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Un album de Koritni, c'est toujours la promesse d'un album de rock'n'roll avec une grosse dose de heavy, de metal, un peu de bluesy dans les guitares, du glam dans l'esprit… et toute cette sorte de choses. Mettez tout ça dans un mixeur, et hop vous voilà avec un album de Koritni, c'est magnifique.

Si évolution il y a avec cet album, ça serait surtout dans le côté bluesy encore plus présent, d'où un côté rock'n'roll encore plus présent… et pourtant c'est toujours aussi hargneux, si ce n'est encore plus! La seule chanson à laquelle je n'accroche pas vraiment est « Sometimes », un peu longuette; certes ça s'agite après 5mn, mais 5mn c'est long, et avant ça fait 5mn de répétitions un peu trop rapprochées. En dehors de cette chanson, c'est boulevard après boulevard, selon les cas vous bougerez soit votre cou soit vos pieds, soit vos poings, mais je mets au défi quiconque appréciant le rock'n'roll de ne pas aimer cet album! Car je rappelle que le heavy-metal -c'est- du rock'n'roll, à la base, dans sa construction, pas « du classique wannabe » avec des guitares à la place des violons! Après, certes, ça peut manquer d'originalité à l'occasion, m'enfin ça se saurait si Koritni avait l'ambition de révolutionner la musique: il s'agit juste de passer un bon moment, et les franco-australiens y arrivent à coup sûr avec ce nouvel album!

Site officiel: http://www.koritni.com
MySpace officiel: http://www.myspace.com/koritni

[8,5/10] Polochon

Verycords / Warner Music – 2012
Tracklist (50:35) : 01. Down At The Crossroads 02. Better Off Dead 03. Party's Over 04. Now A Word From Our Sponsors 05. TV's Just A Medium 06. Lost For Words 07. Sydney In The Summertime 08. Sometimes 09. Money Talks, It Says Goodbye 10. Let's Go Crazy 11. Take It Like A Man
Interview de Lex Koritni en mars 2012.

Entretien avec Laurent James (Lord Of Mushrooms)

Le truc marrant avec les groupes de prog, c'est que la discussion a de fortes chances de partir en cacahuètes. Et pourquoi déroger à la tradition quand le représentant du groupe de prog est en plus un français, soit pas de barrière de la langue (il faut dire qu'au départ c'est un groupe français)?  Aucune raison, en effet… et dans le fond, ça permet d'apporter un peu d'animation à ce texte-fleuve: bonne lecture et bon café!

Metalchroniques: Pour commencer: sérieusement, c'est quoi ce nom de « Seigneur des Champignons » [traduction de « Lord Of Mushrooms »]?
Laurent James: Je ne sais pas, désolé! C'est vieux, à l'époque où nous ne jouions même pas encore dans des pubs. Comme quoi quand tu fais une ânerie [censure powered] ça peut te poursuivre toute ta vie!
M.: Oui, enfin au début on a encore le temps de changer de nom de groupe!
L. J.: Oui mais non, parce qu'après, au fur et à mesure, on s'y est fait. Et puis j'aime bien! Evidemment il y a des gens qui nous disent que nous sommes malades…
M.: Au moins c'est original!
L. J.: Oui voilà, au moins tout le monde s'en souvient! Aux Etats-Unis comme au Japon, ça passe. Et puis c'est français de chercher quelque chose de bizarroïde comme ça. Donc au final… ben on garde, désolé!

M.: Il y a eu beaucoup de remue-ménage dans les membres du groupe depuis le dernier album: que s'est-il passé exactement?
L. J.: En fait les anciens ont voulu faire un autre style de musique, pour essayer de faire de la télé.
M.: Ah! C'est sûr que vu ce que vous faites… c'était pas gagné!
L. J.: Eh non, surtout à la télé française! Mais j'ai préféré faire ne pas passer à la télé et faire vraiment ce qui me tient à coeur. J'ai essayé quand même, pendant 2-3 mois, mais ça a commencé à me rendre malade.
M.: Et c'est quoi ce genre musical tellement télévisuel?
L. J.: De la pop française. Après je ne veux pas cracher sur ce qu'ils font, ça peut passer à la télé oui… mais c'est un autre métier! Je préfère rester là-dedans, le groupe avait déjà sorti deux albums, les gens commençaient déjà à nous connaître, les fans de ce style au moins. Les anciens voulaient que l'on garde le nom en restant avec la maison de disques [pendant les quelques mois où ils jouaient encore tous dans le même groupe je suppose, avec juste quelques uns qui voulaient continuer à faire du prog à côté], en disant que ça n'allait pas nous servir à nous. Mais là… j'ai décidé de garder le nom du groupe, c'était un peu compliqué mais on s'en est sortis!
M.: Chacun fait ce qu'il aime après tout comme ça!
L. J.: Voilà, d'autant plus que maintenant j'ai une équipe de gens qui aiment ça, vraiment: autant faire les choses de manière claire dès le départ.

M.: Et finalement, comment en êtes-vous arrivés à recruter deux italiens et un brésilien?
L. J.: J'ai cherché en France… et j'ai eu du mal! Pour le batteur et le claviériste, j'ai essayé d'auditioner un chanteur en Italie: il n'a pas fait l'affaire, mais il avait un ami claviériste et un ami batteur… et avec eux ça le faisait.
M.: « Ca tombe bien, on cherche aussi! »
L. J.: Oui, en fait je cherchais tout! Et étant donné que j'habite à côté de la frontière et que j'ai habité en Italie quand j'étais petit donc c'est ma première langue: ça ne me posait pas de problème [d’avoir des italiens dans le groupe]. Et puis je ne sais pas, les italiens sont un peu plus rock'n'roll disons. Un français, quand il commencent à être bons dans leur instrument, surtout dans le sud et surtout un claviériste, il va faire de la variété, du jazz, du piano-bar. Les italiens vont plus facilement vers ce qu'ils aiment.
M.: Et le brésilien?
L. J.: Nous l'avons recruté en 2009: ça commençait à être vraiment difficile, nous avions cherché en France, en Italie, rien… alors nous avons pensé chercher un peu plus loin. Et en fait, notre chanteur actuel habite à Montpellier 6 mois par an, alors pourquoi pas lui? Nous avons essayé d'autres chanteurs, mais c'est avec lui que ça collait le mieux.

