Avant de commencer j’aurai souhaité en savoir un peu plus sur vous de manière individuelle et sur votre rapport à la musique dans un premier temps puis au Black Metal. Vous pouvez en profiter pour vous présenter à nos lecteurs et expliquer  vos postes  respectifs au sein de Strynn. 


Dwimorberg : Je suis à la guitare et au braillage, je supporte le groupe en grande partie (page facebook, mails, démarchage, compta, etc.) même si j’ai réussi à déléguer quelques trucs aux autres fainéants, I make the rules. Pour ce qui est de mon rapport à la musique, je dirai que je fonctionne au feeling. Les choses techniques ne m’intéressent pas, ni la qualité sonore d’une production. J’aime quand la musique est honnête et sans chichi. Cette règle s’applique aussi au black metal, ce qui fait que j’ai de plus en plus de mal à apprécier la scène récente. La musique est pour moi avant tout un exutoire, défouloir, ça repose mon cerveau.
Anadrark : Et bien de mon côté, je guitarise et je crie sur les gens dans le micro. Je suis aussi responsable de la grande majorité des conneries dites sur le site web de Strynn. Mon rapport à la musique change beaucoup selon les périodes, ça peut être un exutoire, ou alors le besoin de me couper du monde, ou encore juste pour le plaisir. Je ne peux pas dire avec précision quel rapport j'ai avec, ou du moins, il va changer demain. Après il est clair que la musique n'est pas ma vie, elle serait vraiment triste sinon. Le black metal n'échappe pas vraiment à la définition, d'autant que j'ai tendance à m'éloigner un peu du milieu en ce moment, j'en écoute encore, bien sûr, mais ce qui est autour m'intéresse de moins en moins. Tu arrives trop tard, à quelques années près tu avais une belle réponse philosophique sur ce qu'est et représente le black metal :-].
Arzh : J'ai toujours écouté de la musique, surtout du hard et du heavy quand j'avais à peine l'âge de piquer les cassettes de mon père pour les écouter sur walkman, surtout des machins années 80, c'était tellement cool. Dans la famille on a plein d'artistes, donc entre la peinture, la danse et le metal j'ai choisi mon camp tout seul. J'ai commencé par le piano et la guitare classique vers 8 ans, le club Dorothée m'a attiré vers le côté obscur beaucoup trop longtemps pour me laisser continuer. Ensuite je suis allé au CIAM de Bordeaux il y a quelques années, puis à la MAI de Nancy. En comptant Strynn je pense être passé de près ou de loin dans quinze ou seize groupes déjà. J'adore bosser comme un autiste. Enfin j'ai saturé alors maintenant je ne joue plus nulle part pour le moment. Au niveau du bläck mëtäl j'écoutais juste quelques classiques du genre au lycée : Immortal, Dark Funeral, Mercyful Fate, Marduk, Bathory, Carpathian Forest et c'est tout, à deux trois merdes près. Maintenant la liste s'est un peu étoffée, mais dur de trouver des groupes qui se distinguent du reste, en bien ou en mal (surtout parce que je ne cherche pas). Ce qui me fait penser qu'on devrait faire une reprise de Francky Vincent, imagine « Tu veux mon zizi » à la Strynn. Ça, ça botterait grave du bébé phoque. Appréciez ma vision de l'avenir du BM. Mon poste dans Strynn, c'est la guitare avec 5 grosses cordes. Ça consiste à rajouter encore plus de bordel et de notes dégueulasses. Les autres en profitent parfois pour me faire faire vraiment n'importe quoi sur certains riffs, c'est leur petit côté sadique. Mais j'aime bien.
Obscurisis : Je suis le batteur du groupe depuis sa création sous son ancien nom, Black Storm. J'ai commencé la musique assez tôt, vers l'âge de 6 ans. J'ai commencé la batterie en même temps que je me suis mis au metal, à 15 ans. J'ai été évidemment influencé par beaucoup de choses que j'ai été amené à écouter dans ma jeunesse, et je pense que cela se ressent dans mon jeu. Mon rapport à la musique est très lié au metal, car je n'écoute pas vraiment grand-chose d'autre. Je ne m'estime absolument pas être un fin connaisseur de black metal, je renvoie les lecteurs aux connaissances pointues de Anadrark à ce sujet. Je perçois le metal, et tout spécialement le black metal, comme un moyen de s'exprimer, le plus souvent de façon brutale et franche. C'est une musique spéciale à plusieurs niveaux, elle ne s'écoute pas comme n'importe quel autre style. Le black metal est historiquement né à partir de la violence, et je pense que cela s'entend bien quand on écoute les groupes de la deuxième vague, ils ont pour la plupart une ambiance spécifique, liée au contexte dans lequel ils ont été composés et enregistrés. Il n'y a pas qu'un seul black metal cependant, chacun le ressent comme il le veut : pour certains il doit être froid, pour d'autre il doit être brutal, pour d'autres il est mélancolique, mélodique, dépressif… Il existe autant de manières de faire du black que de musiciens. L'essentiel est de comprendre que le black est fondé sur des sentiments que l'on appelle négatifs comme la haine, la violence, la peur… A titre personnel je m'efforce toujours de jouer en ressentant cela, ça m'aide à être plus agressif, plus convaincant. Dans le black metal, la batterie est aussi importante qu'ailleurs, je ne pense pas qu'il faille la mettre en retrait ou la négliger, car un bon batteur participe vraiment à l'ambiance que le groupe veut dégager, que ce soit de la violence pure (1349, Marduk), un peu plus de mélancolie (Shining) ou encore un esprit plus aérien (Arcturus notamment). Je pense donc que le black metal doit être vécu intensément, que ce soit par les musiciens ou ceux qui en écoutent, afin de pouvoir être perçu de la meilleure manière.


