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Helloween – Mini LP

Pour bien comprendre la portée du premier essai discographique d’Helloween il faut se remettre dans le contexte de sa parution, en mars 1985. Dans les magazines de l’époque on oscillait encore entre « speed » et « thrash » pour désigner cette phalange de jeunes groupes américains ou européens en train de « ringardiser » à vitesse grand « V » tous les dinosaures de la NWBHM. Au milieu de ce spectre musical qui avait comme ligne directrice la rapidité et l’agressivité, les Allemands d’Helloween commencèrent très vite à se faire une place un peu à part en étant les promoteurs de ce qui s’est avéré au final un vrai genre spécifique, le « speed mélodique ». Et ce grâce à plusieurs atouts.

Car, au milieu des Overkill, Dark Angel, Kreator et autres Exciter de l’époque, les quatre membres d’Helloween avaient un certain nombre d’arguments à faire valoir. Et l’écoute comparée des Endless Pain (Kreator) ou We Have Arrived (Dark Angel) avec ce premier EP, fera apparaître très rapidement ces arguments. Le groupe de Kai Hansen (chant/guitare) et Michael Weikath (guitare) était à la fois plus mélodique – et c’est particulièrement sensible sur les solos – et plus habile musicalement que la majorité des groupes de la nébuleuse speed/thrash, tout en conservant le goût des tempos échevelés. Cette combinaison spécifique de musicalité et de mélodie dans un contexte où la double grosse caisse est reine et le chant se fait haut perché incitera bien vite à parler de « speed mélodique » pour caractériser la musique d’Helloween mais aussi d’autres groupes s’étant engouffrés à l’époque dans la brèche (Rage première époque, Grave Digger, Scanner etc.). Plus pragmatiquement, on pourra suggérer qu’Helloween fusionnait en fait avec brio des éléments propres au thrash metal avec ceux issus du heavy metal classique (Iron Maiden, Judas Priest).

Helloween était le leader du genre et ce premier EP démontre déjà pourquoi. Malgré une production fort moyenne (mais loin d’être catastrophique si on la compare à la concurrence en 1985) et les imprécisions du chant souvent criard et pas toujours très juste de Kai Hansen, les cinq titres proposées rentrent bien vite dans la tête de l’auditeur, une fois passée une petite introduction rigolote et plaisante. « Starlight » et « Warrior » sont franchement réussis dans un genre certes teigneux mais non dénués d’éléments mélodiques. Plus en retrait « Murderer » souffre d’un refrain un peu banal, mais profite de belles parties solos qui relèvent le niveau du morceau. « Cry For Freedom » recèle de nombreuses qualités, mais est un peu gâché par un chant en clair un peu incertain de Kai Hansen. L’orientation mélodique et épique ultérieure du groupe est toutefois esquissée : « Cry For Freedom » augure d’une certaine manière le future (brillant) du groupe. L’apex du EP est sans doute la superbe « Victime Of Fate », avec son riff épileptique, son refrain accrocheur et son break construit sur un crescendo maléfique impressionnant. Il est d’ailleurs significatif que le titre ait été réenregistré quelques années tard avec Michael Kiske au chant, tant le groupe était convaincu par son potentiel. Sans bouder la version de Kiske, je préfère franchement celle de Hansen, plus brute mais plus prenante.

À la suite du bon accueil de ce fort bon EP, le groupe ne lambina pas et se rua en studio pour enregistrer Walls Of Jericho. Sûr de lui, il proposa huit nouveaux titres aux fans alors qu’un ou deux morceaux de ce premier essai auraient sans doute trouvé leur place sans soucis auprès de « Ride The Sky » et de « Guardians ». C’est dire le potentiel du groupe, potentiel plus qu’esquissé ici sur ce EP à l’image de son illustration : certes imparfait mais fougueux, prometteur et surtout fondateur.

Baptiste (7,5/10)

PS : Ce EP n’est disponible sous format CD qu’associé avec Walls Of Jericho et le single « Judas », les titres étant tous placés sur un même CD. Si l’entreprise est financièrement compréhensible, elle a un défaut : empêcher de bien distinguer qui relève de quoi.

