Helloween – Keeper Of The Seven Keys Part I
Posted by BaptisteSep 4
S'il y a bien un chef d'œuvre dans la discographie d'Helloween et plus globalement dans la pléiade de disques de speed mélodique, le voilà assurément. Plus généralement, on peut dire que Keeper Of The Seven Keys Part I est du niveau des grands disques d'Iron Maiden et de Judas Priest. Son successeur, Keeper Of The Seven Keys Part II, reste aussi de haute volée mais affiche quelques titres faibles que ne contient pas la première partie.
Pourtant, réussir un sans faute après un premier disque aussi prometteur que Walls Of Jericho, n'était pas si évident pour le groupe de Kai Hansen. Une première difficulté tenait à un bouleversement dans la composition du groupe. Car à la suite de l'enregistrement du single « Judas » et de nombreuses tournées, Hansen choisit d'abandonner le chant pour se consacrer entièrement à la guitare. Et il ne s'agissait pas de lui trouver un ersatz : à l'écoute du titre « Queen Of The Reich » de Queensrÿche, le groupe décida d'opter pour un chant beaucoup plus lyrique et mélodique. Deux pistes se dégageaient : celle de Ralf Scheepers que soutenait Kai Hansen et celle d'un tout jeune homme, âgé de 18 ans, Michael Kiske, qui avait les faveurs de Weikath. Ce fut finalement Kiske qui fut choisi, l'histoire racontant que Weikath dut déployer des trésors de conviction pour lui faire accepter de quitter son groupe de l'époque Ill Prophecy. Hansen n'oubliera pas pour autant Scheepers qu'il recontactera plus tard pour lancer Gamma Ray.
Un choix de chanteur déterminant
Le choix de Kiske aura des conséquences à court et à long terme décisives pour le groupe. À long terme, l'ego du jeune chanteur accélèrera l'éclatement du groupe au tournant des années 90. Mais à court terme la voix formidable du chanteur blond va permettre de négocier un tournant musical qui fera de Helloween une des plus grandes figures du heavy européen. Même si Kiske ne chantera que quatre albums avec les citrouilles, sa voix extrêmement lyrique, à la fois puissante et mélodieuse, dotée d'une incroyable tessiture de quatre octaves, influencera toute une cohorte de chanteurs dans les années 90 (Tobbias Sammet, Andre Matos et j'en passe). Si certains lui reprocheront d'avoir dénaturé le groupe, Kiske et sa voix conservent énormément de fans qui ont évidemment frémi lorsqu'ils purent entendre son nouveau projet sérieux, Unisonic, après des années de semi-retraite.
La voix de Kiske tranche notamment sur un point : si elle est puissante et vigoureuse, elle n'est pas franchement agressive et se prête ainsi à des compositions plus mélodiques. Elle était donc parfaite pour donner une crédibilité à un tournant dans l'orientation musicale de Helloween. Le groupe décida d'abandonner une partie des éléments thrash que l'on pouvait trouver sur Walls Of Jericho pour peaufiner une musique assurément rapide et heavy, mais plus proche des horizons du Iron Maiden de Powerslave que du Metallica de Ride The Lightning.
Kai Hansen totalement aux commandes
Une deuxième idée taraudait Hansen et les siens : proposer un double album, structuré autour de deux pièces musicales très longues et épiques, narrant un récit nimbé d'heroic fantasy. Ce seront les réticences de Noise, leur maison de disque, qui leur imposèrent de scinder en deux parties Keeper Of The Seven Keys. Au final, on peut juger que ce fut sans doute une bonne chose car les deux disques ont des spécificités propres qui, mélangées, auraient sans doute rendu l'ensemble un peu confus.
Michael Weikath souffrant d'une dépression nerveuse qui l'empêcha de participer de manière significative à la composition au delà d'un seul titre, la très belle ballade « A Tale That Wasn't Right », c'est Kai Hansen qui prit en charge la composition de la première partie de Keeper of The Seven Keys. Il se chargera aussi de toutes les guitares rythmiques, tant Weikath était mal en point. Outre, la ballade sus-citée et un bon titre proposé par Michael Kiske, « A Little Time », démontrant des capacités de compositeur qu'on lui a trop souvent déniées, toutes les autres compositions sont signées par Kai Hansen. Et elles sont en elles-mêmes des classiques : du furieux « I'm Alive » en ouverture avec son refrain de folie et ses solos somptueux, en passant par le tube par excellence d'Helloween, « Future World » jusqu'au magistral « Halloween » qui clot (presque) l'album, Hansen marque de son empreinte totalement le disque.
Si réussir à insérer dans un album avant tout épique et lyrique, quelque chose d'aussi sautillant et gai que « Future World », sans déséquilibrer l'album tenait déjà de la gagueure, ce sont les treize minutes d'« Halloween » qui forcent mon admiration. Sur ce titre, nous sommes à la lisière du progressif, tant la construction en tiroir, les envolées techniques et lyriques, les embardées soudaines et nerveuses font de ce titre un chef d'œuvre du heavy. Si un clip en garantit la popularité, il faut lui préférer la version complète et non tronquée qui lui confère toute sa splendeur. L'histoire racontée commence lors d'une fête d'Halloween qui bascule dans le fantastique et le merveilleux, lorsque son personnage principal, ouvrant une porte mystérieuse, se voit proposer de devenir le « gardien des sept clés » et le sauveur de l'humanité. La fin de la quête du gardien trouvera sa conclusion (temporaire) sur l'opus suivant, lors du morceau éponyme, lui aussi doté de treize minutes.
Chant et production à l'unisson
Le deuxième homme fort de l'album est de manière inattendue Michael Kiske : voici un jeune homme de tout juste 19 ans propulsé au devant de la scène métallique, qui fait plus que jouer honnêtement son rôle sans trembler. Car Kiske imprègne de son talent tout le disque, se livrant à des acrobaties vocales étincelantes (écouter le refrain de « A Tale Wasn't Right » ou surtout celui de « Twilight Of The God »), mais aussi proposant des lignes vocales ensorcelantes et totalement fédératrices. Les refrains de « Future World » ou d'« Halloween » sont sur ce point exemplaires. Pour ne rien gâcher, Kiske se révèlera très à l'aise sur scène, dégageant un gros charisme. On comprend les conflits d'ego qui se déclareront par la suite.
Le troisième homme est plutôt un binôme : Tommy Newton et Tommy Hansen à la production. Si Noise avait rechigné à sortir un double album trop risqué commercialement, le label germanique était conscient du potentiel d'Helloween. Avec de conséquents moyens, les deux Tommy aux manettes donnèrent au disque un son très bon pour l'époque : puissant, nerveux et clair. Le soutien du label s'étendit aussi au support lui même : les efforts de design parsemant de citrouilles marrantes le vinyl de l'époque, sont évidents. Les effets ne se firent pas attendre car Helloween vendit 100 000 copies de son disque en Allemagne en l'espace de huit semaines.
Pour une fois, le succès commercial ne faisait que rendre justice à une démarche musicale exemplaire : novatrice, ambitieuse et fédératrice, la musique ce Keeper of the Seven Keys Part I allait changer la face du metal. Tout ce qu'ont pu écrire les Stratovarius, Angra ou Edguy dans les années 90 provient de là, tout simplement.
Baptiste (10/10)
Noise / 1987
Tracklist (37:08) : 1. Initiation (1:19) 2. I'm Alive (3:23) 3. A Little Time (4:00) 4. Twilight of the Gods (4:30) 5. A Tale That Wasn't Right (4:44) 6. Future World (4:03) 7. Halloween (13:20) 8. Follow the Sign (1:47)
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