Il faut être clair : Helloween, plus de vingt-cinq ans après sa formation, capitalise encore sur ses trois premiers albums, à savoir Walls Of Jericho, Keeper of The Seven Keys part I & part II. C’est-à-dire sur un tronçon de carrière ne dépassant pas les cinq-six ans. Après le départ retentissant de Kai Hansen en 1989, la carrière des Teutons n’a plus jamais été la même. Même si l’intégration de Andi Derris en 1993 succédant au vocaliste évincé, Michael Kiske, a permis au groupe de retrouver une certaine popularité auprès des fans très mécontents du tournant opéré sous l’égide de Kiske sur Pink Bubbles Go Ape (1991) et Chameleon (1993), nous sommes très très loin de l’aura qu’avait Helloween lorsqu’il triomphait aux Monsters of Rock en 1988. Et il y a tout lieu de penser que cela va durer.

Un rôle un peu à part

Dans la trilogie mythique, Walls Of Jericho tient un rôle un peu à part. Tout d’abord car le groupe n’était pas encore un quintet mais un quartet, Kai Hansen tenant le micro. Son chant est bien plus brut et moins lyrique que celui de Kiske. Assez particulier, il participe d’une identité aussi spontanée que fougueuse que le groupe perdra très vite par la suite du fait des qualités techniques de son successeur. Ce chant était en fait adapté à une musique bien plus heavy que ce que proposera le groupe dès Keeper Of The Seventh Part I (1987).

Le speed mélodique dont le groupe se fera le plus illustre représentant était encore assez mâtiné d’éléments thrashy qui seront écartés par la suite. D’ailleurs très longtemps en concert, le groupe s’est contenté de ne jouer comme extrait de cet album que « How Many Tears ». J’ai souvenir d’interviews données lors de la sortie de Chameleon dans lesquelles le groupe renvoyait le fan amateur de « Ride The Sky » et tutti quanti à Gamma Ray, censé être le vrai héritier de la première époque du groupe. Depuis ce morceau ainsi quelques autres ont refait surface dans les set-lists du groupe, Weikath sentant bien qu’il est important de satisfaire les fans qui le suivent toujours lui et ses citrouilles.

Agressivité et fougue

Ce sont à mon avis des questions extra-musicales qui expliquent largement que cet album ait été délaissé par le groupe après 1989 et non des raisons artistiques. Ce qui gênait Kiske et les siens n’était pas la qualité indéniable des compositions du tandem Hansen/Weikath mais l’agressivité et la fougue affichées. Les éléments de « happy metal » que j’ai trouvés de plus en plus envahissants par la suite sont tout simplement absents ici, à l’image de la pochette que n’aurait pas reniée les tenors du thrash de l’époque. Le géant à tête de citrouille (Fangface) détruisant les murs de Jéricho était sans doute maladroit dans sa représentation picturale mais sans doute pas rigolo. Ces éléments « fun » n’auraient pas eu leur place sur une musique beaucoup thrash : certains riffs de « Ride The Sky », « Phantom Of Deah » ou « How Many Tears » auraient tout à fait pu être écrits pour le Kill ’em All de Metallica. Il est d’ailleurs significatif que les refrains, bien que toujours réussis, n’apparaissent dans les chansons que tardivement (« Reptile », « Heavy Metal (is The Law) »), le groupe cherchant manifestement à mettre en valeur ses qualités musicales et techniques, qualités évidemment patentes sur les longs solos mélodiques qui seront d’emblée une marque de fabrique (écouter notamment les longues parties solo de « Phantom Of Death »).

Car malgré une production assez brute au mixage très contestable et les limites du chant de Hansen, il faut reconnaître que les musiciens d’Helloween étaient déjà très maîtres de leur propos qu’il avait déjà pu étrenner sur leur mini LP intitulé « Helloween » et sorti un peu plus tôt. Les qualités de guitaristes duettistes de Hansen et Weikath sont connus, mais c’est rétrospectivement le niveau d’Ingo Schwichtenberg (batterie) et de Markus Grosskopf (basse) qui m’impressionne le plus. Le jeu de Grosskopf est notamment mis en valeur par une production très généreuse pour son instrument (« Guardians »).

Une coexistence harmonieuse

Quant aux chansons en tant que telles ? Toutes sont bonnes mais quatre sont exceptionnelles : « Ride The Sky », « Phantom of Death », « Guardians » et « How Many Tears ». Ces quatre là sont de pure hymnes de heavy speed mélodique. « Gorgar », « Reptile » ou « Metal Invaders » sont un cran en dessous mais restent toutefois extrêmement attachantes et n’ont rien du statut de « crypto face B ». Je les aime toutes. Signalons que par son côté fédérateur le faux live « Heavy Metal (Is The Law) » est à mi-chemin entre ces deux groupes de chanson. Personnellement un grand frisson me saisit toujours à l’écoute de l’incantation métallique de Hansen sur ce morceau (je cite « Heavy Metal is the law that keeps us all united free / A law that shatters earth and hell »). On remarquera que la coexistence difficile entre Hansen et Weikath qui éclatera en 1989 n’était alors pas de mise : les crédits se répartissaient alors de manière égale entre les deux guitaristes, Weikath accouchant de deux brulôts avec « Guardians » et « How Many Tears » (un titre qui par son ambition préfigure les morceaux épiques des deux Keepers).

J’ai un rapport assez sentimental envers un album que j’ai écouté à plus soif lorsque je l’ai découvert vers 1991. Seul mon soucis d’objectivité m’incite à reconnaître des défauts évident : Walls Of Jericho est peut-être culte et attachant mais encore brut et parfois naïf. M’est avis toutefois que seul un très bon disque peut susciter de tels sentiments d’attachement, plus de vingt-ans après sa sortie. Ce constat ne remet toutefois pas en question le choix de Michael Kiske comme nouveau chanteur en remplacement de Kai Hansen. La carrière d’Helloween est aussi riche de ses discontinuités.

Baptiste (08,5/10)

Noise / 1985

Tracklist (40:50) :  1. Walls Of Jericho (intro) 2. Ride The Sky 3. Reptile 4. Guardians 5. Phantoms Of Deah 6. Metal Invaders 7. Gorgar 8. Heavy Metal (Is The Law) 9. How Many Tears