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1. En premier lieu, que signifie le titre de l'album à tes yeux? (NDLR : "feberdrömmar i vaket tillstånd" se traduirait à peu près par "rêves éveillés fébriles".)

Je trouve que le titre résume assez bien le contenu.

 

2. Au fil des années, tu as hérité d'une réputation de "control freak" en ce qui concerne ton groupe. Qu'est-ce qui t'a donné envie de renoncer à ton omnipotence notoire et de sous-traiter le chant?

L'idée était de combiner notre croisade, toujours en cours, pour reconquérir ce qui nous revient de droit, et un vieux projet de ré-enregistrement de "Within Deep Dark Chambers", interprété à leur manière par six chanteurs différents plutôt qu'entièrement re-chanté par moi. On ne voulait pas rééditer les démos illicites dans leur forme initiale, soit deux guitares et une boîte à rythme ; on a préféré, en quelque sorte, les finir et les améliorer. Enfin, j'ai eu recours aux autres chanteurs pour pimenter un peu l'ensemble.

 

3. Je me souviens que tu disais, à peu près à l'époque de la sortie de Född Förlorare, que tu serais prêt à laisser tomber les comportements extrêmes sur scène, la scarification par exemple, si ça pouvait te permettre de t'adresser à plus de monde. Ces derniers temps, il semblerait que Shining s'approprie certains codes de la culture mainstream, comme les photos très "éditorial de mode" sur Shining Legions, un hoodie rose vif, ou l'intro ghetto de Famine sur "Terre des Anonymes"… Est-ce le reflet d'un désir sincère d'attirer un public plus large, ou un commentaire sur cette culture, qu'on pourrait croire diamétralement opposée à celle de Shining   ?

Dans la mesure où rien de ce qui se passe sur scène n'a jamais été planifié et où d'innombrables rumeurs nous ont mis au pied du mur, au point qu'organiser des dates devenait difficile, il fallait que je m'exprime publiquement à ce sujet. Au fil des années, sans doute que les concerts ont un peu évolué, mais jamais parce qu'on nous l'a demandé. À plusieurs reprises, sur place, j'ai dû signer un contrat pour promettre que je n'irais pas "trop loin", mais ça arrive assez rarement de toute façon. Bien entendu, Shining a toujours fait le maximum pour s'adresser à un public plus large, et il semblerait qu'on ait plutôt réussi, ce qui nous a permis d'avoir beaucoup plus de contrôle sur le merch grâce au webshop. Mais je ne trouve pas incongru de proposer autre chose que des t-shirts noirs à imprimés blancs, parce qu'il y a de toute évidence une demande pour des produits différents ; il se trouve que l'équipe de Shining Legions se fout de ce que peuvent penser les gens et n'a pas peur de tenter des choses nouvelles. Qui plus est, personnellement, je n'ai jamais accordé d'importance aux règles imposées par autrui, ni à ce que des abrutis peuvent considérer comme une faute de goût. En tant qu'artiste et en tant qu'individu, je fais ce que je veux, et je me branle royalement de ce que ça plaise ou non.

 

4. Peut-on espérer un nouvel album bientôt   ? Après la quintessence que constitue Redefining Darkness, est-ce que tu as des idées pour le renouvellement de Shining   ?

Le neuvième album est en cours d'écriture, et comme à chaque fois, quelle que soit la direction que je décide de prendre avec les nouveaux morceaux, certains risquent de bloquer un peu. Mais il va toujours de soi que ce sera une expédition éprouvante et torturée.

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5. Tu te déclares sataniste théiste, et l'esthétique Shining est empreinte d'imagerie religieuse (les paroles de "For the God Below", le t-shirt Maria…). Y a-t-il un processus mystique dans ta musique   ?

Je ne souhaite pas en discuter avec qui que ce soit en dehors de mes proches. Mais bien entendu, il y a toujours un élément plus profond, voire mystique, derrière tout art véritable.

 

6. La nouvelle version de "Through Corridors of Oppression" ressemble étrangement à celle que l'on connaissait déjà. Une explication des différences subtiles qui pourraient échapper à la première écoute?

Ah, c'est parce que c'est la version originale. On avait à la base prévu d'intégrer une autre démo du bootleg, mais celui qui était censé la chanter est décédé  ; comme la chanson en question, quelque part, lui appartenait, on a préféré la laisser de côté et utiliser cette face B plutôt méconnue comme générique de fin de "l'album".

 

7. On a parlé de ton implication dans quasiment toutes les étapes du processus de création. Malgré tout, tu délègues le design de l'artwork et co-réalise tes clips, et sur 8 1/2, certains chanteurs ont eu l'opportunité d'adapter les paroles dans la langue de leur choix. Si, dans le contexte de Shining, tu pouvais travailler avec n'importe quel artiste, vivant ou mort, qui choisirais-tu   ?

David Lynch et Klaus Kinski.

 

8. Ton recueil de paroles en est à son deuxième pressage, et tu as ta propre chronique dans Metallian. Ces expériences te donnent-elles envie de te consacrer plus à l'écriture et peut-être, à long terme, de publier un autre livre?

