous pouvons penser que les artistes savent quelles chansons sont des hits en puissance et celles qui vont plaire le plus et connaître un gros succès en concert. Est-ce le cas où la réalité ne correspond souvent pas à vos propres prévisions ?
Quand tu as, comme nous, le luxe d’être un groupe qui tourne intensément tu finis par avoir une certaine expérience et tu possèdes l’immense avantage de pouvoir donner vie sur scène à ces titres après leurs sorties en bac. Car si tu fais partie d’un groupe pas très populaire, finalement tu ne sais pas car tu as peu l’opportunité de te tester, de faire face au public. Tu enregistres un disque dans la foi aveugle que certains vont aimer ce que tu fais. Quand tu tournes beaucoup tu apprends le métier et les trucs qui fonctionnent bien.
Et en studio tu peux travailler avec cette perspective en tête en te demandant si cela fonctionnera sur scène ou si tu devrais modifier telle ou telle partie pour le donner un meilleur impact. Tu peux imaginer que le musicien devra changer de pédale d’effet à ce moment-là et que ce sera super car ensuite il pourra enchainer su telle ou telle chose. Donc tu prends ces éléments de scène en considération et serait bien stupide de ne pas le faire. Car même si nous sommes en studio en train d’enregistrer un disque, à la fin de la journée, le but de tout cela est bien d’inciter et de donner envie aux gens de venir à nos concerts. Et si nous ne tenons pas compte de cela, nous ne faisons pas bien notre boulot.
03. Lors des quelques derniers concerts avant la coupure pour se ressourcer et composer/enregistrer le disque, testez-vous des choses sur scène ?
Non, d’habitude nous restons fidèles aux chansons déjà publiées. Nous voulons également que chaque nouveau chapitre, que chaque nouvelle ère du groupe, commence avec un nouveau « Papa » (NDLR : le chanteur Papa Emeritus) donc le précédent chanteur n’est pas sensé contribuer et ou participer à des répétitions avec le groupe sur du nouveau matériel. Cela nous permet d’être respectueux vis-à-vis du Papa contemporain.
04. Comment doit-on comprendre le titre de l’album (Meliora = meilleur), l’annonce que ce troisième album est supérieur, meilleur que les deux précédents ?
Non il n’y a pas de message caché, ce mot tente d’expliquer le contenu de l’album au niveau des paroles. Tout le disque se veut être le reflet de ce super monde urbain auquel nous semblons aspirer et qui nous entoure progressivement. Il existe ce petit élément pré-apocalyptique. Donc ce Meliora est censé être le sommet avant peut-être la chute. Quitte à faire des rapprochements historiques, nous ne sommes pas loin de la situation de 1929…
05. Si l’on revient un moment sur la période Infestissumam, que retiens-tu de cette époque ?
Je garde tellement de moments et de souvenirs. Quoique les gens pensent de l’album, il nous a permis de faire deux fois le tour du monde. Nous avons fait, je ne sais plus, cinq tournées aux Etats-Unis, nous sommes allés deux fois en Australie, deux fois en Amérique du Sud, au Japon. Tout cela représente tellement de souvenirs lors de ces plus de deux cents concerts… A l’époque nous ne pouvions pas prévoir que cet album allait nous emmener si loin. Maintenant, avec l’expérience nous savons que Meliora nous permettra à nouveau de vivre cela. Rien que cet automne, nous avons je crois soixante-dix concerts programmés simplement pour la première tournée américaine et européenne. Si je devais retenir un souvenir en particulier… Bien sûr notre performance lors du Rock in Rio émerge rapidement. Ce fut un moment très particulier. Et cela m’évoque également un autre concert très important pour nous il y a quelques années de cela au Hellfest.
DANZIG avait un problème et nous pouvait assurer son show à l’heure prévue. Quand on nous a demandé de prendre la main et d'assurer la tête d’affiche à leur place, ce fut bien sûr une superbe opportunité pour nous. Ce fut un gros concert mais qui n’est rien en comparaison de l’immensité de jour Rock in Rio. Pas seulement sur la signification pour nous mais parce que la scène là-bas est si grande, plus grande de toute autre partout ailleurs. Aucun festival européen n’offre une scène de cette taille. Ce fut un moment surréaliste rien que sur la façon dont la scène est construite, beaucoup plus grande, c’est vraiment cool. C’est fantastique et si nous pouvions le faire encore et encore nous aurions l’opportunité de proposer le meilleur concert au monde.