Comme je le précise en préambule dans la chronique de Alienation, votre second album,  Strynn a eu une première incarnation  entre 2011 et 2012 sous le nom de Black Storm. Obscurisis,  Anadrark et Dwimorberg pouvez-vous revenir sur ce qui vous a alors décidé à fonder Strynn ?


Strynn s’est formé sur les cendres de Black Storm, nous avons décidé de changer parce qu’en vieillissant nous trouvions le nom pourri. C’est ce qui a entrainé le départ du bassiste qu’on avait à l’époque, avec qui Dwimorberg avait fondé le groupe au lycée. Nous souhaitions orienter différemment le groupe, qu’il devienne un peu plus sombre et agressif. En bref, une histoire plutôt standard de renommage.

De manière générale  comment se passe le processus de composition au sein de Strynn ? Est-ce l’œuvre d’une démarche individuelle ou collective et est-ce que l’arrivée de Arzhkrug a été influente dans ce domaine ?

 

On pourrait décrire ça en un seul mot : empirique. On n‘a pas vraiment de vision globale des morceaux, ça  vient au feeling, les meilleurs qu’on a composé sont en général ceux qui ont été fait les plus vite parce qu’ils nous ont inspiré. La composition part d’Anadrark et/ou de Dwimorberg. Puis nous nous regroupons entre guitaristes pour finaliser ça, chacun écrivant sa partie. Ensuite vient Arzhkrug qui compose plus ou moins tout seul ses parties basse, plus ou moins parce qu’on est un peu sadique et qu’on aime bien lui composer de la merde injouable. Il a eu du mal à composer au début, vu notre façon de faire plutôt atypique de non-musiciens. Et enfin Obscurisis ajoute la batterie théorique… Et puis il fait n’importe quoi en répète, et c’est plus ou moins réussi. Au final, l’arrivée d’Arzhkrug n’a pas changé grand-chose sur le processus de composition à part rajouter une étape entre les guitares et la batterie, et du bordel sonore aléatoire.


J’ai adoré le duo Basse / batterie sur Alienation ! Pouvez- vous brièvement revenir sur l’ajout de la basse dans votre musique et quels sont les raisons qui vous ont poussées à faire ce choix ?

