Author Archive

Motörhead – Bad Magic

motorhead-badmagicPour le fan inconditionnel que je suis, chroniquer ce 23e (!) album studio de Motorhead s’avère un exercice délicat. Les paroles donnent le ton, qui rend mon approche encore plus délicate : l’ambiance est assez sombre, marquée par l’obsession de la fin quand ce n’est pas, explicitement, de la mort. Faut-il entendre là l’écho des problèmes de santé récurrents de Lemmy Kilmister, charismatique chanteur, bassiste et leader incontestable du groupe désormais mythique ? Malgré les concerts décalés, annulés quand ils ne sont pas, aujourd’hui, interrompus, le vieux Lemmy continue encore et toujours. Comme s’il voulait aller jusqu’au bout (« Till The End ») et crever sur scène. Mais le premier morceau de ce Bad Magic donne aussi un ton de défi face à la maladie : c’est « Victory or Die » (le victoire ou la mort), comme si ce nouvel album, que l’on attendait pas forcément aussi proche du précédent Aftershock, constituait déjà une victoire en soi. 


Avec sa composition stabilisée depuis 1995 autour du trio Lemmy, Phil Campbell à la guitare et Mikkey Dee à la batterie, Motorhead nous livre un treize (encore un pied de nez) titres de facture on ne peut plus classique. Alternant boulets de pur hard rock avec heavy blues suintant, plaçant ça un boogie rageur et poisseux et là une ballade même pas dispensable, Bad Magic n’apporte rien de neuf à la discographie du trio. Vous voulez savoir quoi ? On s’en fout ! Ca fait bien longtemps que Motorhead n’innove plus. Ce n’est pas pour cela qu’on les porte au pinacle. Ecouter un album du combo, c’est se plonger dans un autre temps, celui où la musique valait pour l’émotion qu’elle crée pas pour la technique de son guitariste ou les redoublements de grosse caisse d’un batteur sous amphet’s. Fut un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, où la bande à Lemmy bousculait toutes les certitudes de la scène metal. Mais ça, c’était avant, quand Lemmy était camé jusqu’aux orteils et qu’il se foutait sur la gueule avec Filthy Animal Taylor, son cogneur d’alors.


Aujourd’hui, Motorhead n’a plus rien à prouver. Mais toujours des riffs à cracher et des paroles à hurler (quoi que de moins en moins fort – quand la production ne vient pas en renfort, on sent que le vieux Lem’ a un peu de mal). Ce 23e effort témoigne surtout, au final, d’un effort de volonté, celle de Kilmister d’aller pointer son majeur à la camarde en l’envoyant se faire foutre encore un peu. Ce sera peut-être le dernier des albums, une sorte de chant du cygne noir, mais ce ne sera pas la moindre des victoires de ce groupe désormais inscrit au panthéon de tous les amateurs de musique, la vraie, celle qui te laisse moite et shooté par la seule force d’une ligne de basse jouée en accord.

Nathanaël Uhl (Inclassable/10)

 

Facebook officiel : www.facebook.com/OfficialMotorhead

Site officiel : www.imotorhead.com

 

Warner Music – UDR / 2015

Tracklisting : 1. Victory or Die (3:09) 2. Thunder & Lightning (3:06) 3. Fire Storm Hotel (3:35) 4. Shoot Out All of Your Lights (3:15) 5. The Devil (2:54) 6. Electricity (2:17) 7. Evil Eye (2:20) 8. Teach Them How to Bleed (3:13) 9. Till the End (4:05) 10. Tell Me Who to Kill (2:57) 11. Choking on Your Screams(3:33) 12. When the Sky Comes Looking for You (2:58) 13. Sympathy for the Devil

 

Pro-Pain – Voice Of Rebellion

propain_voicesPour tout fan de hardcore, la sortie d’un album de Pro-Pain est, en soi, un événement. L’arrivée dans les bacs de leur quinzième effort, depuis l’éruption qu’a constitué Naird en 1992, ne dément pas la règle. Voice of Rebellion a tout du pavé dans la vitrine fraîchement lavée du metal actuel. Un recueil compact de quatorze titres furieux qui rappelle à tout un chacun que le gang new-yorkais est un des pères fondateurs du crossover entre le hardcore – en tant que dérivé du punk – et le metal. C’est bien dans cette veine-ci, plus proche du Henry Rollins Band que des monstruosités streetcrore, que vient piocher cet album, produit par Corey Williams avec l’aide du leader et bassiste du groupe, Gary Meskil.
Il y a dans Voice of Rebellion tout ce qui fait de Pro-Pain un groupe essentiel aujourd’hui encore : la brutalité, l’intensité et un surcroît de puissance qui ferait passer Suicidal Tendancies pour des gentils garçons. Il faut dire que les deux groupes ne sont en rien comparables, qui constituent chacun une des deux bornes opposées du hardcore moderne. Là où Suicidal incarne la skate attitude, Pro-Pain est plus du côté des enragés. En ce sens, au niveau de l’ambiance et des textes, Voice of Rebellion s’inscrit totalement dans la lignée de The Final Revolution. Mais la similitude s’arrête là. L’effort le plus récent se révèle bien plus percutant, alors que son tempo est au final plus lent. 
C’est que les guitares et la batterie ont plus été piocher dans les fondamentaux, délaissant les solos inutiles – même s’il en reste toujours quelques-uns – qui ne font que griffer les chapes de plomb fondu compactées par le quatuor. Voice Of Rebellion s’impose, d’emblée, comme un objet plus collectif que son prédécesseur. Le lead guitar Adam Phillips le confirme : « Le processus d’écriture de Voice Of Rebellion a été totalement collaboratif ». Il en résulte cette noirceur, cette colère sourde, qui s’orchestre autour d’un axe Age Of Disgust – Bella Morte, qui aurait pu ne faire qu’un seul titre tant les deux s’enchaînent à la perfection.
La perfection, c’est d’ailleurs le stade qu’aurait pu atteindre ce Voice of Rebellion si sa formidable explosivité et sa cohérence musicale de bout en bout n’étaient défigurées par ces soli parfaitement dispensables.

