Author Archive

Fange – Purulences

Certains groupes doivent redoubler d’efforts, des années durant, avant d’espérer pouvoir siffloter quelques mélodies qui finiront sur leur « opus magnum » à l’intérêt aussi discutable qu’un bricolage de fête des pères réalisé avec beaucoup d’amour et de maladresse par votre progéniture (le genre de réalisations qui vous ferait presque regretter de ne pas avoir visé les yeux en cette soirée funeste sur la banquette arrière de la 3008). D’autres, au contraire, bénis par une muse hyperactive, enchaînent les réussites à un rythme indécent. Parmi tout ce beau monde, une formation française vient de réaliser le hat-trick parfait en l’espace de 24 mois presque jour pour jour. Après les énormes Privation et Perdition, les Bretons de Fange enfoncent le clou avec Purulences.

Le registre est désormais connu : un mariage entre sludge et indus, mélange poisseux de la fange (oui, elle est facile, celle-là) et de la graisse qui huile les rouages d’une machine qui nous veut du mal. Une synthèse entre l’humain et la machine. Un bulldozer qui ne tournerait pas au diesel, mais au fiel. Je pourrais continuer à aligner les comparaisons visuelles douteuses ad nauseam, mais le plus simple est de se plonger tête première dans ces 7 morceaux.

À l’instar de ses prédécesseurs récents, Purulences est exigeant. La BAR impose cette sensation continue de matraquage, sentiment encore renforcé par ce son de guitare abrasif au possible et, surtout, une nouvelle prestation XXL de Matthias Jungbluth, un de ces rares frontmen qui parvient, en chantant/parlant, à susciter les mêmes sentiments viscéraux que lorsqu’il s’arrache les cordes vocales. Aucun temps mort, aucun coup de mou, les Bretons ajoutent une étoile à leur maillot de porte-étendard du genre. Si je devais pinailler, je regretterais juste l’absence d’un morceau « tubesque » comme « À La Racine » sur Privation (le retour de la guitare à 4:05, TMTC)… mais faut-il vraiment un tube quand on officie dans ce genre ? La question mérite d’être posée.

Le premier trimestre touche à sa fin, mais Fange peut, à nouveau, faire figure de candidat sérieux dans les Top 5 de toutes les bonnes boucheries auditives.

9/10

Facebook officiel

Throatruiner Records / 2025
Tracklist (32:07) 1. Cavalier Seul 2. Sans Conviction 3. Mortes Promesses 4. Grand-Guignol 5. Juste Cruel 6. Langues Fourchues 7. Aux Abois

Abduction – Existentialismus

Au petit jeu du « cite-moi 5 groupes de (insérer sous-genre) Metal venant d’Angleterre », je dois avouer qu’il est plus gagner de répondre si l’on tire la carte Death Metal ou Doom. Là où ça devient plus ardu (si l’on reste dans les formations connues du grand public), c’est quand on pense au Black anglais. Parce que bon, mis à part Venom (les OG du genre avec Bathory et Hellhammer) et Cradle Of Filth, il faut reconnaître que les noms suivants viennent moins spontanément que si l’on pensait à d’autres scènes locales (Norvège, Suède, Allemagne, France, pour ne citer qu’elles).

Mais si la notoriété est une chose, la qualité en est une autre. Là où certains grands noms s’égarent dans des controverses puériles (qui a dit Behemoth ?), comme Abduction trace sa route depuis maintenant presque 10 ans et nous gratifie, au fil des ans, de sorties toujours plus intrigantes et intéressantes. Et avec ce cinquième opus (le deuxième chez Candlelight Records), le groupe passe encore un palier.

Au menu : un Black intelligent, varié, à des lieues des poncifs du genre proposés par des artistes plus portés sur la provoc’ que sur l’efficacité (ça chante des chansons sur les fours et ça blaste tout du long comme une machine à laver qui essore à 1488 tours/minutes… c’est du black ou le rayon gros électro de Darty ?). Prenons « Truth is as Sharp a Sword as Vengeance », pièce centrale de l’album. En un peu moins de 9 minutes, le groupe nous propose une intro posée avec spoken word, une montée en puissance sur fond de blast avec un chant clair, un break avec quelques notes de guitare qui sonnent comme du Misthyrming dans le texte, une nouvelle montée en puissance avant un final mêlant toutes ces facettes et un chanteur possédé par sa prestation. En un seul morceau, il y a plus de variété que dans la carrière de certains groupes ! Et que dire de « Razors of Occam », un des singles dévoilés avant la sortie de l’album : chant clair, intro mélancolique qui coule naturellement en une envolée portée par le blast… La progression du morceau est logique, le groupe parvient à conserver cette mélodie du début tout au long du morceau, même quand le propos se fait plus agressif.

