Author Archive

SHINING-frontAvec Redefining Darkness, un pâle halo de lumière s'était levé sur la Suède. Il a permis de découvrir les ténèbres sous un nouveau jour. Loin d'être contradictoire, cet album a porté à un degré de tourment inouï la musique du all star band nordique. Une finesse intéressante s'en dégageait, en est il autant de ce Feberdrommar ? Pas exactement…

Niklas n'a jamais rien fait comme les autres, et c'est encore le cas avec ce nouvel « album ». Il est composé de démos issues de Livets Ändhållplats et de Angst, qui datent respectivement de 2001 et 2002. Plus de dix ans déjà… Mais il ne s'agit en aucun cas d'un « worst of ». Ces chansons étaient déjà disponibles sur la compilation The Darkroom Sessions. Plutôt que de les sortir brutalement de lu formol, quelques ajouts ont été réalisés. Et rarement des mortes se sont montrées aussi attirantes. De nouvelles pistes de basses et de guitares sont présentes, Lars Fredrik Frøislie se charge des claviers. Et surtout, 6 vocalistes différents se partagent le chant. Les morceaux sont retravaillés, non pas dans leurs structures, mais dans les détails – avec la précision d'un scalpel. Pendant que certains se demandent très sérieusement comment voyager avec un saumon, Shining cherche à savoir comment faire du neuf avec du vieux.

Pour être franc, ma première inquiétude est aussi ma première source d’excitation: la répartition du chant. Je redoutais une production estampillée « Niklas & Friends, Suicidal Guignol's Band ». Un peu comme quand j'écoute un album de Hip Hop, et que la moitié des morceaux sont des featurings tout à fait dispensables.

Mais c'était sans compter sur la qualité des guests. Sont à l'œuvre dans cette danse macabre: Famine, Attila Csihar, Pehr Larsson, Gaahl, Maniac et Niklas Kvarforth himself. Du TRÈS beau monde donc. Surtout que certains sévissent dans leur langue maternelle. C'est le cas par exemple, de Mc Famine, qui ouvre le bal par "Terre des anonymes". J'en attendais beaucoup, trop peu être. Il devait abattre des forêts, le premier taillis le fout à genoux. Peu con.

À défaut de brûler des voitures, Famine brûle d'envie de faire du rap. Soit, l'idée ne me dérange pas. Au contraire c'est même plutôt rock'n'roll –  et tout ce qui peut faire gueuler les metalheads me fait plaisir. Mais putain, ces paroles… J'ai l'impression que dès qu'il ne parle plus des juifs il n'a plus rien à raconter. Et il est capable de dire que c'est de leur faute… Elles sont d'une lourdeur qui rend le morceau infirme, c'est terriblement dommage car il pouvait faire mieux. Le phrasé est bon, le travail autours de l'ambiance musicale aussi… mais merde, ça ne prend pas.

Dans un registre différent, Pehr Larsson livre une prestation beaucoup plus posée. Sa voix est très en retrait, pour n'être que nappe de brouillard au milieux des riffs lancinants. Le mixage met beaucoup en valeur les nouveaux éléments apportés aux chansons; le fait d'avoir un chanteur qui se place en retrait permet de donner un autre point de vue à l'exercice de style.

La performance de Gaahl, entre hurlement et voix parlée, est également très convaincante. Accompagné par des guitares acérées, qui distribuent des arpèges en pluies acides, « Selvdestruktivitetens Emissarie » est la preuve que l'idée de réenregistrer ces morceaux est séduisante. Maniac transcende aussi "Black Industrial Misery" (originellement Svart Industrial Olycka). Le riff du début tranche dans le vif, et l'ancien vocaliste de Mayhem remue le couteau dans la plaie.  

On se prend alors au jeu et on compare les différentes versions. Le travail exécuté sur les arrangements est très précis et vraiment prenant. Ré-insuffler de la vie dans ces morceaux cultes, et nous entraîner toujours plus bas, est le véritable exploit de cet album. Pour une rétrospective c'est une réussite. Et c'est comme cela qu'il faut voir Feberdrömmar I Vaket Tillstånd. Bel et bien comme un album « 8 1/2 ». Un exercice de style. Techniquement imparable, même si la magie n'opère pas de la même façon.

Il ne reste plus qu'à espérer que le prochain album sorte vite. La durée de vie d'une rétrospective est toujours courte. Clairement, si ce recueil avait été présenté comme le neuvième album du groupe cela aurait été une franche déception. Comme je le disais, il faut plus le voir comme du bonus, un privilège. La présence de Niklas est palpable, mais rien n'égale ses prestations sur son propre territoire. Kvarforth fait au passage un admirable « fuck » à l'auditeur. Il semble qu'avec un sourire en coin il ait décidé de laisser « Through Corridors Of Oppression » telle qu'on la connait. Ce n'est pas pour me déplaire, elle est tellement parfaite.

