À voir le physique de Michael Schenker aujourd'hui, il y a lieu de s'inquiéter : corps d'une maigreur extrême, posture toujours voûté… on sent que le guitariste allemand paie le prix d'années d'excès. Il suffirait de comparer son état à celui de son frère Rudolf pour mener une campagne de sensibilisation contre les drogues et l'alcool très convaincante. Musicalement, la carrière de Schenker fait peine à voir depuis quelques temps : concerts calamiteux donnés par un guitariste totalement imbibé, comportement détestable avec d'autres musiciens, albums inintéressants… il vaut mieux les oublier vite. Encore récemment, on a pu voir Michael Schenker interpréter des hits de Scorpions sans aucun liens avec sa carrière, en rappel de ses concerts (« Rock You Like An Hurricane » etc.), peut-être pour appâter le chaland. Il y avait lieu de désespérer donc.
Et pourtant ces derniers concerts ont donné des raisons d'espérer, car de l'avis de tous ils étaient bons et Michael Schenker s'y montrait en forme et de bonne humeur. Son chanteur, Doogie White (ex-Rainbow), y faisait du bon travail, interprétant du UFO, du MSG mais aussi du Scorpions, il est vrai épaulé par la section rythmique du groupe teuton, les antédiluviens Francis Buchholz et Herman Rarebell ! C'est d'ailleurs, la présence de cette section rythmique et le court passage de Michael Schenker dans Scorpions (présent du The Lonesome Crow et plus partiellement sur Lovedrive), qui a justifié le fait d'interpréter des classiques de Scorpions lors de ces concerts.
Ainsi, ce line up de scène a finalement débouché sur un nouveau disque de Michael Schenker qui s'avère… tout à fait réussi. L'abstinence semble avoir du bon car on avait rarement entendu Schenker aussi en verve depuis longtemps, assénant une tripotée de bonnes compos (« Live And Let Live », le fougueux « Rock City »). Il est vrai qu'il est bien soutenu par un Doogie White très à son aise et – autre surprise – par Rarebell et Buchholz qui n'avaient jamais été aussi vigoureux dans Scorpions. Quant au maître, même si les grincheux diront de lui qu'il est techniquement « dépassé », son beau toucher fait encore quelques merveilles malgré tout. Et comme compositeur, il aussi de beaux restes, comme en témoigne l'hymne « Communion » qui sera sans doute un moment fort de la tournée.
Un disque en guise de réhabilitation après des années d'errance qu'on espère vite totalement oubliées.
Baptiste (7/10)
Replica / 2015
Tracklist : 1. Live And Let Live 2. Communion 3. Vigilante Man 4. Rock City 5. Saviour Machine 6. Something Machine 7. All Your Yesterdays 8. Bulletproof 9. Let The Devil Scream 10. Good Times 11. Restless Heart 12. Wicked
Eclipse pousse la pierre de Sisyphe depuis des années déjà. Et pourtant, malgré les efforts et l'obstination, au sommet de la côte, la pierre redévale le versant. Comme Sisyphe Eclipse s'acharne et propose encore un nouvel opus de hard rock mélodique avec Armaggedonize, son cinquième album, et ce malgré une certaine confidentialité totalement injustifiée étant données les qualités des disques précédents, Bleed And Scream et aliid.
Ce relatif insuccès n'incite pas Eclipse à changer de fusil d'épaule : Armaggedonize ne change pas lsa musique d'un iota. Appuyés par un production classieuse et une interprétation impeccable, les musiciens d'Eclipse propose la même recette : un hard mélodique nerveux et enlevé porté par les guitares capiteuses de Magnus Henrikson et la voix gouleyante de Erik Martenson. Le résultat s'impose de lui-même : des hymnes immédiats à reprendre à tue-tête, comme « Love Bites », « Emergency », le single « Stand On Your Feet » ou « Caught Up In The Rush » dans le cadre d'un album ne connaissant quasiment aucune baisse de régime.
Car le tout est marqué par une absence de temps morts et une déferlante d'énergie contagieuse qui devrait emporter totalement la conviction tout particulièrement en live. Car Armaggedonize fait encore mieux que Bleed And Scream ou Second To None, pourtant déjà bien réussi. Rien n'y est à jeter à vrai dire. Cet excellent disque permettra-t-il à Eclipse de briser le fichu mur du silence qui lui impose une semi-confidentialité ? Espérons-le.
Baptiste (8/10)
Frontiers / 2015
Tracklist : 1. I Don’t Wanna Say I’m Sorry 2. Stand on Your Feet 3. The Storm 4. Blood Enemies 5. Wide Open 6. Live Like I’m Dying 7. Breakdown 8. Love Bites 9. Caught Up in the Rush 10. One Life – My Life 11. All Died Young
On avait senti le tournant musical se profiler pour Jeff Scott Soto. Rappelons, pour mémoire, que le chanteur avait franchement durci le son sur son disque précédent, Damage Control, et ce pour le meilleur car il s’agit d’une des meilleures choses qu’il ait produite depuis longtemps. Mais cet Inside The Vertigo va plus loin : il quitte largement les sentiers du hard mélodique de jadis pour s’aventurer sur ceux du heavy moderne. Pour marquer la coupure, il ne sort pas sur le label habituel de Jeff – Frontiers –, mais sur un label moins marqué musicalement ; le nom a été raccourci par ailleurs à un simple « Soto ». La guitare a été très nettement durcie et accordée plus grave, le double caisse apparaît franchement et les paroles sont bien plus sombres que de coutume chez Soto. Le tout est enrobé d’une production tout ce qu’il y a de plus moderne : puissante et claire, mettant très en valeur les guitares mais aussi le chant toujours de qualité de Soto.
Mais au final, je n’ai pas accroché à ce tournant. Ce n’est pas tant une hypothétique difficulté de Soto à chanter du heavy qui est en cause : on sait à quel point il brilla sur Marching Out de Malmsteen par exemple. Remarquons au passage, que lorsqu’il se lance dans un morceau rapide et épique comme « Narcissisticaly Yours », Soto est plus convaincant. Les huits minutes ornées de chœurs et de changements rythmiques n’ennuient jamais. Quant au reste, il est certes plaisant – comme on peut le constater en écoutant le single chassant sur les terres d’un Nickelback dopé aux hormones qu’est « The Fall » –, mais s’oublie très vite.
Trop calibrée, trop évidente, la musique de cet Inside The Vertigo passe vite au second plan et rien de bien de marquant ne ressort, si ce n’est évidemment « Narcissisticaly Your » que j’ai déjà cité et peut-être le titre éponyme, qui souffre toutefois de riffs un peu banals. Il est d’ailleurs significatif que Jeff n’ait pas réussi à proposer quelques uns des refrains mémorables dont il a le secret. Certes, la voix reste belle, mais ce n’est pas suffisant. Espérons au moins qu’à défaut de convaincre musicalement, Inside The Vertigo permette à Soto d’élargir le champ de son public. Au moins, cet objectif aurait-il été atteint.
Baptiste (5,5/10)
Ear Music / 2015
Tracklist : 01. Final Say 02. The Fall 03. Wrath 04. Break 05. Narcissistically Yours 06. End of Days 07. Inside The Vertigo 08. When I’m Older 09. Trance 10. Jealousy 11. Karma’s Kiss 12. Fall To Pieces