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The Answer – Solas

the-answerQu'est-il arrivé à The Answer se demandera l'auditeur qui posera l'oreille sur ce Solas sans avoir été avertie ce de qui l'attendait. Le groupe de hard rock bluesy irlandais semble avoir effectué une mue si radicale qu'une chatte n'y reconnaitrait pas ses petits. Au moins le groupe de Cormac Neeson a-t-il annoncé la couleur dans ses interviews récents : Solas est un disque à la conception très particulière. Et au résultat forcément inattendu. Certains hurleront instantanément à la trahison de l'identité du groupe : le hard rock a quasiment disparu des radars ici au profit d'un rock souvent accoustique et atmosphérique, voire pop.

Sur ce point le single « Solas » ne trompera sur la marchandise : éthérée et mélodique, l'entrée en matière du disque fait la part belle à un Cormac Neeson très à l'aise dans ce registre. « Beautiful World » est doté d'un refrain puissant au moins elle, mais lorgne plus vers un rock moderne que vers AC/DC ou Whitesnake comme jadis. « Battlecry » s'avère un superbe titre semi-accoustique doté d'un crescendo de toute beauté ; Paul Mahon y fait un très beau travail de construction de chanson mais reste discret en solo. Et ainsi de suite… Il faudra en fait attendre « Left Me Standing » et le duo vocal avec Fiona O'Kane qu'est « Real Life Dreamers » pour entendre le The Answer de Rise ou Revival et encore un mezzo voce. Le fait d'ailleurs que ces morceaux soient disposés en fin de disque signifie bien que The Answer ne semble pas en faire un argument commercial pour racoller les quelques vieux fans échaudés par ce qu'ils ont entendu jusque là. Par ailleurs, ce ne sont même pas les meilleurs titres du disque loin loin de là.

Pourquoi un tel tournant ? 

Une première question émergera d'emblée : pourquoi un tel tournant en rupture avec les cinq albums antérieurs du groupe qui avait fixé un style très précis ? Pour des raisons commerciales ? On sait que The Answer n'a jamais atteint le succès mérité et que ses ventes n'ont pas décolé depuis son premier opus Rise. Après le récent Raise A Little Hell, les soucis financiers semblent avoir été graves. Ce Solas est-il pragmatiquement une dernière tentative de percer dans les charts avant le dépot de bilan ? On ne jettera pas la pierre au groupe pour une telle décision plus financière que commerciale : chacun a une famille et des impôts à payer. 

Il y a aussi peut-être des raisons moins prosaïques : Cormac Neeson a confié que la naissance prématurée de son fils dont l'état de santé s'est montré extrêmement préoccupant les a beaucoup affectés, sa femme et lui. Le chanteur était sans doute d'une âme plus sombre que de coutume et il faut reconnaître que le tournant musical de Solas convient parfaitement à une humeur contemplative et mélancolique que l'orientation musicale des disques précédents. Cette hypothèse est corroborée par le fait de Neeson se montre parfaitement à son aise ici dans le registre des ballades et des chansons semi-accoustiques (« Thief Of Life », « In This Land » très réussies). 

The Irish Rover 

Pour finir, en rompant avec son style habituel, The Answer sur Solas a voulu plus clairement s'imprégner de ses racines celtiques : symbole celtique sur l'artwork, passage en gaëlique sur « Battlecry », réminiscences des ballades irlandaises un peu partout… « Solas » n'est d'ailleurs pas un mot anglais mais gaëlique pour désigner la lumière que cherche tant le groupe. Ce n'est pas le hard bluesy anglais qui permettait une telle ouverture. Mais pourquoi pas si elle s'avère réussie ? 

Et objectivement, Solas est plutôt réussi, même si on eût préféré une meilleure organisation des chansons ainsi que l'injection d'un titre ou deux de hard rock de plus qui aurait évité de donner l'impression d'un tournant opportuniste et radical. Solas ne sera-t-il qu'une tentative isolée ou la pierre d'achoppement d'une nouvelle identité pour The Answer ? Dans tous les cas, il me semble toutefois très douteux que ce disque obtienne l'accueil qu'il mérite. Les vieux fans risquent de se sentir trahis et les nouveaux définitivement absents du rendez-vous donné. L'album risque bien de sceller la tombe d'un groupe pourtant très attachant. Attendons de voir et croisons les doigts. 

