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01. Peux-tu présenter à nos lecteurs ABINAYA ? (Abinaya signifie en langue indienne (sanskrit, Inde), « transmettre, communiquer avec … »).

Nicolas Vieilhomme : C’est un groupe de thrash ethnique, un trio basse, batterie guitares & chant plus une percussion. En fait le chanteur Igor Achard a passé pas mal de temps en Inde et il a toujours baigné dans ce milieu, son père est prof de Yoga donc tout cet univers culturel l’imprègne et l’influence énormément. Je n’étais pas présent personnellement au début du groupe donc je suis arrivé entre temps et j’ai pris le train en route. J’ai trouvé l’idée bonne, cela permet de communiquer facilement sur le groupe, que du positif. J’aime bien. 

 

02. Trois mots pour résumer le groupe et pourquoi ?

Efficace : sur scène nous ne faisons pas semblant, nous mouillons vraiment le chemise en concert en espérant que le public fasse pareil.

Contestataire : Igor notre chanteur s’implique et s’engage dans nos textes, il écrit beaucoup sur des faits d’actualité et en ce moment il y a de quoi faire.

Pour le troisième, je ne sais pas trop, deux c’est déjà pas mal.

 

03. Ce mélange métal avec une approche ethnique n’est pas commun. Comment cela vous est-il venus ?

Et bien ces éléments sont là depuis nos débuts. Dès les premiers travaux, Igor et le percussionniste Nicolas Heraud ont travaillé dans ce sens pour le premier album. Ce premier opus était plus orienté rock alternatif mais les percussions étaient déjà bien présentes, ils ont toujours joué ensembles, guitares et percussions. Ensuite André Santos est arrivé à la basse, moi je suis arrivé à la batterie un an après je pense. En 2009 nous avons sorti l’album Corps qui prenait un chemin nettement plus marqué heavy-rock et ensuite nous voulions aller encore plus loin et nous avons donc évolué, basculé vers un son clairement métal.

Ce fut une évolution naturelle, alourdir le son, le rendre plus agressif et prendre une orientation clairement métal. Le premier batteur du groupe jouait très bien mais plus dans un style pop-rock. A ce moment-là je suis arrivé et j’ai dit au gars que je maîtrisais la double grosse caisse. « Est-ce que cela vous branche ? ». Alors ils ne connaissaient pas trop et on a essayé. Cela leur a plu et quand tu introduis de la double, tu as tendance à jouer en peu plus vite et puis tout le monde a adhéré.

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04. Quel est ton parcours avant ABINAYA ?

Moi j’avais clairement une préférence pour un son plus rapide et lourd. J’ai toujours travaillé dans le métal et c’est un pote qui nous a mis en contact. Il m’a dit, « ce groupe-là évolue dans l’alternatif mais ils aimeraient passer votre autre-chose. ». Donc j’ai essayé et la mayonnaise a fini par prendre tous ensemble. Bien sûr cela ne s’est pas fait du jour au lendemain, tout doit évoluer, les techniques de guitares sont différentes, il a fallu que chacun prenne ses marques. On n’a pas triché, les éléments constitutifs du groupe comme les percussions étaient là dès nos débuts.

Et notre évolution est venue toute seule, tranquillement, mois après mois sans que cela soit imposé par des considérations autres qu’artistiques. On n’est pas tombé sur « Roots Bloody Roots » de SEPULTURA en se disant que c’est cela que nous voulions faire. Mes influences ne sont pas à chercher de ce côté-là, en ce qui me concerne j’écoute plutôt SLAYER, NAPALM DEATH, VADER, CANNIBAL CORPSE… qui ne contiennent pas des montagnes de percussions… 

 

05. Quelques semaines après la sortie de ce troisième album comment vous sentez-vous vis-à-vis de ces chansons ?

Finalement nous avons moins stressés sur ce nouvel album que sur celui d’avant, Corps. Nous sortons un album tous les cinq ans et avec Corps nous avions commencé notre mue, nous commencions à toucher un public métal. Et le risque c’était de se trouver ne deux feux, le cul entre deux chaises entre un public rock alternatif et un public métal. Igor se demandait alors si nous n’allions pas nous faire cartonner des deux côtés. Il avait adopté à cette période-là une voix plus claire qui pouvait manque d’agressivité pour les plus métalleux.

