01. Quelques semaines avant la sortie de ce nouvel album dans quel état d’esprit êtes-vous concernant cette nouvelle aventure ?
Sebastian "Seeb" Levermann : (rires) pour être honnête avec toi j’ai enfin l’impression de retrouver mes esprits et ma stabilité mentale ! J’ai été enfermé dans un studio pour, je ne sais pas, six mois et la dernière période a été pour moi particulièrement éprouvante. Je devais me coucher alors vers 7h30 du matin pour me relever vers midi pour recommencer à travailler sur le disque. Ce ne fut pas plus dur que pour To the End, cela devient une habitude pour moi de m’imposer ainsi des rythmes un peu dingues avec un comportement de maniaque à m’abrutir de travail sur chaque détail de l’album.
Si je devais mettre en avant une différence par rapport au passé, je soulignerai l’importance d’avoir eu cette fois-ci tout le groupe en studio pendant tout le processus d’enregistrement. Avant de nous attaquer à To the End, nous avions perdu trois membres du groupe et il fallait donc construire une nouvelle chimie entre nous. Niels (Löffler à la basse) et Dirk (Meyer-Berhorn à la batterie) étaient déjà avec nous pour l’album précédent mais ils venaient à peine de nous rejoindre. Désormais nous nous connaissons très bien, nous avons partagé bien des expériences comme la tournée avec RHAPSODY. Nous avons clairement grandit tous ensemble en tant que groupe.
02. L’effort fut donc beaucoup plus collectif ?
Oui, cette démarche a eu un impact sur Ravenhead qui s’apparente à un effort beaucoup plus collectif par rapport aux précédents ou j’assumais seul beaucoup. J’ai beaucoup travaillé sur la composition avec Dirk le batteur et ce fut une expérience intéressante car il travaille sur les rythmes de par son instrument, moins sur les mélodies et donc il nous fallait trouver un langage commun pour communiquer sur la musique. Il proposait des rythmes et un groove et cela m’inspirait et il proposait autre chose, nous pouvions ainsi nous renvoyer la balle. Ce fut intéressant. Et puis un titre, « Sorrow Is Your Tale » a été composé par Niels notre bassiste donc je ne me suis pas tout coltiné. Et ce fut un plaisir pour moi de constate à quel point ils ont tous évolué dans notre style de musique pour savoir et pouvoir composer naturellement dans le style du groupe.
03. Avec le temps, penses-tu poursuivre sur cette tendance donner une partie des clés su groupe aux autres ou ressens-tu malgré tout le besoin de tout contrôler ?
Je reste et resterai toujours un « control freak », je ne suis pas sûr de pouvoir fonctionner autrement. Je pense qu’il faut dans un groupe qu’un des membres trace la voie et fixe le cap. J’ai un grand respect pour mes camarades en ce qui concerne leur maîtrise technique et leurs capacités mais ils respectent également mes « talents » de compositeur. Je reste en charge et il n’y a pas finalement beaucoup de discussion. Si ils proposent une idée, j’y pense et si cela peut apporter un plus nous essayons. Je ne trouve que cela ne nous correspond pas, nous abandonnons l’idée.
04. Tu travailles depuis un home-studio ? Donc tu peux prendre tout le temps que tu juges nécessaire sans la pression financière de la location d’un studio extérieur ?
Oui c’est un luxe, je travaille depuis mon home studio et cela me donne de grandes facilités. Déjà sur le précédent album, j’avais quasiment tout fait « à la maison ». Et cela a pris beaucoup de temps car j’ai fait beaucoup de chose en plus à côté. J’ai assuré par exemple le mixage des disques d’autres groupes. Pour Ravenhead ce fut un peu différent. Le groupe devenant plus gros, nous pouvons aussi disposer d’un budget plus conséquent. Je peux maintenant me permettre de rester concentrer six mois sur un disque sans avoir à poursuivre d’autres activités en plus de celle-là. C’est une situation très agréable et positive. Les six mois que je mentionnais précédemment ont véritablement été consacrés à l’enregistrement et à la production de l’album.
