Geoff Tate – Kings & Thieves

Je n'avais pas franchement beaucoup d'a priori positifs à l'endroit du deuxième album solo de Geoff Tate, Kings & Thieves. Les dernières péripéties ayant touché Queensrÿche dans lesquelles les torts semblent bien du côté du chanteur n'ont pas particulièrement réhaussé l'image que je me faisais d'une personne manifestement de plus en plus autocratique et narcissique. Sa volonté de maintenir à flot un Queensrÿche se résumant à lui-même et à quelques requins comme Rudy Sarzo, Glenn Drover et l'ineffable Kelly Gray, histoire de causer quelques soucis à ses anciens acolytes, ne me paraissait pas non plus bien élégant. Actuellement la situation est assez ubuesque puisque la justice américaine n'a pas vraiment tranché à la question de savoir qui possède les droits du nom « Queensrÿche ». Nous avons donc deux groupes et deux sites internet : celui du Queensrÿche de Geoff Tate et celui de Wilton, Jackson et Rockenfield. Navrant.

Pour finir, il ne fallait pas être doué de seconde vue pour comprendre que la direction du Queensrÿche sur le fort contestable Dedicated To Chaos était manifestement le fruit des idiosyncraties d'un Tate muselant Wilton et consorts. L'absence de Michael Wilton à la composition depuis plusieurs années (lui qui composa une bonne partie d'Operation Mindcrime tout de même !) ne tenait pas forcément à une panne d'inspiration mais manifestement à une forme de censure. 

Revenons à Geoff Tate dont ce deuxième disque solo était de toute façon prévu bien avant le split. Venant dix ans exactement après un premier essai solo sorti sur le label Sanctuary, ce Kings & Thieves s'inspire plus de la dernière ligne musicale de Queensrÿche que de ce très intimiste premier album. L'approche assez dépouillée, les riffs plus rock que hard, le choix de poser sa voix dans les mediums, l'introduction de claviers et de saxophone… tout ceci nous renvoie à l'univers de Dedicated To Chaos. L'ensemble n'est pas mauvais si on apprécie ce type de rock assez groovy (« She Slipped Away ») ou un peu plus lourd (« Take A Bullet ») et si l'on admet que nous sommes assez loin de l'univers du Queensrÿche historique. Une mention doit être faite pour le superbe « The Way I Walk » doté de belles parties de saxophone et de claviers. « Tomorrow » se révèle aussi d'un bon niveau, donnant l'occasion à Geoff Tate d'élancer sa superbe voix comme autrefois.

Mais si l'on cherche l'inspiration des premiers disques de Queensrÿche on s'ennuiera ferme et l'on trouvera tout cela très plat, surtout dans la deuxième partie du disque, de « Evil » à « These Glory Days ». Tate se rachète toutefois une certaine crédibilité sur deux titres assez beaux et calmes en fin d'album : les forts prenants « Change » et « Waiting ». 

Un objet à réserver donc surtout aux fans du bonhomme mais qui ne nous indique pas grand chose sur ce que l'avenir réserve à Queensrÿche et à Geoff Tate. 

Baptiste (6/10 en faisant abstraction de ce que fut Queensrÿche jadis)

 

Site officiel

Inside Out / 2012

Tracklist (52:04) : 01. She Slipped Away 02. Take A Bullet 03. In The Dirt 04. Say U Luv It 05. The Way I Roll 06. Tomorrow 07. Evil 08. Dark Money 09. These Glory Days 10. Change 11. Waiting

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Queensrÿche – Dedicated To Chaos

Où va Queensrÿche aujourd’hui ? Il y a tout lieu de s’interroger, c’est le moins que l’on puisse dire… Pourtant après les errances succédant au dernier grand disque en date du groupe, Promised Land, Queensrÿche avait lentement redressé la barre, que ce soit à travers Tribe, la suite d’Operation Mindcrime et surtout un excellent American Soldier. Alors que le groupe avait lorgné vers un hard rock dépouillé et légèrement grungifié, il retrouvait une bonne partie de ces lettres de noblesses progressives. Or, avec ce Dedicated To Chaos, il va en désorienter plus d’un, comme si ses fans avaient besoin d’une nouvelle secousse musicale.

L’écoute de « Get Started » pose d’embée le cadre : en 2011, le groupe de Geoff Tate lorgne bien plus un rock hard péchu que vers les sentiers épiques de jadis. Le grain de saturation est léger, les parties de guitare lead sont minimalistes, les refrains sont plutôt accrocheurs mais pas excessivement travaillés et les paroles se veulent… accessibles. Les rythmes groovy de « Hot Spot Junky » prolongent ce tournant tout comme le caractère assez répétitif de « Got It Bad ». Il faut peut-être attendre « Higher » pour qu’une certaine puissance ressorte plus nettement, mais globalement sur ce disque les guitares ne sonnent pas franchement heavy mais plutôt rock orienté « hard ». La présence de cuivres va régulièrement ainsi dans ce sens.

On ne peut pas dire que le tout soit franchement mauvais, loin de là, malgré la présence de quelques ragotons (dont par exemple « Wot We Do ») ou de compositions sympathiques mais en rien mémorables (« Luvnu »). En fait ce Dedicated To Chaos est objectivement un bon album de rock, bien ficelé et assez accrocheur. Il aurait été un peu banal car trop calibré s’il n’y avait la voix de l’immense Geoff Tate qui transcende régulièrement le tout (sur « Drive » ou « Retail Therapy » par exemple).

