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J'arrive avec un énorme sentiment de culpabilité devant la salle: je déteste être en retard, je savais que je ne pourrais pas être là pour l'ouverture des portes je visais donc « l'entrée en scène du premier groupe »… sauf qu'à cause d'une sombre vieille dame qui m'a tenu la jambe en fin d'après-midi (pourquoi les personnes âgées veulent-elles toujours me raconter leur vie dans les moindres détails?!), j'arrive 25mn en retard sur cet « horaire prévu ». Et en fait 2 minutes avant la fin du dernier morceau « du groupe en scène ». Et après le concert j'apprendrai qu'il y avait en fait encore un autre groupe avant… bah oui, j'avais retenu 19h comme « heure sur le billet » (ne me demandez pas pourquoi.…), finalement c'était 18h30, et pas de temps d'attente entre l'ouverture des portes et le premier groupe: pas fiesta du tout! Et aucun avis sur Cluster ou Outcast donc, logiquement. Je suis à la fois peu surprise et un peu déçue de l'affluence très moyenne: peu surprise parce que « les concerts de soliste » ça attire généralement peu de monde, un peu déçue parce que même sans avoir lu les annonces apparues deux semaines avant le concert on pouvait facilement deviner que « la surprise » serait « un passage Adagio », plus ou moins long selon l'interprétation de chacun… m'enfin bon, il est vrai que la qualité de ce groupe n'est absolument pas proportionnelle à sa reconnaissance publique, comme souvent me direz-vous!
(Enfin si, une chose à dire sur Outcast, en un sens: à la pause, je croise un très vieil ami que je n'avais plus vu depuis… une éternité. On commence à papoter, beaucoup, et il me décrit entre autres comment il a eu peur de subir « un brailleur qui braille faux » quand le chanteur d'Outcast a commencé à chanter, puisqu'apparemment le monsieur « braille faux », enfin pas totalement faux mais désagréablement faux en gros: comme je tique, il m'explique comment on peut « brailler juste » ou « brailler faux »… j'aurais bien aimé voir un peu plus d'Outcast pour comprendre un peu mieux ce concept bizarroïde!)

C'est rapidement au tour de STEPHAN FORTE d'entrer en scène, accompagné des musiciens d'Adagio (- batteur pour cause d'empêchement de dernière minute, donc remplaçant) (- chanteur puisque titres solo en premier):

Grosso modo et de mémoire, l'intégralité de son album solo est joué ce soir. Ca tombe bien je l'aime bien (sinon je ne me serais pas embêtée à venir, notez.) Le côté « quand même très proche d'Adagio! » se ressent évidemment énormément, au moins dans les ambiances etc., mais là il peut s'amuser à la guitare du début à la fin des morceaux alors que dans Adagio c'est plus limité à des « cases » bien précises, logiquement. J'avais un peu peur que ça fasse longuet s'il enchainait les titres solo/instrumentaux (ils auraient pu mélanger des titres d'Adagio et ses trucs à lui après tout), mais finalement c'est passé tout seul, tout juste si je n'ai pas été surprise d'entendre qu'ils partaient « déjà » faire une pause en coulisses. L'ambiance avait quelque chose d'un peu bizarre: le public était très attentiste, réagissant très peu (des progueux quoi, ha!) et en même temps on sentait que tout le monde était concentré sur ce qui se passait sur scène, sans qu'il s'en dégage quelque chose de négatif au contraire… difficile à décrire, très bizarre, pas forcément très agréable pour les musiciens à vue de nez (ça a besoin de répondant ces petites bêtes !), mais c'est comme ça que le ressent la salle dirons-nous. Quelques trucs me paraissent un peu bizarres à la batterie, mais Stéphan expliquera un peu plus tard qu'ils ont dû prendre un batteur remplaçant pour cause d'empêchement de dernière minute du batteur attitré (je me disais bien que je me souvenais mal de sa tête!): pour quelque chose appris à la va-vite c'est plus que bien. Petit moment d'amusement pendant la Sonate au Clair de Lune, quand même: à un moment, sur une montée, il me semble entendre un truc un peu bizarre… bah, mes oreilles me jouent parfois des tours, aucune importance. Quand le passage revient après je prête un peu plus attention à ce que fait le monsieur guitariste (jouant du piano moi-même je connais la partie piano plus que par coeur… et même si je comprends parfaitement qu'il est impossible d'interpréter au piano si on veut respecter les temps etc., histoire qu'un autre musicien « se calle » en même temps, je n'arrive pas à me concentrer sur « une Sonate au Clair de Lune mécanique » !): il fait sa montée très proprement, attaque la dernière note avec énormément de conviction, ça va être ze conclusion qui cloue sur place vous voyez… et bam, ça sonne un demi-ton trop bas. Or à la guitare ça n'est pas comme au violon, on ne peut pas trichouiller en un millième de seconde: il est obligé de tenir sa note qui aurait tellement bien sonné si elle avait été un demi-ton au-dessus! L'ami à côté, guitariste, soutient que c'est le claviériste qui se plantait, tandis que pour moi, pianiste, c'est le guitariste qui se plantait… chacun prêche pour sa paroisse, normal! Ca sera aussi le seul moment du concert où Stéphan sourira vraiment, plus que « le sourire social » s'entend, pas qu'il ne soit pas communicatif mais… ça tient plus du « sentiment contrôlé », un peu comme un acteur en représentation? Comme il a du charisme ça passe sans problème, mais pour les gens (genre moi) qui cherchent autre chose qu'une simple représentation quand ils vont à un concert, ça laisse quand même une petite impression de « dommage ». (*et la barbe si cette remarque est mal prise, honnêtement ça devient franchement blessant d'entendre régulièrement des remarques sur l'affection que je peux porter à ce groupe parce que je ne dis pas « amen » à tout sans la moindre réserve… Je vénère Paul McCartney et pourtant même pour lui je ne tombe pas en pamoison devant la moindre seconde du moindre de ses concert ou album, purée de sale bête!!! Pareil (voire encore plus…) pour Kirito, c'est bien dommage si vous ne connaissez pas!*)

