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01. Cette année marque le vingtième anniversaire du groupe. As-tu le sentiment d’avoir achevé quelque chose et qu’est ce qui te rend le plus fier ?

Travis Stever : Cette date reste assez relative car nous jouions ensemble avec Claudio (Sanchez) depuis que nous sommes tout gamins. Les véritables débuts de l’aventure se situeraient plutôt vers 1991/1992. Le groupe dont tu parles en 1995 était un groupe de lycée et je n’étais peut-être même pas partie prenante. Cela s’appelait alors SHABUTIE et puis après différentes péripéties cela s’est transformé en COHEED AND CAMBRIA. Le groupe actuel date de quatorze ans je dirais. En ce qui concerne ta question, bien sûr toutes ces dernières années, nous avons vécu de nombreux moments charnières. Mais je suis super fier de ce nouvel album car nous n’avons enregistré en condition live et il s’agit de l’un des accomplissements les plus forts que tu puisses faire en tant que musicien. Nous pouvions être dans l’instant et enregistrer, capturer ce moment et tout ce que nous voulions. Et c’est bien cela que les gens vont avoir.

Bien sûr nous avons déjà enregistré dans de telles conditions devant un public mais ce disque en particulier à vraiment « boosté » notre confiance et prouve que nous sommes réellement des musiciens. Nous avons débuté comme un groupe de rock de garage ou de métal de garage, appelle cela comme tu veux, reprenant des titres punks avec cette attitude spécifique. Nous faisions alors de la musique que pouvait être écouté un peu partout, dans les caves ou les arrière-cours et quand je vois où nous en sommes aujourd’hui. Nous avons réalisé certaines choses et je n’avais jamais imaginé en être capable musicalement parlant. Mais je garde d’autres souvenirs marquant quand nous avons ouverts pour des groupes que nous admirons comme IRON MAIDEN. Ils ont fait ma jeunesse… Ta question est difficile car tous ces moments comptent à nos yeux.

 

02. Si tu devais résumer le groupe de 2015 et sa philosophie en trois mots lesquels et pourquoi ce choix ?

La réponse la plus simple mais la plus définitive : « un groupe de rock » (NDLR : a rock band). Car c’est vraiment ce que nous sommes. Et si on te demande d’aller plus en détail et de creuser je comprends cette démarche. Et cela reste un groupe de rock. Et ensuite qu’est ce que le nom signifie ? Et bien, il s’agit de deux personnages d’une histoire qui a été imaginée et développée par notre leader, compositeur et chanteur Claudio Sanchez. Et le nom est parti de la là. Et cette histoire a infusé tous les albums à l’exception de celui-ci.

Et donc beaucoup se demandent pourquoi continuez-vous avec ce nom si celui-ci ne correspond plus à l’histoire ou le concept du disque. Mais si tu regardes en détail, des groupes, et ils sont très nombreux si tu prends la peine de regarder, ont choisi le nom d’un personnage de fiction sans écrire de chansons systématiquement autour de ce personnage ou de son histoire. Pourquoi pas nous ? Donc oui nous restons tout simplement un groupe de rock, très varié, proposant différents genres du métal au progressif et ce nouveau disque s’avère même presque pop a certains moments mais c’est juste différents aspects d’un même groupe.

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03. Si l’on revient un moment sur la période The Afterman, que retiens-tu de cette époque ?

Ce fut un très long chapitre et si je devais ne retenir qu’une période, ce serait la période de transition entre les deux opus. Nous étions alors dans l’anticipation et cela présentait alors un tout autre visage, une autre vibration, par rapport au groupe actuel. Mais nous avons sorti un album très dense, beaucoup de matériel. En réalité ce fut un double album sorti en deux fois. Si tu veux, nous avons d’abord publié un demi album. Et alors nous avons énormément tourné, encore et encore, et nous étions alors dans l’anticipation de la sortie de la seconde moitié.

Nous avions aussi la crainte qu’après la sortie des deux parties, l’ensemble serait tellement lourd et dense que les gens pourraient être submergés. Et cela a pu se produire ainsi pour certains. Mais la seule chose que je peux souhaiter c’est que les gens prennent un peu de recul vis-à-vis de cette énorme aventure et se rendent compte que le groupe a donné tout, nous avons présenté tout le panorama des visages du groupe sur ce double album. J’y crois fermement. J’en suis immensément fier.

 

04. Quel est votre état d’esprit un mois et demi avant la sortie de The Color Before the Sun, quels sentiments dominent sur ce disque avec le recul ?

