Archive for janvier, 2019

Baise Ma Hache – F.E.R.T.

2018, quelque part dans les montagnes françaises…

« – Sinon, t’as des nouvelles de Famine ?

– Aux dernières nouvelles, il est toujours en Ukraine, à tiser de l’antigel avec la maison-mère du Metal militant. D’ailleurs, il prépare son nouveau disque, et il parait même qu’il va, je cite, « dropper du gros peura, sisi, DJ Nocide ».

– DU RAP ? Mais… Vu qu’on a toujours fait du KPN light, on va devoir aussi en faire ?

– Mmmm. C’est pas très compatible avec notre image, tout ça, il faut quelqu’un qui ait de l’expérience en rap mais qui soit pas trop… enfin, tu vois ce que je veux dire hein ?

– Et si on demandait à Hreidmarr ? Askip, c’est lui qui chantait sur Suprême MRAP avec Pierpoljak. Et dans MRAP, y’a RAP. Tu te souviens qu’on zoukait dans les alpages en écoutant « Indianadolf » tout en chassant les moutons noirs ?

– Ouais, cohérent. Et à choisir entre Rose et Pierpoljak, je préfère prendre un chanteur de black qu’un rastaboy qui sent la chèvre. Même si ça colle avec notre terroir, ce fumet de bouc… »

Et c’est ainsi que Rose Hreidmarr a rejoint Baise Ma Hache. Ou pas, en fait, j’en ai aucune idée.

Baise Ma Hache, donc, le petit frère montagnard de KPN, est de retour avec un nouvel album et, je dois l’avouer, l’élève dépasse cette fois le maître. Mais pour cela, il aura donc fallu que KPN crame tous ses fusibles, s’exile en Ukraine, fasse un auto-split avec lui-même et se mette au rap. Rien que ça. Un peu comme si Usain Bolt faisait un 100 mètres contre moi mais décidait, après 30 mètres, de s’immoler par le feu tout en courant en moonwalk.

F.E.R.T. donne l’impression d’un album composé et écrit sur la base de la checklist « je fais du black et je suis fier de mes racines » : l’imagerie guerrière (avec une pochette en mode « Blood Fire Death » du pauvre), les textes qui suent l’honneur et la supériorité, l’interlude mélancolico-bucolico-nostalgique avec bruits de bataille, l’interlude menaçant avec cuivres (avec Arditi)… Tout semble pesé, mesuré, réglé au millimètre pour caresser dans le sens de la mèche une certaine frange du public BM.

Et pourtant, F.E.R.T. peine à convaincre. Prenons l’opener, « Le Crépuscule des Gueux ». Il y a de bonnes idées, de bons riffs, mais tout cela se perd dans un patchwork décousu de 12 minutes, avec un sample de Seul Contre Tous à la valeur ajoutée nulle et deux ruptures qui viennent casser la dynamique du morceau. Et ce constat s’applique à l’ensemble de l’album. Trop long, avec ici et là quelques fulgurances, quelques idées pas assez exploitées ou, au contraire, surexploitées, traînées en longueur. Peste Noire avait prouvé avec La Chaise-Dyable  (et ses albums précédents) que l’on peut s’affranchir de toute limite sur le plan musical. BMH n’est qu’un pâle reflet de KPN, la folle maestria en moins.

Mister Patate (1,4/88)

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Hammerbolt Productions – 2018
Durée (51:88) 1. Le crépuscule des gueux 2. F​.​E​.​R​.​T 3. Traité du rebelle 4. Insociabile regnum 5. Furia francese 6. B.L.M.I 7. Aux modernes 8. Délivrance

Malevolent Creation – The 13th Beast

Soyons honnêtes : ça sentait le sapin pour Malevolent Creation qui, du jour au lendemain, était passé du statut de quintet féroce à celui de one-man-band bien esseulé. Phil Fasciana avait beau annoncer que le groupe n’était pas mort et qu’il parviendrait à remettre sur pied un line-up complet, j’avoue que j’étais sceptique, et mon scepticisme avait même tourné à la résignation lorsque Brett est décédé, enterrant par la même occasion l’éventualité de son retour au sein du groupe. Et nous voici maintenant avec un quatuor composé de trois parfaits inconnus autour de Phil. La recette d’un échec.

Et pourtant.

Qui dit « parfaits inconnus » ne dit pas forcément « amateurs ». J’avoue que j’espérais par exemple le retour de Kyle Symons au chant (Hateplow / frontman sur The Will To Kill), mais Lee est loin de faire pâle figure. Au contraire, tout au long de la petite cinquantaine de minutes de l’album, sa prestation certes un peu linéaire reste très convaincante. Ok, il n’a pas cette touche sauvage que Brett avait, mais le bougre a du coffre ! Ce constat s’applique aussi au niveau musical : ces gars ont beau être d’illustres inconnus, ils tiennent leur rang et alignent une prestation 4 étoiles, le tout magnifié par un travail d’orfèvre de Dan Swanö au mix et au mastering. Les 11 morceaux se succèdent sans temps mort, sans répit, à tel point qu’il s’agit, à mes yeux, du défaut majeur de cet album : il étouffe l’auditeur, il l’assaille sans relâche pendant 11 morceaux et presque 50 minutes. La ratonnade est efficace, mais surtout éprouvante sur la durée. Sur un album d’une trentaine de minutes (comme Retribution), un tel parti-pris est efficace. Ici, c’est presque contre-productif.

