Venturia sort tout juste son troisième album, Dawn Of A New Era, beaucoup plus « catchy » que les précédents, où le côté prog était vraiment très présent. L'occasion de discuter avec leur chanteur/guitariste des implications de ces changements musicaux, mais aussi dans le line-up du groupe depuis l'album précédent… et forcément quelques digressions.

MetalChroniques : Pour commencer, peux-tu nous présenter le groupe en quelques mots ?
Charly Sahona : Bien sûr, je suis donc Charly Sahona, leader du groupe Venturia. Et pour décrire le groupe à ma façon, même si d’autres le feraient d’une autre, je dirais : metal, mélodique, et pour ce troisième album nous sommes à tendances progressives, sachant que pour les deux autres nous étions plus « metal progressif ». A ce jour, je pense que nous nous situons plus du côté de Within Temptation, Lacuna Coil et compagnie que de Dream Theater, alors que c’était plus proche de Dream Theater, je pense, pour A New Kingdom.
Après c’est à toi de me dire, parce que c’est souvent difficile de décrire sa propre musique… il y a tellement de sous-genres dans le metal ! Ou alors prog-heavy, peut-être… je ne sais pas, dites-nous !

M.C. : Nous allons en discuter en détails un peu après, mais ma question portait plutôt sur « qui êtes-vous, d’où venez-vous », et toute cette sorte de choses…
C.S. : Aujourd’hui, les trois-quarts du line-up sont de Montpellier et Lydie, la chanteuse, est aussi du sud de la France, dans le Lubéron. Le groupe s’est fait à mon initiative : j’avais mes propres compos, et plutôt que faire ça tout seul j’avais envie de fonder un groupe ; comme je suis musicien professionnel je rencontre beaucoup de gens, et petit à petit j’ai rencontré des gens qui sont devenus des amis, en plus d’être de très bons musiciens, si bien que les choses se sont faites naturellement.

M.C. : Depuis le dernier album, vous perdu un batteur…
C.S. : …et gagné un autre !
M.C. : exactement ; et aussi un chanteur, qui a été remplacé…
C.S. : Concernant le chanteur, Marc, c’était difficile comme il habite à New-York. Après, ça serait peut-être plus simple si Venturia générait des millions, vendait des millions d’albums, là peut-être qu’il pourrait se consacrer à -un- projet. Mais ça n’est pas du tout le cas, n’est-ce-pas ! Donc voilà, organiser des déplacements était très difficile, ça coûte très cher : on ne pouvait pas continuer comme ça, tout simplement (et il était complètement d’accord).
Pour le batteur par contre c’était une véritable surprise : je suis ami avec lui et j’ai composé avec lui depuis des années, et fin 2010, en septembre je crois, alors qu’on avait déjà planifié d’enregistrer cet album-là avec lui, il nous annoncé qu’il ne le sentait plus. Je pense que la raison principale est qu’il a intégré un autre groupe à ce moment-là, en Suisse, et comme il est suisse c’était plus simple aussi. Je n’ai pas insisté, lui répondant simplement que si le cœur n’y est plus autant arrêter là. D’autant que j’ai besoin de cet engouement, de cette envie commune de réaliser les choses : j’adore ce mec, c’est un batteur extraordinaire, je m’entends super bien avec lui mais voilà… nous nous sommes séparés en bons termes.

M.C. : Et les « remplaçants » ? Pour le chanteur je me doute que vous n’êtes pas allés cherché bien loin (Charly est maintenant guitariste et chanteur du groupe), mais pour le batteur ? comment l’avez-vous trouvé, choisi, et toutes ces choses ?
C.S. : C’était assez évident, dans le sens où Fred, notre nouveau batteur, est un ami à nous, de Montpellier et… [n’arrive plus à tourner sa phrase correctement, autour d’un « avec lequel… il joue… »]

M.C. : Qui joue avec qui…
C.S. : Thomas, notre bassiste, est ami avec Fred depuis très longtemps : ils ont enregistré beaucoup d’albums ensemble, fait beaucoup de dates ensemble. Moi aussi je connaissais déjà Fred, puisqu’on jouait tous les trois dans un groupe de reprises et on s’entend super bien. Comme c’est un très bon batteur, quand il a fallu chercher à remplacer Diego forcément je n’ai pensé qu’à lui. Lui-même était enchanté de nous rejoindre, la musique lui a plu, et quand nous avons commencé à répéter et à enregistrer c’était vraiment évident et ça a totalement collé, alors qu’il ne connaissait pratiquement pas notre musique avant. Il joue comme un batteur de metal confirmé, avec sa technique de double grosse caisse très rapide, alors qu’il n’est pas issu de ce milieu-là du tout… c’est vraiment très curieux.
M.C. : Ca apporte quelque chose de nouveau comme ça, au contraire, c’est bien !
C.S. : Tout à fait, il correspond en plus totalement au style donc c’est une très bonne chose. Et on se voit très souvent, on travaille souvent ensemble, on s’entend très bien… ça ne pouvait pas être mieux en fait.
M.C. : La vie est magnifique.