A l’époque on nous comparait pas mal à NOIR DESIR, maintenant ce serait bien difficile. Et donc pas mal de stress avant que les premières chroniques se passent bien, même à l’étranger, et donc la locomotive était partie. Pour Beauté Païenne nous continuons sur la même lancé, tout se passe bien et Corps nous a beaucoup aidé. Des gens semblent accrocher à ces nouvelles chansons donc nous sommes très contents.

 

06. Cinq ans ce sont écoulés entre deux albums. Presque aussi longtemps qu’entre les deux premiers. Pourquoi ?

Il n’y a pas vraiment de cycles, les albums arrivent quand ils sont prêts. Nous n’avons pas de pression, d’impératifs liés au label donc cela prend du temps et que nous sommes peut-être aussi un peu fainéants. Cela se passe presque toujours de la façon suivante : Igor le chanteur et moi nous sommes presque toutes les semaines tous les deux en studio, à Planet Live à Bondy. Et là on essaye, on compose, on réarrange… Igor arrive avec des idées, des riffs, j’écoute, il me demande ce que j’en pense et on travaille dessus. Je calcule alors les temps, on ajoute des batteries pour avoir une première structure.

Arrive là-dessus André par ajouter ses lignes de basses et là il faut encore ajouter les percussions. Mais notre ami habite Bordeaux donc on prépare les chansons pour lui, on lui laisse de la place en créant des creux… pour qu’il puisse s’exprimer. Dès que tout est prêt, Nicolas Heraud monte alors à Paris et il parvient à se caler sur les compos. Nous anticipons les besoins en percussion ce qui évite que cela vienne comme un cheveu sur la soupe. Il est très malin et il parvient toujours à ce faire de la place.

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07. Mais moi, pauvre béotien, entre batteur et percussionniste, vous ne vous tirez jamais la bourre ?

Si tu as raison, et surtout au début. Normalement non, dans un monde idéal, nous ne devrions pas nous marcher dur les pieds car le percussionniste renforce le batteur. Le batteur fixe le tempo et les percussions amènent les contretemps. Mais avec la pratique nous nous sommes aperçus que nous faisions à peu près les mêmes frappes fortes, nous nous doublions l’un l’autre. Et finalement c’était dommage car il veut mieux se compléter, que l’on contrebalance l’autre.

Maintenant nous sommes beaucoup mieux calés et donc cela roule franchement bien désormais. Nous nous renvoyons en permanence la balle et c’est beaucoup plus agréable et même amusant. Comme je bosse dès la genèse des chansons avec Igor, je cale en premier la batterie. Mais ensuite Nicolas écoute et suggère telle ou telle approche. Il m’envoie son idée par le net, j’écoute et je retravaille à partir de cela. Cela prend du temps et c’est souvent assez compliqué car nous essayons, nous expérimentons beaucoup.

C’est tout bénéf pour moi car cela me fait travailler, cela fait évoluer mon jeu ne permanence et j’apprécie cela. Avant je faisais plutôt du Thrash ou du Death et c’est vrai que j’avais un jeu plus direct, avec des blast-beats… J’en fais moins maintenant et je privilégie le côté sautillant, un peu groove métal quoi.

 

08. Que peux-tu nous dire des sessions d'enregistrement de Beauté Païenne ? Pourquoi aller aux USA ?

Sur l’album Corps, décidemment on en parle beaucoup, il est à la base de beaucoup de choses, nous avions travaillé avec un ingé-son du nom de Kevin Pandele qui depuis s’est installé aux Etats-Unis, à Philadelphie. Mais à l’époque en 2009 il était en France et nous avions enregistré dans un chalet appartenant aux parents d’Igor, à la roots, petit budget mais il était venu avec son matériel dans les Alpes. Cela nous avait bluffés à l’époque, il était venu avec un ordinateur portable et puis roule ma poule ! Donc cela s’était alors super bien passé et nous voulions retravailler avec lui. Mais étant aux Etats-Unis nous avions deux options : aller chez lui dans son studio là-bas ou qu’il vienne en France mais il fallait payer les billets d’avion, louer un studio…

