Si Keeper Of The Seven Keys Part I est assurément le chef d'œuvre de Helloween, sa suite, Keeper Of The Seven Keys Part II, correspond à son pic de popularité et à son plus grand succès commercial. Grâce notamment à deux singies imparables, « Dr Stein » et « I Want Out », le  disque se vendit à plus d'1 700 000 exemplaires et donna lieu à une tournée triomphale dont le point d'orgue fut une apparition aux Monsters of Rock de Donington. Beaucoup prédisaient alors à Helloween la stature d'un Iron Maiden ou d'un Judas Priest. Bien mal leur en a pris car l'on sait que la Roche tarpéienne est toujours proche du Capitole : à la fin de cette tournée Kai Hansen quitta le groupe et Helloween fut fauché en pleine gloire, le groupe connaissant un déclin brutal dont il ne s'est jamais vraiment totalement remis. Quoiqu'il en soit Keeper Of The Seven Keys Part II reste l'album préféré des fans et la plupart de ses chansons des classiques des concerts. 

Le chef d'œuvre de Michael Weikath

Outre être l'album le plus vendu et le plus vendeur de Helloween, Keeper Of The Seven Keys Part II est aussi l'album de l'effacement de Kai Hansen qui ne signe que deux titres ici (trois si on inclut le bonus track présent systématiquement sur tous les pressages CD, « Save Us »). C'est son comparse et semi-rival, Michael Weikath qui se taille la part du lion, intrégrant cinq titres de son cru. Et en tenant compte de la durée des compositions, on réalise encore mieux l'apport de Weikath puisque ce dernier a écrit les treize minutes de la monumentale « Keeper Of The Seven Keys », suite du fameux morceau « Halloween » et dernier épisode de la sage du Gardien des sept clés. En intégrant deux de ses compositions (« You Always Walk Alone » et le beau mi-tempo « We Got The Right »), Kiske commençait à occuper une place de plus en plus importante dans le processus créatif du groupe. Mais heureusement pour cette album, il n'est pas aux commandes. 

Si Keeper of The Seven Keys devait être un double album à l'origine, le refus du label et les défauts des compositions proposées par Weikath l'ont définitivement scindé en deux parties, voire en fait en deux disques. La première partie, plus courte et homogène, est avant tout l'œuvre de Kai Hansen, alors que ce Keeper Of The Seven Keys Part II comprend de manière dominante les chansons de Weikath qui n'étaient restées qu'à l'état de démo. De facto, les deux parties diffèrent sur de nombreux points. La partie II est nettement plus longue : avec 54 minutes de musique contre les 37 de la première partie, Helloween propose beaucoup plus de choses aux fans cette fois. La contre-partie en est que la qualité est moins systématique.

Quelques signes d'inconstance

Alors que de bout en bout, Keeper Of The Seven Keys Part I, ne connaissait aucun fléchissement, ici l'inspiration varie quelque peu. Voyez : après un brulôt de speed mélodique aussi majestueux que « Eagle Fly Free » au refrain légendaire, l'auditeur découvre une bonne composition de Michael Kiske, « You Always Walk Alone », mais déjà en deçà du titre précédent. Il tombera de haut sur le fort pénible « Rise And Fall » et son refrain tartignole, dans un style « happy metal » puéril. Et l'on pourrait continuer… « Dr Stein » dans un genre assez similaire mais mieux composé raccroche l'auditeur qui lui trouvera toutefois une certaine incohérence dans la structure, puisque à un refrain guilleret succède une embardée speed, certes de qualité, mais un peu incongrue. « We Got The Right » fait quelque peu retomber l'attention malgré les qualités du chant de Kiske qui éclate à l'oreille ici. La fin du disque est bien meilleure et l'on peut se poser la question du choix de placer le sublime « March Of Time » et le single catchy « I Want Out » en septième et en huitième place. L'album se clot en majesté sur le somptueux « Keeper Of The Seven Keys », qui démontre tout le savoir de composition de Weikath, dans une alternance de moments doux, de montées en puissance et de climax majestueux à l'image du refrain inoubliable. Il est difficile de comparer la qualité de cette pièce épique au « Halloween » du disque précédent car elle se montre au final assez différente. À mon avis le niveau d'excellence est quasiment le même. Le bon titre « Save Us » n'est lui qu'un bonus track d'ailleurs mal placé, tellement sa vigueur agressive digne du premier Keeper contraste avec ce qu'on a pu entendre plus tôt sur cette deuxième partie. 

Car on remarquera aussi qu'il y a moins de cohérence stylistique ici que sur les deux disques précédents d'Helloween : comment faire voisiner les bruits d'animaux qui clôturent « Rise And Fall » avec le message plus grave de « March Of Time » ou la tonalité épique de « Keeper Of The Seven Keys » ? Je m'interroge. On remarque toutefois que globalement cette deuxième partie de la saga du Gardien des sept clés est plus apaisée que la première, le speed énervé étant de plus en plus remplacé par une orientation plus strictement heavy « classique ». La production de la paire Hansen / Newton fait beaucoup pour cela : plus claire et maîtrisée que celle du disque précédent dont Newton et Hansen étaient déjà les auteurs, elle est aussi plus « clinique ». Par ailleurs, elle met beaucoup en valeur le chant de Kiske au détriment des guitares, un peu plus en retrait et manquant légèrement de tranchant. Si la voix fabuleuse d'un Kiske toujours aussi impérial en profite, cela nuit quand même à la puissance du tout. On sait par ailleurs que Weikath préfère de beaucoup la production de la première partie et qu'il a en conséquence remixé certains des titres de Keeper… part II pour la compilation Treasure Chest. L'écoute de ces remixes, certes brouillons mais plus puissants, donne une idée de la manière dont le disque aurait pu sonner si le groupe avait totalement contrôlé la production. 

Ces réserves ne doivent pas obérer l'essentiel toutefois : Keeper Of The Seven Keys Part II est certes légèrement imparfait mais de très haute tenue. Et si on tient compte de sa durée assez longue pour l'époque, on ne peut que qualifier ce disque de « majeur », largement du niveau d'un Seventh Son of A Seventh Son ou d'un Screaming For Vengeance de qui vous savez. C'est dire !

Baptiste (9/10)

 

Noise / 1988

Tracklist (54:50) : 1. Invitation (intro) 2. Eagle Fly Free 3. You Always Walk Alone 4. Rise And Fall 5. Dr Stein 6. We Got The Night 7. March Of Time 8. I Want Out 9. Keeper Of The Seven Keys 10. Save Us