M.: Toutes ces histoires n'ont pas dû aider l'enregistrement de l'album, le précédent date quand même de 2005 après tout?
L. J.: Tu imagines? Il a fallu re-fabriquer un groupe, avec de nouveaux membres, refaire des morceaux… ça prend du temps! L'album lui-même était fini en 2009, plus ou moins. Je compose avec Luca [Mariotti], le claviériste, nous faisons les structures, après il suffit de les mettre sur ordinateur et ça permet déjà de se faire une idée. Après comme le chanteur était au Brésil il a dû venir, il a fallu faire un pre-mix, trouver un ingénieur du son pour faire le mixage, pour lequel je suis allé au Canada avec Luca, ensuite le mastering à New-York… ça prend du temps! Mais ça n'est pas qu'il a fallu du temps pour composer l'album, c'est plutôt toute l'organisation qui va autour.

M.: Musicalement, il y a beaucoup moins de « musique pour musiciens » sur cet album, vous avez rendu votre musique bien plus accessible…
L. J.: De plus digeste.
M.: Ou plus digeste oui, même s'il ne s'agissait pas de passer à la télé pour autant?
L. J.: Disons qu'à force de voir ce qui se faisait dans les groupes de prog-metal ou prog-rock, nous avons essayé d'éviter de répéter les mêmes erreurs. C'est à dire que beaucoup de groupes ont tendance à tourner un peu dans les mêmes trucs, avec des instrumentaux de trois heures, les solos à fond la caisse… au bout d'un moment, c'est toujours un peu indigeste.
M.: Avec un changement de rythme toutes les deux mesures, ou encore mieux de mode après deux mesures et demi, parce que c'est beaucoup plus compliqué quand c'est deux mesures et demi.
L. J.: Mais oui, et quand tu fais de la musique il ne faut pas essayer de trop la diriger. J'ai toujour l'idée que nous sommes juste des capteurs, la musique passe par nous et il ne faut pas essayer de lui dire « rah, tu vas aller comme ça! » Tu laisses faire. Certaines personnes nous demandent pourquoi nous ne faisons pas des morceaux de 15 minutes… je ne sais pas? Ca n'est pas forcément mieux?
M.: Oui, si un jour vous êtes inspirés par un morceau de 15 minutes pour le ferez sans doute.
L. J.: En fait le morceau va venir tout seul, après tu te rends compte qu'il fait 15 minutes, mais si tu commences à trop vouloir diriger les choses ça finit par devenir un peu chimique, un peu hermétique. Donc là nous avons voulu faire quelque chose de… pas forcément simple, mais abordable. Un amateur de heavy peut s'y retrouver, il y a des gros riffs etc., et puis un peu cachés derrière il y a des petits machins qui peuvent être intéressants.
M.: Pas toujours si cachés que ça! Par exemple dans le sixième morceau, « Red Queen's Race », dans la partie instrumentale… je joue du piano depuis 20 ans, et autant la partie au clavier seule je pourrais la jouer sans problème, autant avec les trucs autour complètement à l'opposé… c'est tout simplement impossible!
L. J.: Bah, non! Franchement, c'est pas si compliqué que ça. C'est juste… voilà, il faut comprendre le rythme. Une fois que tu as compris le truc, tu rentres dedans et… ça va.
M.: Oui, je suis sûre que quand on a participé à la composition c'est tout de suite beaucoup plus facile!
L. J.: Ouais… non, franchement c'est pas si compliqué.

M.: Bon, en même temps il y a certains passages qui sont… peut-être pas injouables, mais au moins compliqués à jouer sur scène?
L. J.: Oui, c'est vrai, surtout pour moi qui ne suis pas très bon à la guitare… Non, c'est vrai! Quand on me parle de Petrucci ou ce genre de types… pour moi, c'est des monstres! J'ai vraiment fait ce que je peux faire, sans en faire plus.
M.: Alors ça va être plutôt quoi plutôt ton style…
L. J.: Eh bien ça fait quelques années que je côtoie le malade suédois là… Mattias Eklundh.
M.: De Freak Kitchen.
L. J.: Voilà. Et je suis allé au Freak Guitar Camp deux fois, et il m'a pas mal ouvert l'esprit. Il est vraiment impressionant, par son intelligence. Je m'imaginais un type avec son métronome qui travaille toute la journée, mais en fait non, il est super créatif. Par exemple il va faire un petit bruit avec son ampli, trouver ça marrant, il va partir là-dessus, et il en fait un morceau. C'est ça que je trouve génial, quand des types créent pas obligatoirement avec de la technique mais grâce à leur ouverture d'esprit. Au niveau des rythmes aussi il m'a apporté pas mal de petits trucs. Il y a aussi mon prof de guitare avec qui j'ai travaillé, et avec qui je joue maintenant dans d'autres projets; il est sur Paris, et voilà, il m'a apporté énormément aussi.