Avant il y a eu toute la phase de composition et d’arrangement des chansons. Tout était alors prêt à part quelques paroles manquantes ici ou là. Je le vois bien quand je travaille pour d’autres groupes, tu peux enregistrer toutes les batteries d’un album en deux jours mais ORDEN OGAN ne fonctionne pas ainsi. Nous aimons aller dans le détail. Donc ce n’est pas une hérésie pour nous de consacrer un jour par chanson uniquement aux parties de batterie. Nous n’enregistrons que quand nous sommes arrivés à un résultat que nous considérons optimal. Nous travaillons et essayons toutes les alternatives jusqu’à arriver à ce résultat satisfaisant. Je n’aime pas enregistrer trop de versions alternatives d’une même chanson quand le résultat est bon je conserve, sinon je jette !
05. Que retiens-tu de la période To the End, en positif ou en négatif ?
Je conserve un sentiment très positif car nous avons pu en permanence progresser pendant toute cette période. Par exemple, et sans vouloir mettre l’accent en particulier sur l’un d’eux, nous avons joué dans de nombreux festivals d’été et nous étions parfois programmés assez tôt. Et pourtant nous avons pu à chaque fois blinder les différentes scènes avec un public très nombreux et enthousiaste. C’est très agréable de constater que tu peux ainsi récolter les fruits d’un long et difficile travail et que les gens adhèrent à ta musique.
Nous ressentons cette progression sans pouvoir forcément nous appuyer sur des éléments tangibles comme le nombre de concerts donnés ou les chiffres de vente. Je dois bien avouer ne pas m’intéresser beaucoup à ces éléments là un minimum pour faire vivre le groupe mais là n’est pas le plus important à mes yeux. Nous faisons ORDEN OGAN car cela nous plait et que cela s’avère vital pour nous. Je suis persuadé que nous continuerions d’enregistrer des chansons même si nous n’avions pas de contrat discographique avec un label. Je passerais alors sans doute moins de temps avec si peu d’heures de sommeil mais c’est un véritable besoin créateur.
06. Quand vous attaquez un nouvel album, vous travaillez je suppose avec une idée en tête, un projet. Quelle ambition aviez-vous en commençant à composer pour Ravenhead ?
Oui tu as raison, nous avons fait cette démarche pour cet album. Nous sommes un de ces groupes qui essayent de rester proches de ses fans et discutons beaucoup avec eux pendant les tournées ou les festivals. Et ils soulignaient tous que notre marque de fabrique, la patte ORDEN OGAN se voit renforcée par des refrains très accrocheurs et des riffs forts et puissants. Et donc nous avons travaillé sur la composition des nouvelles chansons en nous attaquant d’abord aux refrains pour lui donner ensuite du corps en tissant toute la structure de la composition autour. Et nous n’avions jamais travaillé ainsi avant. Nous avons tenté de nous constituer un répertoire de dix ou douze refrains très forts et nous nous sommes alors concentrés sur les riffs très heavy qui allaient les accompagner. Et de mon point de vue, cela a bien fonctionné.
07. La pochette signée Andreas Marshall est très réussie comme d’habitude. Quelle importance cela a-t-il pour vous et comment travaillez-vous avec l’artiste en charge de sa réalisation ?
C’est très important pour nous car le groupe possède ce côté « fait à la main », artisanal. Nous ne programmons pas les batteries, tout est joué en studio puis sur scène. Nous sommes avant tout des musiciens et c’est important de rester vrai dans la démarche, sur album ou en concert. Et donc il fallait que notre artiste en charge de la pochette suive la même démarche et Andreas est génial pour cela. Nous réfléchissons beaucoup et habitude nous avons une idée sur le visuel qui devrait apparaître sur la pochette.
Quand nous avons clarifié nos idées, je prends ma voiture et je conduis jusqu’à Berlin pour dîner avec lui et parler du projet, échanger. Il travaille en ayant le titre de l’album, les paroles et également des démos des chansons quand le processus d’enregistrement a suffisamment progressé. Et à la fin de ce rendez-vous avec lui, de ces échanges, une idée va émerger. Je lui laisse une certaine liberté, je ne veux pas être un dictateur de ce côté-là. Il sait ce qu’il fait et c’est bon de lui donner une certaine liberté pour ne pas le brider.