M.C. : Et quite à remplacer un chanteur par soi-même, pourquoi ne pas commencer directement au chant ?
C.S. : Tous les dix ans, je change de discipline, en fait. J’ai commencé par faire douze ans de piano classique, j’ai fait de la guitare et ensuite du chant. A l’époque, je n’étais pas du tout chanteur ; je faisais des chœurs mais je ne me sentais pas du tout l’âme d’un chanteur principal, c’est pour ça que nous avons voulu en prendre un. Et puis ce que je jouais à la guitare sur les deux premiers albums était déjà tellement compliqué que je m’imaginais mal en train chanter en même temps… mais par la force des choses j’ai été obligé de le faire ! Si bien que quand est venu le moment de dire à Marc que nous ne travaillerions plus avec lui, je me suis dit que l’on pourrait aussi bien faire chanter Lydie sur la totalité de l’album. J’en ai parlé avec des amis proches et au groupe, et tout le monde me disait de continuer le duo, que c’était une bonne formule. D’un autre côté, pour engager quelqu’un, il allait falloir organiser des auditions. De mon côté, ça faisait quand même quelque temps que je faisais des chœurs, j’avais acquis l’expérience du chant principal dans un autre projet, j’avais sorti un album solo en 2010 pour lequel je faisais le chant principal : au final, je me suis dit que ça serait plus final si je me chargeais du chant. Par contre j’ai quand même tenu à mettre Lydie en avant sur cet album, parce que je suis vraiment fan de sa voix.

M.C. : D’ailleurs, souvent dans un groupe où il y a un chanteur et une chanteuse, le chanteur fait la grosse voix pas contente, et la chanteuse fait les belles vocalises aériennes etc.
C.S. : Oui, et nous, nous faisons tous les deux cui-cui-les-petits-oiseaux-la-vie-est-belle, oui, je sais…
M.C. : Nan, pas forcément, c’est juste que vous avez tous les deux des voix claires ! Par contre, qu’est-ce qui vous a donné envie de faire autre chose que la dichotomie typique de base ?
C.S. : Je ne sais pas faire [tentative de chant vilain-pas-beau], déjà.
M.C. : Oui, c’est une bonne raison !
C.S. : Voilà, alors je me suis dit qu’il valait mieux rester nous-mêmes, et puis nous nous entendons tellement bien avec Lydie.
M.C. : D’un autre côté, quite à avoir deux voix claires, pourquoi pas une seule voix claire ?
C.S. : Ben voilà, je te dis, c’était prévu. Finalement Marc, notre chanteur précédent, faisait des voix rock, c'est-à-dire entre les deux, et je me suis dit que je pouvais essayer de m’en approcher. Et puis ça permet de faire des jolis chœurs, des harmonies de voix claires, angéliques… je me suis dit que ça ferait très bien !