Mini-pause bizarre puisque la lumière est rallumée dans la salle (eh? on n'est pas censés demander un « bis », dont on se doute bien qu'il sera un mini-concert d'Adagio? ça serait déjà fini? mais que se passe-t-il donc?), et on est repartis pour un tour, avec ADAGIO pour de bon:

Bien évidemment, « l'attraction » principale de ce concert est le nouveau chanteur: que vaut-il? Je dois avouer qu'il me laisse une impression un peu mitigée: il chante très bien très juste et avec beaucoup de conviction, mais… ça manquait de variation dans le chant? Quelque chose dans ce goût… Depuis quelques albums il y a beaucoup de « variations de timbre » dans le chant chez Adagio, en tout cas je l'appelle comme ça (et j'aime beaucoup ça). Or j'ai l'impression d'entendre toujours le même timbre ce soir (en dehors des passages hurlés par Stéphan, forcément). D'où dommage et petit manque. D'un autre côté on est (très) loin de « la catastrophe Mats Leven », qui m'avait tout sauf convaincue quand je l'avais vu avec Adagio en première partie de Kamelot en 2010 (peu importent son CV et sa qualité vocale: en étant gentille je dirais qu'il n'avait fait aucun effort pour faire un bon concert, en étant méchante je dirais qu'il l'avait massacré). On est également loin de mon « coup de foudre vocal » avec Christian Palin, mais puisqu'apparemment il était impossible de le garder… on verra bien ce que donnera celui-ci, en espérant que cette fois-ci c'est le bon! Et puis apparemment il n'y a pas eu de répétition avant ce concert, ça n'aide évidemment pas à « lâcher sa voix ». Kelly, le dit nouveau chanteur, est sans doute assez nerveux en entrant en scène puisqu'il gesticule assez inutilement, mais ça se calme énormément par la suite et il a finalement une attitude tout à fait correcte. Il essaiera de temps en temps de nous « dérider » un peu, mais c'est peine perdue, le public a décidé d'être très mou et attentiste ce soir. Enfin, en dehors des anglais (je suppose) à ma droite peut-être: à force de boire de la bière ils deviennent très « volubiles », à rire dans le vide etc., quand ils le font aussi sur les intros au piano censées « plonger dans une ambiance sombre » c'est assez fatiguant… enfin, autre pays autres moeurs!
Bizarrement, alors que le son était tout à fait bon pour la partie « Forté – solo » du concert, il devient assez brouillon dans la partie Adagio. Brouillon et irrégulier en fait: tantôt c'est tel instrument qui pêche, tantôt tel autre, tantôt un peu le tout, tantôt ça redevient correct, ça peut même varier pendant un morceau… bizarre. A un moment du concert, je m'avance un peu puisqu'un gros trou s'est formé petit à petit devant moi: la vue y est bien meilleure, le son y est peut-être encore pire… j'essaierai de reculer un peu après, mais en fait non, c'est la sonorisation elle-même qui a empiré. Ca n'aide pas du tout à apprécier le morceau issu de l'album à venir, puisqu'il est difficile de distinguer exactement ce que fait chacun. Au final il donne même plus l'impression d'un travail en bonne voie d'aboutissement que d'un morceau vraiment fini: l'intérêt des morceaux d'Adagio est souvent qu'ils sont peaufinés jusqu'au bout du peaufinage, si je puis dire, alors que là Kevin avait l'air de principalement pianoter la même boucle en continu, Stéphan était très accroché à faire la guitare rythmique, la basse et la batterie étaient moins détaillés que d'habitude… vraiment pas eu l'impression d'entendre un morceau finalisé, ou sinon l'album à venir va être très simplifié par rapport à ce qu'ils faisaient jusque là (or, vu l'évolution de leur musique, je ne parierais pas là-dessus): difficile de donner un avis.
Enfin!
Je chipote, je chipote, mais je passe un bon moment, là encore « la fin arrive vite ». Et au moins je ne les laisse pas avec un gros sentiment d'inquiétude, que m'avait inspiré Mats Leven, qui, bon… déjà expliqué: ici c'est plutôt de la curiosité, ce qui est préférable.

