Quelle est la situation de Queensrÿche aujourd’hui ? Le bateau du groupe de Seattle vogue loin de celui de son ex-chanteur  Geoff Tate et avec ce Digital Noise AllianceQueensrÿche sort son quatrième disque sans son chanteur iconique. L’on peut dire que le groupe de Seattle a commencé à se forger une identité propre autour du trio Michael Wilton, Eddie Jackson et de Todd La Torre. Le fait que le deuxième guitatiste Parker Lundgren ait quitté le groupe pour se consacrer à d’autres activités, pour être remplacé par le déjà vu Mike Stone, ne change pas grand chose à la donne : de nos jours Queensrÿche est porté par ces trois personnes. Ont été laissés sur le chemin Chris de Garmo, Geoff Tate et, depuis peu, le batteur Scott Rockenfield sans qu’on ne puisse sérieusement envisager aujourd’hui sérieusement une reformation. Si l’on met à part le départ de Christ de Garmo, les séparations se font souvent dans la douleur avec Queensrÿche et cela a été encore le cas avec Scott Rockenfield. À ce jour les versions différentes s’affrontent et les raisons de son départ sont obscures : l’on ne sait pas s’il a été chassé – comme il le prétend – ou qu’il s’est avéré plus ou moins démissionnaire – comme le soutiennent ses ex-comparses. Mais il ne semble pas que ce fut à l’amiable.

Scott Rockenfield out

Quoiqu’il en soit, ce rétrécissement de Queensrÿche – dont les membres historiques ne sont plus en fait que deux – n’augure rien de très bon. Et ce n’est pas le remplacement de Parker Lundgren aux guitares par l’insignifiant Mike Stone qui pourrait rassurer. Ayant déjà officié dans le groupe à l’époque de la prévalence de Geoff Tate (sur Tribe ou Operation Mindcrime II) sans marquer les esprits, on peut se poser la question du choix d’un tel remplaçant qui n’apporte aucun sang neuf créatif au groupe.

Si Todd la Torre avait ponctuellement suppléé à l’absence de Scott Rockenfield, sur The Verdict, cette fois-ci il a bien fallu embaucher un batteur permanent. Et il s’agit de Casey Grillo (ex-Kamelot) qui avait déjà dépanné le groupe en tournée. Certes, c’est un batteur compétent mais infiniment plus commun que Scott Rockenfield qui apportait une touche très particulière au groupe. La richesse moindre des parties batteries sur ce Digital Noise Alliance en découle manifestement.

Une identité bien définie

Toutefois ce n’est pas là que Digital Noise Alliance pêche vraiment. Ce nouveau disque souffre globalement d’un manque de flamme évident, sans doute car il se place trop dans le sillage de ses deux bons prédécesseurs, Condition Hüman et The Verdict. Pour faire court : nous avons toutes les caractéristiques ici de la version La Torre de Queensrÿche : un métal puissant, technique voire sophistiqué et assez sombre, à l’image d’une cover art pas franchement joyeuse. Les morceaux sont soignés et travaillés, et ponctuellement bons (« Sicdeth » ou « Nocturnal Night ») et La Torre y chante très bien. Il a bel et bien réussi en fait à trouver sa voie dans le groupe sans être écrasé par la figure du grand Geoff Tate. Il atteint même à l’excellence sur « Out Of Black » qu’il dote d’un superbe refrain, pas évident au premier abord, mais assez riche pour se révéler à plusieurs écoutes. On ne peut enlever cela à ce Mark III de Queensrÿche : en partie grâce à son nouveau chanteur, le groupe s’est reconstitué une identité certes plus moderne mais ne jetant par dessus bord ce qu’il fut à l’époque de Chris de Garmo. La page de l’époque « vasouilleuse » où Tate était aux commandes est donc bien tournée.

Mais quelle réserve peut-on donc faire à ce Digital Noise Alliance ? En fait les mêmes que sur Condition Hüman ou The Verdict, mais de manière plus nette encore. Malgré de bons moments, à l’image de la classieuse ballade « Forest », Queensrÿche a perdu une immédiateté et une fraîcheur qui fait que ses chansons font bien moins mouche que jadis.  Les mélodies et les riffs sont travaillés (le progressif « Tormentum » et son break technique) mais manquent trop souvent d’accroche. Exceptés les quelques cas évoqués, il n’y a aucun à refrain mémorable ni mélodie imparable, ce qui est renforcé par une certaine noirceur qui se dégage ici. Après six-sept écoutes, le disque ne s’impose pas à l’auditeur en fait. Pour le constater, il suffit de prêter une oreille sur « Hold On » dont la maison de disque à fait un clip : le morceau est honnête mais ne décolle pas franchement. C’est ce qui fera grincer des dents en écoutant la reprise de Billy Idol en bonus track : certes, ce n’était pas l’idée du siècle mais tout de suite l’attention s’éveille du fait du caractère « tubesque » du morceau.

Il y a un temps où Queenrsÿche casait sur ses disques des « Take Hold The Flame » ou « Revolution Calling », des hymnes qu’on ne se lasse pas de réécouter trente ans plus tard. Ici, on en est loin. Mais est-ce un objectif vraiment atteignable aujourd’hui ? Au moins, le groupe ne se contente pas d’une production indigente ou de plus ou moins cachetonner à droite à gauche comme son ancien chanteur.

Baptiste (6,5/10)

 

Century Media / 2022

Tracklist : 01. In Extremis 02. Chapters 03. Lost In Sorrow 04. Sicdeth 05. Behind The Walls 06. Nocturnal Night 07. Out Of Black 08. Forest 09. Realms 10. Hold On 11. Tormentum 12. Rebel Yell (Billy Idol Cover)