Nathanaël Uhl (9,5/10)

www.pro-pain.com

Page Facebook

 

Steamhammer – SPV / 2015

Tracklisting : 1. Voice Of Rebellion 2. No Fly Zone 3. Righteous Annihilation 4. Souls On Fire 5. Take It To The Grave 6. Age Of Disgust 7. Bella Morte 8. Cognitive Dissonance 9. Blade Of The Cursed 10. Crushed To Dust 11. Enraged 12. Hellride 13. DNR (Do Not Resuscitate) 14. Fuck This Life

 

Gallows – Desolation Sounds

150426GallowsDesolationsoundsEt le son de Gallows ralentit encore. Depuis son premier EP, Demo, sorti en 2005, c’est à croire que le quatuor issu de Watford n’a de cesse que de baisser le rythme. Issu de la scène hardcore, le groupe mené par Laurent Barnard nous régale, avec ce Desolation Sounds, d’un mélange très britannique de métal et de hardcore lourd, noir, tout de mid tempo dévastateur. Exit la reprise de Starring at the Rudeboys avec la présence de l’étoile noire du grime (version dure et britonne du hip hop) Lethal Bizzle. Les guitares sont plus structurées, rentre dedans, comme si la violence des premiers exploits avait laissé la place à une brutalité plus méthodique.

Le combo a, semble-t-il, revisité sa discothèque pour comprendre que la lourdeur est bien l’apanage du métal britannique et ce, depuis – au bas mot – Black Sabbath. Sans pour autant flirter avec le doom, le groupe structure les 10 titres de ce quatrième album sur la base d’une batterie qui n’a rien à envier à un marteau pilon. Elle structure chaque titre, lui ouvrant de possibles accélérations ou lui imposant la rigueur mécanique d’un défilé funéraire. Il faut les relents hardcore que constituent les chœurs virils pour aérer un tant soit peu cette noirceur assumée. Le départ de Steph Carter, l’autre guitariste, en 2013, après celui de son chanteur de frère, Franck, en 2011, n’est sûrement pas étranger à ce qu’il faut bien considérer comme un virage musical. Il n’y a pourtant pas de rupture franche d’un album à l’autre, mais une évolution marquée, régulière, qui ne s’arrête pas. Et c’est tant mieux.

Elle permet à Gallows de nous délivrer un opus cohérent de bout en bout, structuré autour de trois titres phares, qui sont autant d’arrêtes : Chains, Bonfire Season et Swan Song. O certes ! L’auditeur est en droit de penser que le thème de la fin, de la « désolation », omniprésent dans les titres (Cease to exist, Mystic Death, Death Valley Blue, Swan Song…), ne trahit pas la joie de vivre. Nul ne le contesterait. Mais, la musique qui porte ces textes est tout sauf complaisante. Elle progresse, tel un bulldozer, nous contraignant de cesser là toute activité qui viendrait brouiller l’écoute. Et, finalement, que demande-t-on à un morceau de musique si ce n’est cela : nous tirer par la manche pour nous entraîner dans un autre univers, aussi noir et plombé qu’un ciel anglais soit-il ?

Parce que, pour être Anglais, Gallows le sont jusqu’aux os. Watford, leur berceau, fut un grand centre industriel, les usines d’aviation Rolls-Royce en étaient voisines. De ce passé glorieux, il reste Iveco, de l’emploi tertiaire et la désespérance pour les générations actuelles issues de la classe ouvrière, sans parler de celles à venir. La ville fut au cœur de cette Grey Britain, saluée par Gallows dans un album éponyme en 2009 à l’occasion de leur passage écourté sur une major. Cet épisode a eu pour effet de renforcer la rage du groupe, sans que la dite ne se nourrisse de rancune. Comme si la désolation industrielle faisait naître des sons absolument essentiels pour celles et ceux qui ont encore quelque chose dans le ventre. C’est là, à ce point précis, que Gallows nous attrape par les tripes avec ce Desolation Sounds aussi vital qu’une dark ale un soir de pluie. Et ce n’est pas la moindre des contradictions de cet album que de délaisser l’environnement social au profit d’une quête plus spirituelle, tout en nous empêchant de penser à autre chose qu’aux murs des usines vides. This is England, dudes.

Nathanaël Uhl (9/10)

Facebook officiel : www.facebook.com/gallows

Site officiel : www.gallows.co.uk

Venn Records (2015)

Tracklisting : 1. Mystic Death (3:47) 2. Desolation Sounds (2:22) 3. Leviathan Rot (3:20) 4. Chains (4:18) 5. Bonfire Season (3:30) 6. Leather Crown (4:22) 7. 93/93 (2:26) 8. Death Valley Blue (3:22) 9. Cease to Exist (4:20) 10. Swan Song (3:48)