Cela revient cher. Nous devons fournir un album fini, enregistré, pressé, imprimé à Brennus pour la distribution de l’album. Donc tous les frais sont pour notre pomme. Donc on s’est mis d’accord de faire tout chez lui, outre-Atlantique. Moi, je n’ai pas pu y aller donc j’ai enregistré toutes mes parties de batterie, au click, à Planet Live pendant cinq jours, une cabine pour la batterie, une autre pour la gratte et Igor est parti là-bas quinze jours. Là-bas, il a fait guitares, chant sur place avec Kevin.

Une fois cela terminée, avec les bandes finales, nous sommes allés dans un dernier studio pour la basse et les percussions. Cela a été sportif, nous avons essayé de minimiser les couts car emmener tout le monde à Philadelphie allait couter une fortune.

 

09. Et donc le jeu en valait la chandelle ?

Ecoute pour nous oui, cela se justifie car le son est très bon nous avons obtenu le résultat souhaité et jusqu’à présent nous n’avons pas de plainte de ce côté-là. L’important est que chacune des sources soient bonnes. J’ai demandé une super batterie chez Planet Live, du matériel qu’ils louent aux groupes selon les besoins. Lors de l’enregistrement tu enlèves toutes les reverb, tous les artifices pour que le son soit le plus naturel possible pour que Kevin puisse le retravailler si besoin. Les guitares ont été enregistrées à Philadelphie et pour la basse/percussions là aussi le son, le plus direct et le plus pur possible, en direct. On a fait au plus simple, au plus efficace.

Dans cinq ans, plus le prochain nous espérons toujours travailler avec Kevin, en espérant qu’il ne sera pas alors en Australie. On s’entend super bien avec lui et quand Igor était à Philadelphie, nous pouvions discuter via Skype, deux fois par jour, nous faisions des points tous les jours, ils m’envoyaient le travail du jour, en écoutait, on en discutait, le travail était vraiment collaboratif. Avec le décalage cela pouvait être parfois amusant.

 

10. Le chant en français est-il une évidence ?

Igor écrit beaucoup en français, c’est naturel, et nous ne sommes pas beaucoup posé la question, il faut bien l’avoué. Et finalement c’est mieux ainsi, nous avons pu lire dans une chronique anglaise que le chant en français plaisait bien, le mec disait qu’il ne comprenait rien mais que les sonorités collaient bien à la musique. « Et on moins, ils ne sont pas semblant de chanter dans notre langue ! ». Cette réaction nous a plus, au moins nous sommes francs et nous faisons ce que nous savons faire. La presse anglaise est assez réceptive

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11. Vous êtes une des rares groupes qui chantent en français qui semble trouver grâce aux oreilles des médias métal étrangers (Rock Hard Grèce)…

Nous sommes très surpris, La nana de TERRORIZER à tout de suite accroché au son même si elle ne comprend pas ce que nous racontons dans nos chansons. Il y a des traducteurs sur le net si besoin mais dans le métal tu écoutes souvent la guitare et les rythmes, la langue finalement n’a pas une importance majeure. De nombreux magazines britanniques et plus largement européens ont apprécié et publier des chroniques et même des interviews parfois. Cela commence à sortir c’est sympa.

Le côté ethnique, l’ajout des percussions qui apportent un groove et une dimension inhabituelle plait et cela fait parler de nous en dehors des frontières hexagonales. C’est presque dansant, innovateur. Tant mieux pour nous. Sur Corps déjà, nous commencions à avoir un peu de presse, au Texas par exemple où ils aimaient bien le gros son que nous proposions.

 

12. Que peux-tu nous dire de la pochette plutôt sympa, comment avez-vous travaillé avec Above Chaos ?

Je ne peux pas beaucoup t’en parler (NDLR : Nicolas est déficient visuel). C’est Above Chaos qui s’est chargée de la pochette, Igor avait vu des t-shirts de MAGOA qui lui avait plu et donc il avait pris contact. Ils font tout, les visuels, les affiches. J’ai une vague idée, je sais ce que cela représente, tu me confirmes que l’on ne m’a pas menti (rires) ?