Encore une fois nous sommes dans l’attente et l’anticipation de la sortie de l’album vers le public. Nous venons d’en parler. Nous n’avons que votre retour, celui des gens de la presse que nous rencontrons pour la promo et quelques chroniques de personnes de l’industrie. Mais nous n’avons pas encore le retour des fans, ce qu’ils en pensent, ce qu’ils ressentent car ils n’ont pas encore pu l’écouter. Nous attendons avec impatience la réponse des fans absolus du groupe, ceux qui viennent à tous nos concerts. Je ne parlerais pas de peur mais une certaine excitation… Après réflexion, si la peur est là, nous ne nous voilons pas la face. Cette excitation et cette inquiétude combinée finalement fonctionnent pour notre intérêt nous ne voulons jouer, nous n’en pouvons plus d’attendre de jouer. Nous espérons que tout le monde appréciera l’album mais quoiqu’il arrive, nous serons sur les routes et nous jouerons cette musique.

 

05. Toute la presse et les documents du label mettent l’accent sur le fait qu’il s’agit là du premier album qui n’est pas connecté à l’univers de The Amory Wars. Quelle est l’importance de cet élément de ton point de vue ?

Il est évident que l’album est très dense et riche mais le concept lui aussi conserve ces mêmes caractéristiques et nous pouvons y revenir à tout moment dans le futur. Mais nous avons ressenti le besoin de faire autrement et surtout de réaliser ce que nous avions envie sans nous limiter ou nous imposer des barrières. Et beaucoup de groupes, comme je l’ai dit précédemment, qui agissent comme nous et ne reste pas sclérosé par une histoire ou un personnage. Cet album contient des choses, des émotions très importantes aux yeux de Claudio, des éléments de sa vie. Et quand nous avons commencé à travailler sur ces chansons nous ne savions pas si cela allait effectivement finir sur un album de COHEED AND CAMBRIA.

J’ai écouté ces chansons et je lui ai dit que j’aimais ces chansons, que j’avais envie de travailler sur ces chansons, y ajouter des guitares… Et en collaborons avec lui et avec tout le groupe, ces titres ont pris vie sans être basé sur un concept. Donc rapidement est venue une question : pourquoi changer ces chansons pour qu’elles dans le moule d’un concept ? Claudio a travaillé en parallèle sur les paroles et la musique mais dans le passé il a pu arriver que la musique arrive avant les paroles, l’histoire et le concept. Cet album est né des événements de sa vie et beaucoup pourront comprendre et se connecter à son ressenti exprimé dans ces chansons. Le sentiment d’avoir un enfant par exemple.

Tout cela est si personnel que le laisser ainsi semblait normal. Les chansons sont présentées dans leur plus simple appareil, les paroles sont très personnelles, un concept ne s’imposait pas. Pas besoin de pousser et de forcer les choses.

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06. Pourquoi avoir fait le choix d’enregistrer ce disque au Sun studio St Charles à Nashville sous la houlette de Jay Joyce ? Avez-vous modifié votre façon de faire par rapport aux enregistrements passés ?

Oui comme je l’ai dit nous avons pris le parti d’enregistrer en condition live et c’est bien la façon de faire de Jay Joyce. Au moment de choisir le producteur du disque, ce n’était pas notre choix. Mais devant le conseil de notre management nous avons dit ok, essayons de bosser avec lui. Personne n’a fait ce choix pour nous et personne n’a jamais agit en notre nom ou à notre place. Nous avons toujours le choix final. Nous avions une liste de souhait et tout en haut de cette liste figurait notre nom. Nous pensions nous en charger nous-mêmes toujours avec cette idée d’enregistrement live. Et cela nous excitait.

Mais le label nous a dit, nous avons cette liste de suggestions. Et Pete Giberga qui travaillait pour le label 300 qui a toujours été important pour nous dans les contacts avec le music business. Il nous gérait à l’époque au niveau A&R pour le compte d’Epic sous Sony. Et puis d’autres labels comme Columbia était sur les rangs et nous avons pris ces derniers. Mais nous avions apprécié de bosser avec Pete. Maintenant nous avons les deux, le label 300 et également Pete qui les a rejoint. Et il est venu nous voir, nous respectons beaucoup son opinion, en nous disant qu’il connaissait ce type Jay Joyce, j’ai bossé avec lui sur d’autres projets et votre collaboration pourrait vraiment être intéressante. Et cerise sur la gâteau, son approche artistique correspond à votre envie, un enregistrement en condition live. Et comme nous avions envie de cela et que nous disposions de chansons sur lesquelles nous avions bien travaillées, nous avons dit banco. Ce fut facile. Nous savions que nous pourrions faire un essai et arrêter si la mayonnaise ne prenait pas.

Mais tout a très bien fonctionné. Mais nous avions le choix de mettre fin à l’expérience et rentrer chez nous pour nous en occuper nous-mêmes. Il n’était pas nécessaire pour nous de spécialement nous éloigner de chez nous mais l’atmosphère à Nashville était spéciale. Le studio est magnifique, une ancienne église, le son était étonnant, un espace immense transformé en studio d’enregistrement. Une scène installée, nous quatre avec Claudio au centre et un jeu un live, sans artifice. Tout a eu lieu et la magie est née dans ce lieu immense. Cette expérience nous a conforté dans l’idée que nous avions fait le bon choix en acceptant la suggestion et que de belles choses pourraient sortir de ces sessions. Nous avions un choix de matériel immense et avons pu expérimenter. Cela a joué positivement dans notre choix.