Une séance de dédicaces est organisée après le concert, comme je n'ai rien à leur faire signer on reste en bas avec l'ami déjà cité, et on papote… jusqu'à une figure artistique rare: alors que l'un de nous deux termine une phrase, arrive un énorme « plop » dans son verre (heureusement presque vide)… Oh! Des lunettes de soleil! En plein dans le verre! La fille (forcément?) descend les récupérer et nous explique qu'elles sont tombées de sa tête alors qu'elle regardait un truc en bas, c'était tellement bien visé que c'est typiquement le genre de chose que « même si ça avait été volontaire, je n'aurais pas pu le faire aussi bien! »… et prend en fait son temps pour l'expliquer, essaie de faire monter le truc et blah-blah. Nan, mais il a une copine le type tu sais, inutile de minauder comme ça cocotte! Je suis sans doute très mal placée pour parler vu que je ne sais absolument pas draguer, mais c'est parfois amusant de voir les minaudages des autres… ou mignon, au choix! Nous finissons par monter, la séance de dédicaces étant à l'étage… et dispatchée: nous croisons Kevin qui papote en montant, Franck papote avec des gens dans un coin (il a maigri d'ailleurs?), et Stéphan est à l'extrémité opposée… en fait c'est le seul à rester « là où la dédicace est prévue », il est discipliné, c'est bien! M'enfin il y a du monde, rien à faire signer, pas grand chose à dire… on papote avec l'ami. Et une première Madame Cluster vient nous proposer d'acheter un cd du groupe… ça aurait été avec plaisir si j'avais eu de la monnaie, et surtout si j'avais pu voir le groupe, histoire de savoir si leur musique me plaît! Une deuxième Madame Cluster retente un peu après… et encore un peu après… et une dernière fois à l'extérieur, après que les vigiles nous aient presque dit: « Voulez-vous bien vous diriger vers la sortie ? ça commence à être l'heure… » (j'exagère sans doute, mais c'était vraiment dit très gentiment/poliment, ça change!) S'en suit une conversation assez généraliste sur la musique… que je laisse évoluer, me doutant de là où ça va aboutir, jusqu'à ce que mon ami dise très naturellement : « oui, l'installation aussi c'est important, mais les gens le réalisent rarement, c'est pour ça qu'ils sont toujours étonnés quand ils voient la laine de roche sur mes murs! » C'est vrai quoi, – tout le monde – est perfectionniste au point d'envisager de mettre -de la laine de roche- sur ses murs pour assurer une bonne isolation phonique! Parce que bon, quand il leur a parlé de ses six guitares Petrucci (la même, six couleurs différentes… mais surtout six accordages différents, ça change tout!) ils ont un peu compris qu'ils avaient affaire à quelqu'un de passioné/pointilleux, mais là… tout juste s'ils ne sont pas bouche bée quand il nous sort cette merveille… pendant que j'éclate de rire, tellement je le voyais venir gros comme une maison depuis un moment!

Polochon

[Photos d'Adagio
Interview avec Stéphan Forté.]

Xianosys – Chronicles

Quelque peu embêtée cet album me laisse. Parce qu'il a l'air de plaire, au moins dans les grandes lignes… alors que personnellement ce premier album de Xianosys me laisse très froide.

Explication: assez rapidement, on comprend "un état d'esprit à la Rhapsody", uniquement pour le côté "bande originale de…", et "en fait pas du tout Rhapsodien", parce que c'est beaucoup plus sombre et beaucoup moins alambiqué qu'un Rhapsody. Rien de mal jusque là, au contraire ça signifie qu'ils tracent leur route dans une direction assez inexplorée jusqu'à présent. Mais là où commencent les gros problèmes, pour moi, c'est quand je m'aperçois qu'ils privilégient très largement les ambiances à tout ce qui est purement musical (-la construction des morceaux-, et pas l'habillage d'ambiance). Et c'est là que, personnellement, je ne peux pas adhérer: la musique doit servir les ambiances, mais les ambiances ne doivent pas dicter leur loi à la musique, envers et contre tout. Au final l'album est bien fait, ça joue correctement, aucune faute de goût particulière dans les orchestrations, aucun problème technique particulier, le son a même un petit côté malsain/sale qui correspond très bien à l'esprit général de l'album. Au final, intellectuellement je comprends l'intérêt de cet album, je pourrais en faire une analyse purement objective détaillant l'utilisation de ci et ça ici et là, mais "esthétiquement" ça ne passe pas du tout. Un peu comme une oeuvre d'art moderne après tout: quand on vous l'explique, vous comprenez en quoi c'est très réfléchi, bien réalisé par rapport au but visé, ça fourmille d'idées tout à fait adéquates… et ça suffit à certaines personnes pour dire "ouah! c'est magnifique!"; en ce qui me concerne je fais partie de ces insupportables vieux croutons qui comprennent la théorie mais ne peuvent pas apprécier si la fibre artistique ne parle pas, d'elle-même, sans tenir compte de l'habillage intellectuel… au final, je crois que c'est ça qui me rend hermétique à cet album.