Baptiste (6,5/10 si on met de côté tout préjugé)

 

Napalm Record / 2016

Tracklist : 01. Solas 02. Beautiful World 03. Battle Cry& 04. Untrue Colour 05. In this Land 06. Thief of Light 07. Being Begotten 08. Left me Standing 9. Demon Driven Man 10. Real Life Dreamers 11. Tunnel

Marillion – F.E.A.R.

arton33729« Convenu », « redondant », « éculé », « répétitif »… on aimerait accoler tous ces qualificatifs au dernier disque de Marillion. Et cela serait facile tant le groupe anglais n'innove absolument plus en rien, et ce sans doute depuis le phénoménal Marbles, son dernier grand disque. Il faut être clair : pour son 18e disque en studio, Marillion arpente des sentiers déjà longuement parcourus depuis l'intégration de Steve Hogarth dans le groupe. Les solos de Steve Rothery sont toujours d'un lyrisme mélancolique assez minimaliste. Steve Hogarth se meut toujours entre le chant parlé et le chant théâtral avec l'aisance qu'on lui connait. Les quelques ambitions techniques sont à retrouver au niveau de la section rythmique puisque le claviériste Mark Kelly propose des thèmes ou des accompagnements extrêmement dépouillés. Et l'on se plairait parfois à penser qu'on aimerait entendre moins Steve Hogarth occuper tout le spectre de l'espace sonore et écouter un peu plus les musiciens sur des plages instrumentales. Ou à souhaiter que Marillion mette quelque peu de côté ses structures archi-balisées à base de crescendos et diminuendos. Voire que les musiciens musclent leur propos comme ils surent ponctuellement le faire sur le très bon Sounds That Can't Be Made

Et pourtant, malgré tous ces regrets que l'on peut concevoir, il faut admettre que F.E.A.R. est un disque de haute tenue, qui touche au superbe trop souvent pour qu'on ne puisse pas se laisser conquérir par son propos. Ce dernier n'est pas grossier et facile, comme pourrait le laisser sous-entendre la signification de l'acronyme F.E.A.R. « Fuck Everyone And Run » n'est en rien une invite vaguement punk de la part de Steve Hogarth, mais un constat amer, mais non désespéré, sur l'individualisme obsidionnal qui touche la Grande-Bretagne et l'ensemble des sociétés du monde occidental. Porté par son sujet, Hogarth est encore une fois impérial sur les très longs titres à structure à tiroir qui constitue l'essentiel de l'ossature de F.E.A.R.

S'ouvrant d'emblée sur le majestueux « El Dorado », le disque pose aussitôt la barre extrêmement haut. On touche là à la qualité des grands morceaux progressifs de l'époque Hogarth, du niveau d'un « The Invisible Man » ou « Neverland ». Mais on pourra en dire de même de « The Leavers » et de ses 19 minutes de haute classe ou de « The New Kings ». Les titres cours et plus pop ne sont qu'au nombre deux et s'avèrent en outre de bonne tenue. Ils sont aussi imprégnés d'un ambiance musicale propre à F.E.A.R. mais aussi du fil conducteur thématique du disque. Pour une fois il n'y a pas à déplorer leur présence par rapport aux chansons plus classiquement progressives.

J'ai beau m'être construit des réserves et des a priori d'airain contre Marillion et son F.E.A.R., je dois admettre avoir été finalement totalement conquis. Je ne sais comment les Anglais après tant d'années arrivent-ils à toucher si facilement au sublime, mais j'ai accepté la chose comme un don ou une grâce dont chacun devrait profiter. 

Baptiste (8/10) 

 

earMusic / 2016

Tracklist  (67 minutes) : 01. El Dorado (I) Long-Shadowed Sun (II) The Gold (III) Demolished Lives (IV) F E a R (V) The Grandchildren of Apes 2. Living in F E a R 3. The Leavers (I) Wake up in Music (II) The Remainers (III) Vapour Trails in the Sky (IV) The Jumble of Days (V) One Tonight 4. White Paper 5. The New Kings (I) F**k Everyone and Run(II) Russia's Locked Doors (III) A Scary Sky (IV) Why Is Nothing Ever True ? 6. Tomorrow's New Country

