Peste Noire se moque de notre avis. Famine est un de ces (trop) rares artistes libres de faire ce qui leur chante tout en conservant une maîtrise et une cohérence rares. Certains apprécieront, d’autres beaucoup moins.

Voilà comment je concluais ma chronique de l’excellent La Chaise-Dyable, dernier effort en date de KPN. Oui, Famine fait ce qui lui chante, quitte à s’aliéner une partie de son public. Et en quelque sorte, cette insolence, cette indépendance font de Famine un individu unique dans un environnement trop souvent formaté. Du concert acoustique dans les rues ukrainiennes (pays où il passe de plus en plus de temps) aux expériences rap et à un split avec lui-même, le groupe ne recule devant rien.

Certains apprécieront, d’autres beaucoup moins, disais-je donc.

Prenons le premier volet du split, la face Traditionnelle. Ici, l’auditeur est en terrain connu. On se retrouve à l’époque des opus précédents, avec un Black Metal qui tient la route. Quelques cuivres, des morceaux longs mais jamais redondants : même si on n’adhère pas aux textes (c’est clairement mon cas), il faut reconnaître que les compos sont efficaces et, mis à part quelques petites faiblesses (l’intervention du chanteur de M8l8th étant le point noir le plus flagrant de la partie BM de l’album), Famine remet une bonne copie.

Par contre, les choses se gâtent sur la face Dégénérée et les expérimentations rap. Je passerai sur l’artwork, le blackface et la provoc’ à deux balles (en fait, non, je ne devrais pas passer là-dessus, mais j’ai fait le choix de ne parler que de musique) et je me concentre sur la musique. C’est laborieux.

Il y a une volonté de sortir du cadre, de surprendre, de choquer. Et, pendant quelques instants, Famine touche de peu la recette qui ferait mouche. Malheureusement, cette partie rap souffre de plusieurs défauts. Tout d’abord, sur « Noire Peste », KPN ne s’affranchit pas assez de ses racines BM, comme s’il craignait de lâcher le bord pour sauter dans le bain, et ce résultat bâtard reste trop le cul entre deux chaises. Ensuite, le remix d’un titre est toujours un exercice risqué, car l’auditeur aura toujours envie de comparer les deux versions, et si son affection pour ce morceau est forte, il y a fort à parier qu’il ne l’appréciera pas.

Et les morceaux vraiment typés rap ? Personnellement, ils me déçoivent beaucoup. J’attendais plus de hargne, plus d’agression. Je m’attendais à un rap sans limites, ni concessions, à la Steen, un MC hollandais qui distille un rap mordant à souhait, baigné dans les drogues, l’alcool et une colère noire envers le monde. À côté de Steen, Famine le rappeur fait pâle figure, ce qui pourrait sembler paradoxal.

Une partie Black Metal sans surprise, un volet rap qui ne répond pas à mes attentes… La note sera sévère, non seulement parce que le résultat final me déçoit plus qu’il ne me plait, mais aussi parce que son prédécesseur était si intéressant. Peut-être aurais-je été plus indulgent si cet album n’était pas sorti sous le nom de Peste Noire, ou si ce split était sorti sous la forme de deux EP distincts à des dates différentes.

Mister Patate (4/10)

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Militant Zone – 2018
Tracklist (48:45) 1. Aux armes! 2. Interlude 3. Songe viking 4. Raid éclair 5. 666 millions d’esclaves et de déchets 6. Noire Peste 7. Des médecins malades et des saints séquestrés 8. Turbofascisme 9. Aristocrasse 10. Domine