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« Si tu ne pouvais garder qu’un seul morceau de Cannibal Corpse, tu choisirais lequel ? »

Pour ce deuxième épisode (si vous avez manqué le premier, ça parlait de Slayer et, depuis, j’en entends certains marmonner des rumeurs selon lesquelles, je cite, je te l’avais dit qu’il avait pris trop de coups sur la tête quand il a essayé d’ouvrir sa canouche de Jupiler avec le crâne au camping du Méan 2017), je me hasarde sur la chasse gardée de notre regretté Supercastor (il est pas mort, hein, il a juste la flemme) : Cannibal Corpse.

Pour ne choisir qu’un seul morceau, il faut déjà (peut-être même SURTOUT) choisir une période, un frontman. Et ce choix pourrait être dicté, du moins en partie, par ce que sont devenus ces deux frontmen : l’un est un membre wholesome de la commu Death Metal, l’autre une source presque intarissable de mEEEEEEmes. Et pourtant, dans les faits, les premiers albums de Cannibal Corpse sont des monuments du genre, et certains de ces morceaux sont désormais incontournables en live. Vous imaginez un show de Canniboule sans « Hammer Smashed Face », vous ? Moi, non. Le monde va déjà suffisamment mal pour qu’on perde encore un de nos repères.

Pourtant, ma préférence va à Corpsegrinder.

Premièrement parce qu’en 1996, quand il a endossé le rôle de frontman du groupe, il l’a fait avec la manière. « Devoured By Vermin ». Un vagissement primal qui sonne comme l’avènement d’un nouveau monstre sacré et qui, à mes yeux, a toujours fait miroiter dans un recoin de mon esprit une envie folle : celle de voir le groupe réenregistrer ses premiers albums avec ce bon vieux George. Vous imaginez The Bleeding avec Corpsegrinder au chant et une prod’ signée Erik Rutan ? Moi, oui, régulièrement. Les jours passent, cet espoir ne disparaît pas. Comme un gosse qui espère attraper cette peluche au grappin à la foire (si t’as pas la ref’ avec George, quitte cette page maintenant ou je te règle ton compte aux auto-tamponneuses)

Mais revenons-en à notre question initiale, parce que pour arriver au titre « ultime » à mes yeux, celui que je garderais au détriment de tous les autres, il faut encore faire un bond de 10 ans dans le temps.

2006 donc. Cela fait alors 6-7 ans que Cannibal Corpse n’a plus vraiment marqué les esprits à mes yeux. Alors oui, y’a le Live Cannibalism sorti en guise de best of en 2000, mais pour le reste, depuis Bloodthirst, le groupe patine un peu. Gore Obsessed & The Wretched Spawn, c’est un peu le premier ventre mou de la carrière du groupe. De là à dire qu’on s’emmerde, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas – la faute à quelques morceaux sympas sur chaque galette précitée – mais c’est pas la chouille. Et en 2006, le groupe sort Kill. On revient sur une plaque bien complète et, juste après l’opener « Time To Kill Is Now », sur « Make Them Suffer ».

(ouais putain, presque deux pages pour vous chier le nom du morceau, j’aime vous tenir en haleine, askip le mec d’Abrège Frère va bientôt résumer ma prose).

Tous les ingrédients sont réunis : le groupe sort d’un écueil qui aurait pu lui être fatal (ou, pire encore, lui faire suivre la même trajectoire que Kataklysm, à savoir s’enfoncer lentement mais sûrement dans l’édulcoration et l’auto-parodie), le groove est IMMENSE, y’a trois mots simples à gueuler (même toi avec un gramme dans chaque bras, tu y arriveras, tu le sais, tu l’as déjà fait), et puis, ce titre, quoi. « Make Them Suffer ». La description parfaite de la totalité des textes du groupe. Le motto du groupe. L’équivalent Death Metalesque de Gaahl qui dit « Satan » après avoir bu une gorgée de vin pendant cet interview légendaire.