Site officiel: http://www.xianosys.com/
MySpace officiel: http://myspace.com//xianosys
Youtube officiel: http://youtube.com//7thGateProd

[5,5/10] Polochon

Replica Promotion
Tracklist (53:31): 01. The Seventh Gate 02. Divisions Of Hatred 03. The Nine Lives 04. Dead Pains 05. Behind The Mirror 06. For These Words
(avec Sarah Layssac) 07. Schizophrenia 08. New Order 09. Heart Of Persia 10. Strength And Honor (bonus track)

 

Au milieu des années 2000, Anathema a dû prendre une « pause forcée » de sept ans, à cause du rachat de leur label, la crise du disque et tuti quanti: ils sortent certes une compilation en 2008, mais il faut attendre 2010 pour voir (enfin!) un nouvel album original des britanniques. Ce We're Here Because We're Here est unanimement salué par une presse presque en extase (enfin, sauf les vieux très vieux qui ne supportent pas l'idée de ne plus les voir faire du doom-death, m'enfin depuis le temps ils devraient s'être fait une raison!). Il est généralement difficile de succéder à un disque qui fait une telle unanimité, pourtant Weather Systems, sorti en avril 2012, relève totalement ce défi.
Mais pourquoi parler dans MetalChroniques d'un groupe qui ne fait plus du tout de metal depuis une éternité, et ne veut tout simplement plus en faire? Tout simplement parce que, cher lecteur, le metal c'est avant tout une transmission d'émotions, fortes (et construites autour d'une base rock, musicalement). Or, comme le dit très justement Vincent Cavanagh
[chanteur/guitariste] dans les lignes qui suivent, rien n'oblige à passer par des guitares qui crachent (plus fort qu'Atanase Perceval) pour faire passer quelque chose de fort… donc de metal, ou au moins très proche, eh!

Metalchroniques: Parlons d'abord de Les [Smith, claviériste d’Anathema jusqu’en 2011]. On a commencé par ne plus le voir sur scène pendant une courte période, et voilà qu'il quitte le groupe? Que s'est-il passé?
Vincent Cavanagh: Nous étions en train de faire Falling Deeper et Weather Systems l'année dernière, et pendant le processus pour ces albums il n'y avait que moi, Danny [Cavanagh, guitariste et frère de Vincent] et John [Douglas, batteur] en studio. Et ça marchait bien comme ça, pour commencer? Nous avons vite réalisé que nous recouvrions toutes les bases à nous trois, musicalement. Danny jouait les parties au piano de toute manière, il l'a toujours fait, mais… je pense que c'est peut-être ma faute? J'ai tellement appris en faisait We're Here Because We're Here [leur album précédent], sur l'enregistrement en studio, comment enregistrer moi-même, utiliser des claviers et programmer des choses, créer des sons et les jouer. Quand nous étions en train de faire Falling Deeper, je faisais des suggestions à Danny, comme mettre ceci à tel endroit, celà à tel autre. Danny regardait ce que je faisais et il était surpris, parce qu'il ne m'avait jamais vraiment vu faire ce genre de choses.
M.: Quel genre de choses?
V. C.: Des atmosphères, des choses que je créais pour aller avec la musique, des textures. Nous faisions aussi Weather Systems en parallèle, et j'y faisais la même chose. En fait, il a vite réalisé qu'entre lui qui jouait déjà les parties piano, moi qui faisait ces sortes de sons et qui gérait tout ce qui était programmation et production en studio, non seulement moi mais aussi John qui utilisait aussi un synthétiseur, nous écrivions tous les trois des parties pour des cordes etc. pour l'orchestre… c'est juste devenu évident que nous couvrions déjà tout, à nous trois? C'était plutôt triste en même temps, vraiment. Mais ça arrive.
M.: C'est juste dommage pour lui! Mais donc, je suppose que vous n'envisagez pas d'avoir à nouveau un claviériste?
V. C.: Pas en studio en tout cas. Depuis, nous avons commencé à travailler avec Daniel Cardoso [claviériste sur scène pour Anathema depuis le départ de Les Smith], c'est quelqu'un d'important pour nous. En tant qu'ami, il fait partie de notre famille, nous l'adorons. Mais il y a un trio créatif dans ce groupe, moi, Danny et John, et à nous trois nous couvrons à peu près tout. Enfin, il y a aussi Christer[-André Cederberg, producteur de Weather Systems], qui est entré là-dedans en quelque sorte, surtout pour Weather Systems. Il semblait faire partie du groupe en fait? Ca marchait vraiment bien, il y avait une chimie très particulière. Si bien que faire cet album avec lui a été comme une révélation. Et puis Lee [Douglas, chanteuse et soeur de John] bien sûr, qui apporte sa touche. Tout ça nous a paru évident au final? Jamie [Cavanagh, bassiste sur scène et frère de Vincent et Danny] ne joue pas avec nous mais il est bien là sur scène.

M.: Parlons rapidement de Falling Deeper: pourquoi avez-vous tellement changé les chansons pour ces versions orchestrales? (même les mélodies je veux dire, souvent.)
V. C.: Elles se sont changées elles-mêmes? Très tôt, il est devenu évident que ces chansons allaient suivre un nouveau chemin, une nouvelle vie. L'orchestre nous a inspiré pour ça, mais aussi le piano, l'un autant que l'autre. Quand tu joues… tout dépend de l'instrument? L'instrument t'impose la manière de jouer quelque chose, ça devient évident. Ca fait partie de ces choses sur lesquelles il ne faut pas trop réfléchir, il faut juste ressentir et écouter. Parfois il faut savoir ce qu'il ne faut pas jouer pour une chanson, c'est tout aussi important que de savoir ce qu'il faut jouer. Alors quand nous faisions Falling Deeper, nous devions commencer par simplifier le plus possible parce que nous savions que l'orchestre allait être enregistré en dernier. Pour cette raison, nous ne voulions pas faire trop de pistes de voix, ou ajouter trop d'instrumentation parce que les cordes allaient prendre la place. Par exemple l'introduction de « J'ai fait une promesse » commence avec une très courte improvisation au piano de Danny, qui évolue dans cette belle partie avec des cordes, pleine de textures: quand nous avons entendu ça, nous nous sommes tout de suite dit qu'il n'était même pas nécessaire d'ajouter la voix par-dessus! C'était simplement évident. Nous n'y réfléchissons pas trop.
M.: Vous la laissez juste grandir toute seule.
V. C.: Exactement.

