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Avec une belle régularité, Sebastian revient régulièrement nous voir. Et il fait preuve à chaque fois d’une belle générosité car il ne se présente jamais les mains vides. Après At the Dawn of Twilight en 2013 et A Flood of Strange Sensations en 2016, la prescription de 2019 se présente sous la forme d’A Forest of Rainbows, un nouvel opus affichant douze titres et plus d’une heure de compositions originales au compteur. Les deux albums précédents nous ayant bien plus, c’est avec une confiance certaine que nous nous immergeons dans ce nouveau chapitre.

Immersion, c’est bien le mot tant la musique d’AMPHETAMIN va demander quelques efforts à l’auditeur consciencieux. Pour pleinement apprécier la subtilité des mélodies, l’épaisseur des textures sonores et les atmosphères délicatement tissées, rien de mieux que de s’allonger, avec les yeux fermés et le casque sur les oreilles. Dans la continuité de ses précédents travaux, Sebastian continue sa profonde introspection artistique, il explore des paysages emprunts de mélancolie, de tristesse et de recueillement. Les titres s’enchainent avec naturel dans ce registre rock progressif / post rock qui fait le charme du groupe. Difficile de ne pas se laisser séduire par ces mélodies ciselées et ce chant très expressif. A Forest of Rainbows affiche une grande variété de rythme et d’intensité. AMPHETAMIN n’hésite pas à accélérer et à durcir le ton quand cela s’avère nécessaire pour transmettre une nouvelle émotion. La base rock du groupe est constamment enrichie par les multiples nappes de claviers permettant de fixer le décor musical et d’approfondir les atmosphères. Cet album contient son lot de pépites comme « Aether », « Ayamarca (festival of the dead) » ou encore « Hephaestus ». Au petit jeu des ressemblances et des influences, la palette est large. Citons pêle-mêle THE INTERSPHERE, CULT OF LUNA ou encore KATATONIA complété de toute la scène cold wave.

Nous n’avons jamais été déçus jusqu’à présent et avec ce troisième opus, A Forest of Rainbows, AMPHETAMIN continue son sans-faute. Sebastian nous dévoile encore une fois une partie de son âme et sa démarche s’avère être particulièrement digne d’admiration. Le tout est disponible sur le bandcamp du groupe ainsi que sur toutes les bonnes plateformes digitales.

Oshyrya (08/10)

 

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Autoproduction / 2019
Tracklist (62:15 mn) 01. Aether 02. Ayamarca (festival of the dead) 03. Kyrrð (An empty space) 04. Shapeshifter 05. Medusa 06. Lull-a-bye (Interlude) 07. Hephaestus 08. A dream in our sky 09. Mazemerize 10. Sad eyes 11. Thelxinoe 12. Winter’s heart

 

 

Fortune – II

On ne sait comment qualifier Frontiers parfois ? Messie de l’AOR dont le label napolitain porte toujours la bonne parole ou nécromancien en rappelant à la vie ce qui aurait dû rester mort depuis longtemps ? Le cas de ce deuxième opus de Fortune est tout à fait exemplaire de ce cas de figure car il sort trente-quatre ans après le premier disque. Vous avez bien lu : trente-quatre ans. Entre temps le groupe des deux frères Fortune, Mick et Richard, a splitté et la mémoire de Fortune était surtout entretenue par le groupe du chanteur Larry Greene, le classieux mais confidentiel Harlan Cage.

La question se pose évidemment du pourquoi d’un tel retour à la vie dans lequel Frontiers a évidemment joué un rôle important. La réponse est simple : le premier (vrai) disque de Fortune, sorti en 1985, est un disque culte dans le monde des amateurs d’AOR. Un de ces disques qui sont devenus rétrospectivement des classiques comme Everybody’s Crazy de Michael Bolton ou le premier album de Signal, et ce malgré un échec commercial indéniable eu égard aux attentes. Le premier album de Fortune est d’ailleurs recherché toujours avec persévérance par les fans les plus mordus. Interprété par des semi-inconnus, il constituait une sorte de petit miracle en fait.

En nouveau Lazare, Fortune est de nouveau debout et marche donc. Mais il n’est pas aussi fringuant que jadis évidemment. Pourtant peu semble avoir changé depuis ce premier album : le logo chromé est inchangé, on retrouve toujours une main féminine gantée en couverture et surtout ce style d’AOR assez particulier. En effet, du fait de la voix si particulière et identifiable de Larry Greene, la musique de Fortune, malgré son caractère évidemment grand public, ne fait pas dans l’immédiateté soudaine. Il faut toujours un peu de temps pour rentrer dans les chansons des frères Fortune. Et la voix de Greene, bien qu’un poil plus éraillée, conserve ses intonations mélancoliques qui en font une exception dans le monde de l’AOR. Il se dégage ainsi une forme de douce tristesse des chansons de Fortune qui fait son charme et son originalité. Tout ceci est toujours et bel et bien là.

Toutefois, la qualité globale n’est pas celle de jadis : on en trouvera pas de « Stacy », « Thrill of It All », « Dearborn Station » sur ce II. Les choses s’ouvrent cependant sur de bons auspices sur « Don’t Say You Love Me » et « Shelter Of The Night »… la qualité ne baisse pas vraiment, les mélodies sont prenantes et le charme opère en partie, mais juste en partie. Il manque une étincelle sans doute inatteignable après tout ce temps malgré l’enchainement des morceaux de qualité (notamment « Overload », qui semble quasiment issu des sessions du premier album). Mais plutôt que de demander l’impossible contentons-nous de ce qui nous proposé et qui aurait été inimaginable il y a quelques années encore.

