Helloween – Master Of The Rings
Posted by BaptisteDéc 20
Après la ruine, la reconstruction ? Quand sort en 1994 ce Master Of The Rings, Helloween est en lambeau, venant d’encaisser à la suite deux gros échecs avec Pink Bubbles Go Ape (1991) et surtout Chameleon (1993). Les dissensions au sein du groupe et les problèmes comportementaux d’Ingo Schwichtenberg ont poussé Michael Weikath à évincer sans ménagement Michael Kiske et le malheureux batteur schizophrène. À partir de ce moment Michael Weikath tiendra fermement les rênes d’Helloween se permettant un autre limogeage peu élégant après la sortie de The Dark Ride. D’une certaine manière, cette recomposition du groupe semblait inévitable et à l’époque elle ne m’a ni surpris ni choqué. Le choc va venir des remplaçants…
Un line up bouleversé
Passons sur le remplacement posant le moins de problème : à la batterie nous retrouvons Uli Kusch ex-Gamma Ray (le monde du métal allemand est petit). Même si son jeu est un peu moins fin que celui d’Ingo Schwichtenberg, sa très bonne maîtrise technique alliée à une grosse énergie font beaucoup du bien à ce Master of The Rings qui fera ainsi preuve d’une puissance inimaginable quelques temps plus tôt. Le gros point noir est ailleurs.
Il est dans le choix comme remplaçant de Michael Kiske d’Andi Deris issu du groupe typé « Hard US », Pink Cream 69. Voilà un choix qui m’a semblé alors et qui me semble toujours totalement incongru. Autant Andi Deris est à l’aise dans un registre de hard à la fois mélodique et gouailleur, autant sa voix criarde et très limitée dénote avec l’univers musical d’Helloween, longtemps porte-drapeau du speed mélodique. De facto, les hambourgeois vont devoir adapter leur musique à un chanteur très loin derrière Michael Kiske en terme de capacités vocales. Le fond sera touché en live, lorsque le pauvre Deris s’égosillera sur les titres de l’époque Kiske pour un résultat totalement pathétique.
Ce qui a incité Weikath a effectué ce choix à mon sens calamiteux est la dimension personnelle : Deris était un ami de longue date du guitariste et par ailleurs un grand amateur d’Helloween. De facto, Deris ne remettra jamais en cause le leadership de Weikath et se montrera très dévoué envers le groupe et les fans. Cela changeait du comportement égocentrique à l’époque de Michael Kiske.
L’album du réveil et d’une nouvelle ère
Malgré ces réserves, l’album sera pourtant très bien accueilli par les fans et Deris finalement accepté par une majorité d’entre eux. Pourquoi ? Car il retrouvait d’une certaine manière l’orientation des deux Keepers Of The Seven Keys. Le titre du disque lui-même est une évocation d’un imaginaire d’heroic fantasy justifié par une longue introduction écrite dans le livret, narrant les aventures du Gardien des clés faisant de lui le « Maître des anneaux ». Pour marquer encore plus la continuité, le disque s’ouvre sur une introduction symphonico-synthétique, « Irritation », clin d’œil aux « Initiation » et « Invitation » de jadis. La vitesse est très vite enclenchée avec les très bons « Sole Survivor » et « Where The Rain Grows ». La guitare de Weikath rugit de nouveau et la double grosse caisse de Kusch affolera les sens des amateurs de speed mélodique. La très bonne production de Tommy Hansen retranscrit parfaitement cette réorientation musicale. La prestation de Deris n’est pas mauvaise sur ces titres bien que le bonhomme soit assez sous-mixé et qu’il manque totalement de génie. Dans tous les cas, le retour aux racines musicales est patent ici et c’est ce qui comblera les fans du groupe
Tout n’est pourtant pas rose sur ce Master of Rings, ce qui fait qu’au final, le disque n’est qu’« honnête ». D’abord car certains titres sont franchement dignes de la face B de single : l’inepte « The Game Is On » et ses sonorités de jeu vidéos ou la sirupeuse « In The Middle Of A Heartbeat » sont à classer ainsi. On trouve par ailleurs des titres pas forcément mauvais mais renvoyant plus à l’univers de Pink Cream 69 qu’à celui d’Helloween : le mélodique « Why ? » à l’excellent refrain ou « Perfect Gentleman ». De la même manière, « Take Me Home » aurait plutôt eu sa place sur un disque de Van Halen. On remarquera au passage que Deris est fort à l’aise dans ce registre. On déplorera surtout que le retour au heavy ne soit pas allé de pair avec un retour à un souffle plus épique : il n’y a bien ici que « Mr Ego » qui dépasse les sept minutes. La chanson est assez bonne mais l’attaque contre Kiske à laquelle elle donne lieu n’est pas du meilleur esprit. L’esprit « happy metal » ne souffle donc pas partout.