M.: Et apparemment cet album vous a fait tomber amoureux des arrangements orchestraux? Parce qu'il y en a énormément sur Weather Systems!
V. C.: Oui, enfin, il y en avait déjà sur trois chansons de We're Here Because We're Here: je pense que c'est ça qui nous a permis d'ouvrir cette porte. Pas seulement l'utilisation d'un orchestre, mais de travailler avec Dave Stewart [collabore avec Anathema pour composer les arrangements orchestraux depuis We're Here…]. Sur Falling Deeper, nous avons eu cette expérience géniale, très poussée, d'enregistrer un album entier avec lui. Le résultat a été tellement bon avec lui, que nous avons fini par nous demander quelles chansons sur le nouvel album allaient avoir besoin d'un orchestre. Parce que si elles n'en avaient pas besoin nous ne les utiliserions pas! Au final il n'y en a pas sur toutes les chansons, il y en a sur cinq je crois… et, oui, sur ces cinq chansons il -fallait- un orchestre!

M.: Pourquoi avez-vous coupé les deux premières chansons en deux? On dirait vraiment une seule chanson quand on les écoute!
V. C.: Eh bien… dans la première chanson, il s'agit de traverser quelque chose, dans la deuxième il s'agit plus de ce qui se passe après, ce que tu ressents, comment ou où est-ce que tu te trouves à ce moment-là. Es-tu prêt à ramasser les morceaux et avancer ou est-ce que tu vas juste t'écraser, quels sont tes sentiments? Il y a évidemment un lien assez profond dans l'histoire de ces deux chansons.
M.: Mais même musicalement elles sont très proches.
V. C.: Oui, en effet. Mais par exemple, tu pourrais me demander pourquoi « The Storm Before The Calm » n'a pas été séparée en deux, parce qu'il y a deux ensembles évidents. Mais pour cette chanson, la première partie est nécessaire pour enchainer sur la deuxième partie. Alors qu'avec « Untouchable 1 » et « Untouchable 2 » [deux premiers titres de l’album], les deux chansons pourraient exister de manière indépendante: ça a plus de sens si elles sont l'une après l'autre, mais elles pourraient très bien être deux chansons indépendantes, séparées. Alors que « The Storm Before The Calm » -doit- être un seul morceau.

M.: Mais de toute manière, est-ce que chaque chanson est vraiment indépendante? Parce que même les liens musicaux entre chaque chansons donnent l'impression d'avoir à faire à une seule unité…
V. C.: Oui, il y a surtout une séquence de chansons qui vont ensemble: « The Gathering of the Clouds », « Lightning Song », « Sunlight » et « The Storm Before the Calm ». Ces quatre chansons ont toujours été pensées pour être ensemble. L'enchainement de ces quatre chansons, et le fait d'avoir « Internal Landscapes » pour clôturer l'album, nous a imposé le fait d'avoir quelque chose pour introduire et ensuite pour sortir de cette petite suite. Quand nous les avons trouvées, nous savions que nous détenions un bon enchainement, pour l'ensemble. Ca paraît rapide au final, plus court que l'album ne l'est en réalité je veux dire? Parce que ça paraît naturel d'écouter l'ensemble d'une traite, on n'a pas l'impression que 55 minutes sont en train de s'écouler. Enfin, pas pour moi en tout cas!
Nous passons généralement beaucoup de temps à étudier l'ordre des chansons, l'équilibre que chacune apporte, la manière avec laquelle elles s'embriquent les unes dans les autres, d'une certaine manière. Les tonalités, les rythmes, les atmosphères… toutes ces choses sont importantes. Mais avec cet album, ça nous a paru assez naturel. D'ailleurs j'ai toujours aimé ça, les albums qui sont pensés pour être écoutés d'un bout à l'autre, on ne peut pas vraiment en enlever une chanson. Particulièrement de nos jours, où les gens fabriquent leurs propres « playlists »… c'est très bien, vous pouvez tout à fait le faire, mais j'aime penser que quelqu'un a créé quelque chose de manière intentionnelle, et pas juste quelques singles qui peuvent être joués dans n'importe quel ordre.