Ymishima (7/10)

 

Site internet / Facebook

Dark Essence Records / Karisma Records / 2013

Tracklist (48:07) 1.Terres Des Anonymes 2.Szabadulj Meg Önmagatól 3.Ett Liv Utan Mening 4.Selvdestruktivitetens Emissarie 5.Black Industrial Misery 6.Through Corridors Of Oppression

Peste Noire – Peste Noire

Peste Noire artworkRetiré dans la France profonde, loin de l’a-civilisation, Famine continue de vivre de chasse à la pizza surgelée, de bières et de ses productions. Dans le trou noir du terroir il se livre à une résistance acharnée, tambour, trompette et vielle à roue. Zouzou son chat chasse le mulot tandis que le maître chasse le mulâtre; et avec eux hurle Satan.

Grâce à ce background alléchant, la création d'un nouvel album s'annonçait sous les meilleurs auspices. Mort de Faim le mal nommé, tête pensante de la Peste Noire, a vu les choses en grand. Belle édition bleu et or pour les nANTIs, ou simple pock-it – qui n'est pas sans rappeler Joy Division, pour les, hum… les autres.
L'écrin au format digibook est de toute beauté, malgré de nombreux problèmes avec les légions de l'Est chargées de la confection. Ca devient une habitude, on retrouve Valnoir pour ce qui est du graphisme. Il livre ici un travail finement cisaillé et plein de cohérence.

Après l'excellent Ordure à L'Etat Pur qui (par)achevait la destruction de la lourde humanité, Peste Noire est une synthèse. Il se présente donc comme un condensé des précédentes réalisations du KPN. En presque 13 ans de carrière, beaucoup de pistes ont été exploitées, excavées à la sueur du front (national). Des années dorées de perpétuel renouvellement du métal noir. Pas de babillage – les partouzes de vanité, on les laisse à la capitale. Distiller tout ce temps dans un cocktail nécessairement molotov est un pari osé. Trop peut être. Ici la Peste donne dans un certain jaspinage: une fois n'est pas coutume, l'étonnement est tué par une outrance pas totalement maîtrisée. Le souci du maintien et du sublime est écorné par un accès de rage vindicative assez brouillon. C'est la tournée du tisonnier. Notre génie est usé.

L'introduction de l'album est un pot-pourri de discours issus des heures les plus sombres de notre histoire™. L'intervention de Clémenti est légèrement censurée, mais l'ambiance est posée: dissonance et swing de rigueur. Sur ce point aucun doute, le groupe est plus en verve que jamais. Ça fait une décennie que ça dure, certain vont trouver le moyen d'être choqués. Qu'ils soient heureux, c'est une sorte de virginité renouvelable.
Puis la croisade commence vraiment avec "Démonarque". Le roi Anarque rassemble ses troupes. Ses riffs appuyés par l'accordéon et la vielle sonnent plus punk que jamais. L'occasion aussi de retrouver un production aux couleurs plus locales. Tout les aspects de l'enregistrement et du mixage ont été réalisés en interne, pour un résultat final très satisfaisant. Ce bal populaire est aussi l'occasion de remarquer le recours à des gimmick peu heureux. Répétitifs et mal assurés, ces petits riens font office de liposuccion pour un roi lion. Le talent de Famine semble avoir été absorbé, quelque part, entre facilité et abus systématiques. L'album est véritablement dégressif, il commence en fanfare et s’essouffle après "Niquez vos villes". Les interventions d'Audrey, par exemple, tournent à la routine tant elles sont nombreuses. Elles ont le mérites de rester en tête, mais clairement gagneraient à être plus rares.

Mais tout n'est pas si noir, pardon, si sombre. "La bêche et l'épée contre l'usurier" en est le parfait exemple. Sa construction hystérique ponctuée de passages plus lyriques est une réussite. Elle rassemble tout ce qui fait la grandeur de Peste Noire sous une bannière de soufre. Les riffs corrosifs portent la marquent de fabrique du KPN qui officie maintenant à la Chaise-Diabl…Dieu. Famine a dorénavant un style reconnaissable entre mille. Il exploite une grande variété de genres. Son jeu plein d'amplitude est admirablement servi par Ardra Os (de Sühnopfer) à la batterie. Il livre des blast monstrueux qui remplissent parfaitement leur office, même si le son est un peu trop étouffé, à cause sans doute d'un enregistrement réalisé avec de simples micros d'ambiance. L'expansion de la rage se poursuit sur "Niquez vos villes" – l'hymne périurbain entre Punk et Hip Hop sale, digne d'un Diapsiterroir mal léché. Crème du BM au fin fond des sous-bois. C'est un savoir-défaire artisanal qui se caractérise par les premiers passages rappés de MC Fafa. La justesse n'est pas toujours aux rendez-vous, mais comme disait Céline, "il est saoul le mec, alors ça n'a aucune importance, il la fait comme il peut voilà l'histoire". L'objectif est de faire chier, toujours plus et c'est réussi. Le wagon à glaviot déborde littéralement.