M.: Pour ne pas changer, votre troisième album est votre troisième album-concept: peux-tu raconter un peu de quoi il s'agit? Je me doute que tu ne peux pas trop rentrer dans le détail mais bon…
L. J.: Ah si je peux, je l'ai fait avec tout le monde! De toute manière ça n'est pas moi qui l'ai écrit, c'est le bassiste [Julien Negro], donc bon il va me casser la tête à la fin… mais tant pis! En fait c'est basé sur une nouvelle de Terry Pratchett… tu connais?
M.: Oui.
L. J.: Tu es bien la première, bravo!
M.: Quand même! [C’est vrai quoi, le Disque-Monde, tout ça? Depuis quand le metalleux ne s’intéresse plus à la science-fiction/fantasy granguignolesque! Ahlalala, ces jeunes qui manquent de curiosité…]
L. J.: Moi je ne connaissais pas! Mais bon… c'est lui qui connaît, nous, nous sommes bêtes.
M.: C'est l'intellectuel du groupe.
L. J.: Voilà, c'est l'intello. Nous on fait « crountch » à la guitare. Donc il m'a fait lire le passage en question, j'ai bien aimé, c'est dans The Reaper Man [ou Le Faucheur en français]. Je n'ai pas tout lu, trop de pages, mais il y a un petit passage qui parle d'un insecte qui vit 24h. Tu l'as lu?
M.: Non, mais Pratchett de toute manière c'est du grand n'importe quoi en général.
L. J.: Justement, ça colle bien avec ce qu'on fait! Et lui [le bassiste] a écrit cette histoire comme si c'était des êtres humains qui voyaient le temps passer à une vitesse…
M.: Très rapide.
L. J.: Voilà, sauf que pour eux c'est très lent. Donc il a tourné le truc comme si c'était la vie d'un homme: en fait sur tout l'album, si tu lis les paroles, tu ne sais pas qu'on parle d'un insecte. Mais à la fin, quand il se fait manger par son soi-disant Dieu, qui est en fait un poisson, tu te dis: « ah d'accord, c'était donc ça! » Et voilà, désolé Julien de le dire encore une fois aujourd'hui! Mais rien de grave, je vais avoir un oeil au beurre noir, c'est tout. Et du coup, ce concept nous a permis de traiter de plusieurs sujets qui lient l'humanité. Par exemple il y a la religion, la nature donc la pollution, l'amour, l'évolution des espèces, etc.
M.: Quand même, pour un insecte, il réfléchit beaucoup ce petit insecte!
L. J.: Ah oui! Mais de toute manière, nous sommes partis sur un insecte très intelligent qui parle avec ses congénères etc.!
M.: D'accord, donc complètement fidèles à l'esprit de Pratchett avec du grand n'importe quoi.
L. J.: Voilà, de toute façon. Et puis ça n'est pas moi qui l'ai lu ce livre!

M.: Quand même, et même si je dois avouer que je n'ai pas écouté 30 000 fois l'album pour préparer l'interview, sur la dernière chanson [« Awaken », là où Petit Insecte découvre La Vérité… et Le Poisson] je n'avais pas du tout compris qu'il mourrait le petit personnage. Malgré tout, j'avais bien compris qu'il trouvait la grande réponse de sa vie… et que ça finissait sur quelque chose d'assez négatif, ce qui est toujours dommage pour une fin d'album? Non?
L. J.: En fait je dirais que l'album lui-même est assez sombre. L'album était plus bling-bling, avec des petites clochettes dans tous les sens, plus joyeux. Là nous avons voulu faire quelque chose d'un peu plus dramatique. D'où une fin où ça se passe plus ou moins mal.
M.: D'accord, il fallait qu'il finisse trucidé, presque dans d'atroces souffrances.
L. J.: Ouais, après c'est un moucheron hein, c'est pas bien grave.
M.: Oui voilà, ça ne souffre pas beaucoup un moucheron. C'est bien ça d'ailleurs: il réfléchit beaucoup mais il n'a pas trop la possibilité de souffrir, c'est sympa pour lui!

M.: De manière générale, quelles sons vos inspirations musicales? Parce que bon, je ne dirais certes pas que vous faites du rock progressif parce que c'est plus que « juste » du rock, mais ça n'est pas du « gros méchant metal » disons…
L. J.: Non, c'est du… « nous progressif ».
M.: Du gentil metal!
L. J.: Oui, par exemple! Comme je te l'ai dit j'ai composé avec Luca, et nous sommes tous les deux issus du monde de la musique classique. Nous avons forcément envie de transmettre des choses qui nous passionnent dans le rock, du coup ça fait « rock progressif ». Après tout c'est comme ça qu'est né le rock progressif, c'était des gens qui faisait du jazz et de la musique classique et qui ont voulu transmettre ça avec l'énergie du rock. Si bien que dans notre musique, tu ne retrouveras peut-être pas trop d'influences à la Dream Theater, par contre il y aura des harmonies à la Debussy ou même Ravel, nous sommes extrêmement fans de Ravel. Par exemple il y a un morceau pour lequel nous avons voulu mélanger un gros riff à la Messhuggah avec du Ravel. Et ça le fait je trouve! C'est dans « Nyx's Robe », sur le refrain. Ca donne des grosses guitares avec une rythmique qui ressemble à un engrenage qui tourne, avec par-dessus un piano qui fait vraiment des harmonies Raveliennes. Après il y a aussi plein d'affinités avec Stravinsky ou Steve Reich si tu connais un peu [un pionnier dans la musique minimaliste]: je suis un grand fan de Steve Reich et la musique minimaliste en général. Et en même temps j'aime bien le rock progressif! Donc plutôt que de parler de dragons et de flammes dans tous les sens, autant mettre des trucs que j'aime bien moi… et c'est vrai que ça donne quelque chose d'un peu bizarre, mais au moins c'est original!

M.: Justement les noms des musiciens que tu donnes m'y font penser, mais vous avez un style très visuel musicalement. Par exemple… souvent dans ces chansons, et même sans comprendre le détail des paroles etc., on peut plus ou moins voir une sorte de tableau [un peu plus tôt dans l’interview, même si c’était une apparté donc non retranscrite ici, j’avais aussi dit que cet album a un côté très aqueux… d’un autre côté si le Dieu est un poisson c’est normal.]
L. J.: Oui, je vois ce que tu veux dire. Ca respire, disons. De nos jours, les gens ne se donnent plus trop le temps de se poser. Ca s'entend dans le type metal où ils sont très [bruit de type égosillé].
M.: « Gros méchants ».
L. J.: Oui, et au bout d'un moment trop de « gros méchant », ça tue le « gros méchant »! Ca annule un peu l'effet. J'aimais bien cet aspect de montagnes russes justement, de temps en temps ça se calme, et puis hop ça repart, etc.
M.: Oui, mais même en dehors de ça…
L. J.: Toi tu voyais vraiment le truc visuel, les images…
M.: Oui, par exemple la « course de la reine » [ou « Red Queen’s Race » pour le titre exact]: on peut vraiment la voir en train de parcourir les mers [pour être honnête, avant même de jeter un coup d’oeil aux titres de l’album je m’étais dit: « ah, là, ça parle d’un poisson qui nage, et qui s’éclate dans la vaste mer! ».]
L. J.: C'est vrai, c'est vrai. En l'occurence c'est un instrumental… et même la musique avait été faite avant même de décider du concept, mais peut-être que ça a inspiré Julien notre écrivain? Je ne sais pas. Mais c'est vrai qu'à la base, je ne connaissais pas le concept, de toute manière je ne connaissais pas Terry Pratchett, je faisais juste de la musique et: « ouais, cool, j'aime bien, montagnes russes, ouaiiis! » Mais du coup, ça donne un peu ça, ces images, on peut vraiment imaginer… je vois ce que tu veux dire.

