Peste Noire artworkRetiré dans la France profonde, loin de l’a-civilisation, Famine continue de vivre de chasse à la pizza surgelée, de bières et de ses productions. Dans le trou noir du terroir il se livre à une résistance acharnée, tambour, trompette et vielle à roue. Zouzou son chat chasse le mulot tandis que le maître chasse le mulâtre; et avec eux hurle Satan.

Grâce à ce background alléchant, la création d'un nouvel album s'annonçait sous les meilleurs auspices. Mort de Faim le mal nommé, tête pensante de la Peste Noire, a vu les choses en grand. Belle édition bleu et or pour les nANTIs, ou simple pock-it – qui n'est pas sans rappeler Joy Division, pour les, hum… les autres.
L'écrin au format digibook est de toute beauté, malgré de nombreux problèmes avec les légions de l'Est chargées de la confection. Ca devient une habitude, on retrouve Valnoir pour ce qui est du graphisme. Il livre ici un travail finement cisaillé et plein de cohérence.

Après l'excellent Ordure à L'Etat Pur qui (par)achevait la destruction de la lourde humanité, Peste Noire est une synthèse. Il se présente donc comme un condensé des précédentes réalisations du KPN. En presque 13 ans de carrière, beaucoup de pistes ont été exploitées, excavées à la sueur du front (national). Des années dorées de perpétuel renouvellement du métal noir. Pas de babillage – les partouzes de vanité, on les laisse à la capitale. Distiller tout ce temps dans un cocktail nécessairement molotov est un pari osé. Trop peut être. Ici la Peste donne dans un certain jaspinage: une fois n'est pas coutume, l'étonnement est tué par une outrance pas totalement maîtrisée. Le souci du maintien et du sublime est écorné par un accès de rage vindicative assez brouillon. C'est la tournée du tisonnier. Notre génie est usé.

L'introduction de l'album est un pot-pourri de discours issus des heures les plus sombres de notre histoire™. L'intervention de Clémenti est légèrement censurée, mais l'ambiance est posée: dissonance et swing de rigueur. Sur ce point aucun doute, le groupe est plus en verve que jamais. Ça fait une décennie que ça dure, certain vont trouver le moyen d'être choqués. Qu'ils soient heureux, c'est une sorte de virginité renouvelable.
Puis la croisade commence vraiment avec "Démonarque". Le roi Anarque rassemble ses troupes. Ses riffs appuyés par l'accordéon et la vielle sonnent plus punk que jamais. L'occasion aussi de retrouver un production aux couleurs plus locales. Tout les aspects de l'enregistrement et du mixage ont été réalisés en interne, pour un résultat final très satisfaisant. Ce bal populaire est aussi l'occasion de remarquer le recours à des gimmick peu heureux. Répétitifs et mal assurés, ces petits riens font office de liposuccion pour un roi lion. Le talent de Famine semble avoir été absorbé, quelque part, entre facilité et abus systématiques. L'album est véritablement dégressif, il commence en fanfare et s’essouffle après "Niquez vos villes". Les interventions d'Audrey, par exemple, tournent à la routine tant elles sont nombreuses. Elles ont le mérites de rester en tête, mais clairement gagneraient à être plus rares.

Mais tout n'est pas si noir, pardon, si sombre. "La bêche et l'épée contre l'usurier" en est le parfait exemple. Sa construction hystérique ponctuée de passages plus lyriques est une réussite. Elle rassemble tout ce qui fait la grandeur de Peste Noire sous une bannière de soufre. Les riffs corrosifs portent la marquent de fabrique du KPN qui officie maintenant à la Chaise-Diabl…Dieu. Famine a dorénavant un style reconnaissable entre mille. Il exploite une grande variété de genres. Son jeu plein d'amplitude est admirablement servi par Ardra Os (de Sühnopfer) à la batterie. Il livre des blast monstrueux qui remplissent parfaitement leur office, même si le son est un peu trop étouffé, à cause sans doute d'un enregistrement réalisé avec de simples micros d'ambiance. L'expansion de la rage se poursuit sur "Niquez vos villes" – l'hymne périurbain entre Punk et Hip Hop sale, digne d'un Diapsiterroir mal léché. Crème du BM au fin fond des sous-bois. C'est un savoir-défaire artisanal qui se caractérise par les premiers passages rappés de MC Fafa. La justesse n'est pas toujours aux rendez-vous, mais comme disait Céline, "il est saoul le mec, alors ça n'a aucune importance, il la fait comme il peut voilà l'histoire". L'objectif est de faire chier, toujours plus et c'est réussi. Le wagon à glaviot déborde littéralement.

On retrouve une certaine horizontalité avec la suite de l'album. Frère Famine pousse des cris diaboliques, il se voit persécuté par un carnaval de monstres… Il déconnait à pleine bourre quoi. Jusqu'à ce que "La Blonde" fasse irruption. Là il monte carrément sur son grand déconnogogue, arbalète à la main à lyriser sur la bière. Le résultat a le mérite de ne ressembler en rien à lie musicale qu'est Korpiklaani. Un petit coté Oi! se fait même sentir, mais Audrey, définitivement, tu n'es pas encore prête pour la pop. Une fois le delirium tremens achevé, on s'en retourne à la poésie médiévale. Une dernière fois. "Moins trente degrés celsius" clôt cette danse macabre. Un fin presque anecdotique comparée à La Condi Hu, mais qui n'est pas sans charme.

Ymishima (6,5/10)

Site internet

La Mesnie Herlequin/2013

Tracklist (46:06) 1. Le retour de la peste 2. Démonarque 3. La bêche et l'épée contre l'usurier 4. Niquez vos villes 5. Le clebs noir de Pontgibaud 6. Ode 7. La Blonde 8. Moins trente degrés celsius