C’est grand, tu es entouré de caméra et devant toi une foule de 85 000 personnes. Cela ressemble à un immense carnaval, avec beaucoup d’hystérie. Et c’est dur d’embrasser en une fois une telle foule, qui en plus, est à plus de dix mètres de la scène. Le public s’avère être très loin en réalité. En comparaison, le Hellfest parait être un show presque intimiste. Le Hellfest a été un souvenir fun, du pur plaisir alors que Rock in Rio parait encore être un rêve, un souvenir surréaliste. C’est toujours un peu dingue de jouer en Amérique du Sud. Et de toutes les tournées dans le monde que nous avons pu faire, les tournées sud-américaines ont toujours un attrait spécial car sur place, le public amène les concerts à un autre niveau.
06. Penses-tu que votre image autour de la religion et du pape possède un certain impact sur la perception du groupe en Amérique du Sud qui est une région du monde souvent plus religieuse que l’Europe en général ?
La plupart des groupes vivent en Amérique du Sud ce qu’ils vivent partout ailleurs mais avec tous les éléments accentués. Si tu joues d’habitude devant mille personnes, là-bas tu joueras devant des foules de trois milles personnes. Plus de groupes peuvent désormais se permettre de jouer là-bas mais le public sur place n’est pas saturé comme ailleurs, la fréquence des tournées reste différente. Ce n’est pas notre cas, mais pour beaucoup de groupes, quand ils se produisent en Europe, ils jouent en face d’un public difficile, qui garde un certaine distance et reste en permanence interrogateur envers le groupe. « Que veulent-ils dire ? Qu’est ce que cela signifie ? ».
Dans le reste du monde c’est différent, les gens vivent plus à fond les concerts, ils chantent, ils dansent et s’immergent beaucoup plus facilement, cela s’avère plus joyeux. En Suède, tout est plus froid, analytique… Dans les concerts, les premiers rangs vivent le concert à fond et derrière l’intensité est moindre. En Amérique du Sud en particulier, toute la foule vit le concert à l’unisson des premiers rangs.
07. Que peux-tu nous dire de l’enregistrement de Meliora. Vous avez changé l’équipe qui vous a entouré avec par exemple Klas Åhlund comme producteur, travaillant avec des gens ayant un passé plus axé musique mainstream. Pourquoi ?
Le plus important au moment de faire ces choix, quel que soit la perspective que tu utilises, était de choisir les bonnes personnes pour ce troisième album qui pouvait mettre en danger l’avenir du groupe. Nous savions que si nous faisions les mauvais choix, nous pouvions disparaitre et détruire tout ce que nous avions construit jusqu’à présent. Et bien sûr quand tu es un groupe qui grandit et connait un certain succès apparait de nouvelles opportunité de travailler, pas avec n’importe qui, mais tu peux demander à qui tu veux et obtenir un oui ou un non. Et donc nous avions cette possibilité de tenter notre chance avec de gros producteurs connus qui avaient fait des disques à succès dans le passé. Notre management est dans le business musical depuis quarante ans et il peut contacter n’importe qui. Donc nous savions que nous allions faire un disque charnière, ça passe ou ça casse et nous voulions que cela passe bien sûr.
Et nous voulions faire le meilleur et nous espérions proposer un disque qui rencontrerait le plus gros succès depuis le début de notre carrière. Et donc, nous sommes penchés sur le passé et avons regardé comment cela s’était déroulé pour ces disques à succès que nous aimons. Et nous avons remarqué que dans chaque cas, le producteur restait contemporain, il n’avait pas eu de gros tubes avant ou alors l’album produit juste avant. Certains groupes considèrent qu’ils doivent contacter le producteur d’un album qu’ils adorent et ce type sèmera alors la même poudre magique pour assurer le succès. Mais nous avons compris que pour progresser, il nous fallait trouver notre propre Bob Rock, notre propre Butch Vig. Donc nous avons pensé que Klas Åhlund, parce qu’il n’a pas fait de grand disque rock précédemment, pourrait être ce producteur. Car nous savions qu’il aimait le rock et qu’il était un grand connaisseur.