M.: Pourquoi est-ce que l'on voit deux couvertures différentes pour cet album? [même celle sur le site officiel est différente de celle sur le site de la Fnac, par exemple!]
L. J.: Parce que la maison de disques s'est plantée!
M.: D'accord!
L. J.: En fait, ça c'est la vraie couverture [= celle du site officiel, où un poisson s’apprête à gober un moucheron], et quand tu achètes l'album, ça se déplie et ça donne un grand poster, tu l'as vu?
M.: Juste la mini-version sur le site de la Fnac…
L. J.: Ah non, ça ça n'est qu'un petit bout, attends [il se déplace pour me montrer une image du poster en question sur son ordinateur] Je me suis dit que comme de nos jours presque tout le monde télécharge, pour ceux qui prennent la peine d'acheter l'album autant leur faire un petit poster! Et il a vraiment bien réussi le truc, et puis ça change du metal, donc il a réussi son truc. Voilà [l’image apparaît sur l’écran]: ça se plie en 5, et ça donne un joli poster, avec toute une histoire. Ils [la maison de disques] ont coupé un coin, du coup ça ne dévoile pas tout le reste. Celui qui s'occupe de ça chez Lion Music [la dite maison de disques] n'a pas imaginé que c'était un pliage quand il a reçu ça.
M.: Même, entre « le petit bout découpé » et les tous petits morceaux que l'on aperçoit sur votre site officiel, ça donne une idée, ça représente bien l'univers de l'album.
L. J.: Oui, je trouve que celui qui nous a fait la pochette, Travis Smith, s'est vraiment bien débrouillé.
M.: J'allais justement demander qui c'était!
L. J.: Travis Smith! Il fait les pochettes pour Opeth et Nevermore, que je ne connais pas, Devin Townsend, que j'aime beaucoup… et d'autres trucs que je ne connais pas. Mais voilà, il travaille surtout sur les pochettes d'Opeth. D'ailleurs juste avant de faire celle-là il avait fait la pochette pour le dernier Opeth avec l'arbre [pour l'album Heritage]. C'est vraiment un super artiste, très créatif.
M.: Et au final, qu'est-ce que vous lui avez donné pour qu'il s'insipire: le concept de votre histoire, ou la nouvelle de Pratchett?
L. J.: Non, nous lui avons donné notre concept, en lui expliquant un peu qu'à la fin de l'histoire le petit personnage meurt mangé par son propre Dieu… comme souvent les être humains aussi meurent « bouffés » par leur propre Dieu! Nous avons essayé de lui donner quelques pistes, mais quand j'ai vu ses premières planches ça n'est pas du tout ce que j'avais imaginé… et j'étais très content! J'aime bien justement qu'on m'étonne et qu'on me sorte des trucs… sans dragons ou flammes etc.
M.: Déjà, avec ce concept, ça aurait peut-être été compliqué de mettre un dragon… à la rigueur des flammes pourquoi pas, mais le dragon…
L. J.: C'est surtout que tous ces clichés… je n'en peux plus! Déjà c'est une musique que je n'écoute pas plus que ça, mais alors toute cette imagerie qu'il y a derrière… ça n'a jamais été mon truc.
M.: Donc, par exemple, autant tu peux être dans le classique, autant Rhapsody ça ne va pas du tout être ton truc…
L. J.: Ah non! Rhapsody, c'est… non! J'ai du mal, vraiment. A la fin ça en devient presque un peu comique, c'est toujours pareil. Le premier album je veux bien, mais après… Moi, tout ce qui est heroic-fantasy…
M.: Ca te saoule.
L. J.: Oui, voilà.

M.: En général, qu'est-ce qui vous souffle une idée pour un nouveau concept? Quelqu'un arrive et: « pouf, tiens, j'ai une idée! »
L. J.: Pour cet album, c'est Julien qui est venu et qui a fait: « pouf, tiens, j'ai une idée! » Moi je ne savais pas du tout de quoi on pourrait parler. Dans le fond je fais avant tout de la musique.
M.: Et à la rigueur s'il était venu sans concept, vous auriez pu faire un album sans concept particulier?
L. J.: A la base j'étais partant pour faire un album avec des chansons qui se suivent, normal. Après j'aime bien traiter de sujets qui ne sont pas souvent abordés dans le metal progressif, ou au moins éviter de parler de dragons et tout ça! Mais comme il est arrivé avec un très bon concept… tout le monde était partant!
M.: Justement parce que la musique colle beaucoup au concept, j'étais persuadée que vous aviez commencé à composer après avoir trouvé le concept, mais apparemment ça n'est pas du tout le cas?
L. J.: Pas du tout en effet. Plein de mélodies même ont été faites en yaourt-one-again-wanna-fly.
M.: Si c'est juste grosso modo après ça peut être arrangé, pour que ça corresponde au concept…
L. J.: Bah, Julien s'est bien débrouillé, très vite en plus! Ca cadre, il n'y a pas de coupures bizarres. Alors que sur le deuxième album… si tu regardes un peu le texte, tu remarques que ça passe vraiment du coq à l'âne, il y a des fins de phrases bancales au niveau rythmique, etc. D'ailleurs c'est aussi pour ça que l'on a pris un chanteur qui parle bien anglais.