Noise / 1985

Tracklist : 1. Starlight 2. Murderer 3. Warrior 4. Victim Of Fate 5. Cry For Freedom

Morbid Saint – Spectrum Of Death

On continue dans la séance “transmission du patrimoine métallique” avec Relapse Records qui réédite, en cette belle année 2012, un grand classique du Thrash, à savoir Spectrum Of Death, seul album de Morbid Saint sorti initialement en 1988. Au vu des prix auxquels s’arrachent les copies originales de cet album, j’aurais envie de dire merci à Relapse. Merci de m’éviter de devoir raquer, dans le meilleur des cas, une bonne cinquantaine d’euros pour un album de 32 minutes, et ce malgré sa qualité indéniable.

Car oui, la qualité est au rendez-vous. À une époque où le Thrash était roi, où Slayer, Metallica, Dark Angel et tous ces monstres du Thrash écrivaient les plus belles pages de leur histoire, Morbid Saint frappa très fort. 8 brûlots, 32 minutes, un groupe qui a la rage au ventre et qui crache son venin à la face du monde sans le moindre temps mort. La recette est simple, simpliste même, mais le résultat est là : Spectrum Of Death, unique album du groupe et véritable réussite. Que ce soit au niveau de la section rythmique qui cogne sans relâche, du chant véritablement haineux ou du travail au niveau des guitares, chaque membre s’acquitte de sa tâche avec brio, et la conjonction de tous ces éléments débouche sur un album indispensable. Seule ombre au tableau : la production. Certes, on ne disposait pas encore des mêmes moyens en 1988 qu’aujourd’hui, mais il suffit de comparer Spectrum Of Death avec un Reign In Blood pour saisir à quel point cette production étouffée et brouillonne est handicapante pour le groupe.

Vous êtes né trop tard pour mettre la main sur un exemplaire original de cet album culte ? Profitez-en aujourd’hui, il n’est pas trop tard pour compléter votre collection d’albums indispensables à moindre prix.

Mister Patate [réédition]

Site officiel
Myspace officiel

Relapse Records (réédition) – 2012
Tracklist (32:00) 1. Lock Up Your Children 2. Burned at the Stake 3. Assassin 4. Damien 5. Crying for Death 6. Spectrum of Death 7. Scars 8. Beyond the Gates of Hell

 

Helloween – Walls Of Jericho

Il faut être clair : Helloween, plus de vingt-cinq ans après sa formation, capitalise encore sur ses trois premiers albums, à savoir Walls Of Jericho, Keeper of The Seven Keys part I & part II. C’est-à-dire sur un tronçon de carrière ne dépassant pas les cinq-six ans. Après le départ retentissant de Kai Hansen en 1989, la carrière des Teutons n’a plus jamais été la même. Même si l’intégration de Andi Derris en 1993 succédant au vocaliste évincé, Michael Kiske, a permis au groupe de retrouver une certaine popularité auprès des fans très mécontents du tournant opéré sous l’égide de Kiske sur Pink Bubbles Go Ape (1991) et Chameleon (1993), nous sommes très très loin de l’aura qu’avait Helloween lorsqu’il triomphait aux Monsters of Rock en 1988. Et il y a tout lieu de penser que cela va durer.

Un rôle un peu à part

Dans la trilogie mythique, Walls Of Jericho tient un rôle un peu à part. Tout d’abord car le groupe n’était pas encore un quintet mais un quartet, Kai Hansen tenant le micro. Son chant est bien plus brut et moins lyrique que celui de Kiske. Assez particulier, il participe d’une identité aussi spontanée que fougueuse que le groupe perdra très vite par la suite du fait des qualités techniques de son successeur. Ce chant était en fait adapté à une musique bien plus heavy que ce que proposera le groupe dès Keeper Of The Seventh Part I (1987).

Le speed mélodique dont le groupe se fera le plus illustre représentant était encore assez mâtiné d’éléments thrashy qui seront écartés par la suite. D’ailleurs très longtemps en concert, le groupe s’est contenté de ne jouer comme extrait de cet album que « How Many Tears ». J’ai souvenir d’interviews données lors de la sortie de Chameleon dans lesquelles le groupe renvoyait le fan amateur de « Ride The Sky » et tutti quanti à Gamma Ray, censé être le vrai héritier de la première époque du groupe. Depuis ce morceau ainsi quelques autres ont refait surface dans les set-lists du groupe, Weikath sentant bien qu’il est important de satisfaire les fans qui le suivent toujours lui et ses citrouilles.

