Et voilà, le Hellfest, la grand-messe du Metal en France, vient de dévoiler la majeure partie de son affiche. 159 groupes, 6 scènes, le Paradis sur Terre pour tous les chevelus qui viendront se secouer la tignasse pendant trois jours à Clisson. Il y en aura pour tous les goûts, pour les jeunes, les vieux, les brutes, les amateurs de mélodies, les grindeux végétariens…

… Mais tout ça a un prix : 180 euros. Et ce genre de tarif se généralise : Wacken Open Air, Sweden Rock, Download, Sonisphere… tous ont majoré leurs prix au fil des ans, sans pour autant voir leur public diminuer, au contraire. Et qu'on ne vienne pas me parler d'inflation, svp : si mon salaire avait suivi la même courbe ascendante que le prix des grands festivals, je serais un homme plus qu'heureux.

Tant qu'il y aura des moutons personnes prêtes à mettre la main au portefeuille pour assouvir leur soif de décibels, ces orgas ne changeront pas leur fusil d'épaule. Remarquez, vu les exigences financières parfois irréalistes des groupes, elles aussi sont coincées. Les groupes demandent plus (pas étonnant, vu que les bénéfices liés à leurs ventes de disques se cassent la gueule depuis des années, il faut bien récupérer la caillasse là où elle est), les orgas doivent rentrer dans leurs frais (et dégager un bénéfice, quand même, Ben Barbaud, c'est pas Mère Teresa) et répercutent ces cachets sur le prix des tickets, les fans doivent payer plus pour voir leurs idoles, les autres groupes s'alignent vers le haut : une belle spirale, quoi, qui fonctionne comme une bulle spéculative… 

Et parallèlement, les petites orgas composées de vrais passionnés se mettent dans le rouge pour faire jouer des groupes moins réputés. Certains finissent même par abandonner : Death Feast Open Air en 2011, Extremefest cette année, pour ne citer que ces deux festivals qui avaient pourtant su garder une échelle humaine et un tarif correct, ont mis la clé sous le paillasson. Certes, le genre est moins fédérateur, mais la tendance actuelle semble bien être celle du festival hétéroclite de masse, la quantité primant sur la qualité. Si vous avez le malheur d'avoir des goûts éclectiques, le programme du Hellfest est une source de frustration immense. Et malgré tout, vous y serez. Parce que c'est le Hellfest, et un vrai Metalleux doit aller au Hellfest.

Pour une orga comme celle du Hellfest / Graspop / Wacken, il y a une chiée de passionnés qui essaient tant bien que mal de vous proposer des groupes de qualité à des prix démocratiques, tout au long de l'année. Et les ventes sont désastreuses. La crise ? Elle a bon dos. Rendez-vous au Hellfest, pendant Iron Maiden. Mettez-vous suffisamment loin de la scène et comptez tous ceux qui filmeront des extraits du concert avec leur iPhone dernier cri. C'est Cofidis qui doit se frotter les mains. Pour mettre 180 boules + transport + bouffe + boissons + merch, on trouve toujours 60.000 personnes. Par contre, 12 EUR pour une date en province, c'est "du vol". Et plutôt que d'aider ces petites orgas, vous gardez votre budget "concerts" pour 3 jours où vous raterez la moitié des groupes que vous vouliez voir… Ne venez pas pleurer quand plus aucun groupe ne passera par chez vous. Vous aurez largement eu l'occasion de soutenir ceux qui vont au charbon. 

Faire un sold out au Hellfest n'est plus un exploit : le nom et la réputation du festival suffisent. Atteindre l'équilibre budgétaire sur une date en province un soir de semaine, voilà le véritable défi aujourd'hui. Au rythme où vont les choses, deux scénarios sont possibles : soit les grands festivals seront les seuls à survivre et un week-end de son coûtera plus cher qu'une semaine au soleil, soit ces colosses aux pieds d'argile se casseront la gueule et nous passerons du "caviar" au "toast au pâté"… à condition qu'il reste alors encore suffisamment de petites orgas pour mettre sur pied des alternatives bon marché à ces machines à sous.

Quel que soit le scénario, une chose est sûre : personne n'en sortira gagnant…