   
Un jour pluvieux  de novembre, Anadrark et Dwimorberg composaient. Tout à coup, une lueur d’intelligence traversa brièvement  leur  cerveau, « ça l’aurait bien fait de la basse sur ce riff, et si on tentait le coup ? Sait-on jamais sur un malentendu on pourrait apprécier ça ».
Arzh : j’étais bourré, j’ai vu de la lumière, je suis rentré.


J’ai ressenti un léger changement entre vos deux albums dans l’orientation des compositions. C’est assez difficile à décrire mais en plus de la basse qui apporte beaucoup à votre son, j’ai trouvé votre musique moins catchy que par le passé et plus chaotique avec des tempos plus lents aussi et certaines expérimentations. Comment expliquez-vous ces changements  ? Etait-ce prémédité de votre part ?


C’est une évolution naturelle,  les derniers morceaux composés sur « Decadence » se rapprochaient déjà de cette approche plus dissonante,  « Datura » ou  « Anguish ». Nos  goûts ont évolué entre temps et sont devenu plus exotiques.


Est-ce que le fait que Anadrark (qui mène son sombre projet de musique bruitiste) impulse  cette direction à Strynn et est-ce un gout partagé par l’ensemble du groupe ?

 
Anadrark a commencé ses projets  bruitistes  après  la composition de  l’album  donc l’influence ne  vient pas de là pour « Alienation »,  par contre pour le prochain c’est une autre histoire. Il se trouve  qu’on partage tous de plus en plus ce délire, pour exemple notre bassiste vient de s’acheter, de son  plein gré, une pédale qui fait des sons de laser. Pour le rendu sonore d’ « Alienation », on a été influencé par un esprit maléfique dont on taira le nom, avec des ambiances à la bougie parfumée, à l’after shave et à l’encens (parce que c’est trve).

 

Par la suite, faut-il que l’on s’attende venant de Strynn à des compositions avec cette approche expérimentale ?  


Arzh : Je ne sais pas si on peut vraiment dire « expérimental » : chez moi ça évoque surtout quelque chose de recherché et vite chiant, ce n’est pas le cas ici (ça dépend pour qui).  Mais je suis pour aller plus loin dans la dissonance, en mieux maitrisé, éventuellement, et monter le tempo. Tant que c’est le bordel et que ça croustille dans les oreilles… Donc la réponse est oui,  clairement.


Pouvez-vous revenir sur l’enregistrement d’  « Alienation» et vos choix dans ce domaine ainsi que nous présenter les personnes avec qui vous avez collaboré ?  J’ai particulièrement apprécié le son qui vous donne une emprunte particulière et vous démarque de la masse des productions Black Metal. Personnellement plus j’écoute Strynn et moins j’ai l’impression d’écouter du Black Metal…


Nous avons collaboré pour l’enregistrement avec une personne dont on ne doit pas prononcer le nom qui a une personnalité détonante et jusqu’au boutiste, un peu comme nous. La prise live était son idée ainsi que l’ajout de distorsion et de delay par palettes pour avoir un rendu « à l’ancienne ».


Un mot pour ce truc qui vous sert d’artwork ? J’ai eu du mal au début lorsque vous l’avez dévoilé sur le net mais le rendu physique est bien cool en fait… 


L’artwork a été réalisé par Eseld Luaine (http://eseldluaine.com/). On lui a donné les idées d’illustrations pour la pochette et les titres et on l’a laissé totalement libre sur la réalisation. Elle a voulu tester les cartons à gravure, le rendu froid et épuré nous a de suite plu. Les illustrations sont représentatives des paroles de chaque chanson.


Une question me taraude… Les textes sont-t-ils importants pour Strynn ? Certaines personnes ont un  rapport spirituel avec (et dans)  ce courant musical qu’est le Black metal. Qu’en pensez vous et comment se situe Strynn par rapport à ce mouvement ? 