Plus donc ce que ses qualités intrinsèques (réelles mais mesurées), ce Master Of The Ring est le disque du réveil musical. C’est aussi et surtout un disque qui ouvre une nouvelle époque pour Helloween. Car Andi Deris n’est pas resté qu’un simple remplaçant : composant de plus en plus et s’impliquant fortement dans la vie du groupe, il a, volontairement ou non, changé l’identité du groupe. La musique d’Helloween s’est musclée dans cette nouvelle ère, de telle sorte que l’on parle de plus en plus souvent de « Power Metal » pour la qualifier. Il s’agissait sans doute d’une nécessité tant la voix éraillée de Deris ne correspond pas du tout au propos musical de l’époque des Keepers. Mais, personnellement, je regrette franchement ce tournant, car Helloween est devenu bien plus banal.
Le disque est aussi significatif sur un autre point : ce sera le dernier disque sur lequel Weikath est le principal compositeur. Weikath jouera dorénavant le rôle de « roi fainéant » : « roi » car il reste bien le leader en dernier recours, mais « fainéant » car ne proposant que trois ou quatre compositions par opus. Le rôle de principal compositeur va vite échoir à Andi Deris. Même si ce dernier est loin d’être incompétent sur ce point, il est quand même loin d’être aussi brillant que Weikath, lorsque ce dernier se mobilise réellement. D’où aussi une qualité globale des productions du groupe qui fleurera dorénavant le métal de « série B ». De la bonne « série B » mais de la « série B » quand même.
Baptiste (6,5/10)
Castle Communication (réédition Sancturay) / 1994
Tracklist (50:29) : 1. Irritation 2. Sole Survivor 3. Where the Rain Grows4. Why ? 5. Mr. Ego (Take Me Down) 6. Perfect Gentleman 7. The Game Is On 8. Secret Alibi 9. Take Me Home 10. In The Middle Of The Heartbeat 11. Still We Go
2 comments
Commentaire by Oshyrya on 20/12/2012 at 21:20
Une excellente chronique dont je ne partage pas l’avis. Pour moi c’est le début de l’HELLOWEEN que j’aime. Bien sûr Keeper II est sympa mais j’ai vraiment adhéré avec cet album. Le suivant Time of the Oath est monstrueux, un vrai bijoux.
Master of the Rings est le début d’une période magique pour le groupe avec 3 albums excellents à suivre. Le renvoi de Kusch et Grapow signera la fin de cette ère bénie. Depuis le groupe maintient le navire à flot, c’est sympa mais la magie a disparu…
Commentaire by Baptiste on 23/12/2012 at 1:43
Merci pour les compliments qui me tiennent d’autant plus chaud au cœur que tu n’es pas d’accord avec moi.
Je pense que c’est la différence générationnelle qui explique nos divergences. Je remarque juste avec perfidie qu’en concert les fans réclament surtout à cor et à cri des morceaux de l’époque Kiske.
J’attends de lire ta chronique de Time Of The Oath.