On retrouve une certaine horizontalité avec la suite de l'album. Frère Famine pousse des cris diaboliques, il se voit persécuté par un carnaval de monstres… Il déconnait à pleine bourre quoi. Jusqu'à ce que "La Blonde" fasse irruption. Là il monte carrément sur son grand déconnogogue, arbalète à la main à lyriser sur la bière. Le résultat a le mérite de ne ressembler en rien à lie musicale qu'est Korpiklaani. Un petit coté Oi! se fait même sentir, mais Audrey, définitivement, tu n'es pas encore prête pour la pop. Une fois le delirium tremens achevé, on s'en retourne à la poésie médiévale. Une dernière fois. "Moins trente degrés celsius" clôt cette danse macabre. Un fin presque anecdotique comparée à La Condi Hu, mais qui n'est pas sans charme.

Ymishima (6,5/10)

Site internet

La Mesnie Herlequin/2013

Tracklist (46:06) 1. Le retour de la peste 2. Démonarque 3. La bêche et l'épée contre l'usurier 4. Niquez vos villes 5. Le clebs noir de Pontgibaud 6. Ode 7. La Blonde 8. Moins trente degrés celsius

 

Kvelertak – Meir

kvelertak-meirLe premier album de Kvelertak avait été chaleureusement accueilli. Les critiques se sont emballés et en pensaient beaucoup de bien. Ils ont eu l'occasion de montrer dans moult chroniques qu'ils ne savaient pas utiliser le mot "éponyme" et se sont répandu en partouze de vanité. Pour le second CD c'est un peu la même chose. Enfin, sans le problème avec "éponyme" parce que celui là s'appelle Meir. Flot de louange par ci, petit cris de félicité par là, les bonnes chroniques se succèdent pour ce nouvel opus. Et je ne comprends pas. Oh, non pas que je le trouve mauvais. Il est juste aussi palpitant qu'un missionnaire, dans le noir, à 19h. Franchement, ils auraient eu tort de s’en priver, puisque les gens marchent. D'ailleurs je pense faire pareil. Copier/coller mes anciennes chroniques pour en faire de nouvelles… C'est soit ça, soit je délocalise en Chine. Pour produire à la chaîne.
On reprend donc le même mélange de Punk Hardcore avec un peu de Stoner pour un résultat terriblement Rock n' Roll… Un peu partout on reconnaît que ce n'est pas très original, que ça ne révolutionne plus rien. Mais qu'importe, on aime bien.

À l'écoute on joue au jeu des sept différences. Ça tombe bien, c'est encore l'été, si vous avez du temps à perdre sur la plage… Globalement la pression monte plus lentement. L'album tente d'exploiter un côté mélodique, pour ensuite mieux exploser en vol. On trouve peut-être plus de guitare acoustique; "Snilepisk" est un bon exemple de ces petits ajustements. Mais du début à la fin on subit les gimmicks du combo norvégien. Il en use encore et encore, les mêmes structures, le même schéma. Jusqu'à la lie. Il manque peut être quelques riffs black qui faisait un peu le charme du premier, mais qui va s'en soucier. C'est juste bien gras. Gras comme la hype de Woodkid qui vous pond à peu de choses près le même clip deux fois d'affilée, et vous en redemandez. Parce que c'est trop bien. Gras comme le Brian Warner dépressif qui n'en a plus rien à foutre. Celui qui pose ses "fuck" sans conviction sur des riffs période Spooky Kids. Étonnamment dans ce cas vous vous indignez et clamez que "puisque c'est comme le précédent c'est de la merde". Parce que vous avez une soi-disante intégrité à défendre, ou que vous n'aimez pas ce qu'il représente. Enfin, on s'en branle je ne fais que noter l'indignation à géométrie variable. Pour moi le problème est le même. Si je ne suis pas un fan du groupe ou du genre, je trouve ça chiant.

Je vais parler un peu objectivement, parce que certain s’imaginent encore que c'est mon job (et que je crains la vindicte populaire). L'album n'est pas mauvais: il est entraînant. Bourré d'accélérations rentre-dedans. Il va même jusqu'à essayer de faire tenir cette idée sur des morceaux de près de 10 minutes comme "Tordenbrak". Pour être honnête, c'est le changement le plus facilement remarquable. Pour ceux qui n'ont pas compris: l'efficacité n'est pas vraiment le problème. Ce qui est gênant, c'est que la discographie du groupe est un palindrome. Vous pouvez la prendre dans les deux sens, ça donne la même chose.
Au niveau de la production on trouve encore Kurt Ballou qui lui aussi fait à peu de chose près la même chose. Oui, ça fait deux fois "chose". Vous voyez comme c'est moche, les répétitions, hein? Vous comprenez le problème, là? Et c'est sans surprise que la cover est signée J.D. Baizley. Pour un résultat très différent de… non je déconne.
Finalement si le premier album vous a plu et que vous êtes fan, vous pouvez foncer. Si ce n'est pas le cas, vous pouvez passer votre chemin. En ce qui me concerne, je m'en trempe le nem dans un verre à pieds. Mais par pitié, ne venez pas crier que c'est l'album de l'année.

Ymishima (Copier, coller/10)

Site internet

Roadrunner/2013

Tracklist (49:11) : 01. Åpenbaring 02. Spring Fra Livet 03. Trepan 04. Bruane Brenn 05. Evig Vandrar 06. Snilepisk 07. Månelyst 08. Nekrokosmos 09. Undertro 10. Tordenbrak 11. Kvelertak