Archive for octobre, 2024

« Si tu ne pouvais garder qu’un seul morceau de Cannibal Corpse, tu choisirais lequel ? »

Pour ce deuxième épisode (si vous avez manqué le premier, ça parlait de Slayer et, depuis, j’en entends certains marmonner des rumeurs selon lesquelles, je cite, je te l’avais dit qu’il avait pris trop de coups sur la tête quand il a essayé d’ouvrir sa canouche de Jupiler avec le crâne au camping du Méan 2017), je me hasarde sur la chasse gardée de notre regretté Supercastor (il est pas mort, hein, il a juste la flemme) : Cannibal Corpse.

Pour ne choisir qu’un seul morceau, il faut déjà (peut-être même SURTOUT) choisir une période, un frontman. Et ce choix pourrait être dicté, du moins en partie, par ce que sont devenus ces deux frontmen : l’un est un membre wholesome de la commu Death Metal, l’autre une source presque intarissable de mEEEEEEmes. Et pourtant, dans les faits, les premiers albums de Cannibal Corpse sont des monuments du genre, et certains de ces morceaux sont désormais incontournables en live. Vous imaginez un show de Canniboule sans « Hammer Smashed Face », vous ? Moi, non. Le monde va déjà suffisamment mal pour qu’on perde encore un de nos repères.

Pourtant, ma préférence va à Corpsegrinder.

Premièrement parce qu’en 1996, quand il a endossé le rôle de frontman du groupe, il l’a fait avec la manière. « Devoured By Vermin ». Un vagissement primal qui sonne comme l’avènement d’un nouveau monstre sacré et qui, à mes yeux, a toujours fait miroiter dans un recoin de mon esprit une envie folle : celle de voir le groupe réenregistrer ses premiers albums avec ce bon vieux George. Vous imaginez The Bleeding avec Corpsegrinder au chant et une prod’ signée Erik Rutan ? Moi, oui, régulièrement. Les jours passent, cet espoir ne disparaît pas. Comme un gosse qui espère attraper cette peluche au grappin à la foire (si t’as pas la ref’ avec George, quitte cette page maintenant ou je te règle ton compte aux auto-tamponneuses)

Mais revenons-en à notre question initiale, parce que pour arriver au titre « ultime » à mes yeux, celui que je garderais au détriment de tous les autres, il faut encore faire un bond de 10 ans dans le temps.

2006 donc. Cela fait alors 6-7 ans que Cannibal Corpse n’a plus vraiment marqué les esprits à mes yeux. Alors oui, y’a le Live Cannibalism sorti en guise de best of en 2000, mais pour le reste, depuis Bloodthirst, le groupe patine un peu. Gore Obsessed & The Wretched Spawn, c’est un peu le premier ventre mou de la carrière du groupe. De là à dire qu’on s’emmerde, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas – la faute à quelques morceaux sympas sur chaque galette précitée – mais c’est pas la chouille. Et en 2006, le groupe sort Kill. On revient sur une plaque bien complète et, juste après l’opener « Time To Kill Is Now », sur « Make Them Suffer ».

(ouais putain, presque deux pages pour vous chier le nom du morceau, j’aime vous tenir en haleine, askip le mec d’Abrège Frère va bientôt résumer ma prose).

Tous les ingrédients sont réunis : le groupe sort d’un écueil qui aurait pu lui être fatal (ou, pire encore, lui faire suivre la même trajectoire que Kataklysm, à savoir s’enfoncer lentement mais sûrement dans l’édulcoration et l’auto-parodie), le groove est IMMENSE, y’a trois mots simples à gueuler (même toi avec un gramme dans chaque bras, tu y arriveras, tu le sais, tu l’as déjà fait), et puis, ce titre, quoi. « Make Them Suffer ». La description parfaite de la totalité des textes du groupe. Le motto du groupe. L’équivalent Death Metalesque de Gaahl qui dit « Satan » après avoir bu une gorgée de vin pendant cet interview légendaire.