Agressivité et fougue

Ce sont à mon avis des questions extra-musicales qui expliquent largement que cet album ait été délaissé par le groupe après 1989 et non des raisons artistiques. Ce qui gênait Kiske et les siens n’était pas la qualité indéniable des compositions du tandem Hansen/Weikath mais l’agressivité et la fougue affichées. Les éléments de « happy metal » que j’ai trouvés de plus en plus envahissants par la suite sont tout simplement absents ici, à l’image de la pochette que n’aurait pas reniée les tenors du thrash de l’époque. Le géant à tête de citrouille (Fangface) détruisant les murs de Jéricho était sans doute maladroit dans sa représentation picturale mais sans doute pas rigolo. Ces éléments « fun » n’auraient pas eu leur place sur une musique beaucoup thrash : certains riffs de « Ride The Sky », « Phantom Of Deah » ou « How Many Tears » auraient tout à fait pu être écrits pour le Kill ’em All de Metallica. Il est d’ailleurs significatif que les refrains, bien que toujours réussis, n’apparaissent dans les chansons que tardivement (« Reptile », « Heavy Metal (is The Law) »), le groupe cherchant manifestement à mettre en valeur ses qualités musicales et techniques, qualités évidemment patentes sur les longs solos mélodiques qui seront d’emblée une marque de fabrique (écouter notamment les longues parties solo de « Phantom Of Death »).

Car malgré une production assez brute au mixage très contestable et les limites du chant de Hansen, il faut reconnaître que les musiciens d’Helloween étaient déjà très maîtres de leur propos qu’il avait déjà pu étrenner sur leur mini LP intitulé « Helloween » et sorti un peu plus tôt. Les qualités de guitaristes duettistes de Hansen et Weikath sont connus, mais c’est rétrospectivement le niveau d’Ingo Schwichtenberg (batterie) et de Markus Grosskopf (basse) qui m’impressionne le plus. Le jeu de Grosskopf est notamment mis en valeur par une production très généreuse pour son instrument (« Guardians »).

Une coexistence harmonieuse

Quant aux chansons en tant que telles ? Toutes sont bonnes mais quatre sont exceptionnelles : « Ride The Sky », « Phantom of Death », « Guardians » et « How Many Tears ». Ces quatre là sont de pure hymnes de heavy speed mélodique. « Gorgar », « Reptile » ou « Metal Invaders » sont un cran en dessous mais restent toutefois extrêmement attachantes et n’ont rien du statut de « crypto face B ». Je les aime toutes. Signalons que par son côté fédérateur le faux live « Heavy Metal (Is The Law) » est à mi-chemin entre ces deux groupes de chanson. Personnellement un grand frisson me saisit toujours à l’écoute de l’incantation métallique de Hansen sur ce morceau (je cite « Heavy Metal is the law that keeps us all united free / A law that shatters earth and hell »). On remarquera que la coexistence difficile entre Hansen et Weikath qui éclatera en 1989 n’était alors pas de mise : les crédits se répartissaient alors de manière égale entre les deux guitaristes, Weikath accouchant de deux brulôts avec « Guardians » et « How Many Tears » (un titre qui par son ambition préfigure les morceaux épiques des deux Keepers).

J’ai un rapport assez sentimental envers un album que j’ai écouté à plus soif lorsque je l’ai découvert vers 1991. Seul mon soucis d’objectivité m’incite à reconnaître des défauts évident : Walls Of Jericho est peut-être culte et attachant mais encore brut et parfois naïf. M’est avis toutefois que seul un très bon disque peut susciter de tels sentiments d’attachement, plus de vingt-ans après sa sortie. Ce constat ne remet toutefois pas en question le choix de Michael Kiske comme nouveau chanteur en remplacement de Kai Hansen. La carrière d’Helloween est aussi riche de ses discontinuités.

Baptiste (08,5/10)

Noise / 1985

Tracklist (40:50) :  1. Walls Of Jericho (intro) 2. Ride The Sky 3. Reptile 4. Guardians 5. Phantoms Of Deah 6. Metal Invaders 7. Gorgar 8. Heavy Metal (Is The Law) 9. How Many Tears