M.: Faire du metal, certes pas le plus agressif mais metal quand même + progressif + en France + de nos jours… est-ce que ça n'est pas un petit peu du masochisme, quelque part?
L. J.: De toute façon faire de la musique de nos jours c'est masochiste!
M.: Faire de la musique -de tout temps- c'est masochiste!
L. J.: Oui, mais disons que dans les années 70 ça allait mieux.
M.: Oui, il y a eu 20 ans où c'était bien.
L. J.: Oui, enfin dans les années 80 déjà il fallait être habillé en fluo etc.
M.: Oh, même sans ça on pouvait se débrouiller pour vivre à peu près de sa musique, c'est juste que l'on n'étais pas supra connu! [et les musiciens avant les années 60, ils vivaient bien de leur musique peut-être, hein, hein? Je ne parle même pas d’il y a un siècle et au-delà!]
L. J.: C'est sûr… mais nous sommes tous un peu masochistes, à force de faire des choix sans savoir pourquoi. Si j'avais fait de la pop française, peut-être que… mais non, je ne peux pas! C'est comme ça.

M.: Tu disais aussi qu'à l'origine tu viens plutôt du milieu classique, donc c'est quoi ta formation musicale?
L. J.: Mes parents étaient chanteurs d'opéra. Donc très classique! Depuis tout petit j'entendais des répétitions, des trucs d'orchestres, des trucs faits au piano. C'est là que je me suis dit que tout ce qui est avant le XXème siècle ça me gave un petit peu, alors que Stravinsky, Bartok…
M.: Même pas un peu de XIXème, carrément que du XXème et au-delà?
L. J.: Oui, quand même un peu de XIXème, il y a des trucs. J'adore Puccini par exemple, ça me rend dingue. Après j'ai eu ma période: « non, la musique c'est nul! Je ne veux pas en faire, je veux jouer aux jeux vidéo! »
M.: Ah, ça, c'est l'adolescence!
L. J.: Exactement, et à 17 ans j'ai commencé la guitare, tout repris, je suis allé un peu au conservatoire, à Berkeley aux Etats-Unis [sorte de conservatoire/école de musique -très- connue], et j'ai fait musicologie à Nice. Et là j'ai eu de très bons profs, des gens qui te font découvrir ce qui s'est passé au XXème siècle, c'est ce que tu travailles en licence après tout. Schöneberg, le dodécaphonisme… et j'ai trouvé quelque chose là-dedans, voilà. Après il faut en sortir, quand même, et c'est là que j'ai découvert la musique minimaliste, répétitive, avec Philip Glass ou Steve Reich. D'ailleurs j'ai joué avec un ensemble de guitares Electric Counterpoint [du dit Steve Reich] il y a quelques années, et c'est… Tu as une guitare électrique, tu joues dans un théâtre, devant des gens type « soirée de l'ambassadeur »: du coup tu te dis que tu peux faire autre chose que du rock! Et après quand tu reviens dans le rock tu essaies d'apporter quelques petits trucs. Il y a pas mal de petites allusions à Steve Reich dans cet album, d'entrelacements guitare-piano. On ne s'en rend pas forcément compte, parce que nous avons vraiment fait en sorte de mélanger ça. Mais si tu vois les partitions tu remarques des petites notes qui alternent, ça donne des petites mélodies que personne ne joue mais le mélange des deux instruments donne une mélodie qui n'est jouée par personne… une mélodie résultante. J'adore les petits mirages comme ça, les mirages auditifs, quand quelqu'un dit: « ah, je vais essayer de relever ça! », mais en fait personne ne l'a joué. On s'embête un peu hein…
M.: Ah on fait du prog ou non hein, il faut assumer! C'est un peu ce que je disais tout à l'heure: vous avez fait plus abordable, mais en fait ça n'est pas si abordable que ça…
L. J.: A écouter c'est abordable… mais après, ceux qui voudront le jouer vont se dire: « woaaaah d'accord c'était ça! » Mais franchement non, par rapport à du Dragonforce c'est 50 000 fois plus abordable.
M.: Oui mais là c'est pas du tout pareil, quand même… Dragonforce quand même au niveau de la structure c'est beaucoup plus abordable! [par expérience de prof de piano, il est beaucoup plus facile d’acquérir la dextérité/rapidité que la complexité d’une structure hypra tarabiscotée!]
L. J.: Au niveau de la structure, oui. Mais pour ce qui est de jouer, je préfère jouer 50 fois cet album! Dragonforce, si tu me ralentis le tempo de 300 ça peut être faisable, mais sinon… je ne bois pas le même café! Comme m'a toujours dit mon prof: « tu ne peux pas mélanger sport et musique ». Donc pour faire de la musique, c'est pas compliqué: on se calme. Mais ils le font très bien eux, donc je leur laisse faire ça.
M.: Oh même eux s'en sont peut-être un peu lassés, parce que sur leur dernier album ils se calment un peu, il y a même un peu de mid-tempo etc.

M.: Qu'est-ce que tu écoutes en ce moment?
L. J.: Dernièrement j'ai téléchargé, légalement!, le Dillinger Escape Plan avec Mike Patton [EP de 2002], mon chanteur préféré. C'était vraiment pour voir dans quel délire il était parti, mais c'est un vieil album en fait. J'ai aussi commencé à écouter Shylock, un vieux groupe de progressif français qui avait bien marché, et mon prof était leur guitariste à l'époque. Ils viennent de se reformer pour faire une tournée aux Etats-Unis, mais ils n'ont pas de bassiste: moi je leur ai dit que je ne suis pas bassiste, donc justement je vais jouer avec vous! Du coup je me suis mis à la basse.
M.: Il faut savoir improviser dans la vie!
L. J.: J'adore les challenges, partir sur des trucs un peu différents. Du coup c'est ce que j'écoute en ce moment, c'est un peu mes devoirs à la maison: il faut que je relève les parties pour les jouer à la basse.

