Entretien par e-mail avec Erkka Korhonen, guitariste d’Urban tale

 

Tout d’abord, peux-tu nous retracer les grands traits de l’histoire d’Urban tale jusqu’à ce jour ?

Il nous a fallu du temps pour réunir le groupe. C’était pourtant une chose dont nous parlions avec Timo (notre claviériste) depuis le printemps 1996. Nous avons essayé de mettre sur pied quelque chose d’original à la fin 1997, mais cela ne déboucha sur rien jusqu’à ce que j’eusse l’idée du Tribute à Journey. C’était au printemps 1998. Nous décidâmes de le lancer et on peut dire ce fut une grande réussite. Aussitôt après nous, nous nous sommes posé la question de la composition d’un matériel original, et nos premières chansons virent le jour au début 1999.

Tout d’abord nous pensions chanter notre musique en finlandais, pour le marché local en quelque sorte. Le groupe fut donc nommé « Tarina », ce qui signifie « conte » en finlandais. Puis nous avons opté pour l’anglais, et avons changé le nom en « Tale ». Mais malheureusement un groupe de progressif en Angleterre s’appelait déjà « Tale », donc un changement s’avéra nécessaire. Un ami mutuel nous suggéra d’ajouter « urban » comme adjectif devant « Tale », puisque nous étions tous des « rats des villes », pour ainsi dire. Non seulement cela sonnait bien à l’oreille, mais en plus revêtait une signification intéressante. Après tout notre histoire prenait bien la forme d’un « Urban tale » !

En 2000, nous réalisâmes un single promo, auto-financé, « One day (I’ll Make You Mine) », que nous avons aussitôt envoyé un peu partout, et nous avons été ainsi contacté par plusieurs maisons de disques. Finalement, en septembre 2000, nous avons décidé d’accepter la proposition d’une maison suédoise nommée Roasting House. Leurs productions sonnaient bien et se révélaient diversifiées. En Novembre, nous entrions dans leur studio et commencions à enregistrer notre premier album éponyme.

Notre album fut enfin distribué après une attente assez frustrante de 7 mois, en Europe par Frontiers Records et au Japon et en Corée par Marquee Avalon. Aussitôt nous eûmes de très bonnes revues de presse dans les magazines et sur les sites web de rock. La sortie fut célébrée par une soirée à Helsinki –  la ville dont le groupe est originaire –, après laquelle nous nous sommes parti en Roumanie, pour le Golden Stag Festival, où nous avons gagné le prix pour la prestation rock. Puis nous avons joué en 2001 à Wigan, en Angleterre, au Gods festival, où notre CD devint la meilleure vente au niveau du merchandizing de tout le festival.

Nous avons continué à tourner dans notre propre pays, jouant dans des clubs ou dans des soirées privées. L’été 2002, a vu par contre notre premier passage en Espagne, où nous avons effectué deux shows pour un public totalement nouveau au festival Nemelrock de Madrid.

Le commencement de l’année 2001 avait été une période noire pour nous puisque c’est à ce moment que j’ai contracté une blessure au niveau du nerf de mon bras gauche. Heureusement, le dommage n’était pas définitif et j’ai commencé, lentement, à regagner mes capacités de jeu. Finalement, mon bras a été opéré par chirurgie en juin dernier et l’opération a été un succès à 100 %. Quelques deux mois après l’opération, nous enregistrions Sign Of Times aux Roasting House Studios, en pouvant nous donner complètement.

Vous êtes le premier groupe de rock mélodique finlandais d’envergure. Cela s’expliquerait-il par la rareté du public en Finlande ? Cherchez-vous avant tout un succès dans des pays plus « méridionaux » ?

Nous sommes vraiment le seul groupe à jouer ce type de musique en Finlande, mais je pense toutefois qu’il y a un public pour le rock mélodique en Finlande. Bien sûr, un succès international nous satisferait largement, mais je crois qu’avec une promotion bien effectuée, nous avons une chance de parfaitement percer dans notre propre pays. Avec les concerts de reprises que nous avons effectués, nous avons pu constater qu’il y avait des gens qui se souvenaient très bien des grands hits de AOR des années 80 et à chaque fois cela a été un grand plaisir – réciproque –, de faire revivre ces morceaux.