M.: Pour être honnête, dès la première fois où j'ai écouté cet album, pour des raisons très bizarres, ça m'a rappelé Press To Play de Paul McCartney [personne n’aime cet album, mais moi si, au moins certains titres, et je le revendique! Enfin, de plus en plus de gens admettent le tolérer… voire l’apprécier: vive les girouettes]. Parce que, pour chaque chanson de Press To Play, il y a une sorte de schéma qui permet de visualiser où se situe chaque instrument, « verticalement » [plus ou moins à droite] et « horizontalement » [couche plus ou moins en avant]… et j'ai l'impression que l'on pourrait faire ce genre de schéma avec Weather Systems aussi.
V. C.: Oui.
M.: C'est quelque chose que vous vouliez réaliser [ce genre de « son spacialisé »], ou c'est juste que la production a fait que…?
V. C.: Un peu des deux, en fait. Pendant We're Here Because We're Here, je suis allé au clash parfois, à cause de la manière avec laquelle il fallait enregistrer l'album. Parce que je ne voulais pas enregistrer toutes et chacune des possibilités! Je préfère quand les choses sont sur le feu, directes, plutôt que quand c'est intentionnel et dans un but précis. Et c'est exactement ce que nous avons fait pour cet album! Nous avons travaillé avec le producteur dès le premier jour, et il était ravi de porter toute son attention aux plus petits détails… comme le placement des micros, le bon type de micro, être dans la bonne partie de la pièce. Toutes ces choses qui rendent le processus d'enregistrement beaucoup plus simple. Ca revient aux bases, aux rudiments, comme le placement des micros et la physique du son: où les placer, et comment. Après évidemment il faut que les instruments soient accordés correctement, pour avoir le bon ton, la bonne tonalité, et jouer comme il faut de l'instrument. Toutes ces petites choses additionnées permettent de créer une dynamique. Quand tu fais attention à tous ces détails dès le début du processus d'enregistrement, tu te retrouves avec tellement plus d'espace libre par la suite! Parce que rien n'est sur-produit, tout est naturel. Et tu te retrouves avec un espace gigantesque pour la batterie, parce qu'elle a cette vie, et de la puissance… il y a de la place pour tout! Au final tu as plus de place pour placer tous les instruments. Il suffit de ne pas déborder, il faut pouvoir dire avec beaucoup de goût où va tout ça. Et bien sûr quand tu créées un morceau de musique ça fait naître un sentiment en toi: c'est ton travail, ta responsabilité de recréer ce sentiment dans un environnement plus logique. C'est pour ça qu'il faut réfléchir à des choses comme le placement des micros, le son, sa physique, toutes ces choses.
M.: En fait il faut penser au résultat final…
V. C.: Exactement, même quand tu en es encore à poser les cymbales. Et comment attaquer les cymbales? Ca peut avoir une influence sur la dynamique du résultat final! Tout affectera tout le reste. C'est d'ailleurs très vrai pour tout ce qui concerne le son, et la création d'un album: tout influe sur tout. C'est pour ça qu'il faut être très attentif à la dynamique pendant que l'on dessine tout le tableau.
Ca a été facile pour nous par rapport à ça cette fois-ci, parce que nous avons travaillé avec quelqu'un qui comprenait ça aussi. Nous étions tous d'accord sur ce ce que nous voulions faire, et il était notre lien dans le studio, pour recréer ça. A partir de là, tout ce qu'il me restait à faire était d'écouter les sons, approuver ce qui était fait, et voir ce que ça donnait. Nous étions vraiment côte à côte dans cette phase, nous avons écouté tous les détails de la dynamique de la batterie, chaque partie, pour s'assurer que les changements étaient exactement au bon endroit, qu'il n'y avait pas de place à l'hésitation pour plus tard: tout était au bon endroit. C'est nécessaire pour créer le bon ressenti, et nous l'avons obtenu! Et plus tard, on obtient cette image complète. Si tu essaies de recréer quelque chose, un sentiment, ça devient beaucoup plus facile si tu as porté toute ton attention aux premiers instruments [et la batterie est toujours enregistrée en premier], puis les deuxièmes, ensuite les troisièmes, etc. Si tu crées une dynamique entre chacun d'entre eux, même trois ou quatre éléments, il n'est vraiment plus nécessaire d'en rajouter! Ca n'est plus la peine de rajouter des guitares juste parce que tu veux faire « lourd », c'est déjà « lourd », même avec un piano, une basse et une batterie. Et puis tu dois savoir quand tu ne dois pas ajouter quelque chose.

M.: Au départ, votre musique tendait avant tout à « transmettre des sentiments »; mais sur Weather Systems, on a l'impression que vous cherchez presque à « peindre des tableaux avec des notes », si ça a un sens?
V. C.: Les sentiments sont toujours là, dans ces notes. Mais il y a un côté plus imagé, oui, assurément. Sur « The Lost Child » par exemple. Je crois que nous avons réussi à « déshabiller » les choses jusqu'à leur essence, et ainsi créer cette impression avec très peu d'éléments au départ, pour les laisser évoluer à partir de là. Beaucoup de chansons sont très « construites » en fait. Il y a presque toujours une sorte de crescendo qui rend les chansons intenses…
M.: Vous l'utilisez beaucoup oui!
V. C.: Oui, peut-être même plusieurs crescendo? Je ne dis pas ça juste pour la caméra, ça n'est pas notre faute! La différence, aussi, avec nos débuts est que nous n'avons pas besoin de faire beaucoup de titres différents avec des guitares fortes pour transmettre un sentiment: maintenant nous pouvons le faire avec juste quelques notes de piano.
M.: Oui, comme tu le disais juste avant, à l'époque vous deviez jouer fort pour « sonner » fort, alors que maintenant vous pouvez utiliser tous ces petits trucs de production…
V. C.: Oui, on finit par comprendre la dynamique de l'intensité, tout passe par ton jeu, en partie sur la composition et en partie sur ta manière de faire… mais principalement sur ta manière de faire pour être honnête. Il faut que tu arrives à avoir la bonne dynamique quand tu joues. Et il n'est pas nécessaire de brancher une pédale de distorsion pour être intense! C'est inutile, tout est dans le jeu, ça l'a toujours été. En fait, c'est plutôt que tu peux cacher beaucoup d'erreurs dans un « gros son », chose que tu ne peux pas faire avec une guitare « propre ».
M.: Mais je voulais dire… d'une certaine manière, votre musique est plus « visuelle » maintenant, est-ce que c'était volontaire?
V. C.: Oui, en effet. Je recherche des artistes visuels avec qui travailler pour cette raison. J'aimerais trouver quelqu'un qui pourrait interpréter ce que nous faisons, d'un côté plus visuel. Il y a beaucoup de manières de le faire après tout!
M.: Est-ce que ça serait plutôt pour la scène ou le visuel d'un album?
V. C.: Oh, peu importe, les deux! C'est juste qu'il y a plusieurs manières d'interpréter de la musique en quelque chose de visuel: des lumières, un film, la palette est très large. J'attends juste de trouver la bonne personne qui voudrait travailler avec nous.