M.: Est-ce que vous avez beaucoup l'occasion de jouer des concerts? Vu que, comme déjà évoqué, prog + metal + France…
J. L.: Et surtout Brésil + Italie + France…
M.: Oui, enfin, l'Italie n'est pas très loin de chez vous [les français du groupe sont à Nice], et le Brésilien est près de chez vous 6 mois par an!
J. L.: C'est sûr, mais ils sont quand même à 600 km de chez moi! Il faut qu'on organise ça, mais on ne peut pas l'improviser justement: il faut trouver le moyen de faire une petite tournée, partir avec un autre groupe. Donc il faut que l'on trouve déjà un groupe avec qui ça peut coller… pas Dragonforce!
M.: Oui, c'est pas tout à fait le même style, je crois que vous vous feriez un tout petit peu descendre par le public…
L. J.: Ca va faire mal! On aimerait bien être avec Opeth, parce que leur dernier album est vraiment bien, ça fait partie des derniers albums que j'ai écouté d'ailleurs. Pain Of Salvation aussi j'aimerais beaucoup, je suis vraiment fan du chanteur, il a un grand charisme, une grande voix. Porcupine Tree pourquoi pas… je ne sais pas?
M.: Selon les occasions, en gros.

M.: Un dernier mot pour nos lecteurs, ou quelque chose que tu voulais dire mais que je n'ai pas demandé?
L. J.: J'ai dit beaucoup de choses! Du coup… n'hésitez pas à goûter au nouveau champignon de Lord of Mushrooms, il ne cause aucun problème pour les neurones, au contraire même je pense que ça peut appaiser ceux qui sont trop énervés. C'est assez digeste, ça peut faire du bien!

-Propos receuillis par Polochon en mars 2012.
Chronique de Perspectives (Lord Of Mushrooms).-

Devil's Train – Entretien avec Laki Ragazas

Devil's Train surprend avant tout par sa musique: voir des gens connus pour jouer dans des groupes de power metal plus ou moins complexe faire du hard-rock typé années 80… est pour le moins inattendu! Profitons donc d'une certaine acalmie dans cet hiver tardif pour discuter musique avec le guitariste et co-fondateur du groupe.

MetalChroniques: Bien sûr on devine facilement comment Jörg Michael a pu faire venir Jari Kainulainen dans Devil's Train [les deux ayant quelque peu joué ensemble dans Stratovarius pendant plus de 10 ans], mais comment les autres se sont-ils rencontrés, comment est-ce que le groupe s'est créé au final?
Laki Ragazas: J'ai été pour la première fois en contact avec Lia vers octobre 2009 [R.D. Liapakis, déjà chanteur de Mystic Prophecy, et que Laki surnomme apparemment constamment « Lia »], il est aussi dans le groupe de power-metal Mystic Prophecy. Dans cette période, j'ai découvert qu'il envisageait de faire un groupe qui serait plus dans le « heavy rock'n'roll », avec des influences bluesy, etc. Il avait eu cette idée en tête depuis plusieurs années et il commençait à vouloir tenter de voir ce que ça donnerait. Nous avons commencé à échanger des idées de chansons, et nous avons réalisé que nous avions la même vision, d'une certaine manière. Nous avons commencé à travailler là-dessus, rapidement ces idées ont evolué pour être de véritables chansons, il y avait une bonne chimie entre nous, nous nous entendions si bien dès le départ.
M.: Donc c'est avant tout vous deux qui composez?
L. R.: Oui, c'est nous qui nous chargeons de ça. Mais voilà, c'est comme ça que les choses ont commencé.
Un peu plus tard, Lia a rencontré Jörg sur une tournée que Mystic Prophecy a fait avec Stratovarius en janvier 2010, et Lia a parlé de cette idée avec Jörg. Il avait déjà une bonne expérience dans ce genre de musique avec ce qu'il avait fait avant Stratovarius après tout. Il aimait l'idée, il aimait les possibilités que ça pourrait ouvrir, jouer dans ce genre de groupe. Après tout, pendant toutes ces années à jouer pour Stratovarius et Running Wild, il s'était toujours dit que ça serait bien de revenir à ses racines un jour, à la musique des années 70, dans l'esprit de groupes comme Deep Purple ou Led Zeppelin. C'est pareil pour moi d'ailleurs, j'y rajouterais même Jimi Hendrix, je suis guitariste après tout! Et c'est vraiment mon Dieu A La Guitare!
Là-dessus nous avons commencé à travailler ensemble sur les chansons, un peu plus tard dans la même année, à l'été peut-être, nous avons commencé à enregistrer la batterie… c'est comme ça que tout a commencé.

M.: Vous avez commencé à enregistrer dès 2010? Ca fait deux ans jusqu'à aujourd'hui…
L. R.: Ah oui, presque, ou un an et demi. Mais bon, tu sais comment ça se passe dans le milieu de la musique aujourd'hui, les choses peuvent prendre du temps, c'est très difficile. Quand nous avons commencé à travailler sur cet album nous n'avions pas de contrat avec une maison de disques, donc nous avons tout pre-financé, nous avons dû nous charger de l'image pour la couverture, et ensuite chercher un contrat. Tout ça prend du temps, et il vaut mieux le faire un peu plus tard et que tout se passe bien. C'est pour ça que les choses ont un peu traîné, mais au final l'album est comme nous voulions qu'il soit.

M.: Tu y as déjà un peu répondu mais quand même: trois des quatre membres de Devil's Train sont connus pour avoir joué dans des groupes complètement différents de ce que joue Devil's Train [à savoir Stratovarius pour Jörg et Jari, Mystic Prophecy pour… ok, Lia]: comment les avez-vous convaincus de monter dans le train? [cymbales]
L. R.: Eh bien comme je l'ai dit, nos influences principales sont les mêmes, si bien que quand ils ont écouté nos idées de chansons, ils ont adoré, tous. Un peu comme si ça avait déclenché, ou illuminé quelque chose dans leur coeur. C'était l'étincelle dont ils avaient besoin pour dire: « ça m'intéresse ». Et si tu écoutes l'album, tu t'en rends compte très naturellement: les chansons correspondent parfaitement à la manière avec laquelle elles sont jouées. C'est vraiment ce qui se passe dans nos coeurs, dans nos têtes. Quand nous avons commencé à travailler sur les chansons, tout nous venait sans forcer, de manière très spontanée, c'était assez magique. Ils n'avaient pas besoin d'être convaincus au final, justement parce que c'était si naturel, il était évident que c'était quelque chose que nous voulions tous! Bien sûr je ne suis pas aussi connu qu'eux, mais quand on tient la bonne vision et qu'on travaille suffisamment dur tout en restant dans la bonne direction, tout est possible.

