Comment qualifier ce line-up du Helloween de la « reformation » ? S’agit-il de la mouture Mark IV, V, VI du groupe de Hambourg ou plutôt d’un étrange hybride combinant le Helloween des deux premiers Keeper of the Seven Keys et de la dernière période d’Andi Deris, celle qui comprend Sascha Gerstner notamment ? On sait qu’en effet, dans le prolongement de la tournée Pumpkin United, au succès important, le groupe a décidé de fusionner le line-up du Helloween de My God-given Right avec les deux anciens membres, Kai Hansen et Michael Kiske. Les Allemands sont donc sept et comptent deux chanteurs à temps complet – Kai Hansen venant parfois en renfort – et trois guitaristes. On pense donc à un Iron Maiden de Brave New World qui aurait conservé Blaze Bayley à côté de Dickinson. Si la chose était inenvisageable pour Iron Maiden car Bayley a toujours été périphérique par rapport au cœur du groupe, ce n’était pas le cas de Helloween dans lequel Andi Deris était devenu un leader incontestable et un compositeur important. Le choix de fonctionner avec deux chanteurs s’imposait donc. Toutefois, avoir deux chanteurs aux timbres assez différents ne pouvait avoir qu’un impact significatif sur l’identité du groupe. Après un single fédérateur « Pumpink’ United », peu aventureux, le groupe propose un nouvel album dans cette configuration mélangeant l’ancien et le nouveau. Doté d’un bel artwork mêlant les références au « Gardien des Sept clés » et au « Temps du serment », Helloween affiche plutôt beau, même si on pourrait déplorer que la suggestion de Kai Hansen de nommer le disque « Skyfall » n’ait pas été retenue.
Kai Hansen et les autres
D’ailleurs, ce n’est pas que cette suggestion de Kai Hansen qui n’a pas été retenue puis toutes ses compositions ont été rejetées sauf une dont on reparlera. Il semblerait qu’elles aient été rejetées car trop proches d’Unisonic ou de Gamma Ray. Étrange argument : ce devrait être la qualité qui devrait primer avant tout. Peut-être que le groupe a pensé que la qualité intrinsèque des trois chansons de Weikath et des contributions de Andi Deris et de Gerstner éclipsaient celle de Hansen ? Dans ce cas, les chansons de Hansen ne devaient pas être extraordinaires car on ne peut dire que les compositions de Weikath ou de Deris vont révolutionner grand chose. Elles sont solides et travaillées, incontestablement, et l’on remarquera que les chansons de Weikath regorgent d’assez d’idées pour lorgner allègrement vers les six-sept minutes. Quant à Andi Deris avec le lyrique « Fear Of The Fallen » qui profite à plein du recours aux deux voix distinctes, puis avec le nerveux « Cyanide », il apporte clairement du bon à ce disque.
Toutefois, il faut bien dire qu’il n’y a rien là de hors du commun et qu’un certain sentiment de « généricité » se dégage de ces titres de speed mélodique rapides, plaisants, bien interprétés mais sans grand éclat. Certes « Robot King » jouit d’un très bon pré-refrain et d’un bon break, « Rise Without Chains » profite d’un bon refrain et « Best Time » ouvre de manière plaisante vers un hard mélodique introduisant un peu de variété. Car le manque de « variété » est d’ailleurs un point faible de ce Helloween qui abuse un peu des tempos rapides et des tropes musicaux du style. Il faut bien dire que parfois l’attention décroche un peu sur ce disque d’ailleurs long, voire un peu trop long. On comprend que le groupe ait voulu satisfaire ses fans, mais la quantité est parfois l’ennemi de la qualité.
De belles qualités vocales
Au milieu de tout cela que remarquera-t-on tout particulièrement ? Tout d’abord que le disque est très bien chanté : Kiske est impérial comme de coutume mais Deris est lui aussi en forme. L’alternance des parties chantées, qui est systématique, fonctionne bien et les voix se marient aussi très bien ensemble. Sur ce point, c’est une réussite réelle alors que l’on pouvait avoir des réticences tant les deux chanteurs sont différents. La contrepartie aussi c’est que parfois « on ne sait pas trop sur quel pied danser » : il ne s’agit pas vraiment du Helloween du Keeper of The Seven Keys, même si le morceau d’ouverture lorgne outrageusement dans cette direction… mais il ne s’agit pas tout à fait du Helloween de Deris. Il faudra s’habituer à terme à cette nouvelle identité ; personnellement ce n’est pas encore tout fait mon cas.
On pourra s’attarder sur le seul titre écrit finalement par Kai Hansen : le très long « Skyfall » qui, combiné à son introduction « Orbit », atteint les treize minutes. On pense ici aussitôt aux titres épiques de la grande époque du groupe : « Halloween », « Keeper of The Seven Keys » voire « Heading For Tomorrow » (écrit à l’origine pour Michael Kiske rappelons-le). Composition fleuve à tiroir qui multiplie les riffs, les thèmes, les parties et sous-parties, « Skyfall » est sans doute, à mes yeux, la plus belle réussite du disque truffée d’idées et de belles parties notamment chantées. La fin est tout particulièrement superbe avec une très belle prestation de Michael Kiske et de Deris. Si on n’atteint pas les sommets des chansons épiques sus-citées, « Skyfall » reste un excellent titre, le seul issu de cet album, avec peut-être « Fear of The Fallen », qui survivra dans les set-lists ultérieures du groupe.
Non que l’ensemble de Helloween soit mauvais : profitant de la maitrise des sept musiciens et d’une bonne production de l’indéboulonnable Charlie Bauerfeind, Helloween surclasse assurément les précédents albums d’un groupe qui paraissait assez asséché en terme de créativité. Mais ce n’est pas un disque révolutionnaire et encore moins impérissable. Il sera toutefois l’occasion d’une tournée qui permettra de profiter d’un groupe que cette « unification » a remis sur les rails d’un succès populaire mérité.
Baptiste (7/10)
Nuclear Blast / 2021
Tracklist : 01. Out For The Glory 02. Fear Of The Fallen 03. Best Time 04. Mass Pollution 05. Angels 06. Rise Without Chains 07. Indestructible 08. Robot King 09. Cyanide 10. Down In The Dumps 11. Orbit 12. Skyfall