Faire danser les alligators sur une flûte de pan est un pari difficile. Risqué même. Peu y arrivent, certains s'en approchent, d'autres l'ont fait ; Glaciation est de cette trempe. Ce projet est une ode au métal noir. Ce qu'il était, ce qu'il aurait dû être, pour toujours, pour jamais… 1994 – 2011 du métal roi au métal rat. Redonner ses lettres de noblesse à un genre qui depuis tout ce temps ne semblait être qu'un ballet sans musique, sans personne sans rien. Tout cela n'avait plus de sens, tort ou travers. Il était temps de remettre les pendules à l'heure.

La première mise au poing commence par l'artwork. Un petit atelier de couture, en somme. Le groupe rend à sa façon un hommage aux vestes à patchs. Burzum, Immortal. Mille neuf cent quatre vingt quatorze, tu comprends  ?
C'est ça mettre sa peau sur la table au propre comme au figuré. Investissement total, concept global. Et cela se confirme une fois l'EP lancé.

La musique débarque, puissante en tout, et avec rage, le chant couinant fort… une déferlante. À la batterie un groove inégalable. Ça swingue. Vous dire merde ce n'est rien, vous botter le cul c'est tout autre chose. Un talent indéniable se dégage au fil des notes. C'est glacial et plein de maîtrise. Car oui, le souffle froid qui anime Glaciation n'est pas un souffle d'enculés, c'est un souffle de FRANÇAIS, un souffle qui éparpille tes ratiches sur le sol. "1994", le titre éponyme, parade tout giclé d’un bout à l’autre, écarlate en délire. La batterie claque comme des gifles au milieu de riffs puissants, tournoyants. À l'ancienne, mais tellement innovant. Le temps béni du maquillage et des incendies. Des chœurs montent alors en traînées tremblantes jusqu’aux premières étoiles. C'est là que notre mère interrompt la danse, car le populo veut bâfrer et râler… et puis il roule aussi, une auto, une famille, ils bâfrent des nouilles. La lourdeur… qui rend infirme… À ce moment mes tripes se répandent en sanglots, le sample disparaît. Louis retourne au ciel. La gigue furieuse reprend de plus belle. Elle ira rythmer en Français, sur ta tombe. Car OUI les textes sont intégralement en français. Quand on sait que cette langue est une petite putain à manier dès qu'il s'agit de musique c'est vraiment cool que ça sonne aussi juste. Une plume précise et incisive. Puis des arrangements plus légers font sortir la tête de la brume quelques instants, et c'est repartit, à l'époque des catalogues de VPC, des tirages limités, du grand Nord. Quand tu penses que le second morceau "Glaciation" touche à sa fin, il sursaute, et assène un coup mortel. Ça s'accélère, encore une fois pour bien t'écraser sur le pavé et botter toujours plus de culs.
Enfin, vient le moment de retrouver le chant de l'âme, contempler les ruines derrière nous. "Eus (Notre rechute)" marque un tournant  ; que les petits experts tranchants, affranchis, marmousets morve au nez risquent de ne pas aimer. Mais ceux qui n'ont pas de goût ont tout de même un derrière, c'est par là qu'ils doivent réfléchir. On dirait Notre-Dame qui brûle, comme… comme, non, tu sais à quoi je pense.

Au final la cohérence est absolue, l'EP est mis en valeur par une production de très haut niveau, un grand cru pour les oreilles.
Bref les mensonges remplissent les rayons, fi de ce putanat, achète, fonce, la médiocrité ambiante m'insupporte, supporte cloporte.

Ymishima (09/10)

No Contact / Tour de Garde / 2012

Tracklist (33:50) : 1.1994 2. Glaciation 3. Eus (Notre rechute)