M.: En écoutant l'album, il est évident que tu es un très bon guitariste, techniquement parlant aussi. En fait, tu es même le genre de guitariste qu'on imaginerait plutôt sur un album plus complexe, peut-être plus progressif?
L. R.: Oui, il y a beaucoup de trucs progressifs dans ma manière de jouer, je dois l'admettre.
M.: D'un autre côté, ça va très bien avec les chansons, comprenons-nous bien!
L. R.: Oui, c'est surtout que j'ai une manière de jouer très technique. Je m'imagine très bien dans un autre genre de musique aussi. Et même, j'ai une bonne information pour toi: je vais rejoindre Mystic Prophecy, ça a été décidé très récemment! Ils m'ont proposé de devenir leur guitariste, et bien sûr j'ai accepté avec grand plaisir, parce que Lia y est déjà et que c'est un très bon groupe. Ils ont sorti un très bon album en novembre dernier, Ravenlord, et je suis très fier de les rejoindre. C'est une occasion de montrer, comme tu l'as dit, des choses plus complexes.
D'un autre côté, ce qui m'importe le plus, quand il s'agit de jouer de la guitare, c'est de s'exprimer. Les sentiments que portent les notes. Au bout du compte je préfère fermer les yeux et garder la bonne note, peu importe si c'est un million de notes ou juste une seule, qui fait [un bruit intranscriptible]… c'était une note, en train de crier! Pour moi, le mieux est de réussir à combiner une bonne technique, qui vous donne la liberté de bouger entre les frets, mais aussi d'ajouter des épices sur les notes, sinon ça ne sert à rien.
M.: Sinon c'est froid.
L. R.: Oui c'est froid, comme l'hiver.

M.: Vous vivez dans des parties très différentes de l'Europe, donc comment avez-vous fait l'album, parce que je suppose que même répéter ne doit pas être très évident?
L. R.: Oui, pour l'enregistrement j'ai pris l'avion vers l'Allemagne, depuis la Grèce, là nous avons enregistré la batterie et les parties de base à la guitare, ainsi que quelques solos et overdubs. Le chant aussi a été enregistré en Allemagne. La basse par contre a été enregistrée chez moi en Grèce, Jari est venu chez moi et il était ravi parce qu'il adore la Grèce. Si bien que c'était un mélange entre des vacances et le travail! Une très bonne semaine… et très folle, à boire de la bière, des litres de bière, et de très bonnes séances d'enregistrement pour la basse.
Mais bien sûr il est difficile pour nous d'être ensemble dans une même pièce, ça implique trop de vols en avion, c'est cher. D'un autre côté, le groupe a sa propre chimie, tout le monde est tout à fait à l'aise avec ce qu'il doit faire: ça sera très facile pour nous de faire un concert, n'importe où. Par exemple, si nous étions tous dans cette pièce, nous pourrions très facilement jouer quelques morceaux, ça ne nous demande pas beaucoup d'efforts de « jouer ensemble » [musicalement parlant].
M.: Parce que vous connaissez déjà très bien vos instruments.
L. R.: Oui, c'est cher mais je pense que nous pouvons nous en sortir.

M.: Qu'est-ce que vous aimez tellement dans le hard-rock américain des années 80, ou 70?
L. R.: Ah… Le soleil! Les femmes! Les bières! Je trouve que les américains avaient tellement compris le truc, cette alchimie. La bonne philosophie, la bonne construction d'un morceau, ça pouvait plaire à n'importe quel public. C'est aussi ce que nous avions en tête, pour l'album de Devil's Train. Nous avons joué ce que nous pensions être le plus spontané, le plus énergique, et nous venait de manière très spontanée, très naturelle: nous sommes vraiment heureux et fiers d'avoir obtenu ce résultat.

M.: Et selon vous, qu'est-ce que la musique a perdu depuis cette époque?
L. R.: Eh bien, il faut déjà constater que la musique des années 70 revient en force en ce moment, et c'est normal: tout suit toujours des cycles. Par exemple cette année on aime le gris, l'année prochaine ça sera le violet, une autre année on aimera telle autre couleur. Et c'est naturel, parce que ça plaît facilement aux gens, ça leur rappelle des souvenirs. Peut-être que dans 5 ans ça sera autre chose. Mais beaucoup de groupes jouent dans ce style aujourd'hui, par exemple Black Country Communion, Chickenfoot, ce genre de groupes. C'est quelque chose que les gens veulent jouer, ou écouter, c'est aussi simple que ça.

M.: Malgré tout… Pour toi, cette musique, celle de Devil's Train, est plus proche des années 70 que des années 80? Parce qu'en écoutant l'album, j'avais plutôt les années 80 en tête, même si les guitares sont peut-être plutôt dans l'esprit des années 70!
L. R.: Oui, je vois ce que tu veux dire. Mais c'est à cause de nos influences! C'est un peu la même chose, il y a toute cette admiration pour des groupes comme Led Zeppelin comme j'en ai déjà parlé, mais il y aussi Jörg et Jari qui ont joué dans Stratovarius pendant tellement d'années, et Lia avec Mystic Prophecy. Si bien qu'il y a beaucoup d'éléments metal dans notre musique. On y retrouve aussi notre passion pour des groupes comme Judas Priest… tout ça se retrouve dans cet album! Il y a beaucoup d'influences des années 70, mais elles sont rassemblées avec un son de guitare plus neuf, plus agressif: c'est un reflet de ce que nous avions en tête.