 

13. Vous avez partagez des scènes avec des groupes divers même des artistes rap (sinon MSG, VADER). Comment cela s’est-il passé et qu’avez-vous retiré de ces expériences ?

Nous avons rencontré Youssoupha lors d’un tremplin jeunes talents, c’était le parrain de l’événement. Nous sommes arrivés avec nos gros sabots, nous avons proposé notre heavy métal à bloc et il a aimé, cela lui rappelait l’esprit des années 90, le travail entre ANTHRAX et PUBLIC ENEMY. Ce n’est pas un artiste fermé et donc ce fut une discussion sympathique. Mais nous n’avons pas gardé contact, il évolue dans d’autres sphères. Entre artistes cela se passe plutôt bien, le plus dur est de conquérir le public, cela peut être beaucoup plus tendu. Pas facile d’arriver devant un public hip-hop avec le risque de se faire démonter.

Et puis on a attaqué d’emblée par un titre « Enfant d'Orient » sur les enfants soldats en Palestine et les mecs ont été surpris de voir des textes intelligents. Et donc ils ont écouté et ont été assez réceptifs. Cela n’a pas duré longtemps mais bon, un bon accueil. On a fait aussi des trucs bizarres, un festival de reggae roots… Tout le monde était content. L’énergie que l’on déploie plait souvent, on ne fait pas la gueule… VADER c’était cool, nous sommes devenus potes avec MPIRE OF EVIL (avec un ex-VENOM)…

Assez bizarrement, nous avons du mal à rentrer dans la scène heavy-métal française avec ABINAYA. Pas de difficulté pour rentrer dans la scène Death Métal alors que c’est beaucoup plus bourrin mais nous ne parvenons à tisser des liens avec la partie heavy métal donc on ne joue pas avec eux. Nous avons ouvert pour VULCAIN, ADX nous ne parvenons pas à la croiser, BLASPHEME, nous ne nous croisons pas avec ces groupes, pas sur les mêmes créneaux à priori. Alors que nous sommes proches de BENIGHTED, IN ARKADIA qui nous accepte alors que c’est tendance boucherie par rapport à nous. Nous avons joué plusieurs fois avec eux.

 

14. Quels sont tes espoirs et tes attentes pour ABINAYA ?

De beaux concerts à venir en juin puis à la rentrée avec le 13 septembre un concert sur la scène Principale des Forges de Feu, puis le 20 avec Tim « Ripper » Owens à Grenoble. Si tout va bien, fin octobre une tournée en Angleterre, de belles perspectives quoi ! Le mec nous a repérés dans TERRORIZER et les échanges avec Igor ont été fructueux.

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Et enfin "Le Quizz De Métal Chroniques Quizz" pour terminer cette interview:

1. Quelle est votre chanson préférée (tous artistes, époques…) ?

J’écoute beaucoup en ce moment « Spirit in Black » sur Seasons in the Abyss de SLAYER

 

2. Le déclic qui t’a fait te lancer dans l’apprentissage de la batterie ?

En tant que déficient visuel, en tant qu’aveugle, la musique est vite abordée. En CM2 je faisais du piano mais le classique m’a gonflé. J’ai découvert le métal et j’ai voulu avancer dans ce domaine-là. J’ai essayé la guitare et je n’étais pas très bon alors que la batterie m’a tout de suite trouvé un écho chez moi. Donc j’y suis allé à fond. J’en faisais beaucoup au bahut et ensuite dans des groupes. C’est beaucoup de travail, avec la double surtout… Je pratique un peu moins mais parfois je suis raide sur des roulements…

 

3. Premier album acheté ?

En cd c’était le live de TELEPHONE.

 

4. Dernier album acheté ?

Cela fait longtemps, j’écoute en ce moment sur You tube AUSTRIAN DEATH MACHINE. C’est bourrin mais j’aime bien le côté hardcore.

 

Tous nos remerciements à Roger WESSIER (Replica Promotion)

 

Chronique de l'album ici

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