D’album en album, les british de Cradle Of Filth n’ont cessé de densifier leur black orchestral jusqu’au très fourni, voire indigeste, Damnation And A Day. Nymphetamine, sorti en 2004, voyait le groupe revenir à une recette plus légère, mais ça n’était pas encore ça. Nous sommes désormais en 2006, soit douze ans après la sortie de leur premier méfait, The Principle Of Evil Made Flesh, Cradle Of Filth nous livre sa septième réalisation, Thornography, aussi simpliste, heavy et thrash que Damnation And A Day était touffu. Petites explications en direct live avec le guitariste originel du groupe, Paul Allender.
Metalchroniques – Il semble que Nymphetamine ait été pour le groupe une sorte de fin de cycle…
Paul Allender – Plus ou moins oui. On peut également voir cet album, qui était plus « simple » que Damnation And A Day comme le commencement d’une nouvelle ère pour nous. Et puis on ne peut pas faire tout le monde la même chose. Regarde, même Slayer et Maiden changent. Même s’ils gardent leur style d’origine, on sent tout de même une certaine évolution dans ce qu’ils font. Il est fondamental de changer premièrement parce que physiquement tu changes toi aussi et puis surtout parce qu’en faisant la même chose, tu t’emmerdes au bout du compte.
– D’un autre côté, il est assez surprenant de constater que Thornography comporte très peu de claviers.
– Sur nos précédents albums il y avait beaucoup trop de pistes par titre. Nous nous sommes dit que l’ensemble était vraiment très, trop, dense. Pour Thornography, nous sommes partis sur le leitmotiv d’en faire le moins possible pour arriver au meilleur. Le côté symphonique, orchestral, avec tous les chœurs qui vont avec, nous l’avons fait pendant des années et pour être très honnête avec toi, ça commençait à sacrément nous gaver. Nous en sommes vraiment arrivés à un stade de notre carrière où nous nous devons de changer. En tant que groupe, nous sommes tous d’accord pour dire que c’est le meilleur album que nous ayons fait.
– Est-ce que c’est votre meilleur album parce que c’est le plus simple que vous ayez réalisé ?
– Probablement oui. Nous sommes vraiment revenus à nos racines, à ce qui nous faisait vibrer lorsque nous étions gamins : le thrash et le heavy. Nous sommes de purs metalheads. J’ai passé toute mon adolescence à écouter Iron Maiden, Judas Priest, Motörhead et du thrash (rires). Pour cet album, nous voulions aller vers la musique qui nous a poussé à en faire nous-même. C’est pour ça qu’on trouve pas mal de duel de guitare, d’harmonies à deux grattes, de bons gros riffs bien accrocheurs, de groove. Pour en revenir à ta précédente question, il est vrai que l’on trouve moins de claviers sur cet album, mais c’est dû à la simplification de notre musique. Au lieu d’être un instrument à part entière comme c’était le cas par le passé, les claviers sont désormais là pour poser des ambiances et non jouer des titres comme les autres musiciens. Et franchement, on adore notre nouvelle direction.
– En gros, vous vous l’êtes joué « on branche le matos et on joue ».
– Heu….OUAIS (rires). Bon, pas tout à fait. Nous avons quand même bossé ! (rires) Mais c’est vrai qu’au début, nous nous sommes contentés de jouer ce qui nous passait par la tête et nous creusions les idées qui ressortaient de ces jams. Cet album est donc effectivement plus cru, pas dans sa production, mais du moins dans la façon dont nous jouons. C’est beaucoup plus heavy que par le passé. En fait, nous faisons du heavy metal….enfin pas vraiment, car nous restons un peu trop extrêmes pour être taxés de groupe de heavy metal. Tiens, nous faisons du heavy metal extrême. Il y a de tout au final dans cet album : du heavy classique, moderne, du thrash, de la musique extrême, tout ce qui fait notre son aujourd’hui. L’expression peut paraître un peu galvaudée, mais il est aussi vrai que nous avons vieilli en tant que personnes et donc en tant que musiciens et ce qui nous faisait bander à nos début nous fait moins d’effets aujourd’hui. Nous cherchons plus à expérimenter de nouvelles choses. Pas expérimenter dans le mauvais sens du terme, mais plutôt dans le sens ou nous voulons nous pousser nous même à aller dans de nouvelles directions…de nous pousser au cul en fait (rires). Et c’est ce qu’à fait cet album.
– En écoutant toute votre disco, on peut se dire que vous avez cherché à vous mettre en danger sur cet album car il sort totalement les canons traditionnels du groupe.