Selon moi, Kill est un moment-charnière de la carrière du groupe, et « Make Them Suffer » en est l’hymne. J’aurais pu appliquer ce raisonnement à « Devoured By Vermin » (changement de frontman oblige), mais le groupe n’était pas, à cette époque-là, dans une position de « faiblesse » comparable à celle pré-Kill. Malheureusement (et c’est toujours un avis personnel), le groupe retombera dans ses travers des albums sympatoches avec quelques bons vieux gros morceaux de leur daronne avant une nouvelle renaissance depuis 2021 et Violence Unimagined (tiens, tiens, ça coïncide avec l’arrivée du sieur Rutan dans les rangs du groupe…).

 

À l’origine de cette (potentielle) nouvelle série d’articles, une question posée un soir de festival, après (bien) trop de bières.

« Si tu ne pouvais garder qu’un seul morceau de chaque groupe que tu écoutes, tu choisirais lequel ? ».

Un exercice inutile, presque masochiste, où chaque réponse est non seulement personnelle, mais aussi à la fois éminemment correcte et totalement fausse selon le point de vue du lecteur. Parce que réduire un artiste à une chanson est un blasphème dans un genre où le nombre de groupes réputés pour être des « one hit wonders » est plutôt faible. Parce que les émotions suscitées par une chanson chez une personne dépendent parfois d’un contexte, d’un vécu, d’un Zeitgeist (non, pas besoin de vérifier, ce n’est pas un inédit de Rammstein). Et parce qu’invariablement, ces discussions tournent à la foire d’empoigne comme la fois où le boss a voulu ranger la Chimay bleue au frigo (NI OUBLI, NI PARDON).

Évidemment, actualité oblige (le groupe vient en effet de refouler les planches d’un festival outre-Atlantique après cinq années de retraite), il fallait que je commence par Slayer. Un groupe auquel j’ai voué un culte au fil des années. Un pilier du Thrash Metal qui, mis à part le petit dérapage Diabolus In Musica, avait su mener sa barque et éviter les écueils dans lesquels s’étaient vautrés certains de leurs petits camarades. Il ne se passe pour ainsi dire jamais un mois sans que je n’écoute du Slayer, malgré ma curiosité insatiable et mes heures passées sur Facebook et Bandcamp pour dénicher de nouveaux groupes, de nouvelles sonorités, de nouveaux genres.

Bon, avec le recul et l’âge, je dois avouer que mon amour pour ce groupe se muait parfois en complaisance, voire en aveuglement vis-à-vis de la qualité des derniers albums. Le groupe a atteint son sommet avec Seasons In The Abyss, qu’on le veuille ou non. Et même les fans les plus aveuglés par la hargne du quatuor doivent se rendre à l’évidence : depuis Christ Illusion, le groupe ne voguait plus sur des vagues d’hémoglobine. Il pédalait à vide dans la choucroute avec ici et là quelques rares fulgurances. Il faudra un jour que je revienne sur mes chroniques de l’époque, d’ailleurs.

Et si je ne devais retenir qu’un seul morceau de toute la discographie de Slayer, il viendrait de ce qui est probablement l’album le moins slayérien de la bande à Tom Araya. Il faut remonter pour cela à mon tout premier contact – plutôt tardif – avec le groupe. À l’époque, MTV passait encore de la musique (oui, je sais, OK Boomer) et n’enchainait pas les télé-réalités claquées au mur. Et tard le soir, les metalheads avaient aussi droit à leur dose de clips.

Et là, la claque. « I Hate You ».

Oui, si je devais garder un seul morceau, ce serait une reprise de Verbal Abuse.

Parce que tout y est.

