Avantasia serait-il en train de prendre le pas sur le groupe officiel de Tobbias Sammet, Edguy ? À écouter ces deux disques sortis coup sur coup et constitués de vingt-deux titres dont certains frôlent les dix minutes, on pourrait croire que le projet solo du leader d'Edguy lui accapare plus de temps et d'attention que le groupe qui l'a pourtant jadis promu comme un des meilleurs chanteurs et compositeurs du metal actuel. Le déséquilibre est d'autant plus étrange que Sammet reste le principal compositeur dans tous les cas. La réponse à nos interrogations se trouve peut-être dans la question des concerts, puisque la musique d'Avantasia, articulée autour de guest-stars extrêmement prestigieuses (et occupées), est difficile à reproduire sur scène, du moins dans sa configuration originelle (Avantasia a toutefois réussi à fouler les planches il y a deux ans).

Or, la difficulté de réellement monter sur scène a au moins une retombée positive : Tobbias Sammet est ici totalement libre de laisser courir son imagination et sa créativité. Au final, ces deux nouveaux disques attesteront que, sur le fond, Avantasia est plus créatif qu'un Edguy toujours sympathique – comme sur son dernier opus – mais, à mon avis, désormais très loin de ces réussites totales qu'étaient Theater of Salvation et Vain Glory Opera.

Revenons à ce diptyque, The Wicked Sympony et Angel of Babylon, qui se propose de clore la saga lancée par Avantasia sur l'excellent The Scarecrow, achevant l'histoire de cet homme épouvantail – allégorie de la solitude, en pleine quête existentielle. La première remarque est que ces deux nouveaux disques ne renouent que ponctuellement avec le metal symphonique des deux premiers essais d'Avantasia et que la musique reste toujours aussi accessible ; il est d'ailleurs significatif que Michael Kiske ait moins de place qu'un chanteur très typé hard rock classique comme Jorn Lande. Comme Jorn Lande a rarement aussi bien chanté qu'ici, on ne regrettera pas ce choix.

Sans complètement renier cette veine du heavy symphonique qui reste ainsi présente sur un bon tiers des morceaux, l'Avantasia actuel reste indéféctiblement varié. Sammet alterne donc les morceaux de metal speedés (« Scales of Justice » qui accueille un Tim « Ripper » Owen, excellent ici) ; les grandes fresques heavy symphonique (« The Wicked Symphony » et « Stargazers », tous les deux en ouverture de disque) ; les morceaux de hard mélodique très orientés radio (écouter le duo avec Klaus Meine, « Dying For Angel » qu'envirait bien le Scorpions actuel ou l'excellent « Your Love Is Evil », avec des chœurs somptueux à la Journey) ; et les morceaux relevant en fait d'un « pomp hard rock » de très bon acabit (« Death Is Just A Feeling », qui nous voit surpris par un Jon Oliva renouant avec les meilleures heures de Savatage). Avantasia touche aussi au metal gothique à chanteuse grâce à Claudy Yang, qui transcende un « Symphony of Life » de haute tenue.

À la croisée de ces orientations, Avantasia propose aussi des titres combinant avec bonheur les influences, comme ce « Runaway Train » de très belle facture, qui s'inspire un peu de ce que pourrait faire de meilleur un Meat Loaf en pleine forme. Le majestueux « Journey To Arcadia » au refrain entêtant chanté par un Bob Catley ici incontournable, relève un peu de la même direction.

Ne serait-ce l'alternance toujours aussi prononcée (et, il faut le dire, remarquablement agencée) des chanteurs, on ne serait en effet souvent pas loin d'un Meat Loaf, en, évidemment, beaucoup plus heavy et délesté de ses ballades (même si elles ne sont pas totalement absentes – écouter la plutôt réussie « Blowing Out The Flame »). La comparaison ferait peut-être sursauter Tobbias Sammet qui se pose souvent en parangon du metal classique, mais il est sûr que cette nouvelle trilogie l'en a, sur certains points, peut-être un peu éloigné… pour mieux le réinventer. Et avec quel brio !

Baptiste (9/10)

 

Site Officiel: http://www.tobiassammet.com/

Nuclear Blast / 2010

The Wicked Symphony – Tracklist (60:38) : 01. The Wicked Symphony 02. Wastelands 03. Scales Of Justice 04. Dying For An Angel 05. Blizzard On A Broken Mirror 06. Runaway Train 07. Crestfallen 08. Forever Is A Long Time 09. Black Wings 10. States Of Matter 11. The Edge

Angel Of Babylon – Tracklist (58:59) : 01. Stargazers 02. Angel Of Babylon 03. Your Love Is Evil 04. Death I Just A Feeling 05. Rat Race 06. Down In The Dark 07. Blowing Out The Flame 08. Symphony Of Life 09. Alone I Remember 10. Promised Land 11. Journey To Arcadia