Par exemple j’ai utilisé deux guitares Les Paul que j’utilise d’habitude sur scène. Nous voulions avoir le choix maximum en termes de matériel pour finalement n’en utiliser que très peu. Cela amplifie le risque d’expérimentations sans fin et pourtant tout c’est mis en place naturellement. Tu mentionnais Afterman précédemment, et là la philosophie était de laisser tourner encore et encore et de tester. Pour le nouvel album, Claudio avait dix chansons, et il en était super fier et la décision du groupe a été de transformer tout cela en album de COHEED AND CAMBRIA avec ce nouveau son. Il y a eu une progression, nous sommes allés du point A au point B. Et cela n’a pas empêché la spontanéité. Toute la pré-production a été bouclée très rapidement, en trois semaines. Nous n’avons jamais travaillé aussi vite.

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07. Que peux-tu nous dire de la pochette, encore le travail de Nick Steinhardt et quelle direction lui avez-vous donnée ?

Il a fait un super travail et la pochette reflète beaucoup de l’album et l’expérience de Claudio dans sa maison et sa vie personnelle. Tu vois cette maison qui s’effondre… Ce n’est pas toujours le cas mais ici Claudio a pu donner à l’artiste un grand nombre de thèmes abordés sur le disque et Nick a pris tout cela pour le réinterpréter. Il a impressionné tout le monde. Et la pochette est extrêmement importante pour nous. Nous changeons d’artiste à chaque fois mais nous y faisons très attention. Il faut que l’on retrouve certaines caractéristiques et la patte de l’artiste. Pour certains de mes albums préférés, la pochette comptait tout autant que la musique.

Somewhere in Time est un très bon exemple. Tu la regardes et tu découvres tous ces détails, tu vois Eddy qui regarde avec intensité dans cet environnement du futur. Et là tu regardais les immeubles, et les petits personnages aux fenêtres… Ou le premier album de BLACK SABBATH avec cette sorcière… Cela prend l’auditeur et reste un moment important de ma vie.

 

08. Vous proposez différentes versions de l’album. S’agit-il d’une décision du groupe ou du label et es-tu toi-même un amateur de ce genre d’éditions collector ?

Non non la décision reste la nôtre, cela vient du groupe. Et oui j’apprécie cela et je suis moi-même un collectionneur. Je reviens de nouveau vers les vinyles et c’était le cas quand j’étais beaucoup plus jeune. J’en ai vendu pas mal depuis. Et cela pousse à écouter tout le disque et à soigner la pochette comme nous le disions précédemment. L’édition deluxe, cd ou vinyle, reflète nos idées et notre envie en tant qu’amateurs et collectionneurs. Tout y est et nous essayons à chaque fois d’offrir le maximum.

Je suis un grand fan de Neil Young et il y a quelques années de cela ses archives ont été publiées sous la forme d’un coffret énorme avec cinq disques et cinq DVD pour un prix de 350 dollars. Mais pour moi, cela les valait et je l’ai acheté et ce n’était pas simple du tout. J’aime cela et nous donnons notre meilleur à nos fans.

 

09. Quel est été le détonateur qui vous a fait signé chez 300 Entertainement ?

Un nouveau label mais qui peut compter sur le soutien de sociétés très riches et puissantes ? C’est un peu un nouveau départ pour nous et nous voulions travailler avec de nouvelles personnes elles aussi lancées dans un nouveau chapitre. Tout le management possède une sacrée expérience, ils viennent tous de l’industrie musicale et cumule une sacrée expérience. Mais ils tentent quelque chose de nouveau. Le groupe change en permanence et nous sommes ouverts à tous les angles et nous pouvons bénéficier de ces expériences avec les plus grandes stars. Ce disque est assez pop sur certains aspects donc ils sauront nous bosser avec efficacité.

 

Et enfin "Le Quizz De Metal Chroniques Quizz" pour terminer cette interview:

01. Quelle est votre chanson préférée (tous artistes, époques…) ?

“Fascination Street” de THE CURE. Mais cela changera dans dix secondes…Il y en a trop…

 

02. Premier album acheté ?

Somewhere in Time d’IRON MAIDEN

 

03. Dernier album acheté ?

Captain Beefheart avec Clear Spot

 

04. D’où est venue l’étincelle qui t’as donné envie de devenir musicien ?

Mes parents se sont rencontrés lors de représentations Off Broadway de Jesus Christ Superstar. Donc j’ai grandi dans cet univers artistique, la musique est toute ma vie, je pense que c’est de voir mon père jouer, mais je ne peux me rappeler un moment en particulier.

 

Tous nos remerciements à Olivier GARNIER (Replica Promotion)

 

Chronique de l'album ici

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