08. Une couleur semble prendre le pas sur chacun de vos visuels. Pour Ravenhead, le vert domine, le blanc plutôt pour To the End, le rouge pour Easton Hope. Est-ce une démarche voulue ?
Oui oui, il n’y a pas de hasard là dedans. Je crois faire partie des personnes synesthésiques peuvent voir des sons et écouter des couleurs. Ce phénomène se produit chez moi avec certaines chansons, certains sons ou riffs. Alors qu’une chanson prend forme, une couleur apparait dans mon esprit et colore cette chanson. Je savais par exemple qu’Easton Hope devait être rouge et noir. Cela ne faisait aucun doute pour moi. J’avais ce sentiment prédominant sur le disque. Pour les albums précédents, j’avais reçu le tableau original du visuel de l’album mais cette fois-ci Andreas nous a transmis le fichier jpeg final.
Tous les visuels sont peints mais avant Andreas ne possédait pas de scanner assez grand pour digitaliser son œuvre. Le tableau reste assez grand. Si cela s’avère nécessaire, Andreas utilise aussi très largement le dessin purement digital, sur écran, mais dans tous les cas le rendu sera différent par rapport à une œuvre peinte à la main. Parfois nous sommes en désaccord avec la proposition d’Andreas. Pour Ravenhead, nous n’aimions pas vraiment le visage et le rictus du personnage féminin central. Elle avait un air beaucoup trop « zombie » à notre goût alors que nous voulions que ce soit une très jolie fille, morte bien sûr, mais avec encore une grande force de séduction. Andreas avait un peu raté cette partie-là. Donc nous lui avons demandé de faire des modifications et de changer son visage.
09. Vous avez ce personnage récurrent, ce chapelier sur presque toutes vos pochettes. Pourquoi ce choix d’avoir votre « Eddy » pour ORDEN OGAN ?
Ce personnage s’appelle Alister Vale. Quand nous avons justement composé l’album Vale en 2008, un album concept sur ce personnage, nous n’avions pas l’idée d’en faire la mascotte du groupe. C’était juste un personnage avec son chapeau, sombre, avec les reflets de la ville en feu sur lui. Et puis sans que soit planifié, il est réapparu ensuite naturellement. Les fans aimaient bien aussi donc il est devenu par accident notre mascotte. Et puis cela fait partie des gimmicks métal.
10. Vous proposez un boxset très limité pour l’album avec des bonus, un t-shirt… A quel point est-ce important pour vous de proposer ces éditions limitées pour les collectionneurs ? Je dois bien avouer trouver cette tête de corbeau assez kitsch (rires) !
Pour moi c’est extrêmement important et je dois saluer AFM Records pour cela qui reste l’un des meilleurs pour ce qui concerne les éditions limitées. J’avais également beaucoup aimé l’édition spéciale pour To the End à l’époque. C’était une boite en bois avec une écharpe et une boule à neige. Et je me suis surpris récemment à constater que moi-même quand je vais dans un magasin, j’achète assez rarement des éditions standards, simples des disques.
J’aime avoir un objet spécial comme un digipak avec un DVD par exemple. Et c’est pourquoi nous faisons très attention à toujours proposer un DVD en bonus. Nous avons le choix de proposer les versions que nous voulons, le label nous soumet différentes options et nous faisons notre choix. C’est un vrai plus d’AFM Records, tu restes en permanence en contrôle de ton travail en tant qu’artiste. L’idée de proposer une tête de corbeau était assez évidente et j’ai dit ok.
11. Vous avez toujours soigné vos clips vidéos. Quelle importance donnez-vous à cet aspect et appréciez-vous ce type d’exercice ? Pour To the End ce fut pour illustrer « The Things We Believe In » et là pour « F.E.V.E.R.».
Il me semble essentiel de proposer de bonnes vidéos et je trouve que trop peu de groupes proposent vraiment des vidéos de qualité. Comme je le disais précédemment, nous faisons attention aux moindres détails et cela passe par les visuels, les photos promos ou les vidéos qui doivent toujours être cohérent avec le style de ton groupe. De point de vue du business, le clip reste l’un des outils marketing les plus importants à notre disposition. Si cela plait, cela peut vraiment devenir « viral » et touché beaucoup de monde, partout.