Anadrark : Je n’ai rien contre les gens qui pensent que les paroles sont importantes, parfois c’est le cas et les connaître / les comprendre peut changer complètement la vision d'une production. Je vais parler pour moi, mais les paroles dans Strynn… euh… c’est juste des mots qui mis à la suite pourraient faire penser au titre du morceau en question. Pas de concept à la con, c’est plus facile de chanter s’il y a des paroles. Si c’était plus facile sans, je pense qu’on ferait sans.

Dwimorberg : Le but de Strynn n’est pas de véhiculer un message mais plutôt de laisser libre les gens de ressentir l’ensemble et de l’interpréter comme ils l’entendent.


J’ai remarqué que Strynn avait par moment une certaine activité live. Est-ce un exercice qui vous plait et à quoi faut-il s’attendre lors d’une de vos prestations ? Vous pouvez en profiter si des dates sont de prévues pour nous en faire part bien entendu ! 


Anadrark : Personnellement, je ne suis plus un grand amateur de concert en tant que spectateur. Après… j'aime bien jouer du Strynn, apparemment il existe des personnes qui aiment voir jouer Strynn, je suppose que tout le monde est content. Et sinon, en général, il faut s'attendre à ce qu'on pète l'ambiance ;).
Arzh : J’adore la scène, je ne suis pas certain de pouvoir m’en passer un jour. Et je trouve que c’est un exercice nécessaire pour vraiment faire entendre le groupe ; ce qui est fait en studio n’est pas toujours vraiment représentatif des capacités de certaines formations.
Obscurisis : Un peu la même réponse que Arzh, j'aime beaucoup jouer en live et j'apprécie l'énergie que ça dégage. J'aime voir et entendre la réaction des gens à notre musique, que ce soit dans Strynn ou dans d'autres groupes, j'aime avoir le retour du public sur ce qu'ils ont aimé ou non, donc pour moi les concerts sont importants, car ça va nous aider à évoluer. À quoi s'attendre ? Honnêtement je n'en sais rien, mais ne venez pas avec trop d'attentes comme ça vous ne serez pas déçus.
Dwimorberg : Plus je vieilli et plus je pense comme Anadrark, je me lasse des concerts en général. J’aime jouer en live mais je ne pense pas que ce soit une nécessité. Ce à quoi il faut vous attendre en venant voir Strynn jouer… à du bruit, comme en cd avec les pains en prime.

 

Pour finir quels sont vos derniers coups de cœur musicaux ? 


Anadrark : Y'en a beaucoup trop. Je vais lister les dernières grosses baffes dans la gueule, mais il y en a d'autres…
Dans l'ordre d'écoutabilité pour les personnes ayant un minimum de goût : Carpenter Brut, le dernier Mgla, le dernier Black Magick SS, le dernier Enbilulugugal, Otium Post Negotium de NekRock, The Static Doom Cult of Tera-AntiQu et Moonlight on the Shadowy Vale d'Asleep in The Lake
Arzh : Le silence c’est cool. Sinon je subis plus ou moins les humeurs d’Anna en ce moment. Meteor et Carpenter Brut ça tue.
Obscurisis : Je ne renouvelle pas souvent ce que j'écoute, je suis plus ou moins sur les mêmes groupes depuis 4-5 ans. Cela dit je me mets à écouter des classiques à côté desquels je suis passé donc je pense que mes deux dernières énormes révélations (bien que très anciennes) sont 666 International de Dødheimsgard ainsi que Written in Waters de Ved Buens Ende. Des chefs d'oeuvre. Sinon dans un registre tout autre, Perturbator fait un boulot génial.
Dwimorberg : J’ai pas trop le temps d’écouter des choses nouvelles alors ce sera une liste pas très neuve : le dernier Mgla, Cosmic Church, Torture Chain, Arizmenda, Chaos Moon.

 

Un dernier mot pour nos lecteurs ? 


Obscurisis : Cowabunga, le cri des ninjas (ne me remerciez pas pour l'air dans la tête).
Arzh : grougrou.
Anadrark : Vous avez vraiment lu jusqu'au bout ? Je suis admiratif.
Dwimorberg : Je préfère ne pas vous infliger ça.
 

Notre chronique de Alienation

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