M.C. : Votre nouvel album est beaucoup moins « cérébral » que le précédent : pourquoi ce changement de style ?
C.S. : Oui, même au niveau des textes [il semble le réaliser pendant l’interview]. Tiens ! C’est très juste ce que tu viens de dire, j’ai été cohérent dans ma démarche alors. Nous sommes influencés par beaucoup de choses différentes, et dans le second album c’est sûr qu’il y a ce côté metal progressif, le côté symphonique aussi, même s’il est moins présent, un côté électronique aussi, un peu trip-hop, du piano : il s’est passé plein de choses. Au bout du compte, je me suis rendu compte que c’était peut-être un peu trop varié. A rendre aussi sur scène c’était difficile : parce qu’il y avait autant de variations, tout ne sonnait pas bien sur scène. Ca pourrait le faire, je pense, si nous avions beaucoup plus d’expérience, un ingénieur du son qui nous connaisse parfaitement, mais c’est rarement le cas. C’est pour ça que nous avons eu une envie commune de recentrer Venturia pour faire des titres un peu plus homogènes. Il y a toujours cette recherche, ce côté cérébral que je mets surtout dans les mélodies de Lydie ou dans les arrangements de claviers, mais c’est vrai qu’ils apparaissent plus au second plan. Alors que de temps en temps sur Hybrid on les mettait tout d’un coup bien devant. Mais là j’ai voulu quelque chose de plus homogène dans les titres, pour privilégier la dynamique des guitares, les belles mélodies et le groove.
M.C. : Mais même en dehors de ça, j’ai l’impression qu’il y avait plus de variations dans la rythmique, pas simplement des mélodies.
C.S. : Oui, c’était dû à tout le travail que nous faisions avec Diego, l’ancien batteur, qui est très branché polyrythmie. C’était génial, je me régalais à faire des trucs comme ça avec lui. Mais nous nous sommes dit que ce côté très intello, mathématiques de la musique pouvait dissuader certaines personnes, que ça s’adressait un peu à un public élitiste. Nous trouvions ça dommage, alors pour ça aussi nous avons essayé de faire quelque chose de plus homogène pour cet album, de plus groovy. Ou moins « prise de tête »… il y en a encore un peu de temps en temps, mais c’est sûr que nous avons levé le pied, volontairement. 

M.C. : J’ai aussi l’impression que ce nouvel album repose plus sur des mélodies, alors que sur les précédents c’était plus les « riffs » qui étaient mis en avant, la rythmique parfois, et moins le travail mélodique ?
C.S. : Sans doute, j’ai vraiment voulu mettre la voix au premier plan.
M.C. : Je parle même des mélodies des instruments, par exemple ce que joue une guitare ou un clavier semble plus reposer sur un travail d’harmonies, alors que sur les précédents albums ça donnait plus l’impression d’être avant tout destiné à « produire un son » ?
C.S. : Tout à fait, il y a les deux en fait, mais si tu l’as ressenti comme ça c’est que là aussi la démarche a été cohérente. Mais j’aime les deux : les belles mélodies, faire en sorte que les instruments et les voix fassent de jolies choses, mais j’aime beaucoup l’aspect technique et sportif aussi, et la texture des sons. Si tu l’as ressenti comme ça pourquoi pas, je n’y avait pas réfléchi mais oui, sûrement.

M.C. : Mes excuses par avance pour la musicologie de pacotille à deux francs six sous, mais au final ça simplifie la musique du groupe…
C.S. : …oui, absolument.
M.C. : Et à autant la simplifier, est-ce que tu n’as pas peur qu’il perde un peu son âme là-dedans ?
C.S. : Si. C’est un risque, je suis tout à fait d’accord avec toi. Je ne voulais pas que ça ruine l’identité du groupe, je suis quand même content du résultat mais nous sommes déjà en train de réfléchir au quatrième, puisque les compos du troisième sont déjà assez anciennes, et… disons que ce que nous avons laissé tomber sur cet album va quand même revenir un peu. Mais ! Nous allons garder l’efficacité de celui-là. Je suis content que nous ayons réussi à faire quelque chose d’entraînant, de bien, mais oui, je suis d’accord : nous n’irons pas plus loin ! En fait ça sera le challenge du prochain album : retrouver l’aspect varié tout en gardant l’efficacité de celui-là !
M.C. : Bon courage !