Oui, le deuxième pressage de "When Prozac No Longer Helps" est sorti hier et je viens d'envoyer ma cinquième chronique à l'équipe de Metallian. J'écris depuis toujours, mais c'est seulement récemment que je me suis intéressé à la publication. Vous savez, il y a beaucoup de choses que les vrais journalistes ne peuvent pas traiter dans leurs articles, parce que ça pourrait leur faire perdre des partenariats commerciaux, ce genre de chose. Et, comme j'ai pu le constater récemment, beaucoup ont suffisamment peur d'être marginalisés pour tordre le cou à leurs valeurs et à la vérité objective. Moi, au contraire, j'ai toujours plus ou moins été un mouton noir, et ça ne m'a d'ailleurs jamais incommodé, alors j'utilise ma chronique pour aborder ce que d'autres osent à peine mentionner, et tout ça, bien entendu, m'a donné l'envie et le besoin de continuer. J'alterne, à ce jour, entre trois projets de livres. Cela dit, deux sont très éloignés de tout ce que j'ai dont j'ai pu traiter jusqu'à présent. Je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment, mais je pense qu'au moins un d'entre eux verra le jour dans un futur pas si lointain.

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9. Tu as déclaré souffrir de trouble bipolaire et de schizophrénie, pour lesquels tu subissais un traitement très lourd à une époque  ; pourtant, si tu n'en étais pas atteint, Shining n'existerait probablement pas tel qu'on le connaît, intense et unique. Si demain, on te donnait l'opportunité d'être complètement débarrassé des deux et d'avoir un esprit au fonctionnement lambda, tu accepterais, ou tu préfèrerais garder la créativité qui va de pair avec ce genre de souffrance   ?

Dans la mesure où ces maladies m'ont compliqué l'existence au point de menacer ma carrière et ma vie à d'innombrables reprises, c'est une question très difficile. Personne, à moins d'être dans la même situation, ne peut envisager de toucher du doigt à quel point c'est dur de faire fonctionner les choses sous l'emprise d'un démon. Dans un sens, oui, tout serait beaucoup plus simple si j'étais "sain d'esprit", mais d'un autre côté, rien qui ne vaille la peine n'est jamais simple. Je considère sérieusement ce trouble comme un don, bien que ce soit aussi une malédiction, un don dont j'ai été doté pour accomplir mon destin. Tant que les répercussions ne mettent pas ma vie/mon travail en danger, j'essaie de voir au-delà de l'anxiété, des hallucinations et des accès d'humeur.

 

10. Après ta compilation Fifteen Years of Absolute Darkness, voilà que Shining a son propre album-rétrospective. Le moment semble bien choisi pour te demander quel regard tu portes sur ta carrière aujourd'hui.

Dix-sept ans de lutte constante et de déceptions, ça a beau paraître amer, c'est la vérité. Mais c'est l'adversité qui nourrit l'innovation et la motivation et me permet de rester sur le droit chemin.

 

11. Le credo officiel de Shining a toujours été de pousser ses auditeurs au suicide – et pourtant, voilà plusieurs années que tu sors des EP et des albums régulièrement, et tu te consacres à de nombreux projets à venir. Pour toi, personnellement, qu'est-ce qui continue de faire pencher la balance en faveur de la création plutôt que de l'(auto)annihilation   ?

Je pense avoir déjà répondu à cette question.

 

12. Un dernier mot – une citation profonde, un bon épitaphe, quoi que ce soit   ?

Nous serons en tournée pour la première fois depuis trois ans en novembre/décembre et il y aura au moins trois dates dans votre pays. Rendez-vous pour une nuit d'obscurité impénétrable et de malentendus inévitables. Que fleurisse l'auto-destruction.

 

And now, for english readers:

 

1. First of all, what does the title of the album mean to you? (Note : “Feberdrömmar i vaket tillstånd” approximately translates to “feverish waking dreams”.)

I believe the title gives a pretty accurate description of the content.

 

2. Over the years, you have earned the reputation of being a control freak when it comes to your band. What made you want to renounce your infamous omnipotency and outsource the vocals?

It is actually a combination of our ongoing war in reclaiming what is rightfully ours and the old idea of re-recording “Within Deep Dark Chambers” with six different vocalists doing their own interpretations of the songs instead of me singing them all over again. We didn’t want to re-release the already bootlegged demos in their original form as they consisted of merely two guitars and a drum-machine, so instead finished and improved the recordings one could say. Then I used the other vocalists to spice things up a bit.

 

3. I remembering you saying, around the time when Född Förlorare came out, that you wouldn't mind giving up your extreme stage antics, such as the cutting, if it allowed you to reach out to a wider audience. Lately, it seems Shining has been appropriating certain codes of mainstream culture, like the fashion-editorial-style pictures on Shining Legions, a bright pink hoodie, or Famine's ghetto take on the intro of Terre des Anonymes… Does this reflect an actual will to address a larger audience, or is it a commentary on this culture, which one would think worlds apart with Shining ?

