Enfin ! Après des années d'attente, soit exacte-ment dix bonnes années après le début de la réédition des disques du Pourpre Profond en version remasterisé, Come Taste The Band a lui aussi droit à ce traitement. Il était temps et cette lenteur avait de quoi faire chaser, et ce d'autant plus que le dernier album du mark IV du Deep Purple avait un statut spécial de disque quelque peu « maudit ». En effet, jusqu'à l'arrivée de Steve Morse il y a plus d'une dizaine d'années, il s'agissait du seul disque de Purple sur lequel était absent Ritchie Blackmore, remplacé par le sulfureux Tommy Bolin.
Une musique très différente de Machine Head ?
Rétrospectivement, on peut dire que c'est autant l'absence de Blackmore que la présence de Bolin qui participent du scandale que fut, pour de nombreux amateurs de Purple, ce disque sorti en 1975. Car le choix du jeune et brillant Tommy Bolin, malgré sa notoriété alors bien assurée, apparaissait alors déjà comme problématique. Outre ses frasques et ses addictions qui l'amèneront au paradis des rockers peu de temps après le split de Purple, ses influences et son style de jeu étaient teintés de musique black et de jazz fusion, à la différence d'un Blackmore très hostile à la funk et à la soul et donc aux premières inflexions suivies par le groupe à l'époque du pourtant superbe Stormbringer. Lorsqu'on connaît les goûts pour la musique afro-américaine de Glenn Hughes, l'on peut imaginer que les deux musiciens allaient rentrer en synergie pour proposer une musique très différente de celle Machine Head, voire même de Burn. L'entente se faisait toutefois aussi quant à la consommation des différentes drogues qui fit de la tournée une des plus calamiteuses du groupe jusqu'à celle de House of Blue Light ; le split de groupe fut d'ailleurs entériné à la dernière date de cette tournée.
Le dernier disque magique du Pourpre Profond
Quel avis peut-on porter sur Come Taste The Band, avec un recul conséquent de 35 ans ? Tout d'abord que le disque est assurément très bon, s'il est pris en tant que tel et que l'on peut comprendre qu'il ait ses afficionados. De la très belle ouverture « Comin' Home », en passant à l'endiablée « Lady Luck » du compagnon de composition de Bolin, Jeff Cook, jusqu'aux plus mélodiques « This Time Around » et « You Keep On Movin' », il s'agit d'un des derniers disques de Purple réellement magique. Même les excellents Perfect Strangers ou Purpendicular n'arriveront pas à atteindre cette fameuse « magie ».
Quant à l'influence « funk/soul », elle est indéniable et particulièrement manifeste sur un titre comme « Gettin' Tigher », quasi précurseur du funk rock, ou sur le break du pourtant rock « I Need Love », que n'aurait pas renié un Funkadelic et durant lequel Bolin se montre incontestablement brillant. Quant aux lignes de chants de Glenn Hughes, fortement inspirées de ce que put faire Stevie Wonder, on connaît les critiques qui ont pu leur être adressées (notamment par Ian Gillan). Il n'en reste pas moins qu'elles proposent de très beaux moments comme sur le superbe « This Time Around » dont je ne me lasse pas.
Un remixe fort intéressant
De manière intéressante, après un premier CD constitué de simples remasters des chansons, le CD 2 propose l'album remixé par Kevin Shirley. Ce remixe fera grincer les dents des puristes mais il s'avère très intéressant. En effet, le remixe de Kevin Shirley, en mettant bien en valeur la basse de Glenn Hughes, éclaire plus nettement que la production originale les influences groovy du disque. Toutefois paradoxalement, en boostant la dynamique globale, il souligne bien que le groupe restait un groupe de hard rock à l'influence blues clairement garantie par la voix superbe de Coverdale, qui se taille la part du lion sur « Comin' Home », « Drifter » ou « Dealer », adressée à son ami Glenn Hughes, qui fréquentait alors trop ce type de personnage.
Au final, les influences funk ne sont pas bien plus prononcées que sur Stormbringer et c'est surtout le jeu de Bolin qui marque une différence avec l'époque antérieure. Même s'il se montre très brillant, voire virtuose selon les critères du temps, comme en témoigne la jam présente sur le deuxième CD, son jeu manque, selon moi, de l'intelligence de celui de Blackmore, bien que son éclectisme puisse plaire à beaucoup. Dans tous les cas, sa présence sur Come Taste The Band participe indéniablement de la qualité du disque, qualité que rappelle bien à propos cette réédition.
Baptiste (9/10)
EMI / 2010
Tracklist : 01. Comin’ Home 02. Lady Luck 03. Gettin’ Tighter 04. Dealer 05. I Need Love 06. Drifter 07. Love Child 08. This Time Around-Owed to ‘G’ 09. You Keep on Moving 10. You Keep on Moving (Single Version) 11. Comin’ Home (2010 Kevin Shirley Remix) 12. Lady Luck (2010 Kevin Shirley Remix) 13. Gettin’ Tighter (2010 Kevin Shirley Remix) 14. Dealer (2010 Kevin Shirley Remix) 15. I Need Love (2010 Kevin Shirley Remix) 16. You Keep on Moving (2010 Kevin Shirley Remix) 17. Love Child (2010 Kevin Shirley Remix) 18. This Time Around (2010 Kevin Shirley Remix) 19. Owed to ‘G’ (2010 Kevin Shirley Remix) 20. Drifter (2010 Kevin Shirley Remix) 21. Same in L.A. (2010 Kevin Shirley Remix) 22. Bolin-Paice Jam (2010 Kevin Shirley Remix)