A Stockholm, il a une certaine réputation pour être un peu dingue, ce producteur démoniaque… Donc il avait en lui cette noirceur qui pourrait s’avérer utile pour nous.
08. Vous avez tourné une vidéo pour le premier single extrait de Meliora, « Cirice ». Le clip est construit en référence au film d’horreur de 1976 Carrie. Pourquoi cette idée et comment cela s‘est-il-déroulé ?
L’idée est venue du groupe et nous avions en projet de faire à un moment ou un autre une vidéo avec des enfants. Et quand est venu le moment de définir qu’elle serait le travail à faire autour de cette chanson « Cirice » j’ai toujours imaginé une histoire d’amour. Donc nous avons mélangé cela avec l’idée d’utiliser des enfants pour obtenir une bonne histoire. Nous avions des enfants et cette idée d’une école qui représentaient les bases de la vidéo et de l’histoire à raconter. Et tu dois faire très attention quand tu parles d’amour et d’enfants, que cela ne devienne pas malsain et glauque.
La chanson, le clip et la vidéo ne devait pas être « sale » mais parler plutôt de compassion, montrer les efforts communs de deux personnes pour s’aider et devenir plus forts. Et rapidement puisque la scène se déroulain dans l’auditorium d’une école et que nous avions cette fille comme personnage, le rapprochement avec Carrie a émergé rapidement et naturellement. Nous avons toujours voulu avoir cette ambiance des années 70 mais à l’origine nous nous ne voulions pas rappeler Carrie. Cette idée et ces pouvoirs de télékinésie sont arrivés plus tard. Le groupe était présent d’une façon ou d’une autre lors du tournage pour surveiller tout cela et s’assurer que cela allait bien dans la bonne direction.
Et tu ne trouveras pas de caméo de l’un d’entre nous dans le clip. Si nous le faisions, nous nous assurerions avant que cela ne serait pas su et que nous ne pourrions être identifiés. Nos fans sont très cools avec nous et ils protègent notre identité et notre démarche anonyme. Donc il est très important pour nous de ne pas manquer de respect envers cela. Car si nous commencions à jouer avec nos identités, nous ferions nous même tomber cette barrière et nous ne serions plus anonymes. Ce n’est pas la même chose si quelqu’un prend une photo de toi à la volée et la publie. Tu subis cette situation, tu n’as pas choisi de la publier toi-même.
09. Que peux-tu nous dire de la pochette, encore le travail de Zbigniew M. Bielak et quelle direction lui avez-vous donnée ?
Le travail de création vient à la fois de l’artiste et du groupe. Il a tous les éléments en main, nous lui fournissons des idées qui viennent compléter les paroles de l’album, le concept et le fil rouge. Et alors il travaille et nous envoie des idées, des projets. La plupart du temps son idée initiale s’avère très bonne et il nous fournit des visuels très détaillés. Parfois, il va dans une direction qui ne nous convient pas et donc nous lui demandons des modifications. Le processus est assez long, tout a débuté l’été dernier alors que le disque commençait à prendre forme et il est venu à notre concert à Varsovie. Cela prend en tout environ une année car il n’y a pas que la pochette mais aussi l’ensemble des visuels du livret.
Et enfin "Le Quizz De Metal Chroniques Quizz" pour terminer cette interview:
01. Quelle est ta chanson préférée (tous artistes, époques…) ?
Cette dernière semaine j’ai beaucoup écouté, IL PAESE DEI BALOCCHI, un groupe de prog italien.
02. Premier album rock acheté ?
THE BEATLES avec The Beatles 1967–1970, l’album bleu. Ce fut l’un des premiers avec KISS Alive. Beaucoup de ROLLING STONES…
03. Dernier album acheté ?
Un groupe électronique, ABOVE AND BEYOND
04. Si le Paradis/l’Enfer existe, que voudrais-tu entendre Dieu/Satan te dire à ton arrivée ?
Il est évident que j’irai en Enfer mais j’en suis heureux car tous ceux que je connais et que j’apprécie y seront également.
Tous nos remerciements à Olivier GARNIER (Replica Promotion)
Chronique de l’album ici