En 45 minutes et 6 morceaux, Abduction confirme, à mes yeux, son statut de formation Black Metal « réfléchi » à suivre. Sans artifices, mais avec un sens poussé du morceau finement ciselé, Existentialismus fait partie de ces albums qui réussissent la prouesse double de convaincre dès la première écoute et de dévoiler ses secrets petit à petit au fil des écoutes. Je ne serais pas étonné s’il finit très haut dans ma hiérarchie BM de l’année…

9/10

Facebook officiel

Candlelight Records /2025
Tracklist (45:44) 1. A Legacy of Sores 2. Pyramidia Liberi 3. Truth Is as Sharp a Sword as Vengeance 4. Blau ist die Farbe der Ewigkeit 5. Razors of Occam 6. Vomiting at Baalbek

Whitechapel – Hymns in Dissonance

Ces dernières années, nous avons assisté – avec joie ou répulsion, selon les goûts – à une surenchère dans le monde du Deathcore. Toujours plus de fioritures, d’ajouts symphoniques, de course à la vitesse, de frontmen qui repousse les limites de leur organe pour en sortir les bruits les plus mouillés et/ou incongrus. Mais il existe une autre voie. Celle de la simplicité efficace.

Vous prenez du Deathcore qui marche ici et là sur les plates-bandes du Death d’obédience brutale, vous y ajoutez un des meilleurs frontmen du genre, une petite touche de mélodie pour lier le tout et poser une ambiance. Ça a l’air tout con sur le papier, mais dès la première écoute de ce neuvième opus de Whitechapel, le constat était flagrant : il n’en faut pas plus pour frapper juste. La bande à Phil Bozeman revient à ses premiers amours.

Exit le chant clair et les tentatives d’expérimentation comme sur les pourtant excellents « I Will Find You » ou « Hickory Creek », Whitechapel n’a qu’une seule envie : frapper. Et fort, de préférence. Mis à part quelques respirations bien installées tout au long de l’album (dont « Ex Infernis » en interlude avant le banger « Hate Cult Ritual »), l’album entier dégage une énergie indéniable, alternant breaks pachydermiques, passages mammouthesques et accélérations imparables, le tout avec une production en béton armé.

Rien que sur le plan purement musical, Hymns in Dissonance est déjà une leçon de tabassage. Mais la cerise sur le gâteau, c’est la prestation 3 étoiles de Phil Bozeman. Putain qu’il est bon ! Que ce soit dans les aigus hurlés ou dans les growls caverneux, à l’endroit ou à l’envers (lisez les paroles et vous comprendrez ce que je veux dire), il ne faiblit à aucun moment et confirme son statut de très grand nom du Deathcore. D’un côté, on regrettera un peu qu’il se soit limité à son registre historique brutal, abandonnant son chant clair, mais est-on en droit de se plaindre quand on entend le résultat final ?

Si on m’avait à l’époque, vers 2010-2012, que je serais heureux comme un cochon dans une flaque de boue à l’écoute d’un Whitechapel qui renoue avec ses racines, j’aurais probablement affiché mon plus beau sourire de mange-merde. Et pourtant, je dois reconnaître qu’Hymns in Dissonance a tous les atouts pour me séduire. Comme quoi, dans le monde du Deathcore, il existe encore une vie sans paillettes ni chichis après l’essor des Lorna Shore et consorts.

9/10

Facebook officiel

Metal Blade Records / 2025
Tracklist (43:11) 1. Prisoner 666 2. Hymns in Dissonance 3. Diabolic Slumber 4.
A Visceral Retch 5. Ex Infernis 6. Hate Cult Ritual 7. The Abysmal Gospel 8. Bedlam 9. Mammoth God 10. Nothing Is Coming for Any of Us