M.C. : De manière générale, quelles sont vos influences, musicales ou non, et dans le metal ou non ?
C.S. : [Attrape son iPod histoire de ne pas en oublier en chemin] Déjà j’ai fait du classique pendant 12 ans, comme je te l’ai dit : c’est des influences qui sont toujours là, même si ça se ressent peut-être moins sur ce dernier album.
M.C. : Et par exemple, au piano, est-ce qu’il y a des compositeurs que tu aimais particulièrement jouer ?
C.S. : Ceux que j’aime encore jouer aujourd’hui, et curieusement, sans vouloir faire de chauvinisme, j’aime beaucoup les compositeurs français… Debussy, surtout Ravel. Rachmaninov j’adore, même s’il n’est pas français. Oui, ce sont les trois principaux. Bartok aussi. J’aime beaucoup le classique, mais du XIXe – XXe siècle, en fait.
M.C. : A t’entendre, j’ai l’impression qu’il y a une « école du sud », pour ne pas dire du « sud-est », parce que Stéfan Forté cite toujours à peu près les mêmes… [sérieusement, au fur et à mesure que Charly citait ces compositeurs, je jouais presque au bingo dans ma tête, cochant au fur et à mesure les noms sur ma petite grille…]
C.S. : Mais tu sais quoi, Stéfan Forté c’est mon ami d’enfance. [ah ben voilà, bingo ! C’est une secte, en fait…]
M.C. : Oui, et puis j’avais remarqué un certain Kevin Codfert à la production de ce troisième album [Kevin étant également claviériste d’Adagio, où officie le dit Stéfan].
C.S. : C’est la même famille. Nous nous sommes rencontrés à l’école de guitare, nous étions tous les deux des apprentis guitaristes « oh salut ! eh toi, c’que tu joues c’est cool ! he he, ha ha ! » [Charly imite trop bien l’adolescent boutonneux qui découvre la vie, sérieusement] Nous étions très proches quand il habitait Montpellier, et en effet nos amis communs c’est Kevin, et Franck (bassiste d’Adagio), et compagnie. Avec Stéfan on s’échangeait des cds des derniers guitaristes à la mode, les disques de classique, parce que nous avons toujours été intéressés par ça aussi : nous avons grandi ensemble musicalement, nous avons construit nos identités musicales ensemble. Nous sommes dans le même univers mais nous avons des styles différents après tout… et oui, c’est Stéfan, donc c’est tout à fait normal !
M.C. : Et donc voilà pour le classique, mais en dehors du classique ?
C.S. : Très juste, c’est pour ça que j’ai sorti mon iPod ! Tu veux savoir pour cet album ou en général ?
M.C. : En général.
C.S. : Alors je vais être vaste et j’oublierai sûrement plein de trucs. Après la musique classique, j’ai découvert la musique qui passe à la radio : je ne connaissais pas, et j’ai trouvé ça fantastique. Des instruments, du chant !
M.C. : A quelle époque ?
C.S. : Fin des années 80, quelque chose comme ça ? J’ai aimé les belles mélodies qu’il y avait dans certains groupes de pop, le travail des sons électroniques, même si c’était cheap à l’époque, et les groupes de rock progressif de l’époque. Il y avait Dire Straits, Pink Floyd j’aimais bien sans être hyper fan, Rush, et après… après j’ai eu un voisin, qui n’écoutait que du metal, des shredders qui jouaient à fond la caisse, et là, ce fut une deuxième révélation ! Il m’a fait découvrir Mr. Big, Yngwie Malmsteen, et tout ça ; ça coïncidait avec l’arrivée du grunge, dont tout le monde disait que c’était pourri donc je me réfugiais dans ce style de musique-là. Après j’ai découvert Dream Theater et c’était fantastique parce que ça correspondait exactement à ce que j’avais envie de faire : il y avait ce côté intello, il y avait ce côté performance, le côté belles mélodies, le côté recherche que j’aimais moins dans certains groupes de heavy mélodique que je trouvais un peu trop simplistes. A côté de ça j’aime énormément des chanteuses de pop comme Kate Bush, si on peut la qualifier de « chanteuse de pop », la musique électronique, la world music, le trip-hop comme Massive Attack…
[A court d’idées, il sort son iPod]
Frost ! J’adore ce groupe-là. Du rock progressif, un groupe anglais : au niveau de la composition, des arrangements, chapeau bas. Korn aussi, j’aime beaucoup, même si je sais que beaucoup de metalleux n’aiment pas. Lamb Of God que j’ai découvert il y a 3-4 ans, pas mal. Muse ! Mon groupe préféré, j’adore. Ah, j’ai acheté le dernier Nightwish, j’ai été étonné, franchement pas mal.

M.C. : Et au sein du groupe, est-ce que vous avez grosso modo les mêmes influences ?
C.S. : Non, du tout !
M.C. : Alors, qui écoute quoi ?
C.S. : Je suis le metalleux du groupe, les autres c’est pas des metalleux du tout. Lydie écoute de tout, mais elle est surtout branchée world music, jazz aussi, soul ; elle n’y connaissait rien en metal mais elle a aimé le projet, la musique, et s’y est totalement retrouvée. Et puis je lui ai fait découvrir en douceur, avec Within Temptation, Delain et compagnie : elle a trouvé ça très bien, finalement, et maintenant elle s’y connaît un petit peu plus ! Thomas et Fred sont très branchés jazz aussi, ils ont ce côté rock qui s’entend très bien sur nos albums, ils sont très world music aussi, ils font des trucs expérimentaux, plein de choses différentes : ce sont des musiciens très riches, qui arrangent les chansons de Venturia avec leur langage et leurs connaissances. Tout ça fait un très beau mélange, nous nous entendons très bien, et au final nous n’avons pas l’impression de venir à d’univers différents, alors que pourtant c’est le cas.