À l’écoute attentive de votre album, je ne juge pas l’influence de Journey si présente, sauf peut-être sur certaines parties solo, notamment sur « Still Strong ». Peux-tu d’expliquer sur la manière par laquelle cette influence peut se manifester dans votre musique, et tout particulièrement dans ton jeu de guitare ?

Je pense que maintenant, à la différence de notre premier album, l’influence de Journey est beaucoup plus latente que patente et c’est clairement mieux ainsi. Cela peut ainsi prendre la forme d’une réelle influence et pas d’un banal décalque. Nous conservons toujours des grilles et des enchaînements d’accords qui ont des résonances « très classiques », mais nous tentons de nous inscrire de plain-pied dans le XXIe siècle tant au niveau du son qu’avec des rythmes plus novateurs.

Sur la question des parties guitare solo ou mélodiques, les réminiscences de Journey et tout spécialement de Neal Schon sont plus nettes. Je pense qu’une des qualités de ce Schon a toujours le sens de la mélodie que chacun peut chanter. Et c’est un des objectifs que devrait conserver tout improvisateur et en fait toute intervention guitaristique.

Oui, en t’écoutant, j’ai le sentiment que tu cherches la mélodie et, par-dessus tout, la place juste pour une partie solo dans chaque morceau. Ne serait-ce pas là le vrai apport de Neal Schon à ton style ?

Manifestement, l’écoute de Neal et le travail sur ses plans et ses parties m’ont beaucoup apporté. Mais mes autres influences ne sont pas pour rien non plus. Je peux te citer Blackmore, Eric Johnson, Brett Garsed ou Steve Morse. En fait, je conçois le jeu de guitare comme une conversation. On ne peut pas crier à la face des gens en permanence et il faut bien aussi écouter ce que les autres personnes ont à dire. Dans ce dialogue, chaque « phrase » prononcée doit avoir sa signification et ne doit pas se borner à prendre la forme d’un assemblage de mots…

Une des qualités de l’album est sa variété : son ouverture contient surtout des titres typiquement AOR comme « Starship of Giants » ou « Son of a Gun » puis il se diversifie. On peut même trouver un titre quasiment « alternatif » dans ses sonorités comme « Monsters ». S’agit-il d’un choix ?

En fait il nous a semblé plutôt naturel d’élargir et de diversifier les sonorités du groupe, et nous nous sommes volontairement laissé entraîner dans cette direction. Car, nous sommes influencés par toutes sortes de styles. « Monsters » a débuté comme une expérimentation faite par Timo, que nous avons décidé d’élargir avec tout le groupe. Voilà notre démarche.

Je suis très content de ce choix et de cette direction, car l’album y prend un intérêt supplémentaire et gagne en variété, au détriment de la monotonie. On parle souvent de la nécessité de faire avancer le rock mélodique dans d’autres directions, et c’est ce que nous faisons. Nous savons parfaitement que cela créer des opinions contrastées, contre ou pour nous, mais c’est en fait une bonne chose.

D’où le souhait de refuser la plupart des gimmicks propres à l’AOR, tout particulièrement quant aux lyrics. Les deux ballades mises de côtés, il n’y a pas vraiment de « love songs » sur Sign of times. Il y aurait là le choix de donner une connotation plus sérieuse à votre musique, en évitant cette légèreté spécifique aux années 80’ ?

Tu as vu juste à propos des paroles et plus généralement de notre attitude par rapport aux gimmicks propres au genre. Kimmo a fait de gros progrès au niveau des lyrics : les thèmes se sont recentrés sur des choses beaucoup plus sérieuses. Notre premier album décrivait surtout des histoires de couple et regorgeait de chansons d’amour, mais celui-ci s’est tourné vers d’autres sujets : on y aborde les questions de guerre, de religion, les formes de dépits voir de déchirures qui peuvent traverser la vie des gens et des sociétés. Ce n’est plus vraiment notre truc de chanter la fête et l’amour hédoniste et physique à tout bout de champ !

Quel sont vos projets succédant à la sortie de Sign Of Times ? Vous programmez la sortie d’un single, une tournée ?

Il est très vraisemblable que nous sortions un morceau en single pour les radios finlandaises. Nous envisageons également une tournée avec d’autres artistes de rock mélodique. Si les choses vont comme nous le souhaitons, nous devrions tourner durant plusieurs semaines ce qui serait une grande satisfaction. Nous finirions peut-être notre tournée par une apparition au festival annuel des Gods. Ce serait un beau point d’orgue ! 

Entretien mené par Baptiste