Mis à part sa durée, The 13th Beast est un splendide hommage à Brett, et une preuve indéniable qu’il ne faut jamais enterrer un groupe trop vite, malgré son âge et les épreuves qu’il traverse.

Mister Patate (8/10)

Facebook officiel 

Century Media Records / 2019
Tracklist (49:26) 1. End the Torture 2. Mandatory Butchery 3. Agony for the Chosen 4. Canvas of Flesh 5. Born of Pain 6. The Beast Awakened 7. Decimated 8. Bleed Us Free 9. Knife at Hand 10. Trapped Inside 11. Release the Soul

Son: Correct, surtout pour le Bataclan.
Lumières: Simples mais classes pour At The Gates, bien foutues pour Behemoth.
Affluence: Complet.
Ambiance: bonne, option fans hardcore pour Behemoth.

Je ne comprendrai jamais ces concerts qui commencent à l’heure ! Mais voilà, j’ai donc raté l’opening de cette tournée pompeusement baptisée Ecclesia Diabolica Europa 2019 EV. Produite par Live Nation (merci le coup de bambou sur le portefeuille, juste après les fêtes), elle rassemble Wolves In the Throne Room, les vétérans suédois At The Gates et les survivants Behemoth. Les Polonais font l’objet d’une âpre discussion au sein de la rédaction, à laquelle j’ai donc décider de participer, en tant que touriste, en allant vérifier sur pièce. N’étant pas connaisseur de Black metal, je me suis dit que mon innocence vous offrirait une oreille neuve.

Las, grosse production oblige, Wolves In The Thrones a commencé à jouer à 19h, donc dès l’ouverture des portes… Le set a été expédié en 30 minutes, laissant sur sa faim ce barbu qui se console en buvant de la Ch’ti sur le trottoir. La soirée ne commence pas sous les meilleures auspices. Après avoir écouté quelques pistes de Thrice Woven, le dernier opus du duo d’Olympia (Etats-Unis). La traduction sur scène des longues plages invitant à l’introversion avait titillé ma curiosité, il faudra donc attendre.

Mais je suis bien à l’heure pour le show des Death métaleux d’At The Gates, qui m’avaient bien retourné la tête lors du dernier Netherlands DeathFest. Le quintet profite de l’affiche pour défendre sa dernière livraison, To Drink from the night itself. Sans chichis, la bande de Tomas Lindberg s’empare de la scène et déroule son set avec précision. Porté par la présence de Tomas, l’énergie est communicative. Les morceaux alternent entre le dernier opus et les fondamentaux. Dans ce dernier registre, Cold prend toujours autant les tripes tandis que, parmi les titres plus récents, Palace of Lepers sort du lot.

A ce stade, il faut bien convenir que l’auteur de ces lignes, qui reconnaît son inculture crasse en matière de métal, a tout de la groupie de base dès qu’il s’agit d’At The Gates. Il est fort probable que vous vous en fichiez, amis lecteurs, vous que j’aime appeler Hannibal, mais au moins vous savez d’où ce live report est écrit. Ce qui est toujours utile. L’objectivité n’existe pas en journalisme, il faut donc être honnête et revendiquer sa subjectivité.

At The Gates donc. Le combo phare de la deuxième vague de la scène death suédoise livre une prestation sérieuse, appliquée, qui déboîte sévère. Le son, très correct, du Bataclan, aide. Mais c’est surtout l’engagement de Tomas vis à vis du public qui fait la différence avec les suiveurs. Et, malheureusement pour eux, avec le groupe suivant.

Behemoth donc. Le groupe qui fut, il y a quelques années en arrière, un des phares de la scène black metal constitue donc “le clou” officiel de la soirée. Seigneur que les Ricains sont cons de ne pas avoir compris que la vraie tête d’affiche joue en milieu de soirée. Mais passons. A titre personnel, je les accueille avec une vraie bienveillance, tant le dernier album a titillé plutôt positivement (en regard des ressentis de la team Metalchro) mes oreilles. Je suis assez favorable à un propos musical brutal. Il fallait donc vérifier sur scène.

Oui, clairement, on en prend plein les yeux. Fumigènes, pyrotechnie, décorum entre fausse secte sataniste et triangle illuminati… Déjà. Les costumes du groupe en rajoutent dans le délire, une sorte de croisement entre le look glam rock, des moines revisités par Tim Burton et le maquillage de Kiss. Des bandes préenregistrées ambitionnent de rendre l’ambiance du disque. Là, en contradiction avec 99% du public, qui communie totalement dans la messe noire de Nergal, il faut bien reconnaître que quand on mobilise autant d’artifices, c’est qu’on cherche à faire oublier quelque chose. Et le problème reste que ce quelque chose-là, c’est la musique.

Une demie heure de ce show (business) finit de me dégoûter. Je quitte la salle. Ouais, Behemoth, I loved you at your darkest. Il y a donc bien longtemps. Je ne regrette pas mes quarante balles, hein. Les 50. minutes allouées à At the Gates les valaient amplement.

Nathanaël