M.C. : Normalement, une pochette d’album sert à introduire « l’univers » d’un groupe, à mettre en images ce qu’il a voulu mettre en musique (dans l’idéal). Pourtant, les vôtres brillent par leur simplicité et leur côté « Photoshop à la dernière minute » : comment se fait-ce ?
C.S. : Pour être honnête, je ne suis pas infographiste, et je n’ai pas, j’avoue, le don de la créativité graphique. Je sais la reconnaître mais c’est tout. Alors j’ai demandé, qui pourrait nous faire un truc parmi nos amis, plutôt que demander à un grand nom que je devrais payer cher, au risque de ne pas aimer la pochette. J’ai donc décrit la musique que l’on fait, et Perrine Perez Fuentes, l’infographiste qui a fait la pochette de cet album, a essayé de retranscrire ce que je lui ai raconté.
M.C. : Ca reste très, très sobre quand même, ça n’introduit pas à grand-chose…
C.S. : Si tu as des noms, des liens, je suis preneur !

M.C. : Une question un peu idiote, mais j’y tiens : « être musicien » aujourd’hui relève d’un sacerdoce, il faut bien le dire. Et je ne doute pas que vous en soyez conscients, depuis le temps que Venturia existe et avec vos divers projets parallèles. Donc, qu’est-ce qui vous donne envie… de ne pas baisser les bras, en fait ?
C.S. : De temps en temps, je me demande pourquoi on continue, pourquoi je suis aussi joyeux, rayonnant, alors que c’est ma ruine ! Mais il faut quand même réaliser que nous vivons de « la musique », pas de « ma musique ». J’ai un privilège incroyable, à savoir que je donne des cours, je joue, je fais des reprises, certes, je suis loué de temps en temps en studio pour faire des trucs, je rencontre des gens super, parmi les fans aussi même si c’est autre chose… Il y a de belles connexions humaines qui se font, j’aime bien travailler avec les artistes et ça me fait gagner ma vie. J’évite de trop en faire pour pouvoir garder du temps libre pour pouvoir composer, pour pouvoir arranger, pour pouvoir faire le plus gros du travail dans le groupe et pour mon projet solo aussi.
Mais c’est la passion qui nous porte, c’est sûr : pourquoi être si joyeux, rayonnant, alors que pour Venturia je suis à moins je ne sais pas combien (dans le sens où j’ai dépensé beaucoup plus que ça ne me rapporte, même si je ne me mets pas en danger financièrement avec ça non plus, quand même). Mais il y a tellement d’avantages, je suis tellement heureux, tellement épanoui… certes il y a des frustrations, il faut en prendre conscience.
Et puis en France on peut quand même vivre de la musique, grâce au statut d’intermittent du spectacle. Il est difficile à obtenir, certes, mais il permet de répéter et de créer : c’est un luxe incroyable que très peu de pays ont, je crois même qu’on est le seul. Par exemple j’en parlais avec Marc, qui vit toujours aux Etats-Unis, et il me disait qu’il joue pour 20$ dans des pubs, et c’est tout ! Ca l’oblige à jouer tous les jours, tous les jours pour gagner des misères, et au bout du compte il ne lui reste rien. Alors qu’en France nous sommes mieux payés grâce à ce système d’indemnités, et nous avons une qualité de vie vraiment correcte. Je jouais justement il y a deux semaines avec un batteur qui revenait de New York, et tous les new-yorkais lui disaient : « ah bon, c’est comme ça en France ? Mais alors, pourquoi est-ce que tu viens à New York ? » Les choses là-bas sont peut-être super quand on est une superstar, mais pour les musiciens qui…
M.C. : …vivotent, de leur musique.
C.S. : Voilà. En France, nous sommes quand même pas mal.

M.C. : L’heure avançant, un dernier mot pour les lecteurs, ou quelque chose que tu voulais dire mais que je n’ai pas pensé à demander ?
C.S. : Oh je trouve qu’on a parlé de plein de choses, donc je vais faire comme d’habitude, à savoir que je te remercie pour ces questions, pour chercher à faire découvrir les groupes que tu estimes avoir un intérêt quelconque pour le lecteur, et merci aux lecteurs de s’intéresser à cette musique, à la musique en général… et continuez d’être passionnés.

-Propos recueillis par Polochon-
[Chronique de Dawn Of A New Era (Venturia).]