Kansas – The Prelude Implicit

phoenixIl est des sorties musicales inattendues… ou plus exactement que l'on n'attendait plus. Ainsi de ce The Prelud Implicit de Kansas en 2016. Car depuis 2000 et le très bon Somewhere To Elsewhere, Kansas était devenu, comme beaucoup de groupes de classic rock des années 70 et 80, un groupe de scène, interprétant et réinterprétant ses classiques de jadis. Avec le départ de Steve Walsh, les choses ont soudainement changé puisque Kansas a dû faire appel à du sang neuf : Ronnie Platt a pris le micro et David Manion les claviers en remplacement du chanteur et claviériste historique du groupe. Steve Walsh n'était plus depuis longtemps partant pour enregistrer un nouveau disque et son départ a donc été une impulsion décisive pour écrire de nouvelles chansons. 

Des apports nouveaux

La chose n'allait sans doute pas de soi car Steve Walsh formait avec Kerry Livgren le duo de compositeurs par excellence du groupe. Or, Walsh parti et Livgren très diminué par un AVC, il a fallu faire sans eux. Il a donc fallu que Phil Ehart (batterie et âme historique du groupe) et que Rich Williams (guitariste) se mettent à la tâche, choses à laquelle ils étaient peu accoutumés. Ils ont toutefois pu profiter de l'implication des nouveaux venus mais aussi de David Ragsdale qui avaient déjà demontré auparavant des qualités de compositeurs sur Freaks Of Nature ou du bassiste Billy Greer. Le compositeur et co-producteur du disque, Zak Rizvi, a finalement tellement participé à l'élaboration de The Prelud Implicit qu'il a enregistré des parties guitares et semble avoir intégré le groupe à plein temps. Le tout forme donc le premier disque dont la création fut un travail totalement collectif. 

Pourtant, on ne peut dire que l'apport de chacun des membres ait entrainé la moindre hétérogénéité : The Prelude Implicit est l'album le plus « kansasien » du groupe américain. On le croirait le digne successeur de The Point Of Know Return (1977) et dont ce qu'a pu écrire Kansas avec Jon Elefante ou Steve Morse, durant les années 80, a été mis de côté. D'où la très belle présence du violon de David Ragsdale qui en ferait presque oublier Robby Steinhardt. L'album est ainsi quasiment exempt d'influences AOR, même si certains titres affichent une physionomie très mélodique (« With The Heart » très entêtant). La belle voix de Ronnie Platt fait beaucoup pour porter cet aspect mélodique et l'on peut dire qu'il n'a en rien à rougir de la comparaison avec un Steve Walsh, il faut le dire, très déclinant depuis une dizaine d'années. 

Inspiration présente

Conscient de l'enjeu autour de ce disque, tout a été très soigné sur The Prelude Implicit : la production est superbe et l'interprétation remarquable ; la mise en place est à remarquer plus que les parties solos d'ailleurs. Ainsi on ne rencontre rien de faiblard : la qualité globale est au rendez-vous sur les dix titres et les ragotons ne pointent leur nez. On remarquera quelques pics d'inspiration : la très jolie ballade « Refugee », l'entraînant « Summer » portée par un très bon couplet et surtout le sommet progressif du disque, à savoir les huit minutes de « The Eight Eighteen ». Il est d'ailleurs dommage que Kansas soit resté un peu prudent quant aux embardées progressives ici – comme en témoigne la qualité par exemple de « The Crowded Isolation ». Mais il est vrai que le groupe a toujours eu une facette rock, voire pop, qui fait partie de son idendité historique. 

S'inspirant très nettement de l'époque bénie de Leftovertures et Point of Know Return, The Prelude Implicit n'atteind toutefois pas les sommets de créativité de l'époque, il faut le reconnaître. Mais il place la barre musicale fichtrement haute pour groupe si vénérable ; il ne sent jamais le réchauffé ou l'éculé. Assez riche pour bien vieillir, The Prelude Implicit est surtout un véritable tour de force réussi pour Kansas en 2016. Les fans du groupe sauront l'apprécier à sa juste valeur. 

Baptiste (8/10)

 

Inside Out Music – Century Media / 2016

Tracklist : 1. With This Heart 2. Visibility Zero 3. The Unsung Heroes 4. Rythm In The Spirit 5. Refugee 6. The Voyage Of Eight Eighteen 7. Camouflage 8. Summer 9. Crowded Isolation 10. Section 60