– C’est vrai, mais comme je te l’ai dit, nous avons aussi voulu laisser notre musique respirer un peu et ne pas l’étouffer sans arrêts derrières des couches successives de claviers, d’orchestre et je ne sais quoi d’autre. Mais je reste persuadé que les personnes qui écouteront cet album vont se souvenir immédiatement de toutes les chansons en un clin d’œil. Tous les journalistes qui l’ont écouté m’ont dit qu’ils n’avaient pas cessé de headbanger (ndr – heu…pas tous Paul, pas tous, désolé). Et c’est ce que nous cherchions à atteindre : quelque chose d’immédiat, de direct. Franchement, c’est très rafraîchissant de jouer de telle choses, de ne pas avoir à me stresser de la complexité des morceaux. Attention, je ne dis pas que ça m’ennuie de le faire, mais jouer des morceaux plus simples m’apporte autre chose. Juste jouer de bon riffs et pas une accumulation de riffs. J’ai vraiment hâte de jouer ces nouveaux titres sur scène. D’ailleurs sur la prochaine tournée, nous allons changer les nouveaux titres sur scène : un soir, nous en jouerons trois puis le soir suivant, trois différents.
– Justement, vu la simplification des nouveaux morceaux, comment allez vous faire la transition sur scène entre l’ancien et le nouveau matériel ?
– Il est évident que nous ne pouvons pas passer sous silence ce que nous faisons dans le passé et nous allons donc devoir piocher intelligemment dans nos vieux titres. Quant à l’infrastructure scénique, nous devons encore discuter avec notre stage manager pour décider de ce que nous allons proposer. Musicalement, il va être intéressant de découvrir comment les nouveaux titres vont se mêler aux anciens sur scène. Ca ne va pas être facile, mais nous savons que nous pouvons le faire.
– Lors des précédentes sorties du groupe, ça semblait vous emmerder un peu de donner des interviews alors que maintenant, vous avez l’air ravis de le faire.
– Tu n’as pas tort. Nous nous sentons libérés de quelque chose. Je ne saurais pas te dire quoi. Tu sais, cette évolution musicale ne s’est faite totalement naturellement (ndr – ben tiens !) au fur et à mesure que nous vieillissons. Tu vois, je n’écoute plus du tout Nymphetamine, alors que je n’arrête pas d’écouter Thornography.
– Tu en viens à dire qu’avant Thornography, vous étiez enferrés dans une sorte de cercle vicieux musical ?
– Je crois oui. Le line-up, tel qu’il était à l’époque, était vraiment branché sur le death-metal, qui n’est pas franchement ma tasse de thé. Ici, il n’y a plus d’influences death, mais plus thrash. Cet album vient vraiment de notre cœur, aussi bien de la façon dont il sonne que de la façon dont nous le jouons, dont nous l’avons produit.
– Depuis les débuts de Cradle, le groupe a toujours été plus ou moins considéré comme un groupe de black, alors que d’album en album et principalement sur Thornography, on peut s’apercevoir que vos racines sont finalement assez éloignées de cette musique, de la Norvège et de tout ce qui va avec, les déguisements mis à part.
– Je vais te dire, depuis le début du Cradle, je n’ai jamais considéré que nous étions un groupe de black metal. Nous n’avons jamais sonné comme Emperor, Burzum ou Dimmu Borgir (ndr – no comment). En revanche, au niveau des atmosphères, nous pouvons être considérés comme un groupe de black. Et encore, simplement à cause des claviers. Et puis franchement, tu n’as pas besoin de jouer stupidement vite ou de sous-produire ton album pour être un groupe de black metal (rires). Nous somme vraiment un groupe de heavy extrême. Je ne tente pas de nous réduire à de simples images. Je serais tenté de dire voilà notre musique, voilà notre album, nous somme Cradle Of Filth et faites vous votre idée.
– Tu considères que vous avez été victimes de votre temps étant donné que vous avez commencé à percer lors de l’avènement du black ?
– Je suppose oui. Il y a quelques temps, nous étions en Grèce pour donner un concert et ensuite, nous nous sommes retrouvés dans un pub pour boire un verre. J’ai rencontré un fan et nous avons commencé à nous engueuler à propos du black pendant trois heures parce qu’il considérait que je ne pouvais pas en jouer car dans la vie de tous les jours, je n’étais pas fringué comme il le fallait (rires). Mais tous ses arguments tournaient autour de ça, du fait qu’un musicien comme moi devait vivre de telle ou telle façon…bref ! J’en suis arrivé à un point ou j’ai réalisé que le plus gros problème était que ce gamin et moi étions de deux générations différentes. En fait, il ne connaissait rien au black, ni à rien d’autre en metal sinon qu’un musicien évoluant dans tel ou tel style devait agir, vivre de telle façon sans en dévier.
– D’ailleurs, tu n’a pas honte, toi un musicien de Cradle, de faire cette interview avec un bonnet sur la tête et d’être fringué en beige et non en noir ?
– (rires). Tu as raison, je suis un imposteur (rires). Et toi, t'as pas honte d'avoir les cheveux courts? (rires)
– Non plus, un partout la balle au centre. Pour finir, si tu devais faire la pub de Thornography en quelques mots, que dirais-tu ?
– C’est un album bourrés de riffs fantastiques, de super harmonies…bref, c’est notre meilleur album qui nous dévoile enfin tels que nous sommes. Si vous aimez le heavy metal, vous devez posséder Thornography. (verison deluxe)
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