M.: Egalement, vous n'avez pas cherché à réinventer ce genre de musique. Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose, mais n'avez-vous pas peur qu'en restant si proches de ce que les gens connaissent déjà, le groupe ne puisse pas vraiment trouver sa propre personnalité?
L. R.: Oui, comme tu le dis très justement nous n'essayons pas de redéfinir quoi que ce soit, cette musique existe depuis 40 ans, et elle existera encore dans 50 ans, parce qu'elle appuie là où il faut dans le coeur de chacun. En fait, ce que nous cherchons à faire ici, c'est juste une bonne fête rock'n'roll. Et nous le faisons parce que nous aimons ça. Nous ne sommes pas là pour l'argent ou le succès.
M.: Ca serait difficile de nos jours!
L. R.: Oui, et surtout vous ne pouvez pas être convaincants si vous êtes comme ça. Je ne peux pas vous convaincre si je dis: « je suis là pour l'argent, achetez mon album! » Non, je joue parce que j'aime ça. Tu aimes aussi? C'est génial. C'est ça l'idée principale. Et je pense que c'est pour ça que les gens l'apprécient, à en croire les très bonnes critiques que nous recevons jusque là en tout cas. C'est un bon signe, et d'une certaine manière c'est suffisant: je ne cherche pas à vendre des albums, ça m'est égal, je veux avant tout envoyer un message. Je pense que ce message est déjà reçu, avec un peu de chance il se va se répandre encore plus, et c'est ça mon but. Communique, partager de bons moments, jouer des concerts, que des gens respectent et apprécient ce genre de musique autant que nous le faisons. Et ça s'arrête là, vraiment.

M.: Tant que j'y suis, et pour la même raison: comment convaincreriez-vous quelqu'un d'écouter votre album, au lieu de se contenter d'aller piocher dans sa collection de vinyles?
L. R.: En fait je ne peux pas vraiment, mais je dois lui faire voir, ou comprendre, que ce que je fais est sincère, c'est réel, sans faux-semblant. C'est pour ça que nous sommes ici, à Paris, en train de discuter avec vous tous, et c'est un honneur pour nous. Parce que ça veut dire que l'album reçoit déjà l'attention des médias, et c'est très important pour nous, c'est une très bonne opportunité pour répandre notre message. Et si ce message réussit à se frayer un chemin jusqu'à l'auditeur, je dirais: « Voilà pourquoi nous sommes là, c'est une fête rock'n'roll, vas t'amuser, embrasse ta copine, prends une bière, amuse-toi, fais l'amour cette nuit, tout ça est très bon pour la santé! »

M.: En dehors-même de la musique etc., l'humeur générale de l'album est très positive, alors que parfois dans ce genre de musique ça peut devenir assez sombre, Led Zeppelin par exemple a fait beaucoup de chansons plutôt sombres. Mais vous l'avez vraiment fait avec…
L. R.: …Beaucoup d'énergie, une humeur positive, oui. C'est tout à fait ça, et encore une fois ça nous est venu très naturellement. Nous n'avons rien forcé, du tout. Quand nous avons commencé à travailler sur les compositions avec Lia, nous avons commencé à faire quelques riffs, et oh! c'est « Devil To The Ground » [nom initial de « To The Ground », je suppose]! Après ça peut être un rythme, et voilà « Find New Love ». C'est l'énergie positive que possède ce groupe.

M.: Même si je pense déjà connaître la réponse, au moins un peu, je veux entendre votre propre réponse: pourquoi avoir choisi un son aussi propre pour une musique qui revendique en général « la crasse », sous toutes ses formes?
L. R.: Tu veux dire ma guitare?
M.: Non, l'album lui-même, le son de l'album.
L. R.: Ah, le son du groupe, la production. C'est vraiment propre? Je pensais que c'était sale!
M.: A mes oreilles, c'est particulièrement propre! Chaque instrument est bien à sa place, bien audible, tout au même niveau, etc.
L. R.: Ok, ok, je n'ai pas entendu ça jusqu'à maintenant. C'est nouveau! Lia s'est chargé de la production, c'est un excellent producteur. C'est peut-être bien que tu mentionnes ça, parce que Lia travaille généralement plus dans le metal à proprement parler, que ce soit du prog, du power ou du death-metal. Alors peut-être que c'est sa manière de rendre ses productions aussi claires que possible? Il ne faut pas oublier le mixage par Fredrik Nordström non plus, à Göteborg en Suède, c'est un très bon producteur etc. et il y a ajouté sa propre touche personnelle. Mais voilà, si le son est propre ça vient de la manière avec laquelle la production a été arrangée.

M.: Est-ce que tu comprends, ou perçois, pourquoi est-ce que j'ai pu m'énerver en regardant la vidéo d'American Woman? Parce que je me suis énervée!
L. R.: [Après un instant de réflexion?] Les filles qui dansaient en face de moi…
M.: Ma foi, que des femmes dansent dans tous les coins, ok, pourquoi pas, mais j'osais espérer que les choses avaient un peu évolué dans le metal depuis les années 80, même dans le metal?
L. R.: Ok, ok… mais tout est très symbolique! Ces filles sont des amies à nous, nous ne les avons pas forcées à écarter les jambes et tout le reste! Blagues mises à part: tout est vraiment symbolique, même les paroles de la chanson. Elle a été écrite quand les Etats-Unis étaient en guerre avec le Vietnam, et je crois qu'ils voulaient forcer le Canada à participer à la guerre. Guess Who [qui a écrit ce morceau] étant un groupe canadien, ils ont écrit ce morceau pour dire: « laissez-nous tranquilles, nous ne voulons pas prendre part à cette guerre! » Au final la femme est un symbole dans cette chanson, la liberté des femmes. Simplement, au lieu de brandir une balance [de la justice je suppose, et « libra » en anglais], elles brandissent leur soutien-gorge [« bra » en anglais]!
M.: Bien sûr!

M.: Un dernier mot pour nos lecteurs, ou quelque chose que tu voulais dire mais je n'ai pas demandé?
L. R.: Je veux d'abord te remercier pour me donner l'occasion de parler de Devil's Train, c'est un album que nous aimons vraiment: nous sommes fans de notre musique et nous espérons que vous aussi vous en deviendrez fans! Parce que nous pouvons passer un excellent moment ensemble, à jouer sur scène, nous aimerions vraiment venir à Paris et jouer pour vous. Nous espérons sincèrement que ça arrivera très bientôt, même si c'est encore trop tôt puisque l'album est sorti il y a seulement quelques jours. Nous verrons comment il marche, et avec un peu de chance nous viendrons jouer ici.

-Propos receuillis par Polochon en mars 2012.
Chronique de l'album éponyme de Devil's Train.-