M.: Sur cet album également, j'ai remarqué que Lee a tendance à chanter principalement des paroles de réconfort, amenant la paix et assimiulés… un peu comme une figure maternelle, en fait? Es-tu d'accord?
V. C.: En partie seulement, pas totalement. Sur « Untouchable, Part 2 » elle arrive et dit: « Why I should follow my heart, why I should fall apart » pourquoi devrais-je suivre mon coeur, pourquoi devrais-je m'écrouler », en gros]: ce sont les paroles de quelqu'un de très fragile.
M.: Oui mais sa manière de le dire…
V. C.: Oui, un peu comme si elle réalisait quelque chose.
M.: En tout cas elle ne sonne pas « brisée ».
V. C.: Oui, peut-être. Parce que, intentionnellement, elle a un choix à ce moment-là: ou bien se relever et avancer, ou bien s'écrouler en petits morceaux. Et elle ne va pas s'écrouler! Elle a très bien compris de quoi il s'agit dans cette chanson. Il y a aussi « Internal Landscapes » qui représente bien ce dont tu parlais, elle a cette influence apaisante sur tout le reste.
M.: Mais même quand elle chante juste une note isolée, sa manière de la faire apporte un certain réconfort, une certaine paix, ce genre de choses…
V. C.: Oui, ça peut être juste une note parfois, même sans des paroles, uniquement le son d'une voix… C'est un don à vrai dire, ça n'est même pas nécessaire de faire quoi que ce soit à ce sujet, de l'influencer, c'est simplement là! Elle se met derrière un micro et ça sonnera comme ça… elle a du talent.

M.: Musicalement, j'ai l'impression que Weather Systems est plus « conventionnel » que We're Here Because We're Here?
Par exemple je sais que les amateurs de musique progressive ont adoré We're Here…, mais je me demande s'ils trouveront suffisamment de détails intriguants sur Weather Systems?

V. C.: En partie, en effet. Je ne suis pas un grand amateur du terme « conventionnel », mais en même temps… oui, d'une certaine façon! « Dreaming Light » [sur We're Here…] avait des moments comme ça aussi, des chansons de ce genre… Mais il y a aussi des chansons comme « The Storm Before the Calm », plutôt longues et non conventionnelles, « The Lost Child », ce genre de choses. Les deux albums sont un peu liés de toute manière, et je pense que c'est un album dynamique. A vrai dire je préfère penser que des chansons comme « The Storm Before the Calm » et « The Lost Child » représentent l'essence de ce groupe, plutôt que chercher à savoir si elles sont plus accessibles. Tout ce que nous faisons est honnête et réel, et la véritable intention derrière tout cela est que si ça doit sonner « direct », alors allons-y comme ça. Si ça sonne bien avec des notes qui n'ont pas besoin d'habillage, apporté par une production travaillée, alors il n'y en aura pas. « Untouchable, Part 2 » sonne comme ça parce qu'elle transmet ce sentiment de la meilleure manière qu'elle puisse le faire, la chanson elle-même a imposé ce son, pas nous. Au bout du compte, nous nous laissons dicter ce que nous devons faire par la musique.
M.: Tu parles souvent de ça, la manière avec laquelle « la musique s'impose par elle-même », ce genre de choses.
V. C.: Oui, elle le fait, vraiment. Quand tu es au milieu de cette vague créative, ton travail est de permettre à ce sentiment initial, qui est toujours derrière ce que tu crées, d'entrer dans ce que tu fais. Et la seule manière de le faire est de ne pas penser à ce que d'autres voudraient que tu fasses. Il faut tout bloquer et réfléchir au sentiment, que signifie cette chanson, etc. Et elle te le dit déjà, ça transparait dans tous les instruments. Par exemple sur « The Beginning and the End » il y a un ensemble de cordes, un riff, mais pour construire cette chanson, pour qu'elle dure 5 minutes, pour qu'elle ait ce crescendo, cette montée et cette descente… tout cela est venu après s'être assis au piano, tout simplement! On essaie encore, et encore, on arrive au moment où on se dit: « ok, maintenant il faut que je me relaxe! », etc. Après, comment recréer ça avec un groupe? C'est ça que nous faisons.

