Avec Blut Aus Nord, il y a des constantes qui restent inchangées depuis leurs débuts : tout d’abord, des sorties régulières. Le groupe ne laisse jamais passer trop de temps entre deux sorties. Sept full length, deux splits et un EP depuis la formation du groupe, ça force le respect. Ensuite, autre constante et pas des moindres, la qualité. Toujours au rendez-vous. Pour finir, celle qui me chiffonne le plus dans le cas présent : chaque sortie du groupe est difficile à chroniquer. Mettez ça sur le compte d’un style très particulier, inhérent à l’approche musicale du groupe, plutôt que de le mettre sur le compte de mon incapacité à trouver les mots justes pour parler de leurs albums, et je vous en serais reconnaissant !
On peut apercevoir sur le bas de la cover dans une écriture qui rappelle les runes un sobre « M.V.II » qui signifie « Memoria Vetusta II » auquel le groupe aura rajouté un sous -titre parlant, comme nous le verrons plus loin, en l’occurrence « A dialogue with the stars ». En effet, ce nouvel album n’est autre que la suite conceptuelle du « Memoria Vetusta I : fathers of the icy age » sorti il y a déjà treize ans, soit en 1996.
Les années passant, attendez- vous donc en toute logique à quelque chose d’assez différent du « Memoria Vetusta I » et encore plus d’ « Odinist » que j’avais eu le plaisir de chroniquer il y a quelque temps déjà. Il y a toutefois une constante de plus que je me permets de rajouter ici : ce nouvel album ne sera pas particulièrement aisé à appréhender, comme la majorité des travaux du groupe si je ne m’abuse. N’allez pas imaginer non plus un album hermétique car il n’en est rien, j’ai simplement le sentiment qu’avec nos mystérieux français il n’y a pas de demi mesure, soit on aime, soit on n’aime pas, difficile de se placer entre les deux et de rester de marbre.
Donc, Memoria Vetusta II. Une fois de plus tout est dans l’ambiance et dans l’approche. Ce nouvel album construit une nouvelle fois des ambiances un poil torturées (notamment par le biais des vocaux), froides, voire dérangeantes. Oui, mais envoutantes aussi. On retrouve à nouveau ces lignes de guitares qui créent une atmosphère particulière. Les guitares qui sont sur cet opus largement mises en avant, deviennent réellement l’expression de l’univers que le groupe s’est recrée pour cet album. Les vocaux ne sont pas omniprésents et se placent un peu en retrait dans le mix, car comprenons le, la parole est ici donnée aux cordes. Et on ne pourra qu’apprécier le travail qui a été effectué à leur endroit, car dans cet ensemble il s’échappe malgré tout une bouffée d’air provenant de ces guitares lead continuellement présentes.
Je me souviens à quel point j’avais été impressionné par « MoRt », qui brillait par un paradoxe flagrant : comment créer de la mélodie en ayant une démarche qui va à l’encontre même de la mélodie. Un album qui n’a pas laissé ses géniteurs indemnes et après lequel il était difficile d’envisager la suite. Pourtant, BAN est un groupe qui a de la ressource et c’est le moins que l’on puisse dire si l’on jette un regard sur l’ensemble de leur carrière et surtout sur le fait de donner une suite à un album sorti treize ans auparavant, et cela sans décevoir.
C’est qu’au bout du compte nos amis français en deviennent hypnotiques et lancinants, et une fois happé par leur univers musical, il est foutrement difficile d’en sortir. Comme chacune de leurs offrandes, ce Memoria Vetusta II demandera certainement du temps pour se faire apprécier, mais ce temps est nécessaire, voire obligatoire et salutaire. Oui, car faire son boulot d’auditeur à la va vite ne serait pas rendre justice à BAN. Qui se contente d’entendre distraitement ne peut apprécier, il faut écouter, et plutôt deux fois qu’une. Car rarement un album n’aura aussi bien porté son sous titre. « A dialogue with the stars ». Différent du premier volet qui se voulait plus haineux, plus froid, (comprenez bien, le sous titre n’était pas « Fathers of the icy age» pour rien) MV II est doté d’une production plus claire faisant la part belle aux combinaisons des claviers et des guitares. Des guitares rythmiques qui restent froides et tendues, faisant corps avec des guitares leads qui se détachent en apportant mélodie, j’irai même jusqu’à dire mélancolie et chaleur. Les huit morceaux composant cet album ne sont rien de moins qu’un voyage émotionnel voire introspectif.
Au voyage glacé du premier volet s’oppose le dialogue avec les étoiles, un dialogue ayant une forte propension à toucher l’immatériel, le cosmique, l’élévation. Car il s’échappe quelque chose de paradoxalement lumineux et chaud dans cet ensemble ténébreux, chaque morceau comporte son lot de passages mélodiques qui font l’effet de quelque point lumineux dans un ciel nocturne et froid. Atmosphérique, voire planants, les morceaux développent des thèmes lancinants et envoutants, des thèmes qui élèvent l’ensemble pour qu’il tutoie les étoiles. Alors, on pourra mettre en relief le fait que, considérant cet ensemble très homogène que forme MVII, certains thèmes se ressemblent un peu trop, et que le son de la batterie est un peu trop synthétique. Certes, mais au final cela importe peu, et n’entache en rien la qualité d’un tel album. Passons donc sur ce fait.
Odinist avait en quelque sorte légèrement ouvert la voie vers quelque chose de plus mélodique et de moins expérimental. Ici dès l’intro au clavier on ne peut se tromper, le groupe à su trouver les ressources pour se sortir de ses ténèbres aux relents indus auxquelles il nous avait convié depuis quelques années, pour donner suite à un MV I, une suite qui appelait de toute ses forces un retour en arrière, un retour à un Black plus simple mais de loin pas plus simpliste, non plus prévisible.
Une fois de plus le pari –car chaque album du groupe pourrait être considéré comme tel- est réussi, et l’on ne peut que saluer la créativité de Blut Aus Nord.
Sheol (08/10)
Candlelight Records / 2009
Tracklist : 1. Acceptance (Aske) 2. Disciple libration (lost in the nine worlds) 3. The cosmic echoes of non –matter ( Immaterial voice of the fathers) 4. Translucent body of air (Sutta anapanasati) 5. Antithesis of the flesh (…and then arises a new essence) 6. …The meditant (dialogue with the stars) 7. The alcove of angels (Vipassana) 8. The formless sphere (beyond the reason) 9. Elevation