Selon moi, Kill est un moment-charnière de la carrière du groupe, et « Make Them Suffer » en est l’hymne. J’aurais pu appliquer ce raisonnement à « Devoured By Vermin » (changement de frontman oblige), mais le groupe n’était pas, à cette époque-là, dans une position de « faiblesse » comparable à celle pré-Kill. Malheureusement (et c’est toujours un avis personnel), le groupe retombera dans ses travers des albums sympatoches avec quelques bons vieux gros morceaux de leur daronne avant une nouvelle renaissance depuis 2021 et Violence Unimagined (tiens, tiens, ça coïncide avec l’arrivée du sieur Rutan dans les rangs du groupe…).

 

11 mai 2022 : les réseaux sociaux annoncent le décès de Trevor Strnad. Je prends la nouvelle comme si on venait de m’annoncer la disparition d’un pote dont je me sens terriblement proche mais à qui je n’ai jamais parlé. Et je constate que je suis loin d’être le seul à vivre cela de cette manière. Comme me le confiait Patate, par exemple : « La disparition de Trevor m’a vraiment touché. Bien plus que celle de Lemmy. Lemmy, on sentait bien qu’il était plus proche d’une partie de poker avec Jésus que d’une tournée avec Judas ». Une sorte de chape de plomb qui a mis beaucoup de temps à se dissiper sur une communauté. Une figure emblématique, un geek puissance 1.000 du death metal ; un gars qui a largement contribué à la reconnaissance de ce style ces 15 dernières années et à l’émergence de tas de groupes. Le gars était un pilier du groupe, sa voix sur plaque, sur scène et en dehors. Et quels que soient ces domaines, il était devenu une référence tant ses compétences et son style étaient devenus reconnaissables. Il était également le seul membre originel restant avec Brian Eschbach, guitariste rythmique de la formation. On pouvait donc assez logiquement craindre pour l’avenir de ces petits anges noirs.

C’est donc avec le poids de cet héritage que The Black Dahlia Murder a repris le chemin des studios. Attendu par certains comme d’autres attendent un nouvel album de Bon Jovi (ou de Gojira), cette nouvelle plaque de The Black Dahlia Murder suscitait des attentes pour les fans teintées d’une réserve légitime sur la capacité du nouveau line-up à se passer de leur précédent leader. Si le transfuge d’Eschbach de la gratte au micro résonne comme quelque chose de logique en termes d’héritage et de légitimité, les craintes d’avoir une formation avec un chanteur d’une division inferieure pouvait assez logiquement s’entendre vu le niveau du gaillard qui officiait précédemment.

A contrario, le retour de Ryan Knight dans l’équipe augurait quand même de belles choses. Si Brandon Ellis est un soliste de niveau « wallah », Knight est quand même celui qui a permis au groupe d’acquérir ses lettres de noblesses. Après la sortie des premiers vidéos live du retour sur scène du groupe et de la sortie des premiers singles, les inquiétudes qui concernaient les capacités vocales de Brian Eschbach ont été balayées.

À l’écoute de Servitude, une chose saute aux oreilles : The Black Dahlia Murder n’a rien perdu de sa force de composition. Ils sont mêmes revenus à quelque chose de plus tranchant et direct qui rappelle les premières heures du groupe. Les solos sont à la hauteur de l’équipe des 6 cordes, ça envoie dans la plus pure tradition du genre. Les mecs ne dérogent à aucune des règles qui ont fait du groupe une valeur sure du genre. Cassidy n’a toujours pas décidé d’être chiant à la batterie, le flow et les passages aigus/ graves d’Eschbach sont largement à la hauteur. Mes préférences perso’ vont vers les deux singles « Aftermath » & « Panic Hysteric » ainsi que « Transcosmic Blueprint » pour ces passages solos qui sortent du lot.

Servitude n’est pas un album à la gloire de celui qui est parti, c’est la marque d’un groupe qui est passé par le bûcher et qui revient avec un petit sourire en coin pour démontrer qu’il avait assez de ressource pour revenir plus déter’ que jamais à provoquer des courbatures de nuques. Les prestations scéniques du groupe sont d’ailleurs largement à la hauteur tant au niveau musical qu’en termes d’ambiance.

Le roi est mort, longue vie aux rois !

Kadaf (8/10)

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Metal Blade Records / 2024
Tracklist (32:32) 1. Evening Ephemeral 2. Panic Hysteric 3. Aftermath 4. Cursed Creator 5. An Intermission 6. Asserting Dominion 7. Servitude 8. Mammoth’s Hand 9. Transcosmic Blueprint 10. Utopia Black