M.: Tu aimes bien dire à droite et à gauche que vous avez trouvé « votre George Martin »? [producteur des Beatles, on considère très souvent, très certainement à raison, qu’ils n’auraient jamais fait les chansons qu’ils ont fait (de cette qualité s’entend) sans lui]
V. C.: Oui, on a vraiment l'impression qu'il fait partie des notres! Non seulement ça, mais il nous a aussi ouvert ce lien vers ce que nous essayions de créer. Il comprenait, et était capable de l'interpréter. Non seulement dans le son, mais aussi les sentiments de ce que tu essaies de créer, quand il faut construire ces petits moments. Sa sensibilité à la musique, tout simplement! Il est très concentré en studio, vraiment. Il travaille beaucoup, il s'implique énormément. Et il travaille pendant de très longues journées! Sans jamais perdre sa concentration, jamais: même à la fin de la journée, il sera droit et frais, comme s'il était 10h du matin! Véritablement un être humain extraordinaire. Nous avons beaucoup de chance de l'avoir trouvé.

M.: J'ai aussi été surprise parce qu'à chaque fois que vous (quelqu'un d'Anathema) parlez de ce producteur, vous expliquez à quel point le fait qu'il soit « si calme » vous a beaucoup aidés à réaliser cet album: pourquoi insister autant sur le côté -calme- de quelqu'un?
V. C.: Oui! Parce que ça fait partie de la chimie entre les gens, c'est tout aussi important que la musique elle-même quand on essaie de créer quelque chose. Le travail entre un groupe et un producteur repose autant sur cette chimie que sur les choses plus techniques. Au départ, quand nous avons commencé à enregistrer Weather Systems, nous avons fait deux sessions avec juste moi, Danny et John, dans notre propre petit monde et… avant Christer, personne n'arrivait jamais à vraiment comprendre ce que nous cherchions à obtenir, ce que nous cherchions à faire. Mais il l'a fait! Ca a rendu les choses très faciles, dès le départ.

M.: Bien entendu, pour préparer cette interview, j'ai lu quelques interviews que tu as pu donner ici et là et… ça paraît toujours extrêmement difficile pour toi, si ce n'est impossible, de dire les mots: « je suis heureux », ou même « je peux être heureux »?
V. C.: Oui… il y a beaucoup de raisons à cela. Je peux être heureux ces temps-ci, je suis une personne heureuse dans le fond. Mais si je regarde l'ensemble de ma vie… personne n'a un p***** [censure powered] de sourire au visage tout le temps! La vie est plus « colorée » que ça, on traverse beaucoup de choses, tous. Si tu es une personne profonde, c'est certainement impossible d'être heureux tout le temps. Je suis une personne très…contented » en anglais, "content" en version française enfantine, plutôt l'idée de « bien-être / vivant le bien-être ».] Mais ça n'est pas vraiment le cas de Danny, il y travaille! John non plus, mais il y travaille!

M.: Après autant d'années à jouer ensemble, composer ensemble, et parfois même vivre ensemble, est-ce que vous ne vous tapez pas un peu sur les nerfs les uns des autres, parfois?
V. C.: Oui! Enfin, ces temps-ci nous ne vivons même pas dans le même pays. C'est certainement bien mieux ainsi! Peut-être aussi que grâce à ça nous nous apprécions plus quand nous devons nous retrouver. Mais en réalité nous restons beaucoup en contact les uns avec les autres, même si nous nous voyons peu. En fait nous ne nous voyons que pour le groupe. Ca facilite les choses. Nous ne répétons pas etc. avant d'entrer en studio, nous attaquons directement: le premier jour d'enregistrement, John demandait « alors, qu'est-ce qu'on fait? » Danny et moi avons… je dirais un certain passé de disputes colorées entre nous!
M.: J'ai aussi un grand frère, donc je saisis l'idée…
V. C.: Tu vois comment certaines personnes arrivent à te faire sortir de tes gonds, plus que d'autres.
M.: Tout à fait!
V. C.: Il y a certainement juste deux personnes, à la rigueur trois, dans toute la vie de quelqu'un qui savent vraiment comment…
M.: T'énerver pour de bon!
V. C.: Oui! Danny est l'un d'eux, pour moi. Mais ça ne nous est pas arrivé depuis si longtemps que… tout va bien. Et puis il y a quelqu'un d'autre dans ma vie qui est comme ça, alors ça ne me manque pas. Je crois que l'un des secrets est de savoir ne pas commencer une dispute: si personne n'en commence, il ne devrait pas y en avoir! Ca n'est pas parce que quelqu'un est un enc*** [censure powered] qu'il faut le lui dire!

M.: Un dernier mot, ou quelque chose que tu veux dire mais je n'ai pas demandé?
V. C.: Je suis impatient de pouvoir nous recréer à Paris, le 2 mai [l’interview a été réalisée avant]. Et peut-être aussi à l'automne? Peut-être que nous aurons l'occasion de jouer en dehors de Paris, de revenir dans certains des endroits merveilleux où nous étions allés la dernière fois. Je suis impatient de partager ces chansons avec tout le monde, voir les réactions des gens… et juste avoir la chance de partager cette musique! C'est quelque chose que j'apprécie chaque jour, vraiment.
M.: De toute manière si ça n'était pas le cas je suppose que tu aurais arrêté le groupe depuis longtemps!
V. C.: Oh certainement oui!

-Propos recueillis par Polochon en mars 2012.-
[Chronique de Weather Systems (Anathema).
Compte-rendu du concert du 2 mai 2012 au Bataclan
/ Photos d'Anathema à ce concert.]