Tu parlais de « F.E.V.E.R » est le résultat est déjà impressionnant. Le clip est en ligne depuis moins d’une semaine et nous avons déjà bénéficié de près de trente milles vues. Mais je dois bien dire que cette vidéo en particulier a été éprouvante à tourner. Nous avons mis le tout en boite dans un vrai marécage et nous avons dû rester là plus de quatre heures. Après avoir tourné les scènes avec le groupe, il a commencé à pleuvoir des hallebardes. Nous étions au mois de novembre, à 6 heures du matin, à devoir jouer autour d’un lac dans un marais ! L’acteur a dû d’immerger dans le lac et il faisait un froid de canard et tu ne peux le faire qu’une seule fois car ensuite les vêtements sont humides et c’est fini.
Nous n’avons pas prévu pour l’instant d’autres vidéos. Il me semble avec l’expérience que la première vidéo compte vraiment, les suivantes beaucoup moins.
12. Vous avez longtemps été comparés à BLIND GUARDIAN. Qu’en penses-tu ? En avez-vous souffert et comment analyses-tu ce phénomène ?
Tu peux regarder cela de nombreux points de vue différents : d’abord cela reste un honneur car BLIND GUARDIAN est un groupe génial, énorme et a été bien sûr une solide source d’inspiration à nos débuts. Ensuite je ne pense pas que nous ayons en réalité beaucoup de point commun avec BLIND GUARDIAN. Et ils sont d’accord également avec cela ! (rires) J’ai rencontré Marcus (Siepen) il y a un an et demi de cela et il apprécie beaucoup notre album To the End. Mais pour lui aussi les éléments de ressemblances paraissent très ténus.
Je ne crois pas que nous en ayons souffert dans le passé, je n’ai en tout cas pas eu l’impression d’avoir eu à combattre cette idée, cette comparaison. Mais cela aurait rapidement pu devenir effectivement un problème car, tu sais, si tu es un fan de Power Métal et de BLIND GUARDIAN en particulier et que soudainement quelqu’un vient te dire qu’un groupe arrive et devient le nouveau BLIND GUARDIAN, je dirais à cette personne d’aller se faire f… Mais cela n’a jamais été vraiment un problème pour nous.
13. Que peux-tu nous dire de votre concert donné pour la première fois outre-Atlantique pour le ProgPower USA XV en septembre ?
Nous ne savions surtout pas du tout à quoi nous attendre du public américain. Pour eux les aspects Prog et Power sont intimement mêlés, c’est la même chose de leur point de vue. Si je me souviens bien nous étions le deuxième groupe du jour, le samedi, la salle était blindée de fans et le public chantait avec nous, reprenant nos refrains. Donc à notre surprise, ils nous connaissaient. Et tout notre merchandising a été vendu en moins d’une heure. Je dois aussi dire que ce fut pour nous l’occasion d’avoir la conversation la plus passionnante et la plus détaillée à propos des paroles de nos chansons. L’expérience fut vraiment géniale et nous voulons y retourner dès que possible. Peut-être en 2016.
Pour 2015 nous allons nous concentrer sur l’Europe avec cette tournée à venir avec HAMMERFALL. Une autre tournée en fin d’année est aussi en train de se monter mais je ne peux pas en dire plus (NDLR : avec POWERWOLF en fait). Nous espérons tourner en tant que tête d’affiche en 2016 en Europe.
Et enfin "Le Quizz De Métal Chroniques Quizz" pour terminer cette interview:
01. Quelle est votre chanson préférée (tous artistes, époques…) ?
« Master of the Wind » de MANOWAR
02. Premier album acheté ?
Arise de SEPULTURA
03. L’album qui a allumé ton étincelle artistique ?
J’ai acheté le Arise de SEPULTUARA très jeune et j’ai vite au l’envie de faire moi-même de la musique. Le deuxième disque acheté devait être And Justice For All the METALLICA qui a confirmé cette envie.
04. Le riff que tu aurais adoré avoir composé ?
« King of the Kill » d’ANNIHILATOR
Tous nos remerciements à Roger WESSIER (Replica Promotion)
Chronique de l'album ici