Kerry King, la calvasse fière, le jersey des Raiders (de l’époque où ils jouaient encore à Oakland et n’avaient pas encore fait le pire move de l’histoire de la NFL en s’installant à Vegas) sur les épaules et – what else ? – un solo hasardeux et TELLEMENT KerryKingien qui s’intègre parfaitement dans la reprise et lui insuffle ce petit supplément de Slayer. Tom Araya arbore fièrement un débardeur de SON groupe, headbangue comme un beau diable (l’époque dorée où ses cervicales n’étaient pas encore en purée) et beugle comme un veau dans les oreilles de celles et ceux auxquels il adresse un message simple : la HAINE. Et Paul ? Il y est, à mes yeux, au sommet de son art. Pas de chichis, juste un métronome qui cogne comme une mule.  C’est court, c’est con, c’est efficace.

Au cours des semaines suivantes, je découvrirai d’autres clips de Slayer (« Dittohead » et « Seasons In The Abyss ») mais aucun des deux n’aura cette même saveur de la découverte d’un groupe spécial. « I Hate You » est en quelque sorte le terrier de lapin dans lequel j’ai plongé tête première sans me douter un instant que je venais de découvrir ce qui allait devenir mon groupe favori.

Fleshgod Apocalypse – Opera

Fleshgod Apocalypse fait partie de ces groupes qui, dans mon esprit de vieux con, font partie « de la nouvelle garde ». La bande à Francesco ? Je me souviens encore quand je les ai vus pour la première fois, c’était à un Mass Deathtruction à Namur, y’a quoi… 7-8 ans ? Eh bien non, sale boomer, Fleshgod Apocalypse à Namur, c’était en 2009. Il y a 15 ans. Et à l’époque, y’avait pas tout ce tralala de costumes, de pianiste, de chanteuse lyrique. Non, juste quelques ritals sur scène, en relative fin d’aprèm, et une furieuse tendance à pilonner le public avec son death brutal à souhait. De cette époque bénie, il ne reste plus que Francesco Paoli, le Rémy Bricka transalpin qui aura occupé tous les postes au sein du groupe. Le personnel a changé, mais la formule, quant à elle, a peu évolué depuis le pavé Agony sorti en 2011.

Au menu, donc, cette combinaison désormais familière de death italien et de musique classique. Si vous n’accrochiez pas à cette formule par le passé, Opera ne vous rabibochera pas avec le groupe. On retrouve cette capacité du groupe d’alterner les passages pied au plancher (Eugene Ryabchenko, batteur depuis 2020, est loin d’être un manchot et peut rivaliser aisément avec ses illustres prédécesseurs) et morceaux plus posés, plus lourds sans pour autant se vautrer dans une pseudo-torpeur. Par contre (et c’est peut-être LA bonne nouvelle pour certains fans, dont moi) : Paolo Rossi ayant quitté le navire en début d’année, l’intégralité du chant clair est confiée à Veronica Bordacchini (qui s’occupait déjà du chant soprano depuis 2020). Personnellement, ce changement me plait beaucoup, et je serais d’ailleurs très curieux d’entendre les anciens morceaux en live avec le chant clair de Veronica.

Et la production (ce qui, à l’époque, avait plombé Labyrinth), me direz-vous ? Comme sur King, on sent que tout a été fait pour rendre le disque décortiquable lorsqu’on l’écoute au casque. Bon, la batterie est parfois un peu envahissante, mais on ne tombe pas dans une bouillie infâme. La grande inconnue reste, bien entendu, de savoir si le groupe parviendra à restituer ces morceaux de manière fidèle sur scène.

Au final, peu de surprises, mais un 6e album qui tient la route. Ca manque peut-être un peu de folie (comme le génial single « The Fool » sur King), mais Fleshgod Apocalypse continue à creuser son sillon dans son propre genre.

7,5/10

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Nuclear Blast / 2024
Tracklist (43:20) 1. Ode to Art (De’ sepolcri) 2. I Can Never Die 3. Pendulum 4. Bloodclock 5. At War with My Soul 6. Morphine Waltz 7. Matricide 8.21 8. Per Aspera ad Astra 9. Till Death Do Us Part 10. Opera