Par contre, il n’est pas sûr que ce disque soit un bon disque de Queensrÿche tant il tranche avec le style du groupe. L’absence de toute composition du guitariste originel, Wilton, est d’ailleurs très significative alors que l’on retrouve Tate systématiquement partout ; son gendre, l’ineffable Kelly Gray est en outre présent à la composition et à la production. Les propos, très peu enthousiastes, de Wilton à propos de ce dernier disque laissent sous-entendre vraisemblablement que le groupe est avant tout la chose de Tate et de sa famille (n’oublions pas que sa femme est aussi la manager du groupe). Y aurait-il une quasi fracture dans l’air ?

Les curieux ayant écouté le disque solo du leader de groupe comprendront beaucoup de choses : la musique de Queensrÿche est actuellement à mi-chemin entre les goûts personnels de son chanteur et les origines plus proprement métalliques du combo. C’est quand même inquiétant, ne serait-ce que pour la popularité du groupe qui vient d’essuyer avec ce Dedicated To Chaos un revers commercial dans les charts US que l’on ne pouvait pas ne pas envisager. Espérons que Queensrÿche ne soit pas entièrement perdu pour la cause… La question se pose.

Baptiste (6/10)

 

Roadrunner / 2011

Tracklist (69:16) : 1. Get Started 02. Hot Spot Junkie 03. Got It Bad 04. Around The World  05. Higher 06. Retail Therapy  07. At The Edge 08. Broken  09. Hard Times  10. Drive  11. I Believe 12. Luvnu  13. Wot We Do 14. I Take You  15. The Lie 16. Big Noize

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Queensrÿche – American Soldier

Il y a de quoi être dérouté par la carrière de Queensrÿche : voici un groupe qui – selon l'assentiment général – accumule depuis plus de quinze ans les disques à la qualité douteuse et qui conserve non seulement son obstination à produire de nouveaux enregistrements mais aussi le soutien des fans et un certain respect. Si son dernier essai avait tenté de redonner un peu d'éclat à un image assombrie à la suite du départ du guitariste/compositeur Chris de Garmo, cette tentative de donner une suite à Operation Mindcrime fut un échec, certes très relatif, mais réel. Car, malgré la qualité des paroles et les efforts de composition, cette seconde partie ne faisait que révéler les failles nombreuses du Queensryche mark II.

Surprenant de qualité

Témoignage des difficultés à remplacer De Garmo, le guitariste, Mike Stone, se fit vite évincer. À ce jour Wilton est le seul guitariste officiel du combo de Seattle ce qui ne semble pas l'inciter à prendre en charge la destinée du groupe puisqu'il n'a strictement rien composé sur ce disque, se contentant d'un excellent travail d'interprétation ; ses parties de guitare sont à vrai dire les meilleures de Queensrÿche depuis des lustres. Le maître d'œuvre est donc bel et bien ici Geoff Tate, dorénavant véritable leader. Soutenu à la composition par le producteur Jason Slater, c'est le chanteur qui a donné une direction à ce nouveau disque en choisissant d'en faire un concept-album. Mais la à la différence d'Operation Mindcrime, il ne s'agit ici pas tant d'un récit que de récits, à savoir de témoignages recueillis et enregistrés par Tate lui-même autour du vécu de soldat. Le père de Tate était lui-même militaire de carrière et cela explique sans doute l'empathie en rien militariste développée ici envers la vie et les épreuves subies par les soldats américains. 

À la surprise de l'auditeur un peu désabusé l'ensemble est surprenant de qualité. Certes le groupe a abandonné une certaine vigueur et les tempos rapides sont absents ici mais le propos reste toujours aussi lyrique et heavy. L'accordage des guitares se fait plus bas, la voix de Geoff Tate (parfois) plus grave et les mid-tempos abondent mais ce « tournant », que l'on pouvait déjà voir s'esquisser dès Tribe voire Promised Land, sied parfaitement à un groupe que l'on sait dorénavant incapable de à renouveler les tours de force qu'étaient The Warning et Operation Mindcrime en leur temps.

Poignant par le thème et l'inspiration

Si les pièces longues et directement ambitieuses manquent, on retrouve ici dispersée une somme de tentatives et d'expérimentations qui font la qualité du disque : les rythmiques syncopées et les voix samplées sur « Unafraid », le phrasé rappé de Tate sur « Sliver », le très beau duo avec la fille du chanteur sur « Home Again », touchant par la maladresse des vocalises de l'adolescente. La magie est tout particulièrement palpable sur les titres lents, comme « At 30.000 feet » ou « Remember Me » tout à fait poignants par leurs thèmes comme par leur inspiration. Si cette magie s'efface un peu au milieu du disque, aux alentours de « Middle of Hell », elle est particulièrement présente sur sa fin : entendre Geoff Tate monter dans les aigus comme on ne l'en croyait plus capable filera quelques frisson sur le morceau de clôture, significativement dénommé « The Voice ». 

La résurrection de la dernière heure de Queensrÿche après une décennie noire à tout lieu d'étonner. Elle est en partie l'œuvre de quelqu'un qui a encore manifestement encore beaucoup à apporter à la musique. Qu'il en soit remercié.

Baptiste (8/10)

 

Rhino / 2009

Tracklist (60:01) : 01. Sliver 02. Unafraid 03. Hundred Mile Stare 04. At 30,000 ft. 05. A Dead Man's Words 06. The Killer 07. Middle Of Hell 08. If I Were King 09. Man Down ! 10. Remember Me 11. Home Again 12. The Voice

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