Baptiste (7,5/10)

 

Frontiers / 2019

Tracklist (44:00) : 1. Don’t Say You Love Me 2. Shelter Of The Night 3. Freedom Road 4. A Little Drop Of Poison (For Amy W.) 5. What A Fool I’ve Been 6. Overload 7. Heart Of Stone 8. The Night 9. New Orleans 10. All The Right Moves

Rammstein – s/t

Ecrire que cet album était attendu de pied ferme par des hordes de fans relève de l’euphémisme ou de la lapalissade. Dix années de silence discographique aiguisent forcément les appétits et suscitent une attente folle. Liebe ist für alle da avait fait des merveilles en 2009 et les tournées assurées dans la foulée avaient fini de convaincre même les plus récalcitrants. Le sextet allait-il encore une fois tout brûler sur son passage comme le suggère cette pochette épurée ?

Une entrée en matière idéale

Histoire de frapper très fort et de rassurer immédiatement, ce septième opus éponyme s’ouvre sur le meilleur titre du disque, un «Deutschland» absolument irrésistible de puissance et de séduction. RAMMSTEIN fixe d’emblée la barre très haut et ne peut que conquérir les cœurs et les âmes. Cette composition est extraordinaire, ultra accrocheuse et fédératrice. Le groupe s’interroge et questionne son identité allemande, son rapport avec un passé à la fois glorieux et honteux. Ajoutez à cela un clip extrêmement impressionnant et vous obtenez un départ rêvé.

« Radio », le second single se présente rapidement à nous. Moins fulgurant que la chanson précédente, nous sommes là en terrain connu avec un RAMMSTEIN très classique: grosse rythmique, ligne de claviers séduisante et refrain facilement mémorisable. Notons une petite ressemblance ici et là avec un «Kein Lust » extrait de Reise Reise. «Zeig Dich» suscite à nouveau une certaine excitation avec des chœurs, une ligne de basse omniprésente et ligne de chant efficace. Et puis les amoureux de la langue de Goethe pourront agréablement réviser les verbes commençant par le préfixe –ver. Plus sérieusement, les allemands semblent vouloir souligner, à travers cette chanson, l’hypocrisie de l’Eglise et les scandales sexuels à répétition. « Ausländer » clôt le premier tiers de cet album sur un ton presque guilleret et dansant. Difficile de résister à cette chanson légère en apparence mais plus sérieuse en réalité compte tenu des débats qui agitent la société allemande contemporaine.

Une suite plus classique

Passons rapidement sur un «Sex» très sage, le sextet ne s’est pas trop foulé et livre une marchandise déjà entendue, pour nous arrêter un instant sur un « Puppe » particulièrement éprouvant. Impossible de ne pas ressentir un profond malaise à l’écoute de cette composition poisseuse musicalement et sémantiquement parlant. La mélodie va vous prendre à la gorge et vous faire lentement suffoquer. Il faut avoir le cœur solide pour ne pas frissonner face à cette ligne mélodique lancinante et le chant possédé de Lindemann sur le refrain. L’horreur de la situation transpire et les paroles claquent. Amis dépressifs passez votre chemin.

L’humeur de l’auditeur ne risque pas de vraiment s’arranger car l’album rentre alors dans un ventre mou qui peine à susciter le moindre enthousiasme. «Was Ich Liebe» et «Diamant» sonnent assez quelconques, passe-partout et sans bravoure particulière. L’approche très typée krautrock d’un «Weit Weg» apporte une variété et une fraîcheur bienvenues. Dommage que les allemands soient restés sur un rythme mid-tempo car nous aurions eu besoin de plus de vitesse pour nous sortir de la torpeur. «Tattoo» va se charger de nous réveiller avec un son martial et indus très proche du style déployé sur les deux premiers opus du groupe. Enfin «Hallomann» se charge finir le travail sans feu d’artifice ni fanfare. C’est dommage mais nous sommes habitués, RAMMSTEIN a rarement su bien terminer ses disques.

Bilan mi-figue mi-raisin

Alors bonne cuvée 2019 ? La réponse se doit d’être assez contrastée. L’excellence côtoie ici le très moyen. Les allemands possèdent assez de talent et d’expérience pour faire le boulot et livrer une marchandise plus que correcte mais après un premier tiers flamboyant et digne d’éloges, la lassitude s’empare progressivement de l’auditeur. Il faut le côté dérangeant «Puppe» où la surprenante touche électro old-school de «Weit Weg» pour rallumer la lumière. Le sentiment de déjà entendu et une certaine indifférence prédominent sur la moitié des chansons. Ce constat s’avère rageant après une décennie d’attente.

RAMMSTEIN semble être tombé dans la facilité après avoir tout donné dans un «Deutschland» ébouriffant. Dans la discographie du groupe, ce disque se place, avec Rosenrot, dans la catégorie des albums mineurs et ne peut rivaliser avec Mutter ou Reise Reise. Cependant, les allemands n’ont peut-être pas dit leur dernier mot avec les tournées à venir. Qui sait, certaines de ces chansons un peu fades sur disque vont réussir à prendre une nouvelle dimension une fois transposées sur scène ? Ihr werdet schon sehen.

Oshyrya (07/10)

 

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Universal Music / 2019
Tracklist (46:25 mn) 01 Deutschland 02. Radio 03. Zeig Dich 04. Ausländer 05. Sex 06. Puppe 07. Was Ich Liebe 08. Diamant 09. Weit Weg 10. Tattoo 11. Hallomann