As nothing we have ever done on stage has been planned beforehand and countless rumors have had us backed into a corner where getting gigs in the end was proving difficult something needed to be said in the media. However, as the years have passed, the shows might have changed a bit, nevertheless, not because we have been told so. There have been several occasions when I have had to sign a contract at the venue promising to not take things “too far”, but that is something that rarely happens anyway. Shining has always strived for a bigger audience of course, and we have also seemingly achieved that too, and therefore also taken a much tighter grip on the merchandise via our own web-shop. But I don’t really consider printing other types of merchandise than a simple black shirt with white print as something odd, as there is certainly a demand for something different out there, and our people at Shining Legions just happen not to care what people might say and are therefore happy to try out different things. Also, I have never personally cared about rules set by other people or not doing what I want because some idiots consider it wrong. As an artist, and as an individual, I do what I want and couldn’t give a slightest fuck about whether people like it or not.

 

4. Can we expect a new full-lenght release soon? After the quintessential achievement that was Redefining Darkness, do you have ideas as to how Shining will renew itself?

The ninth album is being written as we speak and as usual some might do a double take because of whatever direction I choose to take with the new songs. But needless to say, it will be a terrible and angst-ridden ride indeed.

 

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5. You refer to yourself as a theistic satanist, and the Shining aesthetic has its share of religious imagery (the lyrics to For the God Below, the Maria shirt…) Is there a mystical process behind your music?

I have no interest in sharing this with anyone outside my personal sphere. But of course there is always a deeper and even mystical input behind any true art.

 

6. The new version of Through Corridors of Oppression sounds eerily similar to the one we already knew. Could you elaborate on some subtle differences that might remain unnoticed at first listen ?

Ah, that’s because it is the original version. There was another demo-track on the bootleg which we were going to include originally but the vocalist who was meant to sing that song died and therefore, as the song in a strange way belonged to him, we chose not to include it and instead have the rather obscure B-side used as ending credits on the “album”.

 

7. We have mentioned your involvement in next to every aspect of the creative process. Nevertheless, you delegate the design of the artwork and share the direction of your music videos, and on 8 1/2; , some of the singers were given the opportunity to rewrite the lyrics in their own language. If you could work, in the context of Shining, with any non-musician artist, dead or alive, who would you choose ?

David Lynch and Klaus Kinski.

 

8. Your lyric book is now in its second printing, and you have your own column in Metallian. Do these experiences make you want to get more involved in writing, and perhaps, in time, publish another book?

Yes, the second pressing of “When Prozac No Longer Helps” was released yesterday and I just sent the Metallian people the fifth part of my column. I have always been writing but it isn’t really until now I have felt an interest in publishing my work. See, there are many things regular reporters aren’t able to talk about in their publications because of by doing so they could lose their advertising partners and so on. And as I’ve come to notice lately many fear being outcasts even though it would mean bending their ideals and the ultimate truth. I on the other hand have always been somewhat of a black sheep and certainly have no problem with being one either so my column talks about these things the others won’t dare get close to, and of course the whole thing hase given me the taste and need for more. There are now three other book projects that I am working on back and forth. Although two of them are far away from any field I have previously covered. Cannot reveal much more at this very moment but I believe at least one of them will be published in the not too distant future.

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9. You have stated suffering from bipolar personality disorder and schizophrenia, for which you were heavily medicated at some point ; however, without these disorders, there probably wouldn't be any Shining as we know it now, intense and unique. If tomorrow, you were given the opportunity of being completely rid of both, and having an average-functioning mind, would you seize it, or would you rather keep the creativity that goes hand in hand with that kind of suffering ?

As the diseases have complicated my life to such an extent that my career and life have been at risk on countless occasions, it is a very tough question to answer. There is no one who isn’t in the same situation that could possibly even begin to understand just how hard it can be to get things working when the demon takes over. In a way, yes, things would be far easier perhaps if I was "sane" but then again nothing that is worth doing is ever easy. I firmly believe this condition is more of a gift whilst at the same time a curse I have been given to fulfill my destiny. As long as the consequences don’t put my life-work at risk I try to see past the anxiety, hallucinations and temper.

 

10. After your own "Fifteen Years of Absolute Darkness" compilation, Shining now has its own retrospective album. Sounds like a good time to ask you how you look back on your career today.

It has been 17 years of endless struggle and disappointments, it sounds bitter yes, but that’s the truth. However, it is the enemy that fuels innovation and keeps me determined and on the right path.

 

11. Shining's official credo has always been to drive its listeners to suicide – and yet, you've been releasing Eps and albums consistently for the past decade and are involved in various projects for the future. For you, personally, what keeps tipping the scale in favour of creation rather than (self-)annihilation?

I believe I have already answered this question.

 

12. Any last words – insightful quote, ideal epitaph or other?

We are heading out on tour for the first time in 3 years now in November/December and will have at least three stops in your country. Be sure to attend for a night of impenetrable darkness and unavoidable misunderstandings. Let the self-destruction blossom!

 

Questions et traduction: Victoria C. Chakal & Ymishima
Photos par Fabiola Santini

 

Chronique de 8 1⁄2 Feberdrömmar I Vaket Tillstånd
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